Association des anciens combattants du canton de Gavray-Section de Gavray

Association des anciens combattants du canton de Gavray-Section de Gavray

"Le chant des Partisans" dans la Manche en 1940


L'INVASION DE JUIN 1940

(cliquer sur l'image pour écouter le chant des partisans)

Depuis le début du mois les mauvaises nouvelles s'amoncellent ; les bombardements de la région cherbourgeoise par l'aviation allemande sont plus fréquents et plus massifs. les trains sont mitraillés, les réfugiés du Nord et du Pas-de-Calais venus par mer affluent par milliers. Le 9 juin, dans tout le nord du département on a remarqué le gros nuage noir provenant de l'incendie des dépôts de carburant du Havre. La ligne de front tiendra-t-elle sur la Seine ? si non, sur l'Orne et la Sarthe ?


Chacun s'attend à l'invasion allemande dans peu de jours et assiste avec angoisse au repli précipité vers Cherbourg de l'armée anglaise abandonnant fusils-mitrailleurs, grenades, révolvers, bidons d'essence, que s'empressent de récupérer et de camoufler quelques civils dans l'espoir que, peut-être, ce matériel pourra servir un jour.

Beaucoup de familles de la Manche tentent de fuir vers la Bretagne ou les pays de la Loire ; elles devront vite y renoncer devant le formidable embouteillage des routes balayées par les mitraillages meurtriers de l'aviation ennemie, et Leur exode ne pourra guère dépasser Laval et Rennes.

Il n'y a plus d'armée française : seuls des groupes épars, sans commandement, errent et cherchent à se camoufler dans les bois pour éviter d'être capturés. Certains, peu nombreux, gagnent les côtes nord et ouest du Cotentin dans l'espoir, hélas ! vain, d'un repli vers l'Angleterre. C'est ainsi que le 16 juin, André LEBOULENGER et six de ses camarades se trouvant à Cosqueville, font réquisitionner par le maire la barque de pêche du patron François LEBAS (qui plus tard servira dans la Résistance), et s'éloignent à force de rames vers le large. Ils sont recueillis par le navire anglais " Le Gladiolus " et versés comme matelots à bord du cuirassé " Courbet " dont les obus arrosent le 18 juin les routes du Cotentin pour tenter d'entraver l'avance des colonnes allemandes se dirigeant vers Cherbourg.

Douze soldats anglais pour la plupart, aidés par les pêcheurs et les frères Gilbert et Raymond VEDY, qui mettent à leur disposition une vedette désaffectée, s'embarquent, les 17 et 18 juin, au petit port de Diélette pour gagner les îles anglo-normandes. Un autre militaire anglais, réfugié chez LEJEMMETEL, à Omonville-la-Petite, peut rejoindre son pays, grâce à la mise à sa disposition. par son hôte, de son propre bateau. Un autre officier anglais en fuite, se croyant à Jersey, aborde la côte à Digulleville. Hébergé, réconforté et nourri par Mme BOUJU, il regagne le rivage et réussit à s'éloigner vers l'Angleterre.

C'est le 17 juin que les Allemands, précédés de quelques estafettes motocyclistes, pénètrent dans le département de la Manche, et occupent Saint-Lô puis Coutances vers 20 heures.


Cependant à Cherbourg et dans le Nord-Cotentin, on ne note aucun affolement. Ainsi, ce 17 juin a lieu à Equeurdreville la session d'examen du Certificat d'études primaires, à l'école des garçons. Les avions allemands passent en rase-mottes au-dessus du bâtiment : aucun abri n'existant, maîtres et candidats n'ont d'autre ressource que de se plaquer contre les murs de cette école.

Le lendemain 18 juin, alors que les ouvriers de l'Arsenal ont été congédiés, des enfants de Cherbourg sont réunis à l'école de la rue au Blé pour un examen analogue, à 8 heures ! Une demi-heure plus tard un agent de police vient demander à l'Inspecteur de désigner les instituteurs ayant accompagné leurs candidats, pour assurer la garde des bâtiments publics. C'est l'auteur de cette étude qui est chargé d'établir la répartition, lui-même s'étant désigné pour la Sous-Préfecture. Il trouve l'immeuble désert : ni concierge, ni employés, ni Secrétaire général, ni Sous-préfet ! Entrant dans le bureau de celui-ci, il voit sur la table, la copie d'un télégramme du Commandant de la Place :

Rendre Cherbourg après un simulacre de résistance "

Soudain, vers 9 h 30, les agents de ville parcourent les rues, donnant l'ordre d'évacuation de toute la population sur les hauteurs dominant la ville... c'est-à-dire... à la rencontre des troupes allemandes !

Les troupes ennemies n'ont cependant pu s'emparer de la presqu'île sans coup férir. Sur toutes les routes d'accès, des groupes de fusiliers-marins, appuyés de quelques canons de 75, arrêtent les avant-gardes ennemies : sur la route Paris-Cherbourg, aux ponts d'Ouve, près de Carentan, les obligeant à se diriger vers l'ouest où elles se heurteront à une héroïque résistance à Saint-Nicolas-de-Pierrepont, à la Sangsurière (au sud de Saint-Sauveur-le-Vicomte) et au passage à niveau de Denneville.

Les colonnes blindées allemandes, venant de Bricquebec et des Pieux, atteignent le 18 juin à l'aube, les abords sud-ouest de la place forte de Cherbourg. Celle-ci n'est couverte que par quatre " compagnies de passage " du dépôt de Cherbourg, sous les ordres du chef de bataillon BINDEL ayant pour adjoints le lieutenant Julien FLEURY et le lieutenant Albert MOTHAY, chef du service de santé.

Le dispositif de défense s'étend du fort de Flottemanville-Hague, à Side-ville et au pont de Martinvast, avec pour seul armement : deux canons de 75 installés face à la route de Bricquebec et quelques fusils-mitrailleurs. Malgré ces piètres moyens la petite troupe arrête une attaque allemande venant de la route des Pieux et les canons, servis par les marins sous les ordres de l'enseigne de vaisseau Pierre LEVY, détruisent plusieurs chars allemands arrivant par la route de Bricquebec.

Mais, dans la matinée la situation devient intenable. D'ailleurs l'ennemi a contourné la position à l'ouest par Sainte-Croix-Hague. Querqueville, Equeurdreville et les troupes du général ROMMEL sont à l'entrée ouest de Cherbourg.

Désirant éviter la destruction de la ville, celui-ci charge deux civils Henri HERVIOU, employé à l'hôpital maritime et Armand THEREUX, de se rendre à l'état-major de l'amiral LE BIGOT, préfet maritime, pour exiger la reddition de la place avant 11 heures. Sur leur demande, les deux messagers obtiennent de Rommel un délai supplémentaire d'une heure. Ils se présentent à la porte nord de l'Arsenal afin d'obtenir le contact avec le commandant français, mais ils doivent renoncer à leur mission, devant le feu nourri des mitrailleuses. C'est alors que ROMMEL, gardant THEREUX comme otage, enjoint à HERVIOU de faire une nouvelle tentative à la porte centrale de l'Arsenal. Il y rencontre le député Léon VAUR et le commissaire central de police CANIEZ. Munis du drapeau blanc, ils se présentent ensemble à l'entrée du pont détruit, devant la porte de l'établissement militaire. Sur le refus de l'officier français de discuter, HERVIOU rentre à Equeurdreville, laissant aux deux parlementaires le soin de convaincre l'amiral LE BIGOT de cesser toute résistance.

Si le cessez-le-feu prend effet dans l'Arsenal, ce 18 juin à 14 h 30. ce ne sera que le lendemain que les forts de la digue et la forteresse du Roule, défendus héroïquement par une poignée de marins sous le commandement du capitaine de frégate de ROBIEN, devront cesser le combat après épuisement de toutes leurs munitions. Le général ROMMEL rendra à ces hommes les honneurs de la guerre en leur évitant une humiliante capitulation



JUIN 1940

PREMIÈRES MANIFESTATIONS DE LA RÉSISTANCE

Malgré la stupeur provoquée par la rapide victoire de l'ennemi, c'est dès le 19 juin, alors que le nouveau chef du gouvernement le maréchal PETAIN demande aux Français de cesser le combat, que l'on note une des premières actions spontanées d'hostilité aux Allemands. Trois jeunes gens Georges ALLIX et les frères Louis et Jean LAISNEY, en exode vers le sud, se dissimulent dans un bosquet, à Mortain, et attaquent à la fronde un éclaireur motocycliste allemand qui est désarçonné et blessé.

Ce geste, qui peut paraître puéril et vain, dénote cependant un état d'esprit d'hostilité contre l'occupant et une manifestation du refus d'accepter l'armistice demandé par les partisans de la capitulation.

Les évasions par mer. Ce désir de continuer la lutte se manifeste pendant toute la seconde décade du mois de juin par l'évasion de militaires et de jeunes gens désirant rejoindre l'Angleterre, en gagnant, en barque, l'île britannique de Jersey à 30 km à l'ouest du rivage français. Malgré la présence des Allemands dans les ports, plusieurs d'entre eux réussiront et rejoindront, à l'appel du général de GAULLE, les Forces françaises libres.

Le 20 juin le lieutenant de vaisseau CHARRIER s'évade de l'école de La Haye-du-Puits où il est prisonnier, arrive à Muneville-le-Bingard où il est accueilli et revêtu de vêtements civils par le forgeron du village Albert OURSELIN, qui lui indique le chemin à suivre pour gagner Granville par la côte. Un pilote de cette ville, LETOUZEY, lui trouve une embarcation dont le propriétaire, LAPIE, consent à le conduire aux îles Chausey le 23 juin. Là, revêtu de son uniforme, il réquisitionne une embarcation qui accoste à Jersey ce même jour.

De Granville, le marin pêcheur Jules LEPRINCE organise sous les ordres du professeur Maurice MARLAND, l'évacuation des civils et militaires. Il accomplit pendant cette période 5 voyages successifs, à Jersey, soustrayant ainsi 150 personnes au joug allemand, dont 30 à 40 jeunes qui serviront dans les Forces françaises libres. Malheureusement l'un d'eux Marcel MAUDUIT âgé de 18 ans est mortellement blessé le 27 juin par un bombardement de l'aviation allemande.

Le 22 juin, le capitaine de frégate Thierry d'ARGENLIEU, lui aussi, en captivité à La Haye-du-Puits s'évade du convoi d'officiers prisonniers que l'ennemi amène à Saint-lô.

Un paysan Pierre LE CORRE lui procure des vêtements d'ouvrier agricole et l'accompagne jusqu'à Bolleville sur la route de Carteret où le militaire a des amis sûrs. Il est accueilli le soir même et hébergé par les soins de Mademoiselle DESMARES. Ses hôtes le mettent au courant de l'appel à la Résistance lancé par le général de GAULLE. Bien que ne connaissant pas ce général, Thierry d'ARGENLIEU prend la décision de le rejoindre en Angleterre.

A cet effet. il est conduit chez M. Paul PORET dont l'habitation est plus près du port et son nouvel hôte sollicite le concours du pêcheur Émile VALMY qui accepte le risque d'assurer la traversée de l'officier, mais aussi celle de trois artilleurs en civil échappés de la forteresse de Cherbourg.

Au milieu de la nuit du 24 au 25 juin. les quatre passagers se dissimulent sous le plancher malgré l'exiguïté de la cale et le matin le départ a lieu sans encombre favorisé par un banc de brume qui cachait le navire aux observateurs côtiers et aux patrouilles d'avions. A 11 heures, la barque accoste dans le petit port de Gorey arborant fièrement le pavillon français que Thierry d'ARGENLIEU embrasse avec ferveur.

Pendant que VALMY regagnait Carteret comme s'il rentrait de la pêche, le dernier bateau quittant l'île de Jersey pour l'Angleterre appareillait dans la nuit du 25 au 26 juin.

D'autres évasions eurent lieu de Carteret vers l'Angleterre pendant les quelques jours suivant l'invasion de la presqu'île. Ainsi trois soldats sénégalais réfugiés à La Haye-d'Ectot, dans le bois de la Taille ravitaillés par Armand FEREY, cultivateur à Saint-Jean-de-la-Rivière, furent conduits par celui-ci et le gendarme LEBOISSELIER jusqu'à la plage où une barque était mise à sa disposition par un pêcheur ami. Les trois soldats, dont un connaissait la navigation, se sont embarqués pour la direction de Jersey.

A Agon-Coutainville, c'est le pêcheur Léon LEGRAVEREND qui, avant l'occupation de l'île de Jersey, assure le passage de plusieurs jeunes gens désireux de rejoindre les Français Libres. Ainsi le 27 juin, sont rassemblés depuis quelques jours dans la ferme de Victor JOSSELIN dans les " Miches " de la pointe d'Agon, deux soldats anglais et les jeunes : Pierre LEMASSON, Lucien MOUSSEAU, DUVAL, LETELLIER, RENOUX, JERUSALEM.

Afin de ne pas donner l'éveil, ils avaient, comme il était convenu, pris contact, deux par deux, au café GUILLOT situé au " Passous " à Coutainville. Muni de cinq bidons d'essence fournis par Victor JOSSELIN, le pêcheur Léon LEGRAVEREND embarque le soir, à 21 h 30 les passagers qu'il amène à Jersey. Il rejoint la côte française le lendemain 28 juin. C'est alors que d'autres jeunes, venant de Saint-Lô Jacques GIROD, Bernard AGNES, se présentent à Agon pour rejoindre la " France Libre ". Mais LEGRAVEREND ne pouvant partir que le surlendemain, la tentative échoua, les Allemands ayant occupé l'île de Jersey le 29 juin.

A Carteret, le soir du 28 juin, trois jeunes gens, Henri LETOURNEUR, André COURVAL et Clément MILLET, gagnent individuellement la barque

Marie-Georges " du patron pêcheur Émile VALMY qui a promis de les conduire à Jersey. Ils s'allongent dans la cale étroite sans être remarqués par une patrouille allemande qui s'arrête sur le quai, en face du bateau, vers minuit. Peu après, la barque pilotée par VALMY appareille et dépose le 29 juin, à 6 h 30, les trois clandestins dans le port de Gorey. Hélas ! Toutes communications avec l'Angleterre sont rompues, I'île est occupée ce même jour par l'armée allemande ! Les trois jeunes gens seront obligés de se cacher et de vivre à l'aventure jusqu'au 29 août où ils réussiront à s'emparer, à 23 h 30, d'une barque à moteur, dans le petit port de Rozel. Gagnant le large à la godille pour éviter le bruit, ils parviennent à traverser la Manche sans encombre et arrivent le 30 août au soir au port de Darnouth, en Cornouaille, où ils sont accueillis chaleureusement par les Anglais. On ne saurait trop admirer la ténacité et la détermination de ces trois jeunes qui serviront pendant toute la guerre dans les Forces françaises libres.

NAISSANCE DES PREMIERS GROUPES DE RÉSISTANCE

Il est impossible de suivre une chronologie rigoureuse pour fixer l'époque de la création et de l'implantation des Mouvements de Résistance. Ils se sont, en effet, constitués de façon sporadique, peu à peu, sous l'impulsion de patriotes refusant d'accepter la défaite, la perte de la liberté et le nouveau régime. C'est au cours de conversations particulières sur les événements que naît une volonté commune de résister à l'occupant, sans avoir bien conscience encore de ce qu'il serait possible de faire.

C'est à Granville que naissent presque simultanément les premières ébauches de groupes constitués qui deviendront les Réseaux et les Mouvements de Résistance, les premiers étant en relations avec Londres par postes émetteurs, les seconds étant des groupes rassemblant des personnes de toutes opinions décidées à s'opposer et à nuire à l'armée d'occupation ennemie par tous les moyens appropriés.

LE GROUPE MARLAND

Dès juin 1940, Maurice MARLAND, professeur à l'École primaire supérieure de Granville, avait assuré, aidé par le marin Jules LEPRINCE, le départ vers Jersey, des militaires anglais. Certains d'entre eux qui, en 1920, avaient servi en Pologne avec lui dans les services de renseignements. lui laissèrent un poste émetteur qu'il réussira à camoufler successivement chez des amis sûrs.

Autour de MARLAND, très estimé par la population granvillaise, se crée, dès l'arrivée des Allemands, un groupe de personnes, partageant les mêmes affinités, sans autre but précis, que d'entretenir le sentiment patriotique, de refuser toute relation avec l'occupant et, si possible, de contrecarrer adroitement ses initiatives et ses projets. Beaucoup de patriotes granvillais se sont réclamés de son groupe, mais nous ne pourrons citer que ceux dont l'action est notoirement connue.

Dès la première heure, c'est Charles HUBERT qui est le lieutenant de MARLAND, son adjoint dévoué puis Jules DESMONTS, directeur de l'École primaire supérieure, Jules MUTELLE, agréé au Tribunal de commerce, Lucien FINCK, chef d'atelier de la Fonderie, qui s'est empressé de dissimuler le stock de bronze de l'établissement pour le soustraire à l'ennemi, le notaire Robert BARDON, le négociant Léon NICOLLE qui, possédant un permis de circuler dans la région, est un agent de liaison et de propagande efficace, le charcutier MAUDUIT.

Mlle Juliette DAUMEL, confidente de MARLAND, est la très dévouée secrétaire du groupe chargée de centraliser, dans sa petite maison de commerce de la rue aux Juifs, près du domicile de MARLAND les renseignements recueillis. Raoul GAUDET, devenu interprète à la Ortskommandantur, joue un rôle primordial en prévenant assez tôt les membres du groupe des intentions de répression de l'ennemi. Des jeunes, anciens élèves de MARLAND, Edmond FINCK, élève à l'école normale de Saint-Lô, Roger DUTERTRE. Yves COLIN, Georges RONCERAY, employé à la mairie, sont d'efficaces agents de liaison.

Sur le conseil de MARLAND, le pilote Auguste MABIRE accepte, le 11 juillet, alors qu'il avait l'intention de refuser, de conduire le remorqueur allemand " Holland ", faisant la navette entre Granville et Jersey, ce qui lui permet de renseigner MARLAND sur les activités de l'ennemi dans les ports de l'île.

Il en est de même pour Jules LEPRINCE dont la vedette a été réquisitionnée le 1er août par l'ennemi, pour relier Granville à Cancale et à Saint-Malo. Ces deux marins deviendront le pivot d'un groupe de gens de mer dont le travail sera des plus précieux pour la Résistance.

L'activité du groupe est mise à l'épreuve, dès juillet 1940, pour assurer le camouflage de trois soldats écossais qui, n'ayant pu gagner Jersey en juin, veulent éviter la capture. Toute une chaîne de complicités s'établit spontanément pour les sauver, à laquelle participera étroitement le groupe MARLAND).

Le 7 juillet 1940, le soldat Robert CRAIG (Bob) se présente chez Mme ENGUEHARD, commerçante ; ne comprenant pas la langue elle l'accompagne chez Fernand LEROUX qui consent à l'héberger provisoirement avec deux de ses camarades. Dès le lendemain, il les conduit chez Mme GAUTIER, de nationalité britannique par mariage qui ne pourra les héberger que jusqu'au 12 août, car elle est contrainte de se rendre à Villedieu où les Allemands l'ont assignée à résidence, comme sujet ennemi. Les trois militaires sont donc remis à LEROUX qui les loge ; leur nourriture est assurée par la domestique de Mme Gautier. Ayant été autorisée en septembre à regagner son domicile, Mme GAUTIER héberge, malgré le grand risque couru, deux des soldats. Mais elle est transférée le 5 décembre dans un camp d'internement près de Besançon. Non sans réticence, LEROUX consent à héberger les trois hommes.

Leur nourriture est assurée par Mme ENGUEHARD et plusieurs membres du groupe jusqu'à ce qu'une nouvelle solution soit trouvée. L'un des soldats, cependant, choisira bientôt de se rendre.

LE GROUPE " ROBERT " ET LE RÉSEAU " HECTOR "

Blessé lors de la campagne de mai 1940, le capitaine Robert GUEDON s'est retiré, en convalescence, à Granville, chez sa belle-mère Mme GALLINI. Comme MARLAND, elle a accueilli, à la mi-juin, avant leur évacuation sur Jersey, des officiers anglais, dont certains, membres de " l'Intelligence Service ", garderont le contact avec Robert GUEDON par poste émetteur. Celui-ci s'institue " professeur ", donne des leçons particulières à son domicile, villa " Jeanne d'Arc ", située près du port et en partie occupée par les Allemands, où réside également un de ses étudiants Cyril FONLUPT. Il y reçoit une amie de la famille, Mlle Louise GROULT, qui lui fait connaître la famille BINDAULT.

L'accord se fait aisément avec ces patriotes pour constituer un groupe qui va prendre en peu de temps un essor important. C'est ainsi que le " professeur " Robert GUIDON trouve parmi ces jeunes élèves des agents de recrutement et de liaison enthousiastes : les deux fils du vétérinaire Ambroise COLIN, qui donne aussi son accord, les deux fils GAREL et Cyril FONLUPT. De son côté, Mlle Marie BINDAULT, sous le couvert de la Croix Rouge, a vite fait d'engager Suzanne BINOT, Mlle LŒILLET, Mlle Louise GROULT, puis, un peu plus tard, Mlle Suzanne DATIN, MM. LAMOUREUX et HOULBEQUE, employés à l'usine électrique et Mlle Odette GOSSE. secrétaire de la mairie de Bouillon.

Dès juillet, le groupe étend son action hors de la région granvillaise. Robert GUEDON prend contact avec son beau-frère SAUSSEY, agriculteur et maire de Tollevast, qui lui fournit une fausse carte d'identité établie par l'institutrice Mme LACROIX, secrétaire de mairie. Sur le conseil de SAUSSEY, Robert GUÉDON sollicite, à Cherhourg, le pharmacien Paul GUILBERT. Malgré la charge de neuf enfants et l'aide constante qu'il apporte sous couvert de la Croix Rouge aux prisonniers de guerre internés à la caserne Proteau, il accepte de lui communiquer tous renseignements sur l'activité de l'ennemi, par l'intermédiaire de Mlle Marie LEVEQUE, gouvernante chez SAUSSEY, qui se rend chaque jeudi à Cherbourg, au marché.

Par l'entremise de Cyril FONLUPT, son condisciple au Lycée de Coutances, Louis LAISNEY, étudiant à la Faculté de Caen, s'engage dans le Réseau.

C'est Marie BINDAULT qui, à partir de novembre, devient l'agent de liaison entre Robert GUEDON à Granville et le groupe de Caen. Elle engage à Coutances, le directeur de la Caisse d'allocations familiales SOUCHON et parcourt tout le département, distribuant des tracts ronéotypés, rédigés par GUEDON, assurant les liaisons avec Paul GUILBERT à Cherbourg, à Saint-Lô, avec LAUNAY, employé des postes, avec Mme GEORGEL, teinturière à Avranches, sœur de Charles HUBERT, du groupe MARLAND). Les deux organisations de résistance granvillaise établissent entre elles des relations par Jules MUTELLE et Mlle Louise GROULT.

A partir de la fin de décembre, après la visite de Robert GUÉDON à Vichy, aux chefs des Services Spéciaux de l'armée d'Armistice, au sein desquels le colonel HEURTAUX a constitué le réseau " Hector ", le groupe de la Manche se rattache à cette organisation. Déjà le réseau dispose d'une antenne à Barneville avec René VIVIEN, directeur de société, engagé par son associé Albert MARCEL, de Vernon, où un groupe a été constitué par un ami du colonel HEURTAUX.

LES GROUPES DE SAINT-LO

Un embryon de groupe se forme à Saint-Lô, vers la fin du mois de juin 1940, sous l'impulsion de Fernand LECHEVALLIER, transporteur au haras, auteur depuis le 20 juin de très nombreux sabotages sur le matériel allemand.

Il a engagé le coiffeur SIMONE et BAZIN. Leur premier objectif est de faciliter l'évasion des prisonniers de guerre français enfermés par l'ennemi à la caserne Bellevue.

Le mois suivant, fin juillet, Charles AGNÈS, rédacteur en chef du " Courrier de la Manche ", entreprend de former une organisation chargée de centraliser tous renseignements sur l'activité de l'ennemi, espérant qu'ils pourraient servir un jour. Il obtient le concours de son beau-frère, le Docteur André PIGAUX de Montmartin-sur-Mer et engage le tout jeune Henri MICHAUX, employé dans son imprimerie.

De son côté, en août, Jacques GIROD, employé à la Préfecture, fort déçu de n'avoir pu gagner à temps l'Angleterre, entreprend de former une association d'opposants à l'ennemi et au nouveau régime français qui le sert. Avant la fin de l'année, il aura groupé plusieurs jeunes : GUILLORY, MINNE, Georges HEROUT, Bernard AGNES qui distribuent des tracts manuscrits ou dactylographiés ridiculisant les troupes d'occupation. Le jeune MINNE, dont le père est agent technique au service du cadastre, relève sur plan l'emplacement et la configuration du dépôt d'essence d'Agneaux, qu'il transmet au réseau " Hector " à Caen. A la grande joie du groupe, ce dépôt sera mitraillé quelque temps après, par deux avions alliés.

Le mois suivant, deux employés à la préfecture, Marc NAVARRE et Julien LE PENNEC détournent plusieurs milliers d'imprimés de cartes d'identité et six jeux de cachets et timbres officiels. Avec la complicité du receveur d'enregistrement LECAPLAIN, ils établissent de faux papiers d'identité et de fiches de démobilisation deux jeunes filles de la Croix Rouge, Mlles LE-BEURRIER et LEMERCIER, pourront en remettre à beaucoup de prisonniers de guerre désireux de s'évader des camps établis à la caserne Bellevue, à la Remonte et au collège d'Agneaux. En octobre, Marc NAVARRE et Julien LE PENNEC entrent au groupe AGNES que son chef appelle

Gallia ", auquel viennent se joindre son neveu Pierre PIGAUX, l'instituteur Charles FABING et son fils Jacques.

DANS LA RÉGION CHERBOURGEOISE


Après la retraite précipitée de l'armée britannique en juin 1940, des agents anglais de l'Intelligence Service ont été volontairement laissés dans cette région dont l'intérêt stratégique est évident. Revêtus de l'uniforme allemand, ils cherchent à prendre contact avec des personnes sûres. C'est ainsi qu'à la fin juin, Mlle Madeleine LEVASLOT a la surprise de rencontrer, sous cet uniforme, l'agent Pierre BELLIARD (Peter) qu'elle avait reçu chez ses parents avant la débâcle.

Madeleine LEVASLOT relève les numéros et les insignes des uniformes des militaires allemands qui fréquentent le grand magasin où elle est vendeuse ; ses sœurs Jeanne et Suzanne notent l'emplacement d'un poste de D.C.A. sur le plateau du Roule et d'un dépôt de munitions dans une carrière, qu'elles signalent à " Peter ". Les trois sœurs affirmeront sans cesse leur patriotisme et leur fidélité aux Alliés en fleurissant régulièrement les tombes des aviateurs anglais abattus par la D.C.A. jusqu'à l'évacuation de la population civile de Cherbourg en avril 1943.

Il en est de même de Fernand ARLOT, ancien tailleur à Cherbourg : il rencontre en juillet, sous l'uniforme allemand, le fils du professeur DOWNING qu'il avait connu en Angleterre. Par l'intermédiaire de Jean NORDEZ qui travaille à l'Arsenal, ARLOT peut renseigner DOWNING sur l'activité du port militaire. Ces agents anglais disparaîtront de la région dans le début de l'année 1941. DOWNING, qui avait réussi à s'introduire comme officier de liaison à 1'Etat Major allemand de Cherbourg, sera enlevé rar un sous-marin anglais en face de Cosqueville.

LES PREMIERS GROUPES

Dès le 3 juillet, à Cherbourg, trois amis : Georges FOUGERE, sa femme et Gilbert VEDY (le futur " Médéric ", conducteur de travaux, impriment, pendant toute une nuit, avec un composteur de lettres en caoutchouc, des tracts contre PÉTAIN qu'ils vont répandre à bicyclette, dans la ville. En septembre, le frère de Gilbert VEDY, Raymond, les aide, et les tracts sont ainsi collés, la nuit, sur les murs. Tous deux participent au groupe que le maire de Tourlaville, Jules LEMOIGNE, constitue en fin d'année avec l'ingénieur COTTAT, responsable des travaux d'adduction d'eau confiés à la Société " La Parisienne ".

Après le bombardement meurtrier par la flotte anglaise, du 11 octobre 1940, Marcel LEBLOND, officier de réserve, désigné par le maire comme chef de la Défense Passive, vient se joindre à eux, ainsi que l'armurier Désiré BARBIER, qui cache des armes dans cieux buses de ciment fournies par Gilbert VEDY, placées dans une tranchée bétonnée creusée sous un garage dont le sol est cimenté. Ces armes seront utilisées à la Libération.

DANS LE BOCAGE DU COTENTIN


En septembre 1940 revient au pays de Valognes l'aviateur Jacques BERTIN de la HAUTIERE qui vient d'être démobilisé. Écœuré par la signature de l'Armistice, déçu de n'avoir pu gagner l'Angleterre, il se jure de tout mettre en œuvre, pour aider les Alliés de son mieux. Au cours du mois d'octobre, s'étant rendu à Saint-Vaast-la-Hougue chez son ami Eugène DEPIROU, chef du Centre cantonal de la Société d'Électricité, il le surprend à l'écoute de la radio de Londres dont l'émission se termine par la " Marseillaise ", que la famille salue debout avec émotion. Il l'engage alors comme son premier agent de renseignements, sa fonction lui permettant de circuler librement dans la région. Il sera suppléé le cas échéant par son beau-frère, GIOT, qui assurera les liaisons avec Jacques de la HAUTIERE.

En lin 1940, à Saint-Vaast, l'ouvrier Francis TRUFFAUT, travaillant dans une entreprise de baraquements, apprend de son contremaître TOCQUET qu'il devrait être possible de communiquer avec l'Angleterre. par l'Espagne, en écrivant à M. RABOT, forgeron, près de la frontière des Pyrénées. TRUFFAUT se risque à transmettre une lettre à cette adresse, dans laquelle il a consigné quelques renseignements et demande qu'un accusé de réception soit transmis par l'émission en Français de la radio de Londres par ce message, répété deux fois : " Toto et Zouzou se portent bien ". Ce sera fait un soir du début de janvier 1941.

Près de Valognes, à Yvetot-Bocage, les frères Paul et Ferdinand REMICOURT et leurs cousins, les frères HUET, ont au moment de la débâcle de juin 1940 récupéré : 45 fusils, des révolvers, des grenades. Tout ce matériel est entreposé dans une tranchée-abri creusée dans le jardin de la ferme d'Azir, exploitée par leurs parents. Tous les dimanches les armes sont nettoyées avec soin. En vue d'une action future, ils forment en décembre un groupe avec les frères LESAGE, Émile LAUNEY, Auguste ANSOT et Raymond LEDANOIS. Ces deux derniers, travaillant à une installation électrique au château de Saint-Germain-de-Tournebut, apprennent que son propriétaire, BERTIN de la HAUTIERE, partage entièrement leurs sentiments.

Dans la même région, à Saint-Sauveur-le-Vicomte, va naître en décembre un autre noyau d'opposants que commence à former le coiffeur Auguste OZOUF.

DANS LE SUD DE LA MANCHE


A Saint-James se forme un groupe de Résistance, en septembre, autour du lieutenant de pompiers Léon DESFONTAINES et du docteur Albert MOTHAY, auquel viendra se joindre en novembre le restaurateur Maurice BOYER. Pour l'instant, son activité se manifeste par la propagande par graffiti sur les routes et les immeubles.

LA RENAISSANCE DU PARTI COMMUNISTE DEPARTEMENTAL

Au cours du mois de septembre, sous l'impulsion du militant André DE FRANCE, se reconstitue clandestinement le parti communiste dissous en 1939 depuis la signature du pacte germano-soviétique. A son appel, de nombreux camarades rejoignent ses rangs : Henri CORBIN, Émile PINEL, Georges MILLEMAN qui vient de s'évader de la caserne où il était prisonnier de guerre, puis, le mois suivant, Pierre PICQUENOT, d'Octeville, Ange LEPARQUIER, Auguste LE MEN, Auguste LIVORY, d'Equeurdreville.

Le mouvement s'étend rapidement dans le département : à Granville, Louis BLOUET et René LONCLE reconstituent leur groupe en octobre ; en décembre, Jean LAMOTTE, oncle de DEFRANCE, instituteur à Airel, Louis PINSON, instituteur à La Haye-Pesnel, Roger LE CANN, granitier à Villedieu, la famille HILLIOU, granitiers à Saint-Michel-de-Montjoie, rejoignent le mouvement.

Les liaisons sont assurées par André DEFRANCE et par son épouse Juliette MUNSCH, institutrice, réfugiée au moulin de Gonneville, à Bricquebec.

Là est entreposé le matériel de propagande et les militants clandestins y trouvent un asile sûr. Grâce à Jules MESNIL, chauffeur aux Transports départementaux, à Cherbourg, les liaisons peuvent se faire aisément entre les militants du nord et ceux du sud du département.

LA RENAISSANCE DU MOUVEMENT SYNDICAL

En décembre 1940. Joseph BOCHER, militant syndicaliste, reçoit le " Manifeste " du Syndicalisme français appelant les travailleurs à se grouper pour sauver leurs libertés et refuser la mentalité de vaincus. Il écrit à NEUMEYER, un des signataires, ancien secrétaire de la Fédération des Fonctionnaires, pour lui exprimer son accord. Mais c'est au début de l'année suivante que la C.G.T. clandestine. opposée à la Charte du Travail édictée par le gouvernement de Vichy, se reconstituera.

Ainsi, six mois après l'effondrement provoqué par la défaite imprévue de la France et la pesante occupation étrangère, l'esprit de la Résistance, c'est-à-dire d'opposition à l'ennemi et au régime de collaboration du gouvernement de Vichy, a pris corps dans les trois grandes villes du département. nais aussi dans quelques camons. Malgré le danger de la répression, il ira en s'amplifiant les années suivantes.

QUELQUES MOTS SUR L'OCCUPATION ALLEMANDE POUR CEUX QUI N'ONT PAS CONNU CETTE PÉRIODE

Le 18 juin 1940, les envahisseurs s'installent dans nos villes et nos Sillages, réquisitionnant les meilleures habitations. Ce sont, dans l'ensemble, des troupes d'élite, correctes, disciplinées. Le drapeau rouge à croix gammée noire du régime nazi flotte sur les bâtiments publics réquisitionnés.

La population civile est frappée de stupeur par la soudaineté et l'ampleur de la défaite. Elle s'inquiète sur le sort de nos soldats, prisonniers de guerre. Plusieurs centaines sont groupées dans les casernes de CHERBOIIRG et de SAINT-LÔ.

Sous couvert de la Croix Rouge, des colis de nourriture leur sont attribués et on caresse l'espoir que la " collaboration " avec les Allemands décidée par le maréchal PÉTAIN, Chef de l'" État français ", amènera leur très prochaine libération.

Aussi, la colère sera grande et s'exprimera véhémentement lorsque tous les prisonniers de guerre seront transférés, en wagon pour bestiaux, en Allemagne où ils seront astreints au travail.

Il est strictement interdit d'écouter les émissions de la radio anglaise, nais la plupart des habitants le font en cachette, et les nouvelles se répandent de bouche à oreille. La voix des " Français libres ", ainsi que les allocutions du général de GAULLE, dont l'appel du 18 Juin n'a pas été entendu par suite de l'invasion ce même jour, contribuent beaucoup à maintenir l'espoir d'une victoire finale.

Les autorités allemandes, dès leur arrivée, ont exigé que toutes les lumières des habitations soient voilées de bleu pour ne pas être visibles de l'extérieur ; ainsi, les avions anglais ne pourront aisément repérer leurs objectifs. Les bombardements sont fréquents, particulièrement dans l'agglomération cherbourgeoise : on en dénombrera 65, dont un par la marine britannique, le 11 octobre 1940, fut particulièrement meurtrier, et 1.064 alertes. Cherbourg recense à la Libération 299 victimes, 1.805 maisons détruites ou inhabitables sur 4.980 immeubles. Les communes voisines : Equeurdreville, Tourlaville, Octeville. La Glacerie. totalisent 252 morts. Le champ d'aviation de Gonneville-Maupertus, les localités voisines des rampes de lancement en construction : Couville, à partir du l 1 novembre 1943 ; La Glacerie, La Pernelle, et celles situées sur la côte du Cotentin depuis la fin d'avril 1944, sont particulièrement exposées. Dès le mugissement des sirènes d'alerte, souvent en pleine nuit, la plupart des habitants se réfugient dans les abris hâtivement construits ou dans les caves des immeubles.

La valeur du mark, unité de monnaie allemande, équivaut à 20 francs. Ainsi, les militaires allemands peuvent acheter en masse : victuailles, lingerie féminine, chaussures... En peu de temps, les magasins se trouvent vides et leur réapprovisionnement sera très parcimonieux et irrégulièrement réparti.

A partir du 1er janvier 1941, la population civile est soumise au régime des tickets afin de distribuer équitablement les denrées encore disponibles : pain, viande, beurre, lait, vêtements, chaussures, charbon. On ne trouve plus ni sucre, ni chocolat, ni huile, ni savon, et bientôt on devra se contenter de chaussures à semelles de bois. Le café est remplacé par des grains d'orge grillée, mêlée à un farine brunâtre, sans doute faite avec des glands.

Les rations attribuées à chacun sont très insuffisantes : 250 grammes ou 300 grammes de pain par jour selon l'âge, 125 grammes de viande par semaine, 200 grammes de beurre (souvent remplacé par de la margarine) par mois. Faute de denrées, il arrive parfois que les tickets de la carte d'alimentation ne peuvent être " honorés ". Ceux qui ont la chance d'avoir un jardin y sèment des graines de carottes, des pommes de terre et même... des rutabagas. Et les ménagères essaient de fabriquer du savon par un mélange savant où entrent des déchets ou des raclures de graisse animale, de la soude, et même...des feuilles de lierre !

La ration de charbon est servie irrégulièrement et n'est plus livrée à domicile. Comme elle est très insuffisante, on se chauffe avec du bois provenant de la campagne ou des arbres abattus le long des avenues dans les villes.

Heureusement, à la campagne, on peut parfois se procurer des œufs, du lait, du beurre, des légumes. Malgré l'interdiction ordonnée par les Allemands, les abattages clandestins de bétail s'y développent et c'est avec plaisir et gratitude que les habitants des villes reçoivent les petits colis de ravitaillement que leur font parvenir frauduleusement, par les transports ruraux, leurs parents ou amis.

On ne trouve plus d'essence (réservée à l'armée allemande) et les pneus sont contingentés sévèrement. Ne peuvent circuler que quelques rares commerçants qui ont pu obtenir des bons d'achat de ce produit en quantité limitée, ou dont le véhicule a été équipé pour fonctionner au gazogène.

Depuis l'attaque brusquée, sans déclaration de guerre, des Allemands contre les Russes, le 22 juin 1941, suivie par celle, tout aussi odieuse des Japonais contre la flotte américaine le 7 décembre 1941, le conflit est devenu mondial. Et en France, l'espoir d'une victoire des Alliés s'amplifie.

Mais le gouvernement français s'enfonce dans le déshonneur et perd tout crédit, quand son premier ministre Pierre LAVAL fait appel aux jeunes volontaires pour aller travailler en Allemagne ! Devant l'échec presque total de cet-te pressante invitation, le gouvernement français de collaboration avec l'ennemi institue par les lois du 4 septembre 1942 et du 16 février 1943, le Service du Travail Obligatoire (S.T.O.) pour l'Allemagne !

L'indignation des jeunes Français patriotes est telle que beaucoup refuseront cette servitude. Par des certificats délivrés par des médecins patriotes et résistants, un grand nombre de jeunes seront exemptés. D' autres seront accueillis clans les fermes et deviendront des Réfractaires. Beaucoup d'entre eux s'engageront dans les groupes de Résistance comme nous le verrons au cours de cette étude.

ANNÉE 1941


DÉVELOPPEMENT DES PREMIERS GROUPES

La nouvelle année s'ouvre par la manifestation, très réussie, demandée par la radio de Londres : ne pas circuler dans les rues et rester chez soi le 1" janvier de 15 heures à 16 heures.

La résistance active n'a pu encore s'organiser que dans les groupes " Robert " et " Marland ". Mais l'année 1941 verra se créer et se développer de nouveaux et importants réseaux et groupes de Résistance. C'est de loin le parti communiste, prenant rapidement contact avec ses anciens adhérents, qui devient l'organisation clandestine la plus nombreuse. Il dispose dans son Organisation spéciale " (l'O.S.) de quelques militants armés qui deviendront des plus actifs après le 22 juin, date de l'attaque allemande contre la Russie.

Cependant, un nouveau réseau, formé rapidement à Paris par Maurice DUCLOS (Saint-Jacques), agent de la France Libre, débarqué d'une vedette venue d'Angleterre à Saint-Aubin (Calvados) le 4 août 1940. va pouvoir compter sur un groupe important formé dans le Cotentin au cours de l'année 1941, autour de Jacques BERTIN de la HAUTIERE

Il en est de même de l'antenne d'un réseau franco-polonais, " Famille ", puis " Interallié ".

D'autres résistants vont se grouper autour des militants de la Confédération Générale du Travail (C.G.T.), fidèles soit au " Manifeste du Syndicalisme français ", lancé le 12 novembre 1940 par douze dirigeants des centrales syndicales, soit au parti socialiste clandestin. Ils forment le Mouvement " Libération-Nord " dont le premier journal " Libération ", paraît clandestinement sous la direction de Christian PINEAU, dès le début de l'année. 1941.

LE GROUPE MARLAND


Le groupe ne cesse de s'agrandir. C'est ainsi que le général en retraite REGNAULT de PREMESNIL, LECIIEVALLIER, agréé au Tribunal de commerce, Georges MASSU, Maurice ROGERIE et Jean MARIE, ancien commerçant devenu exploitant agricole à la Lucerne d'Outremer, entrent dans le mouvement.

En mai, Lucien FINCK, chef d'atelier à la Fonderie, forme un groupe d'ouvriers parmi lesquels Georges JOLLY, Marcel CHOLLET, Georges COIPEL, et Xavier ROBIN.

Ils s'ingénient à allonger les délais nécessaires pour effectuer les travaux demandés par l'ennemi, sabotent le pas de vis des hélices. occasionnant souvent ainsi l'arrêt des transports maritimes. Deux d'entre eux Xavier ROBIN et François ALLAIN, ouvriers mouleurs, sont arrêtés le 10 novembre 1941, le premier pour avoir, à coups de marteau, détérioré la plupart des machines de l'atelier de mécanique, l'autre pour avoir gravé dans des pièces de monnaie l'insigne V (Victoire) et avoir répandu les photos du général de GAULLE. Leur chef Lucien FINCK est en contact constant avec les officiers de marine allemands ; il peut accéder au port facilement et il est en mesure de fournir à MARLAND de nombreux renseignements sur le trafic maritime avec Saint-Malo ou les îles anglo-normandes.

Dès le mois de février 1941, le jeune agent de liaison Roger DUTERTRE noue des contacts à Bréhal, Cérences, Villedieu et fournit à MARLAND de nombreuses observations sur les installations de l'ennemi et notamment le plan de l'entrepôt du dépôt d'essence de Villedieu, relevé par son ami, le jeune instituteur Auguste LECARPENTIER. Mais il est arrêté le 25 mars 1941 pour distribution de tracts et inscriptions séditieuses (la lettre V) sur l'immeuble de la gendarmerie de Villedieu, (incarcéré pendant huit mois).

En avril, une liaison est établie à Carolles avec Alexis VERT, retraité, qui se livre à la propagande gaulliste, dissimule quelques armes et a formé un groupe de 8 hommes.

MARLAND intensifie sa propagande, particulièrement auprès de la jeunesse lui donnant confiance par son patriotisme sans faille, son énergie souriante et son inlassable dévouement " (E. FINCK. 10.2.71). Les Allemands le surveillent et, à la suite d'une dénonciation comme possesseur d'un poste émetteur et d'un dépôt d'armes, ils l'arrêtent le 14 juin 1941. Faute de preuves suffisantes, il est relâché au bout de cinq jours de détention (35). Edmond FINCK, élève à l'École Normale de Saint-Lô, apporte, aux vacances de juillet, à son ancien professeur des renseignements sur l'importance et le moral de troupes allemandes stationnées dans la région. Dès la rentrée d'octobre. son camarade Pierre JURCZYSYN et lui rédigent des tracts reprenant les informations de la radio de Londres, les polycopient et les glissent le soir, dans les boîtes aux lettres de la ville.

Mais une des grandes préoccupations du groupe de Granville reste le sauvetage des deux soldats écossais logés chez LEROUX et dont la nourriture est assurée par collecte clandestine auprès des patriotes granvillais. Déjà Mme ENGUEHARD, fortement soupçonnée, a été arrêtée le 1er avril 1941 et incarcérée pendant deux mois à la prison de Saint-Lô. Aussi le groupe décide de confier, à partir de ce mois, l'un des soldats Jimmy MAC LOREN à Paul LEBAYON, concierge à Longueville, qui va l'héberger pendant près d'un an.

LE GROUPE " ROBERT " ET SES LIAISONS

AVEC LE MOUVEMENT DE LIBÉRATION NATIONALE, LES RÉSEAUX " HECTOR " ET " MARINE F2 "



En janvier 1941, Robert GUEDON, après contact avec les Services Spéciaux de Renseignements de Vichy, a rencontré à Paris, Henri FRENAY, son camarade de l'école de guerre, qui venait de fonder en zone non occupée le Mouvement de Libération Nationale.

Sur les indications de son beau-frère SAUSSEY, il prend contact à Bricquebec, avec Gustave ROUXEL.

En février 1941, un nouveau lien se crée entre Paul GUILBERT, militant d'action catholique, et l'abbé VALLEE dont il a reçu " Véritas ", feuille clandestine qu'il rédige à Paris, destinée aux membres du clergé. Par l'entremise de Louis SAVARY, contrôleur à la S.N.C.F., membre du Syndicat chrétien, domicilié à Houilles, avec qui il est en relations depuis longtemps, GUiLBERT entre en contact d'autant plus facilement avec l'abbé que celui-ci était membre d'un groupe de propagande fondé à Paris, autour de Jeanne SIVADON, à l'école des surintendants d'usine, en relations avec Robert GUEDON et Henri FRENAY. Très régulièrement, tous les quinze jours. SAVARY apporte à l'abbé VALLEE les messages et les renseignements recueillis par GUILBERT sur les effectifs allemands du Nord-Cotentin, et au retour lui communique les instructions du réseau parisien.

Tandis qu'en mars entre au réseau " Hector " Yves BAUDOUIN, bouclier à Carteret, sollicité par son ami AUSSANNAIRE du groupe de Vernon, les membres du groupe " Robert " vont se trouver mobilisés, dès le mois d'avril par la réception et surtout la distribution du journal clandestin " Les Petites Ailes de France " qui arrive régulièrement à Granville, chez Mlle BINDAUIT chargée de les répartir.

La diffusion est assurée dans la ville par Cyril FONLUPT et les deux fils COLIN. A partir de mai, il sera nécessaire de transporter les paquets de journaux dans les villes du département. Mlle BINDAULT s'en charge et le livre : - à Coutances à la librairie GUEGAN, à SOUCHON, à l'industriel BROCIIARD - à Saint-Lô à J.-P. MINNE que Louis LAISNEY a engagé - à Cherbourg, chez Paul GUILBERT Mme MARTIN, son employée, charge le brigadier de police Auguste LECARPENTIER d'en assurer la diffusion. Granville reçoit régulièrement 850 exemplaires, dont une partie est destinée à Avranches, une autre à Bouillon, diffusée par Mlle Odette GOSSE secrétaire de mairie. Parfois ce journal est complété par un encart régional rédigé à Caen par André MICHEL, Reine JOLY et Louis LAISNEY.

A partir d'août 1941 les " Petites Ailes ", par mesure de précaution, devront changer leur titre en celui de " Résistance ". Arrivent aussi à Cherbourg, apportés de Paris, par Louis SAVARY, les journaux clandestins : " La France continue " et " Libération ".

En juin 1941, le réseau franco-polonais " F2 Marine ", que dirige de Paris Albert FOURY (Edwin), va prendre contact avec Paul GUILBERT par l'intermédiaire de Jeannine PICABIA (Gloria). Il l'avait connue, en septembre 1940, comme membre de la Croix Rouge, chargée de faire passer clandestinement pour la zone non occupée la correspondance des prisonniers de guerre enfermés à la caserne Proteau à Cherbourg. Elle est hébergée par René CARRÉ, voisin de GUILBERT, à qui il fournit des sacs de poudre provenant d'obus anglais stockés à la pyrotechnie de Nardouet où il travaille. Elle revient peu après accompagnée de Jacques LEGRANI) (S.H.M.) et de Pierre BERGER qui demandent des renseignements sur l'Arsenal. Ils seront fournis : grâce à Louis CHAILLOUX qui est chargé de surveiller le trafic des navires dans cet établissement militaire et de signaler les travaux de fortifications dans le secteur ouest, et grâce aussi à l'ouvrier électricien Jean NORDEZ. Jacques LEGRAND sera à Cherbourg le 24 juillet, accompagné de GUIIBERT : il pourra se rendre compte, des hauteurs d'Octeville, des résultats du fort bombardement subi par la ville et l'arsenal au début de l'après-midi de ce jour.

Tous ces renseignements pourront être transmis par le " Réseau S.H.M. " qui, à la différence des groupes animés par " Robert ", possède le moyen de correspondre par radio avec Londres.

Nous devons signaler l'activité clandestine du dessinateur Pierre LE CONTE ; grâce à la recommandation probable du commandant de ROBIEN, le brillant défenseur du fort du Roule, il a pu obtenir du " Hafenkommandant " l'autorisation de sortir en rade ; il en profite pour observer les mouvements de navires.

En juillet, Marie BINDAULT, agent de liaison, recueille ces renseignements. transmis ensuite au réseau " Hector " auquel se rattache désormais le groupe " Robert ".

Le 2 août, Pierre LE CONTE est arrêté pour espionnage et déporté en Allemagne.

Le 9 octobre, Yves BAUDOUIN est arrêté à Carteret.

Un agent du réseau " Robert ", venant de Caen vers Granville apporter un paquet de journaux clandestins, est interpellé à la gare et invité à se rendre au commissariat de police. Affolé, il court chez Mlle BINDAULT, y dépose ses journaux, puis y revient après sa visite au commissariat.

Craignant une nouvelle imprudence de cet agent, elle l'accompagne jusqu'à Caen où elle prévient les membres du réseau ; elle demande à Robert GUEDON de ne plus lui confier de mission.

Vers le 20 novembre 1941, Paul GUILBERT reçoit un renseignement très précieux de Gustave ROUXEL sur l'important poste de radar en construction à Sortosville-en-Beaumont. Il a pu pénétrer en costume d'ouvrier dans l'ouvrage, établir les relevés nécessaires, évaluer l'épaisseur du béton et indiquer l'emplacement de la défense aérienne. GUILBERT s'empresse de faire parvenir cet intéressant courrier au réseau de Caen par le cheminot Louis SAVARY.

Mais, déjà le renseignement est un aspect secondaire de l'activité du groupe " Robert " de Normandie. Les militants s'organisent en groupes de combat : leur chef est Pierre BOUCHARD, inspecteur de l'enregistrement à Caen, pour les départements normands situés à l'ouest de la Seine. Sur la demande de Robert GUEDON, la famille BINDAULT accepte de stocker et de camoufler des armes ; une fosse est creusée dans la cave de leur maison par Charles BINDAULT et son fils Ernest ; ils y cachent des obus de 25 récupérés au moment de la débâcle, et doivent recevoir des fusils. Un poste émetteur leur est remis par leur chef qui doit en apprendre le maniement à Ernest BINDAULT et Cyril FONLUPT.

Soudain, vers le 25 novembre, l'imprudence de l'agent de liaison décelée le mois précédent par Mlle BINDAULT va déclencher la catastrophe.

Bien que se sachant surveillé, alors qu'il revient de Paris avec des paquets du journal clandestin " Résistance ", il dépose le lot dans l'atelier du résistant André MICHEL, chargé à Caen de la réception. Ils sont arrêtés aussitôt par la police allemande qui trouve dans la poche de l'agent de liaison une liste qui permettra l'arrestation de nombreux membres du réseau !!

Robert GUEDON et Reine JOLY qui ont pu échapper à ce coup de filet, viennent, le 29 novembre. annoncer à Marie BINDAULT, à Granville, ces arrestations. A midi, celle-ci est arrêtée. La perquisition qui suit ne donne aucun résultat, mais Marie BINDAULT sera déportée dans des prisons allemandes.

Le même jour, à Cherbourg, Paul GUILBERT, accusé d'espionnage et de détention de tracts anti-allemands, est également arrêté. Il sera relâché, mis en liberté provisoire, le 24 décembre 1941, comme père d'une nombreuse famille ; puis de nouveau arrêté en 1942 et déporté.

Ainsi démantelé, le réseau " Robert " ne pourra se reconstituer. LE RÉSEAU " SAINT-JACQUES "


C'est au printemps de 1941 que se crée le réseau de renseignements qui va devenir le noyau de l'organisation la plus importante, la mieux structurée, et sans doute la plus efficace du département. En effet, pour la première fois, une liaison régulière pourra s'établir avec l'Angleterre par le réseau " Saint-Jacques " que dirige à Paris Maurice DUCLOS (Saint-Jacques), délégué en France du 2
e Bureau du Service de Renseignements de la France Libre.

Celui-ci a besoin d'un agent dans le Cotentin. Un des membres du réseau, le Commandant de la Garde républicaine de Paris, colonel VERINES, lui propose son agent de liaison, Raymond GUILLAT, qui, ayant des parents dans le département de la Manche, pourra l'accompagner dans cette région. Au début d'avril, DUCLOS est hébergé à Lestre avec GUILLAT, dans la famille de celui-ci. Son cousin LESACHEY, secrétaire de mairie à Quinéville, lui parle de' Jacques BERTIN de la HAUTIERE dont il connaît l'arde,e foi patriotique. Raymond GUILLAT le convoque vers le 5 avril à Lestre il accepte avec enthousiasme cette belle occasion de servir les Alliés.

Dès lors, le recrutement d'agents du réseau s'intensifie, les mailles de l'organisation s'étendent et se resserrent.

A Valognes, BERTIN de la HAUTIÈRE (Jacques Levêque) prend contact avec Jean LEBAS. directeur de la Laiterie, qui lui signale André GAILLARDON (Boulland), principal du Collège. faisant fonction d'interprète à l'Ortskommandantur. L'organisation du groupe lui est confiée. Il a comme suppléant le gendarme LE PENHUEL (le Poitevin), l'électricien Gustave CARDET (Pathé) et sa femme, désignés comme " boîte aux lettres ", reçoivent les renseignements remis par les agents. Norbert BOUQUET (Lafleur), agent d'assurances, pouvant circuler librement, l'empoyé de chemin de fer RI POTEAU constituent les premiers éléments du groupe, auquel se rattachent Jules CHARBONNIER, garde forestier à Saint-Germain-de-Tournebut, CANET et Bienaimé VARIN de Montaigu-la-Brisette.

Dans la région côtière de Saint-Vaast à Barfleur, Eugène DEPIROU a engagé à Réville Mme Henri VASTEL, dont l'action va être très importante pour la collecte des renseignements dans la région. Elle s'est assurée d'abord du concours de ses parents : Georges CAILLET (Cousin), sa femme née Léonie MARIE et Madeleine CAILLET (Leterrier) puis à Barfleur, de Paul GAUBERT (Marie), en liaison dans cette commune avec le docteur LEPESTEUR et le garagiste PAVIE.

Elle implante ensuite le réseau dans le Val de Saire en y faisant entrer en septembre : le curé du Vast, l'abbé Alphonse GOHARD, qui dresse les plans de tous les ouvrages allemands en construction du Vast à Canteloup, l'entrepreneur de carrières et transporteur André JARRY, le directeur de la Coopérative laitière de Quettehou SOUIJI', le gérant d'une maison d'alimentation à Saint-Vaast, Francis TRUFFAUT qui, chargé de la révision des propriétés bâties dans le canton, peut circuler librement et visiter toutes les maisons, même occupées par les troupes et Mme REGNAULT, commerçante.

Dans le secteur de Saint-Pierre-Église, Mme VASTEL peut compter sur l'engagement du docteur LEPEUPLE qui, lui aussi, peut circuler librement, sur celui d'Albert GEFFROY, agent d'assurances, qui jouit des mêmes facilités et renseigne, non seulement sur les fortifications de la côte de Fermanville à Gatteville, mais encore comme secrétaire de mairie de Saint-Pierre-Église, sur les effectifs ennemis installés au château et au couvent de cette localité, signalés aussi par le notaire Jean HAMEL.

Dès avril, à Sainte-Mère-Eglise, Jacques de la HAUTIERE (Jacques Lévêque) engage son ancien camarade de la base aéronavale de Cherbourg, Pierre MAURY, électricien. Quinze jours plus tard, celui-ci pourra présenter à son chef deux agents efficaces : Charles DELŒUVRE, chef du secteur de la Société d'Électricité, et son neveu Pierre BERTRAND. Les trois hommes sont chargés de surveiller un secteur s'étendant : à l'est, de la baie des Veys, à Quinéville, à l'ouest jusqu'au-delà de La Haye-du-Puits. Ils possèdent une autorisation de circuler même dans les installations allemandes.

Dans la région de Cherbourg, Jacques B. de la HAITIERE (Jacques Lévêque) a pris contact avec le garde-champêtre d'Octeville, Antoine PEYRY, dont l'hostilité aux Allemands est notoire. N'avait-il pas déjà pris la courageuse initiative de constituer un dépôt d'armes, dissimulé dans le bois du Mont du Roc, en prélevant dans le stock entreposé à la mairie, provenant des livraisons faites obligatoirement par les habitants ? Antoine PEYRY s'adjoint Jules LEJUEZ, électricien à l'Arsenal, qui le tient au courant des travaux effectués et des mouvements de navires, puis EMILE CARRISSAN, chef de chantier qui signale l'embarquement de mines provenant de la Pyrotechnie du Nardouet, et la date de départ des navires mouilleurs d'engins.

D'autre part, Pierre MAURY reprend contact avec un de ses amis, Emile CIVAI)IER, adjudant en retraite, et l'engage, tandis qu'Antoine PEYRY, au cours de l'été, s'est assuré du concours actif du gardien de la paix Adrien POLIDOR, qui fournira de fausses cartes d'identité pour les membres du réseau. Ces deux nouveaux membres possèdent des propriétés dans la presqu'île de la Hague, et sont munis de laissez-passer pour se rendre dans cette zone super interdite : ainsi, ils pourront signaler les emplacements des importantes fortifications que l'ennemi commence à y édifier.

Mais Jacques de la HAUTIÈRE songe à créer une. organisation parallèle, aux membres plus nombreux, parmi lesquels il pourrait puiser, le moment venu, de nouveaux agents de renseignements. En cette année 1941, il s'agira surtout de disposer dans la plupart des cantons de quelques hommes sûrs dont le rôle, pour l'instant, consistera à mener la propagande contre l'ennemi pour entretenir la foi patriotique.

C'est ainsi qu'il encourage, par sa présence et celle de son frère Jean, le groupe d'Yvetot-Bocage auquel se sont joints les deux demoiselles COSNEFROY et Mlle MONTREUIL, et surtout les deux frères Jean et Gaston PICOT, propriétaires de la ferme d'Azir. Plusieurs réunions ont lieu au cours de l'hiver et du printemps, soit au Mont d'Huberville, soit à Yvetot-Bocage, près d'un abreuvoir desséché, au cours desquelles Jacques de la HAUTIERE donne ses instructions.

Il désigne Gaston PICOT pour le suppléer et implanter le mouvement dans le canton de Saint-Sauveur-le-Vicomte, où il va habiter désormais dans une ferme de Rauville-la-Place.

Dès la fin de mai, Gaston PICOT (Celo) engage à Saint-Sauveur-le-Vicomte le minotier Albert FEREY (Leboulanger), ardent patriote, qui obtient aussitôt le concours de son parent Georges FOUCHE, instituteur à Flamanville ; en juillet. PICOT embauche un des meilleurs agents de renseignements et de liaison, Jean-Baptiste LEBOISSELIER (S.N.C.F.). Par lui, il connaîtra d'autres agents de ce service qui pourront lui être utiles.


Dans la région de Sainte-Mère-Église - Carentan, Pierre MAURY et Charles DELŒUVRE enrôlent Gustave LAURENCE, artisan couvreur, lequel va s'assurer du concours d'Albert MAUGER, cultivateur à Graignes. D'autre part, Jean LEBAS (l'Architecte). directeur de la laiterie de Valognes, obtient par Pierre CAILLOT, contrôleur laitier, et René JUVEAU, des renseignements militaires sur la région de Brévands, Les Veys et Isigny (Calvados).

La réseau a des agents dans huit cantons du Nord-Cotentin et les liaisons fonctionnent bien. En effet :

1) Le 16 juin à 1 heure, bombardement par l'aviation anglaise (malheureusement sans succès) du dépôt allemand d'essence de Saint-Germain-de-Tournebut, signalé par lui, à VERINES.

2) Le 4 novembre, entre 15 h. 30 et 16 h., attaque avec succès, par quatre chasseurs anglais, de la distillerie Comic à Saint-Sauveur-le-Vicomte (renseignements fournis par les frères Gaston et Jean PICOT).

3) Le 2 novembre passe à la radio de Londres la formule d'agrément convenue : " Le cor sonnera quand le coq chantera " suivie le 25 par : " La bagarre a bien travaillé, qu'elle suive les instructions du peuplier ", encourageant le réseau à poursuivre son action avec prudence, selon les consignes reçues.

Dans l'intervalle, hélas ! le 10 octobre, à Paris, VERINES est arrêté. BERTIN de la HAUTIERE, arrivant chez son chef, échappe de justesse à la police allemande.

Désormais, le réseau Saint-Jacques est décapité. Mais le travail continue dans les cantons du nord de la Manche.

LE RÉSEAU " FAMILLE-INTERALLIÉ "

C'est au début de 1941 que Mme BUFFET, née Marie-Thérèse FILLON, ancien agent de l'Intelligence-Service, retirée chez ses parents à Benoistville, reçoit la visite d'un agent du réseau franco-polonais " Famille-Interallié ", en relations suivies par radio avec Londres. C'est Raoul KIFFER (Kiki, Paul), chef du secteur D de cette organisation englobant la Normandie. Sur sa demande, elle accepte de créer dans la Manche une branche de ce réseau. Elle prend contact tout d'abord avec les personnes ayant travaillé avec elle à Cherbourg dans le service anglais de renseignements.

Dans la région des Pieux, outre celle des membres de sa famille, elle obtient l'adhésion de Maurice LEBOS, sous l'indicatif D 1. préparateur en pharmacie, dont elle savait qu'il avait été autorisé plusieurs années avant les hostilités, à utiliser un poste émetteur. Il avait détruit ce poste, nais il put confier à Mme BUFFET, en fin mars, une lampe d'émission qu'elle remit à KIFFER. Maurice LEBOS est chargé de centraliser les renseignements sur les emplacements exacts des dépôts de munitions, nids de mitrailleuses, canons anti-aériens. Ils lui sont signalés par le jeune commis de la pharmacie. Gabriel GAMAS, âgé de 15 ans, au retour des tournées de livraison qu'il effectue dans tout le canton. Le caissier de l'officine, LEMARINEL, relève les indications sur plans que LEBOS remet régulièrement à Mme BUFFET.

En août, celle-ci se rend à Granville, accompagnée de LEMEUR, un de ses anciens agents de l'Intelligence Service, chez un autre agent du même organisme, Auguste MABIRE, marin pilote. Il accepte immédiatement de servir le réseau " Interallié " et signalera les mouvements de troupes ou de matériel vers les îles anglo-normandes. Ils prennent rendez-vous avec Jeanne FRIGOUT, employée à Saint-Lô. et Raoul KIFFER l'engage dans le réseau. Elle est chargée d'identifier les grades et les insignes des troupes allemandes, d'indiquer les emplacements des États Majors et des dépôts de munitions.

En septembre octobre, elle indique à KIFFER le domicile d'un général allemand. et les insignes de régiments allemands de trois armes différentes.

KIFFER passe régulièrement trois fois par mois pour collecter les renseignements recueillis par les agents.

Vers le milieu de l'année, l'agent E.L., buveur invétéré, qui consomme souvent au débit de boissons tenu rue du Val de Saire, à Cherbourg, par Mlle Charlotte LACOTTE, engage celle-ci dans le réseau. Elle sera la " boîte aux lettres " chargée de centraliser les messages provenant de Mme BUFFET ou de KIFFER (Paul) et ceux remis par les agents du réseau. Des réunions de travail ont lieu chez elle auxquelles participent Georges HERBERT et BONNEMAINS, chauffeurs de camions engagés par E.L. qui, obligés de travailler pour les Allemands, relevaient sur plans l'emplacement des ouvrages fortifiés qu'ils édifiaient dans la région.

En septembre, Mme BUFFET enrôle Mme Angèle GALLIE née BUHOT, vendeuse dans un magasin de Cherbourg. qui ne cache pas aux Clients ses sentiments anglophiles et gaullistes, et la charge de relever les numéros des voitures allemandes. Sur sa demande, Mme GALLIE sollicite, au début d'octobre, un client dont elle connaît le patriotisme M. R. HELEINE, cultivateur et maire de Beaumont-Hague, qui accepte de lui fournir des renseignements' et l'invite à se rendre sur place avec son mari. Tout en se promenant à travers champs, tous les trois repèrent les emplacements exacts des batteries et des ouvrages en construction que M. GALLIE relève sur plan pour être remis à Mme BUFFET.

De son côté, celle-ci accompagnée de KIFFER (Paul), se rend sur la montagne du Roule dominant Cherbourg, pour photographier l'emplacement d'une batterie de D.C.A. récemment installée, mais cette visite est si rapidement écourtée par la présence des Allemands que Mme BUFFET oublie ses gants qu'elle avait posés sur un rocher. Cette négligence aura de graves conséquences par la suite.

Le 21 octobre, à Saint-Lô, Jeanne FRIGOUT rencontre, à l'hôtel de la gare, Raoul KIFFER (l'aul) qui y passe les 1er - 11 et 21 de chaque mois pour la collecte des renseignements. Ne pouvant se rendre à Cherbourg, il lui confie la mission de porter à l'agent E.L. les indications qu'il a rassemblées. Elle s'y rend le 1er novembre, en fin de matinée, avant le déjeuner. Non sans hésitation, ayant l'impression d'être suivie, elle entre chez E.L. où un grand festin est préparé. E.L. lui présente un Alsacien sous uniforme allemand, interprète à l'Arsenal (qui n'est autre que Hugo BLEICHER de l'ABWEHR). Très méfiante, elle repart très vite avec les plans qu'elle détient.

Le 2 novembre, Marie-Thérèse BUFFET qui était allée la veille chez les époux GALLIE à Tourlaville pour les inviter à remettre leurs plans à Raoul KIFFER (Paul), se rend à la gare de Cherbourg pour attendre cet agent. Constatant son absence, elle passe au magasin où Mme GALLIE est vendeuse, et prend le plan des défenses de la Hague qu'elle devait remettre à KIFFER. De retour à son domicile de refuge, 95 rue du Val de Saire à Cherbourg, elle est arrêtée par BLEICHER, agent de l'Abwehr ; (elle sera déportée à Ravensbrück).

Le lendemain on arrête le camionneur Georges HERBERT (il sera déporté à Mauthausen où il mourra le 16 mai 1943), puis, à l'arrivée du train venant de Paris à 15 h. 30 Raoul KIFFER (Paul). E.L. qui l'attendait près de la gare est aussi appréhendé. mais il est immédiatement libéré et vient cependant prévenir Mlle LACOTTE de ces tragiques événements.

Le 6 novembre, E.L. se rend aux Pieux où il remet à LEBOS des documents pour être transmis au réseau. Le jeune commis Gabriel DAMAS dès le début de la matinée va les porter à Benoistville chez M. et Mme FILLON, père et mère de Mme BUFFET (Denise). Ce même jour, Maurice LEBOS, sa femme et sa tille, et le jeune CAMAS sont arrêtés et emprisonnés à Cherbourg (64) (seule l'arrestation de LEBOS qui sera déporté sera maintenue), tandis que Jeanne FRIGOUT est appréhendée à Saint-Lô (elle sera déportée à Ravensbrück).

Le lendemain 7 novembre Auguste MABIRE à Granville et Mme GALLIE à Tourlaville sont écroués également. Cette vague d'arrestations sera à l'origine du démantèlement d'un des plus importants réseaux et de l'extraordinaire aventure d'un agent de renseignements d'envergure Mathilde CARRE, mieux connue sous le pseudonyme de " La Chatte ". servant successivement les Alliés, puis les Allemands, pour finalement gagner l'Angleterre en février 1942.

Rien ne subsiste clans la Manche du réseau " Interallié ", branche du réseau F2. Il renaîtra plus tard avec d'autres éléments en l'année 1943.

LE RÉSEAU DE " RÉMY " : CONFRÉRIE NOTRE-DAME (C.N.D.)


Dès décembre 1940, Georges MARADENE, jeune apprenti à l'Arsenal de Cherbourg, procède, dans cet établissement travaillant pour l'ennemi, à de menus mais nombreux sabotages. Menacé d'être dénoncé par son chef, il abandonne l'Arsenal et est embauché en juin 1941, comme voyageur-monteur à l'usine Simon qui fabrique des machines agricoles. Étant descendu dans un hôtel de Saint-Brieuc, il fait la connaissance d'un autre voyageur avec lequel il échange des propos hostiles aux Allemands. Cet interlocuteur était CHOLET (Lenfant), agent du réseau monté par Gilbert RENAUD dit REMY, qui l'engage comme son représentant à Cherbourg sous le pseudonyme de " Dragon ". Confirmation de son engagement est donnée par le message convenu entre les deux hommes, " Mathurin et Isidore sont en promenade " émis par la radio de Londres en août 1941.

CHOLET (Guy Lenfant, Jacques Leroux) se rend souvent à Cherbourg. En novembre, il y vient accompagné d'Étienne LEGRAVEREND, responsable de la région Normandie-Bretagne, avec lequel il sera désormais en contact. Celui-ci vient tous les 15 jours et rencontre son agent dans une chambre louée rue Gambetta par MARADENE, et dont il possède la clé. Il est convenu que les renseignements de tous ordres recueillis y seront déposés.

Vers la fin de l'année, Georges MARADENE va enrôler pour l'aider dans la collecte. un de ses camarades, travaillant avec lui à l'usine Simon, Robert FREMY.

LE RESEAU QUI DEVIENDRA :

" CEUX DE LA LIBÉRATION " (C.D.L.L.)


Au petit groupe constitué à Tourlaville dans les derniers mois de 1940 par Gilbert VEDY (Médéric) et Jules LEMOIGDIE (Le Moineau en bois) auquel s'est joint Marcel LEBLOND (l'Étincelle), directeur de la " Défense Passive ", s'ajoute en janvier 1941 le garagiste GIOT. Une première réunion du groupe a lieu en janvier, à laquelle assiste l'ingénieur COTTAT.

Le mois suivant, à sa demande, Georges FOUGERE est engagé comme chauffeur par LEBI,OND, qui désigne Gilbert VEDY comme chef de secteur de la Défense Passive, ce qui leur permet de circuler dans l'établissement militaire et d'y obtenir des renseignements.

En juin, Marcel LEBLOND engage Albert DUCHEMIN, retraité des douanes et chef d'équipe des pompiers de Tourlaville, puis Léon NAVET, son camarade de régiment, débitant, qui relèvera les insignes des militaires allemands fréquentant son établissement.

Mais le 24 juillet, Gilbert VEDY, dénoncé, doit s'enfuir à Paris, muni d'une fausse carte d'identité portant le nom d'un peintre décédé, fournie par Paul RICHARD, instituteur, faisant fonction de secrétaire de mairie de Querqueville. Gilbert VEDY deviendra sous son pseudonyme de " Médéric. ", un des dirigeants des plus actifs et des plus déterminés du réseau " Ceux de la Libération ", fondé par l'industriel Maurice RIPOCHE, ancien pilote de chasse de la guerre 1914-1918.

Bien que le 25 octobre Georges FOUGERE et sa fenune soient appréhendés et emprisonnés (69), le groupe formé par Jules LEMOIGNE, maire de Tourlaville, s'adjoint Mme LAOUENAN, née Eugénie LEBRIANT, conseillère municipale et correspondante du Secours National, organisme venant en aide aux prisonniers de guerre et à leurs familles. M. Gabriel LAOUENAN (Le Grillon), gérant de pharmacie, participe au groupe qui se réunit à son domicile, situé à l'étage au-dessus du local où sont entreposés les colis destinés aux Prisonniers de guerre. Par les clients allemands fréquentant l'officine, il peut obtenir des renseignements sur les unités allemandes, leurs effectifs, leurs mouvements ou sur l'emplacement des batteries de la D.C.A.

En novembre, Raymond VEDY qui a été interrogé longuement le mois précédent par la Gestapo sur les activités de son frère, sera engagé peu après comme membre de la branche " Action " du groupe que dirige Marcel LEBLOND.

Ainsi, en fin 1941, malgré le départ précipité de " Médéric ", le groupe de Tourlaville est solidement implanté.

LE PARTI COMMUNISTE FONDE LE MOUVEMENT " FRONT NATIONAL "



Le recrutement des anciens membres du parti communiste continue sans relâche sous l'impulsion d'André DEFRANCE. Il peut compter dans le Mortainais sur les carriers et les bûcherons de Saint-Michel-de-Montjoie groupés autour des frères HILLIOU qui s'adonnent à distribuer avec Roger PALARIC tracts et brochures et dont le domicile servira de refuge aux militants clandestins du parti.

A Coutances, une cellule est reconstituée autour de Félix BOUFFAY et à Agon par le cafetier Maurice GUILLOT. Le parti cristallise le mécontentement populaire au sujet du ravitaillement insuffisant, en organisant, au début de février, sous l'impulsion de Mme BOUFFAY une pétition qui recueille 350 signatures de ménagères, obtenant ainsi un déblocage des stocks en pâtes alimentaires et en pommes de terre.

A Granville, en mars, Louis BLOUET est l'adjoint de René LONCLE avec qui Louis PINSON, instituteur à La Haye-Pesnel, prend contact à l'occasion d'une visite à son ancien professeur Maurice MARLAND qui l'encourage à la Résistance. Pour l'instant le mouvement ne se manifeste que par des tracts envoyés par la poste.

A Equeurdreville, à partir d'avril-mai, des réunions clandestines ont lieu régulièrement au domicile de Pierre VASTEL : c'est le groupe " Valmy " où se retrouvent entre autres : Henri CORBIN, Maurice FONTAINE, André COLAS, Lucien MATELOT, Raymond POTTIER, Auguste LIVORY, Léon LECRES dont la femme fait le guet. D'autres ont lieu, rue de Tocqueville, chez Émile PINEL.

A la même époque se reconstitue à Cherbourg. sous le vocable du " Front patriotique de la Jeunesse ", le groupe des Jeunesses communistes dont le responsable est un apprenti menuisier de 16 ans Roger ANNE et qui, en fin 1941, comptera dans ses rangs, Jean HOUYVET, employé à la S.N.C.F., René LEJEUNE, Gustave JURCZYSZYN et l'instituteur de la Glacerie Jean MICIIEL.

En fin mai 1941, André DEFRANCE organise une grève unanimement suivie pendant une journée entière par les charpentiers travaillant au camp d'aviation de Gonneville-Maupertus. Elle avait pour but d'appuyer celle des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais et de diffuser le journal syndical clandestin " La vie ouvrière ".

Ce mouvement particulièrement réussi incite le parti communiste, sur le plan national, à préconiser l'union de tous les patriotes, quelle que soit leur origine sociale, en créant le " Front national pour la libération, la renaissance et l'indépendance de la France ". André DEFRANCE qui vient d'être désigné par le Comité central comme Commissaire militaire régional (C.M.R.), chargé de l'organisation de la lutte dans trois départements (Manche, Oise, Seine-Inférieure), ne pourra mettre sur pied la nouvelle formation qu'en juillet. En effet, à la suite de l'attaque allemande du 22 juin 1941 contre la Russie, de nombreux membres du parti communiste sont arrêtés : Léon LAMORT, René LONCLE, Charles PASSOT à Granville, René FOUQUET à Querqueville, Alphonse DOUCET et Maurice FONTAINE à Equeurdreville, Édouard LECHEVALLIER et Hippolyte MESNIL à Cherbourg, Julien LETERRIER à Tourlaville, Gaston LAUNAY à Octeville. Tous seront déportés (à l'exception de LAUNAY, interné plus de deux ans à Mérignac), tous mourront dans les camps de concentration allemands à l'exception d'Hippolyte MESNIL. Henri CORBIN averti par son voisin, Henri LECRES, a pu échapper à la rafle, et muni d'une fausse identité délivrée par Jean GOUBERT, gagner Saint-Michel-de-Montjoie où il retrouve André DEFRANCE chez Louis HILLIOU).

Grâce à la grande activité d'André DEFRANCE, les groupes communistes vont être transformés en sections du Front National au cours du deuxième semestre. Le Groupe de Saint-Michel-de-Montjoie qui s'appellera le groupe " Jean FRESNAY " est en relations avec un petit noyau formé à Sourdeval par Roger AUMONT représentant de commerce. Avec l'aide d'Ernest LETONDEUR, artisan carrier à Saint-Pois et de Marius DELAHAYE, à Gathemo, ces petits groupes vont s'adonner dès juillet à la propagande en assurant la distribution de la feuille syndicale " La vie ouvrière " et du journal l' " Humanité ". A Airel et à Saint-Fromond, Jean LAMOTTE, instituteur, constitue un petit noyau de trois hommes dont l'employé de Chemin de Fer LEVIONNOIS et CHOUBRAC. Il engagera vers la fin du second semestre Mme NICOL née DETEUVE, institutrice, chargée de la direction d'un groupe d'enfants réfugiés de Cherbourg à Torigni et l'inspecteur de l'enseignement primaire Ernest OGE qui, étant autorisé à circuler dans la circonscription de Saint-Lô, sert d'agent de liaison entre les groupes.

Dans la région au sud de Granville, André DEFRANCE a pris contact avec Victor FRANCOLON, cultivateur à Bouillon. Celui-ci noue des relations d'une part avec un groupe de carriers de Carolles qui entreposent des armes, et d'autre part avec un noyau de résistants formé à Saint-Pair, par son agent de liaison Michel THOMANN, ancien policier de la région parisienne, qui a pris contact avec l'hôtelier Auguste DIGEE. Outre celui-ci et le maire BEAUMONT, le groupe rassemble Maurice DESBOIILETS, O'COLLAGHAN, le buraliste DUGUAY, Eugène OVIN employé de mairie, LE COUVEY, COTENTIN et Mme SCHRADER qui se consacrent à la collecte de cotisations de soutien destinées aux militants " illégaux ". Bientôt le groupe de huit hommes constitué à Carolles par Alexis VERT, rattaché au groupe MARLANI). deviendra une branche du groupe FRANCOLON.

A Pontorson. Gaston LEBARBIER, âgé de 15 ans, confectionne et distribue des tracts appelant à lutter contre l'ennemi.

Dans le nord du département, Lucien SIOUVILLE, revenu de Paris, re-joint sa femme et Mme Juliette DEFRANCE, réfugiées au moulin de Gonneville à Bricquebec. Il est l'agent de liaison entre André DEFRANCE et les membres du Comité cherbourgeois du Front National. (L'essentiel de l'activité des groupes se borne à intensifier la propagande et le recrutement par la confection et la distribution de tracts). A cet effet, Jean LAMO"r1'E se rend, en juillet, à Rouen d'où il rapporte un duplicateur, que son fils Jean-Xavier prend en charge jusqu'à Cherbourg. Juliette DEFRANCE, venue spécialement de Bricquebec, l'attend et par agents de liaison successifs l'amène chez Paul VASTEL, à Equeurdreville, où les tracts sont imprimés.

Une nouvelle série d'arrestations va s'abattre en septembre sur les militants. le 19 septembre sont appréhendés à Cherbourg, le contremaître Louis HAMEL, le marin Léon TRUFFERT, à Equeurdreville Léon LECRES, à Octeville Charles MAUGER, le 21 septembre à Avranches, Marcel HODIESNE. (Déportés, ils succomberont dans les camps de concentration).

C'est alors qu'une nouvelle forme d'organisation va s'établir afin d'éviter ou de limiter les risques d'arrestation : la constitution de groupes de trois hommes, le triangle, dont chaque élément est chargé d'une mission précise, et agissant indépendamment des autres. Pour cela, en septembre, par l'intermédiaire d'Achille MESNIL, le nouveau responsable départemental Roger BASTION a une entrevue à Cherbourg, avec Émile PINEL pour mettre au point la nouvelle formule. Achille MESNIL est responsable aux masses. c'est-à-dire du recrutement, André LECLERC de l'organisation. Émile PINEL de la propagande politique. (Cette organisation sera modifiée fin novembre, par permutation de fonctions entre MESNIL et PINEL).

Dans le Mortainais, le groupe de Sourdeval-Saint-Pois engage le 3 octobre André DEBON, instituteur à Gathemo, recruté par Marius DELAHAYE au cours d'une garde nocturne infligée par l'ennemi à la suite de coupures répétées de câbles téléphoniques, tandis qu'à Ger un groupe de Républicains espagnols venant de l'Orne s'installe comme bûcherons sous la direction de Pedro PERREGORT.

Les arrestations s'accumulent. Le 4 octobre, on arrête à Equeurdreville Auguste MARIE, le 22 Pierre CADIOU, le même jour à Octeville, Lucien LEVAUFRE et Pierre PICQUENOT ; le 27 à Bricquebec, Lucien SIOUVILLE, sa femme née DEFRANCE. Tous les hommes déportés succomberont en camp de concentration.

En octobre, le groupe de Bouillon engage Georges DUCHENE (Lernt), artisan peintre, sa femme née Marie JEAY (Mireille) puis Charles PINSON, instituteur.

Le groupe de Sourdeval va être éprouvé, en novembre. Son chef Roger AUMONT, apprenant avec indignation l'exécution, le 22roctohre, des otages de Chateaubriant, de Nantes et de Bordeaux, organise avec l'hôtelier Jules LANSSADE et l'ouvrier Jacques BAZIN, une collecte dont le produit est destiné à l'achat d'une gerbe portant sur le ruban : " Aux fusillés de Nantes et de Bordeaux ". Elle est déposée le 1er novembre au Monument aux Morts par les résistants. Bien que sur l'ordre du maire, le ruban ait été enlevé quelques heures après, cette manifestation fut chaudement approuvée par l'opinion publique. Le geste est renouvelé avec la même inscription, le 11 novembre.

L'enquête menée, sur plainte du maire, par le Commissaire aux Renseignements généraux, amène l'arrestation le 12 novembre de Roger AUMONT (déporté, il meurt au camp de concentration d'Ausschwitz).

Ce sera le percepteur Marcel GOMBERT qui reformera peu après le groupe avec Pierre CHERRUAU, transporteur, Emmanuel FORTIN, bourrelier, re-joints plus tard par le chauffeur CHAMPAGNAC, puis par René PETITPAS et Victor DELORME.

En ce même mois, Félix BOUFFAY, chef de canton à la S.N.C.F., revenant par le train de Saint-Lô à Coutances, est engagé par Roger BASTION (Louis Ballon) et Louis CANTON (Henri), responsables départementaux, qui reviennent d'Airel où ils ont été hébergés par Jean LAMOTTE et ont rencontré André DEFRANCE.

Le Front National, sous la direction d'André DEFRANCE, ne se contente plus de la propagande. Maintenant il s'agit de prévoir au sein du mouvement la formation d'équipes armées, organisation spéciale (O.S.) qui sera l'année suivante à l'origine des groupes de Francs-Tireurs et Partisans (F.T.P.).

A cet effet, selon les instructions reçues de Louis CANTON, délégué interrégional, André DEFRANCE va parcourir le département.

A Saint-Michel-de-Montjoie, il prend contact avec Arsène PARIS, qui héberge Victor LERAY (du groupe de Flers, venant d'être en grande partie détruit). Arsène PARIS engage dans l'organisation toute sa nombreuse famille et abrite, en lieu sûr, deux machines à écrire et une machine à polycopier que lui confie André DEFRANCE.

A Villedieu, il est hébergé chez l'artisan granitier Roger LE CANN qui vient d'engager dans le mouvement Robert STOREZ, ancien secrétaire de la section socialiste, qui, bien que paralysé des deux jambes, sera un remarquable animateur.

A Cérences, par l'intermédiaire de Félix BOUFFAY, André DEFRANCE prend contact avec Stéphane COMTESSE, employé à la S.N.C.F, qui se charge de l'hébergement des résistants de passage. Les réunions clandestines ont lieu chez lui et c'est au cours de l'une d'elles qu'André DEFRANCE engage dans le mouvement René LORENCE, marchand forain.

Signalons que deux nouveaux groupes sont en voie de constitution, l'un à Brécey, autour de Gustave MOULIN, quincaillier, qui se procure par l'intermédiaire de l'agent de liaison Maurice MOULIN de fausses cartes d'identité remises par Mlle Edmonde MATELOT, l'autre à Saint-Côme-du-Mont par l'instituteur Eugène GUILBAUT qui désigne son ancien élève Camille DIJBOIS comme agent de liaison avec les groupes du sud.

En lin 1941, sous l'impulsion d'André DEFRANCE et malgré la répression de l'ennemi (les époux MORGENTHALER du groupe de Carolles sont arrêtés, pour détention d'armes, et déportés). le Front National est bien implanté. dans le département. Orienté jusqu'alors uniquement vers la propagande et le recrutement, il est maintenant prêt à tenter l'action directe contre l'occupant.

LES MOUVEMENTS, SOCIALISTE ET SYNDICAL, PRÉCURSEURS DU MOUVEMENT " LIBÉRATION-NORD "

A la suite de la lettre écrite, en décembre 1940, par Joseph BOCIIER à NEUMEYER, ancien secrétaire de la Fédération des Fontionnaires, approuvant le " Manifeste du Syndicalisme ", celui-ci le met en rapport avec Henri RIBIERE, militant socialiste de l'Allier, (lui entreprend de renouer des contacts entre les socialistes décidés à continuer la lutte contre l'hitlérisme et le gouvernement de collaboration de Vichy. Dans le début de l'année. Henri RIBIERE rend visite à Joseph ROCHER, à son domicile à Equeurdreville, pour l'encourager à former un mouvement en s'appuyant sur les militants syndicaux ou socialistes restés fidèles à leur idéal.

En janvier, Jean GOUBERT, professeur, conseiller général et socialiste, et Joseph BOCHER constatent leur identité de vues pour agir en commun contre l'ennemi.

D'autre part. dans le sud de la Manche, dans les premiers jours de mars, le secrétaire général de la sous-préfecture d'Avranches HEDOUIN, membre du parti socialiste, se rend à Pontorson, chez son camarade RIOU, vétérinaire, pour l'inciter à constituer un groupe de patriotes hostiles au régime établi. Ce qu'il fit en engageant André HARNOIS, François LECHAT et le pharmacien Félix LE GENTIL.

En avril 1941 Henri RIBIERE rend une nouvelle visite à Joseph BOCHER. Ensemble, ils parcourent la région et notent l'emplacement des fortifications allemandes entourant Cherbourg. Les liaisons seront assurées régulièrement avec NEUMEYER ou RIBIERE par André LE BELLEC que Joseph BOCHER a présenté à son visiteur, et à qui il confie la responsabilité du secteur nord de la Manche.

Ce n'est que le mois suivant que prendront forme, d'une manière encore bien floue, la C.G.T. clandestine et le Comité d'Action socialiste, constitués en général par les mêmes membres. Vers le milieu de l'année cependant, la Commission administrative de la C.G.T. est reconstituée ; ses réunions se tiennent régulièrement au domicile de Jean RENOUF, rue Victor-Hugo, à Equeurdreville ; y assistent avec Joseph BOCHER, représentant le syndicat de la Marine marchande, Bernard POISSON, Berthe GOUEMY et Jean RENOUF du Syndicat des Travailleurs de la Marine, THOUMINE du Syndicat des Chemins de Fer. Maxime LELIEVRE du Syndicat du Bâtiment, LEFRESNE, convoqués par Gaston LOSTORIAT du Syndicat des Employés, désigné comme agent de liaison.

C'est à partir d'octobre 1941 que des paquets du journal " Libération " arrivent à la poste de Cherbourg. Ils sont pris en charge par le facteur Victor LETERME qui les achemine à la mairie d'Equeurdreville, administrée par Hippolyte MARS, maire, et Raymond LE CORRE, adjoint, anciens dirigeants de la Fédération socialiste. Bien qu'en dehors du mouvement, tous deux sont mis au courant, mais ferment les yeux. Les journaux sont stockés dans le local de la chaufferie. Gaston LOSTORIAT en assure la répartition entre les distributeurs, ouvriers à l'Arsenal (François BRISSET, Roger et Marcel LEDENTU) ou la S.N.C.F. (Georges THOUMINE).

En décembre, à Carentan, André LE BELLEC (Toto) qui a habité cette localité avant guerre et y a conservé des amis, engage dans le Mouvement Marcel TOULORGE, commerçant et Abel GIDEL, chef d'atelier en mécanique. Il leur fournit des tracts et le journal " Libération " pour distribuer.

C'est en fin 1941 que NEUMEYER, ancien secrétaire du Syndicat des Douanes, membre du parti socialiste clandestin, écrit à Raymond LE CORRE, ancien secrétaire fédéral du parti socialiste et membre du Syndicat des Douanes et lui donne rendez-vous à Paris. Il le met en contact avec Henri RIBIERE. Dès lors, il va se consacrer à la reconstitution du parti socialiste clandestin, en agissant avec beaucoup de prudence et de discrétion, qualités qui sont loin d'être incompatibles avec l'efficacité.

A cet effet, il convoque à Coutances Marcel MENANT, ancien secrétaire de la section socialiste de Saint-Lô, et le charge de rassembler d'anciens amis. MENANT, tout récemment rentré de captivité, s'occupe de l'aide aux prisonniers de guerre en liaison avec le " Secours national " et la " Croix Rouge ", ce qui lui procure une couverture pour ses activités clandestines. Il a réussi à camoufler un appareil à polycopier avec lequel il imprime depuis le mois d'août des tracts, reproduisant les émissions de la radio de Londres (96). Il a engagé pour leur diffusion Jules RIHOUEY qui est en relations, à cet effet, avec Emile GUERIN, tenancier d'un café-restaurant et avec Charles BONNEL, agent de la S.N.C.F.

A partir d'octobre, les tracts sont remplacés par le journal " Libération ". Chaque lundi, à Saint-Lô où l'appellent ses fonctions de contrôleur économique, Raymond LE CORRE (Chevalier, Lafleur) rencontre Marcel MENANT et prend des contacts administratifs discrets avec des fonctionnaires : Jean DURIAU, André ROUAULT, Pierre YVINEC qui, chacun dans leur sphère, cherchent à rassembler ceux qui n'acceptent pas le joug de l'occupant.

C'est à la même époque que René SCHMITT, professeur au Lycée de Cherbourg, ancien secrétaire de la section socialiste de cette ville, rentré de captivité, retrouve à Equeurdreville Joseph BOCHER.

En cette tin d'année 1941, les bases du mouvement qui donnera naissance à " Libération-Nord " commencement à s'implanter sur le plan syndical comme sur le plan politique, en particulier clans la région nord. Mais il est n'est guère structuré et doit se borner, pour l'instant, à la propagande.

LES GROUPES LOCAUX DE SAINT-LÔ

Groupe de la S.N.C.F

Il est formé, dès le début de l'année, par Charles BONNEL, SANSON et Jules RIHOUEY, auxquels s'adjoignent en janvier l'expéditeur Fernand LECHEVALLIER qui a formé dans les derniers mois de 1940 un petit noyau de patriotes, puis le chef de gare Émile JEANNE. En avril, le libraire André GORET, en relations fréquentes avec Charles BONNEL, le renseigne sur les troupes dont il identifie le numéro et l'emplacement des Etats-Majors.

Tous les déplacements de troupes par T.C.O. (trains militaires allemands) sont signalés deux jours avant leur passage en gare de Saint-Lô, par le chef de gare. Les mêmes renseignements sont fournis à BONNEL par le chef de gare de La Meauffe, Gédéon BERUEL, et transmis chaque jour au groupe de cheminots de la gare de Caen.

Le Réseau E GALLIA

Ce groupe formé par Charles AGNES l'année précédente est déjà nombreux, mais encore peu organisé. Il s'enrichit en janvier du libraire André GOBET, puis le 27 février d'un agent efficace Henri MARTIN (Enime), chef de poste au service d'hygiène de la Préfecture. Appelé à se déplacer souvent dans le département pour les besoins du service, il peut fournir des renseignements utiles, mais aussi assurer les liaisons, ce que fait également Georges MICI[AUX, devenu voyageur de commerce pour ne pas servir VICHY (99).

Le 18 mai, Julien LE PENNEC fait entrer dans le réseau René UNTEREINER, professeur d'allemand au Lycée de Cherbourg, détaché depuis le 1er novembre précédent comme interprète à la Préfecture de la Manche.

Grâce à ses rapports avec la Feldkommandantur 722, il peut obtenir des renseignements sur les effectifs allemands stationnés dans le département. Se joignent aussi au réseau F. GALI,IA Eugène VIGOT, tapissier. qui, en septembre, recrute Louis LEPELLETIER, hôtelier à Canisy puis Michel YVER agriculteur, conseiller d'arrondissement.

Groupe des Contributions Indirectes

Vers le début d'octobre, André ROUAULT, contrôleur à la Direction de cette administration, et son collègue Hilaric DEFFES jettent les hases d'une organisation clandestine. Une employée, Mariette RABECQ, assurera le secrétariat et les liaisons.

AUTRES GROUPES AUTONOMES

A Avranches, dès les premiers mois de 1941, se constitue un petit noyau d'opposants autour de Désiré LEROUXEL, ancien adjoint au maire d'Avranches, et de Marcel LUCAS commerçant. A l'occasion de la fête de Jeanne d'Arc, en mai 1941. ils font imprimer des tracts appelant les patriotes à ne pas accepter le nouveau régime et à s'opposer à toute complaisance avec l'ennemi. Ces tracts sont distribués par les jeunes frères BARBIEUX qui sont arrêtés pour ce motif le 12 mai.

Bientôt viennent se joindre au groupe Gaston GEORGEL et sa femme, Gabriel LASSUS. le docteur Alfred LEBRE'I'ON et son fils Jacques.

Au cours de l'été, à Marigny, quatre fonctionnaires hostiles au régime forment un noyau décidé à s'opposer aux ordres de Vichy et de l'occupant : Maurice MARIE, secrétaire de mairie, le juge de paix SALLE, Alexandre LELANDAIS, contrôleur des contributions indirectes et Félix GALLETTI, receveur des postes. Ce groupe sera rattaché l'année suivante à l'O.C.M.

A Cherbourg, en juillet. Georges DIVETAIN tente de former un groupe qu'il appelle " Phénix ". Il engage Émile RAIMOND, ouvrier à la pyrotechnie du Nardouet. Ce petit noyau naissant disparaîtra vite en se fondant dans d'autres organisations.

A Chef-du-Pont, sous l'impulsion de Léon ROBINE, employé aux Travaux maritimes de l'arsenal de Cherbourg, un petit groupe se forme avec les frères Henri et Adolphe LEPAISANT. Paul COUSIN, Albert MICHEL.

AGENTS DE RESEAU IMPLANTÉS HORS DÉPARTEMENT

Jade-Anicol

Au cours du 1er trimestre 1941, le négociant en épicerie, Paul HALLEY, .de Cherbourg. habite Lisieux et appartient au réseau Jade-Anicol rattaché à l'Intelligence Service.

Il y engage à Cherbourg Eugène MORGUE son livreur, qui assure par camions le ravitaillement des cantonnements allemands et de la population pour les régions de Beaumont-Hague et de Montebourg. Il peut ainsi observer et obtenir des renseignements précieux sur les fortifications de la Hague à Jobourg et au rocher de Castel-Vendon, à Gréville. Dans le canton de Montebourg, aidé du Docteur LECACHEUX, il est renseigné sur celles que les Allemands édifient le long de la côte s'étendant de Quinéville à Sainte-Marie-du-Mont.

SERVICE DE RENSEIGNEMENTS DE L'ARMÉE D'ARMISTICE


A Cherbourg, l'entrepreneur Victor VALOGNES, chargé de la construction d'ouvrages défensifs allemands, est un agent qui renseigne son frère Jean, chef responsable du contre-espionnage de l'armée d'armistice pour la Seine-Inférieure.

En outre, une antenne des Services spéciaux de l'armée, le Service de renseignements Kléber, fonctionne dans la région de Barneville, dont l'agent Charles HUBERT fait parvenir le plan des défenses allemandes dans le département au 2e Bureau de Vichy, par l'intermédiaire de M. RIEFFEL, inspecteur d'assurances au Mans.

SERVICE DE RENSEIGNEMENTS DE L'ARMÉE VOLONTAIRE (S.R.A.V.)

En juillet 1941, Julien TROCHU, électricien à Barfleur, se rend à Paris chez son confrère Gabriel LASSERRE, pour obtenir des produits de beauté nécessaires au salon de coiffure dirigé par sa femme.

Au cours d'un entretien amical, LASSERRE l'engage comme agent de renseignements sur la région nord-est du Cotentin. Cet engagement est immédiatement ratifié par Marcel DUFFAUD (Paul), responsable parisien du réseau. Julien TROCHU indiquera à LASSERRE, au cours de ses voyages à Paris, l'emplacement sur carte d'état-major des batteries allemandes, l'importance des transports d'essence alimentant l'aérodrome de Maupertus, l'installation à Tocqueville d'un poste émetteur allemand.

Résistance P.T.T.


Henri LEVEILLE (Microlo), agent des installations à Caen, vient, le 11 septembre. rendre visite à son ami Marcel RICHER, agent des lignes à Saint-Lô, rentré de captivité à la demande de son administration. Il obtient facilement son accord pour tenter de fonder un groupe d'opposants aux Allemands. En fin d'année, Marcel RICHER est désigné par son ami comme responsable des transmissions du réseau de résistance PTT, avec comme adjoint Etienne BOBO, conseiller technique. C'est le point de départ d'une organisation solide et puissante, appelée à remplir un rôle de premier ordre dans la Résistance.

Réseau Marc-France

En novembre 1941, ce réseau franco-belge dispose d'un agent, Gustave BELLOIR, ancien lieutenant de chasseurs à pied, domicilié à Saint-Jean-le-Thomas, qui a été recruté à Dol par LEBRET, agent de la S.N.C.F. (108). Ce sera au cours de l'année suivante que ce réseau important développera son action dans la Manche.

Réseau Alliance

Ce prestigieux réseau, créé à Vichy en fin 1940 par le commandant LOUSTAUNAU-LACAU (Navarre) avec l'aide de Marie-Madeleine MERIC (aujourd'hui Mme FOURCADE), " Hérisson ", puis du commandant FAYE (" Aigle "), dispose à Cherbourg d'un agent, l'artisan menuisier Roger TII,LOY. Celui-ci avait été engagé le 15 décembre 1940 dans la région de Châteauroux, par Maurice COUSTENOBLE (Tigre), un des grands responsables du réseau en zone occupée. Répondant au pseudonyme " Tip 60 ", Roger TILLOY, revenu à Cherbourg en 1941, fournira à son chef des renseignements utiles sur l'importance des effectifs et des fortifications de l'ennemi dans le Nord-Cotentin.

ANNÉE 1942

VERS L'ACTION ARMÉE

Le GROUPE MARLAND de GRANVILLE, rattaché au réseau " Brutus ". continue le " renseignement " transmis en Angleterre par poste émetteur caché parfois par Edmond POULAIN, juge de paix, dans la salle du tribunal de Granville, ou à Bréhal, chez son gendre Jean LEBRETON.

Suzanne LEPOITTEVIN, épouse de l'officier de marine YBERT, servant dans les F.F.L., devient agent de liaison entre Bréhat et Granville.

Le 15 mars, un message signale à Londres le trafic maritime de ciment et de matériaux de construction entre Granville et Jersey, observé par Jules LEPRiNCE et le groupe de marins qu'il a formé : THELOT, DUCLOS, RICHARD, HEILIG, GUERRIER. Ce dernier, arrêté peu avant, le 19 janvier 1942 à Saint-Malo, est déporté au camp de Dora où il est décédé le 27 février 1945.

Lucien FINCK dirige le Service de Renseignements et établit les plans détaillés des défenses de l'ennemi. Le 4 avril, son fils Edmond parcourt la région de Mortain, signale :

- la présence d'un bataillon d'infanterie de la 16e Division motorisée, à l'Abbaye Blanche, soumis à un entraînement intensif ;

- à Saint-Pois, celle d'un bataillon de parachutistes revenant de Russie. dont le chef, le général BAUER, a installé son poste de Commandement dans le château ;

Le 8 mai, Lucien FINCK transmet un rapport sur les établissements industriels de Granville :

- les usines DIOR ne fournissent à l'ennemi que des engrais et produits chimiques, mais rien qui puisse servir à fabriquer des gaz asphyxiants ;

- seule la Fonderie effectue les réparations de navires et de l'appareillage portuaire. Lucien FINCK y exerce un contrôle total et encourage à de menus sabotages, tel celui d'une hélice du navire " Le Diamant " chargé de munitions, qui en provoqua la dérive et le fit s'écraser sur les rochers de Jersey enfin 1942.

Le 16 octobre, Maurice MARLAND reçoit pour la première fois, de la radio de Londres, des instructions concernant la surveillance de la gare de Folligny. à paralyser en cas de débarquement.

Vers l'action armée

Déjà, en septembre, MARLAND a constitué un petit noyau chargé du sabotage des communications : Lucien et Edmond FINCK. Georges JOLLY. En octobre, coupure du câble téléphonique allemand, route d'Avranches, à 4 km de Granville, répétée un mois plus tard au même endroit.

- Deux nouveaux venus dans le groupe : en novembre, le jeune Bernard YVON, puis, le 10 décembre, René JUMEL, de Cérences, qui a perdu toute liaison avec le Front National, depuis les arrestations de l'été 1942.

- Par Mme YBERT, MARLAND prend contact, vers la fin de l'année, avec le commandement GODARD, à Bréville, qui pense à mettre sur pied une organisation de résistance préparant l'action armée contre l'ennemi. Ils engagent à cet effet André POULAIN indiqué à Suzanne YBERT par Mme BEI,LANGER, coiffeuse à Cérences.

- Au cours de cette année, le groupe MARLAND noue des relations avec plusieurs organisations de résistance de la région : avec le groupe des cheminots de Granville, dirigé par DILICHEN et ROBIN (arrêté le 1er juin pour détention de 8 révolvers et 52 cartouches), et avec celui de Bouillon que Victor FRANCOLON commence à organiser.

Ces deux groupes font partie du Front National.

Les liaisons sont assurées à partir de mars par Paul BLÉAS et Pierre SIMON, agents de la S.N.C.F., qui renseignent sur le trafic ferroviaire.

- D'autre part des relations étroites et fréquentes sont maintenues avec Jean MARIE, à La Haye-Pesnel, qui dirige le groupe de l'O.C.M.

L'opération de sauvetage des soldats écossais camouflés par des membres du groupe. depuis le début de l'occupation, continue à causer à MARLAND bien des soucis ; Jim MAC LOREN hébergé depuis près d'un an à Longueville, chez Paul LEBAYON, ne peut plus y rester sans danger.

Il est accueilli successivement, en mars, par Mlle LE GERRIEZ, par les époux BLEAS, Mlles Émilie et Marie DESCHAMPS, puis conduit par Mlle Edmonde MATELOT, chez Joseph GARNIER à Marcilly. Il y commet de telles imprudences (ne s'est-il pas rendu seul à Avranches pour consulter un dentiste ?), qu'il s'avère indispensable d'agir autrement.

Le gendarme DINKUFF, membre du groupe de La Haye-Pesnel, indique à Mlle MATELOT un cultivateur de Saint-Ursin, ENCOIGNARD, qui consent à héberger MAC LOREN. Ce n'est qu'en septembre que, conduit au train à Villedieu par son bienfaiteur, il est remis à Mlle MATELOT. Malgré bien des embûches, elle l'accompagne jusqu'à Marseille et le confie au consulat des Etats-Unis qui lui fait regagner l'Angleterre.

Quant au troisième soldat, Robert CRAIG (Bob), il était depuis un an hébergé chez Fernand LEROUX. Celui-ci, ayant été soupçonné et interrogé par les Allemands, est obligé de remettre le fugitif à Mme ENGUEHARD. C'est Roger DUTERTRE, agent de liaison, qui se charge de l'y conduire, le 9 décembre.

En 1942, l'activité du groupe s'est donc beaucoup développée dans trois domaines : le Renseignement qui constitue encore sa tâche primordiale, l'Action par sabotages, coupures de câbles, et l'Évasion par l'extraordinaire concours de personnes dévouées pour faire échapper même de simples soldats à la capture par l'ennemi. Non seulement il a réussi à augmenter son influence dans la région granvillaise, mais il n'est plus isolé, puisque des relations ont été nouées avec des mouvements plus étendus tels que le " Front National ", l'Organisation civile et militaire (O.C.M.) et bientôt, " Libération Nord ".

L'ORGANISATION CIVILE ET MILITAIRE (O.C.M.) ET SON RÉSEAU : " CENTURIE "


Après la destruction à Paris du réseau " Saint-Jacques ", l'organisation est coupée de tout contact avec Paris et Londres, mais les groupes continuent de se développer.

En avril, B. de la HAUTIÈRE trouve une liaison avec ROLLET, un des dirigeants de l'Organisation civile et militaire créée à Paris en juillet 1941. Par ses relations avec " RÉMY ", ce mouvement de Résistance peut communiquer avec Londres. L'Organisation est déjà en place en Normandie, à Caen, sous la direction de Marcel GIRARD et HARIVEL, B. de la HAUTIÈRE est désigné comme chef du S.R. et de C.E. (contre-espionnage). pour le département de la Manche, sous le pseudonyme de " MOULINES ".

La recherche des renseignements d'ordre militaire est considérée comme primordiale par les Alliés. Il est indispensable de signaler :

- Les dates d'arrivée et de départ, dans chaque localité, des troupes d'occupation, leur identification, leur provenance, leur moral.

- L'implantation de travaux de défense édifiés par l'ennemi, notamment sur les côtes Nord et Est de la presqu'île.

- Les terrains propices à un atterrissage clandestin.

- Le trafic ferroviaire, postal, maritime.

- Les maisons susceptibles de loger des agents du réseau. A cet effet. un recrutement d'agents doit s'intensifier et une organisation se créer au moins clans chaque canton.

LES GROUPES

A Saint-Sauveur-le-Vicomte, Albert FEREY, au cours du E' trimestre, groupe successivement autour de lui : Alexandre LEGRAND dit " Octave ", marchand ambulant, agent de liaison, puis G. LEFRANÇOIS, G. BRISSET, HAZE, et le groupe de 15 hommes recruté par Auguste OZOUF. En automne, Lucien RENOULT accepte d'être l'adjoint chargé de diriger le groupe d'action.

Et à Besneville, Gaston PICOT engage comme agent de renseignements l'abbé RYST qui accueille déjà dans son presbytère six enfants israélites qu'il soustrait ainsi à la déportation.

Région Quettehou - Saint-Vaast - Barfleur

Sous la direction de Mme VASTEL (Réville) et d'Alfred LEPRUNIER (Quettehou) : Mme REGNAULT, Jean LEPETIT, André JARRY, transporteur, qui a relevé en détail les plans des travaux importants de fortifications allemandes des Morsalines, puis Francis TRUFFAUT, Albert LEJEUNE, pêcheur ; en juillet, Jacques LETERRIER (plans des emplacements des blockaus de La Pernelle, Quettehou. Réville, Morsalines), le gendarme François SIMON.

Groupe de Montebourg : André FORTIN, chef de groupe, le gendarme DADON, et ARNAULT au Ham, LUCAS à Flottemanville-Bocage.

Groupe de Sainte-Mère-Eglise : à Saint-Côme-du-Mont : Gustave LAURENCE, Eugène DUBOIS, Émile DUREL, LOMBARD, agent de liaison, Jean CLEMENT. Eugène GUILBAUT, relié par bicyclette avec les groupes du Front National du sud de la Manche par le jeune Camille DUBOIS. Alfred MARIE assure les relations avec Gaston PICOT et André FORTIN. GUILBAUT commence à constituer un stock d'armes.

Région de Cherbourg

Antoine PEYRY est arrêté le 15 octobre 1942. (Déporté, mort en déportation). Le 26 octobre, CIVADIER recrute Etienne LECARPENTIER qui, présenté à " Moulines ", devient chef de secteur, et Mme Madeleine LECARPENTIER. E. LECARPENTIER, par GIOT, obtient de Fernand ARLOT un calque des plans d'intercommunications souterraines de la région cherbourgeoise réunis par Paul MOREL, dessinateur, requis par l'ennemi. Ce précieux document est transmis d'urgence par " Moulines " à BERTHELOT, à Paris, pour son envoi en Angleterre.

Entrent ensuite au Mouvement : Charles HOUSSIN, officier d'administration de la Marine, LEONARD, vaillant combattant ayant perdu un bras à la défense du fort du Roule (19 juin 1940). François LEBAS, pêcheur à Cosqueville, qui avait tenté de sauver, début juin, deux aviateurs anglais tombés en nier ; Désiré POUTAS, postier, COQUERY (S.N.C.F.) et le gendarme LECACHEUR.

Il s'agit maintenant de constituer la branche action de l'O.C.M., le Réseau CENTURIE.

Etienne LECARPENTIER désigne Maurice DUPIRE comme chef de la branche " Action " pour tout le Nord-Cotentin. A Montebourg, FORTIN est son suppléant.

En novembre, Yves GRESSELIN (Bengali) sera le suppléant de LECARPENTIER. Avant la fin de l'année, il amène au Réseau les ingénieurs des Ponts et Chaussées, Lucien LEVIANDIER, muté à Saint-Lô, et Charles LAINE.

A Sainte-Mère-Eglise, DELŒUVRE engage Eugène BENOIT, lieutenant de réserve. Son fils Gaston BENOIT, Pierre BERTRAND, Édouard PERGEAUX, sont les premiers éléments de ce Groupe Centurie.

Groupe de Bricquebec.

Au marché, Gaston PICOT engage Raymond ARCENS (Rubis), transporteur, dont les camions sont réquisitionnés par l'ennemi, et Louis RABASSE.

ARCENS dispose dans le canton d'une antenne à Breuville, François CHEDANEAU, " Thermidor ", et Gaston HONNISSENT ; et à Magneville : Albert GUILLOT (Péda), secrétaire de mairie, qui sera pourvoyeur de plus de cent fausses cartes et papiers pour les Réfractaires.

En outre, le Docteur Henri LECHEVALLIER, du groupe Agnès, est rattaché à l'O.C.M.

A Valognes. En mai, le gendarme LE PENHUEL amène au groupe ses collègues Yves LE COADOU et André GAILLARDON, le professeur d'allemand MEVEL et Mme Madeleine LEMELAND. Celle-ci est la " boîte aux lettres " du Réseau pour tout le courrier clandestin du Nord-Cotentin. Gustave CARDET, lui, reçoit le courrier de Valognes. Montebourg et Sainte-Mère. Tout est pris en charge par A. GAILLARDON, dactylographié par Le PENHUEL et confié à MEVEL qui, chaque jeudi, va à Caen suivre des cours à la Faculté. MEVEL remet les renseignements à MESLIN (Morvain), chef d'état-major de la région M du réseau " Centurie " qui vient d'être créé à Paris en juin. sous la direction de BERTHELOT pour les renseignements de caractère purement militaire.

A Saint-Lô, le groupe AGNES (F. Gallia) continue son développement par ses relations avec quelques fonctionnaires des Contributions indirectes :

Hilaric DEFFES et ses amis Pierre YVINEC, Alexandre PITANGUE, Roger SICARD à Tessy, Edouard DELOBEL. Avec eux, Michel YVER, maire de Saint-Martin-de-Bonfossé, agriculteur, et plus tard, de GOUVILLE à Agneaux et LESTAS au Teilleul.

En juin, Charles AGNES prend contact avec le jeune étudiant Alfred GLASTRE 18 ans, qui a formé un petit noyau de jeunes résistants dont André LEGRAVEREND et Georges DIMITCH.

C'est à ce moment que BERTIN de la HAUTIERE (" Moulines "), décide d'étendre la création de groupes d'action " Centurie " dans le centre et le sud du département. Il rencontre AGNES qui lui présente GLASTRE. Le groupe Gallia " va faire partie de Centurie. Avec le consentement de ses parents, dont le domicile servira de " boîte aux lettres ", Alfred GLASTRE est désigné comme chef du sous-secteur de Saint-Lô, sous le pseudonyme de " Lemaître ".

D'autre part, par l'intermédiaire de Jean DURIAU, rédacteur à la Préfecture, Julien LE PENNEC (Petit Breton) et Marc NAVARRE réussissent à prendre contact avec le groupe, suivis le mois suivant par Georges MICHAUX et son fils Henri (Claude), Jacques GIROD, Louis COLCANAP, Bernard GARNIER, et bien d'autres. Dès le 1er juillet, Julien LE PENNEC est désigné comme chef de groupe sous le pseudonyme de " Durandal ".

Accompagné par GLASTRE (Lemaître), " MOULINES " entreprend une tournée dans le centre et le sud du département, restés en dehors du mouvement. A Villedieu, le contact est pris par Amaury VIMOND et LEMARCHAND ; à La Haye-Pesnel. avec LEBREQUIER et ROBBE, mais surtout avec Jean MARIE (" Beruck ") qui a engagé André TIROT à Folligny, et l'entrepreneur Paul GUITON, puis en novembre LETHIMONNIER et MAUVIEL. Il mettra le réseau " Centurie " en relation avec le groupe Marland à Granville.

Pendant les vacances d'été, René UNTEREINER, professeur au Lycée de Cherbourg, rencontre Alfred GLASTRE. Grâce à sa connaissance de l'allemand, il recueille des renseignements précis auprès des militaires allemands qu'il s'ingénie à démoraliser.

André LEGRAVERAND engage Maurice HEBERT, instituteur à Montmartin-sur-Mer. qui peut lui transmettre les renseignements obtenus par son collègue LOISEL, secrétaire de mairie.

Sur la côte Ouest, en automne, le Réseau s'implante solidement entre les havres de Lessay et de Régnéville.

Édouard QUETIER y a constitué un petit noyau de résistants, avec le capitaine Jean LENOIR, et Gratien VIGOT, syndic de la Marine, qui surveille les mouvements de navires en mer.

A Périers, Paul HERVIEU est chargé de l'organisation du groupe Centurie, auquel adhère aussitôt Roger MARIE.

En décembre se forme un nouveau groupe, à Villebaudon, animé par Alphonse FILLATRE (" Clisson ") et sa femme, Louise ROBIN, commerçants. Ce sera l'année suivante que se manifestera son action, en liaison avec Action P.T.T.


A Coutances, le réseau dispose en outre de LAMORLETTE, directeur de l'Usine à gaz, et de Mlle Germaine COLDER.

A Bréhal, en avril, l'instituteur Yves LEFRANÇOIS forme un groupe avec Yves BARON, receveur de l'enregistrement. René JUMEL, du groupe • Marland, lui fait connaître Alexandre LELANDAIS, à Coutances.

A Chef-du-Pont, le groupe autonome " Liberté ", fondé par Léon ROBINE, devient à partir d'octobre une branche de " Centurie " par suite du recrutement de son chef par Eugène BENOIT, chef du groupe de Sainte-Mère-Eglise. Se joignent alors au groupe de Chef-du-Pont, Léon DUCHEMIN, l'abbé LEREVEREND, le mécanicien GUILLOTTE.

Tout le courrier des cantons centre et sud de la Manche est acheminé à Caen et à Paris :

- soit par GLASTRE, muni de sa carte d'étudiant, qui prend au passage en gare de Lison les documents réunis par une femme du réseau.

- soit par Gaston PICOT qui le donne à son frère Jean, venu exprès de Neuilly-la-Forêt, pour être remis à Mme MARGUERITE, garde-barrière à Lison, et transmis à Caen ;

- soit par J.-B. LEBOISSELIER (S.N.C.F. Coutances), qui l'expédie à Caen par les convoyeurs des P.T.T. René DUCLOS ou Jules GRISEZ.

Pendant toute la durée de l'occupation, réunis dans un local de la gare de Coutances affecté à René DUCLOS, celui-ci, LEBOISSELIER et BERTHE-LOT, ouvrirent tout le courrier adressé par des Français à la Kommandantur afin d'en éliminer les dénonciations des " collaborateurs ".

Ainsi, l'année 1942 a été une époque décisive pour le Réseau " Centurie ". Il est solidement implanté dans près de la moitié des cantons du département. Seules, les régions du Mortainais et de l'Avranchin n'ont pu être touchées.

Tout en gardant son autonomie, le groupe MARLAND de Granville a établi des relations entre lui et l'O.C.M., qui deviendront de plus en plus suivies. C'est Edmonde MATELOT qui assure les liaisons entre les deux organisations dès le début de 1942.

Enfin, le Réseau " Centurie ", orienté dès l'origine vers la recherche du renseignement, va de plus en plus constituer des groupes d'" Action armés ". A cet effet. compte tenu de l'étirement du département sur plus de 150 kilomètres, il va s'avérer nécessaire de créer dès la fin de 1942 et le début de 1943. deux zones, limitées approximativement par la voie ferrée Carentan-La Haye-du-Puits.

L'ÉCOULEMENT DU RÉSEAU " ROBERT HECTOR "


Les arrestations de novembre 1941 ont démantelé la plus grande partie de ce réseau, tant dans le Calvados que dans la Manche. Cependant, quelques membres ont pu échapper au coup de filet.

L'un d'eux, Louis LAISNEY, étudiant à Caen, a pu, vers la fin de janvier, grâce à un habile subterfuge, pénétrer dans la prison de la Maladrerie et voir Mlle Marie BINDAULT qui y est incarcérée. Elle lui apprend que lors de son interrogatoire, les policiers allemands ont laissé entendre l'arrestation prochaine de Robert GUEDON et de Reine JULY. Prévenus par LAISNEY, ceux-ci décident de fuir et, début février, demandent asile à J. SAUSSEY, maire de Tollevast. Sa maison et ses bâtiments agricoles étant souvent occupés par les troupes, celui-ci demande à une vieille dame, Mme GALLET, de loger les fugitifs, ce qu'elle fait sans hésiter.

Le 8 février, dans la nuit, Robert GUEDON, Reine JOLY, et son demi-frère, munis de fausses cartes d'identité fournies par le maire, sont conduits en gare de Valognes par Mme SAUSSEY et sa fille, Marie-Thérèse, et prennent le train sans encombre. Ils seront accueillis par des amis à Rennes, puis à Blois et reçus à Niort par Pierre DELAGE, membre du réseau " Hector " qui leur fera passer la ligne de démarcation.

L'anéantissement du réseau " Hector" sera total après l'arrestation le 8 juillet à Hauteville du dernier représentant de la branche de Vernon, René VIVIEN et, de l'incarcération le 29 avril 42 de Paul GUILBERT (qui, depuis Noël 1941, avait bénéficié d'une mesure de liberté provisoire). Déporté en Allemagne.

RENAISSANCE DU RÉSEAU " FAMILLE " : F 2

Rappelons que l'une des branches de ce réseau, formé dès juillet 1940 en zone occupée par des militaires polonais ayant combattu dans l'armée française, avait agi l'année précédente sous le nom d'" Interallié ". Nous avons relaté comment cette organisation fut détruite à la suite d'une trahison en novembre 1941.

Cependant, le réseau " Famille " : F 2 avait continué à travailler contre l'ennemi, sur le plan national, avec la collaboration de nombreux agents français.

C'est au début de l'automne 1942 qu'il va s'implanter dans le département sur l'initiative de Marcel CATHERINE (Tec), chef du Réseau F 2 dans le Calvados. Par l'intermédiaire de Georges GUEROULT (Neptune), fonctionnaire des P.T.T. à Caen, le contact sera pris avec son ami Albert QUEGUINER, directeur du Secours National à Saint-Lô, un ardent patriote qui accepte la tâche, sous le pseudonyme de " Ker " (136).

Recrutement

A. QUEGUINER (Ker) a vite fait de s'assurer du concours de Fernand LECHEVALLIER (" France ", puis " Myctens "), transporteur au haras de Saint-Lô et muni à ce titre d'une carte permanente de circulation. Il est efficacement aidé par sa femme, Marguerite JOUENNE.

QUEGUINER le désigne comme sous-chef du secteur, chargé du recrutement d'agents dans le département.

- A Saint-Lô, le coiffeur SIMONE centralise le courrier remis par les agents Paul LEFORESTIER, André BLANCHETON. BAZIN, puis Charles BONNEL, Jules RIHOUEY, André COSNE de la S.N.C.F., René HOREL (qui renseignera sur les mouvements des troupes allemandes occupant le Collège d'Agneaux), Charles ROUET des P.T.T. qui achemine le courrier clandestin à Lison, Gustave BACON qui déroute les convois allemands par changement des étiquettes de destination des wagons.

- A Carentan, Mme Cécile VALOGNES, agent (le renseignements, ainsi qu'à Saint-Fromond, Léon AVOINE, instituteur et secrétaire de Mairie.

- A Cherbourg, Lucien ADAM devient un précieux agent de renseignements sur les travaux et les mouvements de navires dans l'Arsenal.

- A Granville, André DOMIEN, André RENARD et Raymond LE MEN observent les fortifications de la côte, de Montmartin-sur-Mer au Mont-Saint-Michel.

En quelques mois, le Réseau F 2 s'est donc fortement établi à Saint-Lô, il possède des antennes à Cherbourg, Carentan et Granville. La nouvelle organisation, qui collabore étroitement avec " Résistance-Fer ", offre un exemple des contacts, de la coopération parfois même de l'interpénétration qui s'opèrent de plus en plus entre les réseaux venus d'horizons dives, préfiguration encore bien timide de ce qui deviendra - deux ans plus tard ! – le Comité départemental de Libération.

LE RÉSEAU C.N.D. - (Confrérie Notre-Dame)

Nous avons vu que le réseau fondé et dirigé par Gilbert RENAUD (Rémy) disposait à Cherbourg de l'agent Georges MARADENE (Dragon), engagé par CHOLET (Lenfant). Le responsable pour la région Normandie-Bretagne, Etienne LEGRAVEREND, vient régulièrement de Paris à Cherbourg : il est en relations commerciales avec François DRAVERT (Claude) et l'engage dans l'organisation. DRAVERT fournit tous renseignements sur la poudrerie du Nardouêt, les batteries côtières et les dépôts de munitions de la région.

En janvier, Georges MARADENE (Dragon) s'assure du concours de René COLOMBO, puis d'Henri BLAIZE (Léon). Lors de leurs passages réguliers, Etienne LEGRAVEREND et Roger DALEM (Albert), étudient avec MARADENE les conditions d'un coup de main allié sur la plage s'étendant de Querqueville aux falaises de Gréville. Par un de ses agents, Robert FREMY, MARADENE apprend l'arrivée possible à Cherhourg du croiseur allemand " Prinz Eugen ", venant de Brest, où il séjourne avec les croiseurs " Scharnhorst " et " Gneisenau ", pour rejoindre l'Allemagne. Il obtient confirmation du fait par un Allemand du service des Transmissions " à qui il donnait des leçons de natation. Il appelle Étienne LEGRAVEREND de toute urgence à Cherbourg pour le mettre au courant.

A cette époque, MARADENE obtient par des sous-agents :

- Lionel GENTRIC, dessinateur, un grand plan de l'arsenal et de certains ouvrages en construction par les Allemands ;

- Paul LAMOUR, électricien, le plan des stations ou sous-stations électriques et du port militaire ;

- D'autres, travaillant à l'aérodrome de Maupertus, lui signalent le nombre et la nature des avions stationnés, permettant ainsi, après l'annonce d'une concentration d'appareils, le bombardement du camp d'aviation ;

- Jean CARVILLE, qui habite Torigni-sur-Vire, lui signale en février le départ pour le front russe d'une division de troupes aéroportées ayant participé en mai 1941 à l'invasion de l'île de Crête.

Une autre branche du même réseau, agissant sans aucun lien avec le groupe MARADENE, se constitue dans la Manche au début de juin 1942.

A la suite d'une rencontre fortuite dans un café, près de la gare de Lison, Paul LECARPENTIER, agent technique de la Marine à l'Arsenal de Cherbourg, fait connaissance d'un marin ayant servi en 1940 sur l'escorteur " Flore ". Celui-ci demande à être reçu chez lui dans quelques jours, puisqu'il compte se rendre à Cherbourg pour récupérer du linge laissé dans une blanchisserie au moment de la débâcle. C'est ainsi qu'au début de mai 1942, Clément CROCHET (Mariotte), dessinateur à l'Arsenal de Lorient, engage dans le Réseau Paul LECARPENTIER (pseudo : Ampère). Confirmation de cet engagement sera donnée par la phrase suivante à la radio de Londres : " Miqueue est en bonne santé ". Ce sera fait le 30 ou 31 mai.

Le 2 mai, Étienne LEGRAVEREND est reçu par Georges MARADENE. dans un local loué par celui-ci rue Gambetta à Cherbourg ; il lui rend compte des contacts établis avec divers sous-agents, dont Pierre MIGNON, employé aux Ponts et Chaussées à Avranches. LEGRAVEREND désigne MARADENE comme agent de liaison, en relations avec François DRAVERT et avec le balancier BOULLAND que DRAVERT avait recruté.

Le 27 mai 1942, Georges MARADENE, resté trois semaines sans nouvelles de son chef, se rend à Paris, chargé de nombreux plans et renseignements, au lieu de rendez-vous de la rue Bouchardon, pour apprendre l'arrestation d'Étienne LEGRAVEREND ! MARADENE rentre à Cherbourg le lendemain, se risque à retourner à son domicile rue Ludé, détruit tous les papiers compromettants et gagne la campagne où il est hébergé chez plusieurs parents ou amis.

Il est activement recherché. Le 2 juillet, les agents de la Gestapo se présentent à son domicile pour l'arrêter ; il est parti la veille pour chercher du travail à Bordeaux.

Clément CROCHET (Mariotte) rend visite à la même époque à Paul LECARPENTIER (Ampère) à Equeurdreville. Celui-ci fournit des renseignements très importants sur l'emplacement des points névralgiques de l'Arsenal (Centrale électrique, station de pompage des bassins, blockhaus abritant les vedettes rapides) et les résultats obtenus par les attaques aériennes ou navales des Alliés, sur l'emplacement exact du poste de radar sur la lande de Jobourg.

Tandis que MARADENE commet l'imprudence de revenir à Cherbourg. le 14 juillet, le 15 août, puis le 15 octobre au chevet de son père gravement malade, il est arrêté le 17 octobre à 5 h 30 par la Gestapo. (Il sera déporté aux camps de concentration du Struthof et de Dachau).

Cependant, par mesure de précaution, il est décidé que les contacts entre Clément CROCHET (Mariotte) et Paul LECARPENTIER (Ampère), se feraient dorénavant à Carentan, afin d'éviter les contrôles très fréquents effectués dans la zone interdite du Nord-Cotentin.

Ainsi, le réseau de " Rémy ", la C.N.D., malgré la destruction d'une importante filière, garde, dans le port de Cherbourg, un agent sérieux dont le travail, réalisé avec la plus grande discrétion, est de la plus haute importance pour la collecte des renseignements indispensables aux Alliés.

CEUX DE LA LIBÉRATION (C.D.L.I.)

Ce réseau fondé à Tourlaville par Jules LEMOIGNE, Gilbert VEDY et Marcel LEBI.OND, reçoit le concours, le 30 mai 1942, de l'officier d'admiration Charles HOUSSIN, employé à l'Arsenal de Cherbourg, qui vient d'engager Auguste GIOT, garagiste. en relations d'affaires avec un des chefs du réseau parisien René LEDUC, représentant en pièces automobiles. Charles HOUSSIN fournira à GIOT, mais plus souvent directement à René LEDUC à Paris, les renseignements concernant les mouvements de navires dans l'Arsenal, les plans et toute documentation sur les points stratégiques de l'agglomération cherbourgeoise.

Profitant de ses fonctions de conducteur de travaux d'adduction d'eau dans la Hague, Raymond VEDY (le frère de " Médéric ") repère les emplacements de batteries et reproduit sur plans la configuration de ces ouvrages.

LE MOUVEMENT " FRONT NATIONAL "
ET L'ACTION DES FRANCS-TIREURS ET PARTISANS (F.T.P.)

Après 18 mois d'une occupation qui se fait de plus en plus pesante, l'esprit et la volonté de résistance s'affirment, malgré la répression sévère. Cette répression est particulièrement dirigée contre les communistes, qui, en 1941, ont reconstitué en partie leur formation grâce à l'action remarquable d'André DEFRANCE. Ils sont les animateurs principaux d'un mouvement très important et très actif, puissamment structuré : le " Front National ".

Son activité :

a) - Constante propagande assurant un recrutement important de groupes d'action spécialisés dans les attaques à main armée et les sabotages.

b) - L'hébergement des dirigeants responsables vivant dans la clandestinité, chez les adhérents ou des sympathisants.

A Villedieu. - En janvier 1942, Robert STOREZ et Roger LE CANN constituent avec Rémi OZENNE et Marcel DUVAL un petit noyau dont le rôle consiste pour l'instant à distribuer la nuit des tracts appelant à la Résistance. A la même époque, la fille de STOREZ. Nelly, institutrice à Hambye, engage dans le mouvement Roger LEMIERE, encaisseur. Il va constituer à Hambye un groupe solide où se retrouvent l'instituteur, Hippolyte GANCEL,, l'entrepreneur Jean TORCHIO qui accepte de loger les clandestins, Maurice BLANCHON, négociant au lieu-dit " Le Repas ", à Saint-Sauveur-la-Pommeraye, le maraîcher LEFEVRE de Lingreville, le brocanteur LAISNE.

A Cherbourg. - Dans l'arsenal, André COLAS constitue un " triangle " avec Auguste COURVAL et Auguste LE MEN, lequel confie à Ange LEPARQUIER le soin d'en constituer un autre. Cette méthode de cloisonnement, dans laquelle chaque composant ne connaissait qu'un chef, devait s'avérer souvent efficace pour éviter les arrestations en chaîne.

L'hébergement des clandestins, notamment des délégués départementaux ou régionaux tels que Roger BASTION (Louis), Louis CANTON (Henri), Henri MESSAGER (Émile), continue à être assuré soit par des instituteurs ruraux (Jean LAMOTTE à Aire!, le ménage PARRY à La Trinité), soit par des employés de chemin de fer : Alexandre AVOYNE à Trelly ou des restaurateurs (Maurice GUILLOT à Agon-Coutainville, THOMANN à Saint-Pair).

Le Mouvement se prépare à l'action directe en se procurant amies et explosifs. C'est ainsi que Jules MESNIL, chauffeur aux Transports Départementaux, se procure de la cheddite auprès des granitiers du secteur Gathemo-Saint-Michel-de-Montjoie, chez les frères HILLIOU, et la transporte jusqu'à Cherbourg).

Dans le même temps, (Janvier), André DEFRANCE, commissaire militaire régional, a pu, aidé de Henri MESSAGER, responsable interrégional, cacher au moulin de Gonneville à Bricquebec, une machine à écrire, des tracts, des armes ayant échappé à la perquisition d'octobre précédent. Il passe à Cérences pour confier à Stéphane CONTESSE, employé de la S.N.C.F., du matériel pour installer dans un grenier, chez son camarade René LORENCE, un petit atelier d'imprimerie qui alimentera en tracts plusieurs départements. Les paquets sont dissimulés parmi les autres expéditions de la S.N.C.F. par les cheminots, notamment François GUILLON et Paul ROBILLARD.

Devenu responsable dans l'Oise, puis dans le Pays Basque, DEFRANCE sera arrêté le 16 janvier 1944, et déporté.

A Coutances. - Félix BOUFFAY engage Fernand CHARPENTIER, chef d'un " triangle " formé avec Louis BARBEY et Joseph SCELLES, recevant et. distribuant les tracts. Les réunions avec les responsables départementaux ont lieu chez Maurice GUILLOT ou chez Yves DUBOSCQ, employé S.N.C.F. à Coutances.

Le mois de février 1942 est marqué par une première et importante vague d'arrestations qui ne fera que s'amplifier pendant toute l'année.

Les 18 et 19 février sont arrêtés à Cherbourg :

Achille MESNIL, responsable du parti communiste.

Jules MESNIL, pour distribution de tracts, réunions clandestines à son domicile, hébergement de militants illégaux, détention d'armes et d'explosifs.

Roger BASTION (Louis. Langlois), nouveau responsable du parti communiste de la Manche, depuis le départ pour l'Oise d'A. DEFRANCE.

Louis CANTON (Henri, Perrin), responsable pour le Calvados. Henri MESSAGER (André), responsable interrégional.

Marie LESAGE, commerçante à Equeurdreville, qui a hébergé BASTION.

A Valognes. - Marcel LEDANOIS, pour détention d'armes et propagande anti-allemande.

Sauf Jules MESNIL (libéré comme grand malade le 9 septembre, décédé trois semaines plus tard des suites des tortures subies lors des interrogatoires), et Marie LESAGE (déportée, décédée à Auschwitz), les autres seront fusillés le 21 septembre 1942 au Mont-Valérien.

Le mouvement continue, malgré cette vague d'arrestations.

Émile PINEL confie à Lucien MATELOT la direction d'un " triangle qui répand des tracts à profusion dans l'agglomération cherbourgeoise.

En avril, réorganisation :

Nouveau responsable politique régional : Alfred BIZET (Albert). Nouveau responsable départemental : Maurice Joseph lEMAIRE. Nouveau responsable du matériel : Gustave JURCZYSZYN.

Alors commence une période de recrutement intensif de militants politiques et syndicaux chargés de la diffusion massive de tracts et de journaux.

- A l'arsenal, André LECLERC, aidé de René BRICHET (du parti socialiste clandestin).

- En ville, le triangle André LOISON, LESENECAI,, Albert LAPLACE.

- Dans les cantonnements ennemis, tracts démoralisateurs rédigés en langue allemande.

D'autres triangles sont armés, tels celui d'Auguste LE MEN, Ange LEPARQUIER, Jean REMAY. Dès le début de mai, Émile PINEL pourra présenter à M. J. LEMAIRE (Adrien) les chefs de " triangles " armés : Armand VOISIN, Raymond POTIER, Gustave JURCZYSZYN, Georges TYPHAIGNE et René MABIRE.

- Dans le sud de la Manche, en avril, le groupe de Saint-Pair - Bouillon - Carolles, animé par Victor FRANCOLON et Georges DUCHENE (Lerat) s'est agrandi de quelques unités : l'instituteur Charles PINSON qui pourvoit les clandestins en tickets d'alimentation, et le cafetier Michel THOMANN. Victor LERAY et son fils Georges, tailleurs de granit, membres du Front National de Flers, doivent se réfugier. A la suite des arrestations opérées dans ce secteur, dans la région granvillaise avec mission de former un groupe. Ils entrent au groupe FRANCOLON en même temps qu'un ancien des Bataillons d'Aurique, Louis CHOLLET (le chat), chargé du camouflage du matériel (tracts).

Victor LERAY est en liaison, en outre, à Granville, avec une quinzaine de camarades du parti communiste, dont quelques marins, et DELALANDE qui travaille avec lui dans l'Organisation Todt.

Le 26 mai, arrive, désigné comme responsable politique régional, Maurice Arthur LEMAIRE (André), fils de Maurice Joseph, précédemment nommé. Le 28. une entrevue a lieu à Sottevast, à laquelle assistent : le responsable militaire interrégional PETIT (Jean), Maurice Arthur LEMAIRE (André) et Gustave JUCZYSZYN qui est nommé responsable militaire départemental. Au cours de l'entretien, il est décidé d'entreprendre par incendie la destruction du matériel allemand dans le département.

PINEL, chef de l'organisation locale, dresse un plan d'opérations sur un service de subsistances allemand, la gare de triage d'Equeurdreville, un pont sur la voie ferrée. Armand VOISIN et Charles VILLARD, chargés du premier coup de main, commettent l'imprudence d'en parler à une personne de leur connaissance qui les trahira.

Dans la nuit du 1er au 2 juin, ils sont arrêtés et emmenés à la prison de Saint-Lô. Armand VOISIN réussit à s'évader le 14 juin ; il est repris trois jours plus tard. Les deux hommes seront passés par les armes le 30 juin.

Dès l'arrestation de ses camarades, Émile PINEL. responsable du secteur Nord-Cotentin, se réfugie quelques jours à Balleroy (Calvados) où il a de la famille. Sa femme, née Jeanne MAVIC, reçoit peu après la visite de M. J. LEMAIRE. Il récupère le cachet servant à " l'authentification " des " faux papiers ", que PINEL dissimulait dans une boîte en fer enfouie dans son jardin, et engage Mme PINEL à quitter Cherbourg pour Coutances, lui confiant la direction de la section féminine du Front National.

Elle aide LEMAIRE à fabriquer des explosifs. L'acide sulfurique est fourni par Stéphane CONTESSE, approvisionné par JUMEL et Marcel CHAPRON, employés à la laiterie de Cérences.

Malgré l'échec du projet confié à VOISIN et VILLARI), la branche militaire du Front National (l' " Organisation spéciale ", " O.S. ", souche des Francs-Tireurs et Partisans, les F.T.P.) met au point, au cours d'une réunion chez Émile PINEL, le plan des incendies prévus à Cherbourg. Sont présents : André COLAS, Alfred BIZET (Albert) et Gustave JURCZYSZYN.

Le 22 juin. A 21 heures, le groupe d'action " Valmy ", composé de quinze hommes, réussit à détruire les établissements GROUARD, avenue Carnot à Cherbourg, occupés par trois services allemands utilisant les hangars comme ateliers de réparation, dépôts d'essence et de peinture, matériel et moteurs électriques, camions automobiles, motos, fûts de goudron.

Encouragé par la réussite de cet exploit, le groupe s'attaque dès le lendemain 23 juin, à l'aide de plaquettes incendiaires, à un stock de bois de charpente entreposé à la gare maritime, mais avec moins de succès.

Le 24 juin, dirigé par Gustave JURCZYSZYN et M. A. LEMAIRE (André), il provoque un incendie, vite maîtrisé, à l'usine Amiot.

Le 25 juin, le groupe " Valmy " continue son action en causant un commencement d'incendie au parc d'artillerie, rue de l'Abbaye.

Ce même jour, à Coutances, selon les instructions de Jeanne PINEL (Madeleine), et munis d'une boîte de poudre fournie par M. A. LEMAIRE. les membres du groupe " Jeanne d'Arc " Fernand CHARPENTIER (Henri) et Pierre TIREL, employés de la S.N.C.F., incendient des baraquements, place de la Croûte, où les Allemands entreposaient du grain, de la farine et quelque matériel automobile.

Les LEMAIRE, père et fils, sont hébergés en juin à Granville par Victor LERAY. Ils donnent à son fils Georges LERAY des instructions pour organiser un groupe de F.T.P. dans cette ville.

Quant au responsable politique régional, Alfred BIZET (Albert), il est hébergé chez Maurice GUILLOT à Agon-Coutainville.

Dans la région de Saint-Pois, le groupe " Victor " d'Arsène PARIS continue à grossir. Il distribue régulièrement dans la contrée un tract manuscrit, le Patriote Normand ", tiré depuis janvier à Cuves par André DEBON, instituteur, sur une " ronéo " transportée chez sa mère par Alexandre HILLIOU.

Jusqu'en juin 1942, 15 numéros ont été tirés et diffusés, et les effectifs des membres du Front National atteignent 120 membres dans le département.

Ce mois de juin, anniversaire de l'attaque allemande contre la Russie, a été très inquiétant pour l'ennemi.

La population, bien qu'elle appréhende des représailles, est cependant réconfortée par la pensée qu'une opposition, une résistance, se manifeste malgré notre écrasante défaite et la politique de résignation et de collaboration du gouvernement de Vichy.

Au cours de ce premier semestre, de petits groupes se sont formés :

- Condé-sur-Vire - Quibou. - Le distillateur Raymond BRULE et son fidèle contremaître Alfred DUROS sont en relations avec Jean MALHERBE, de Quibou.

- Dans la région de La Haye-du-Puits, André COLAS a pris contact avec Auguste LANGLOIS, de Montgardon.

- La région de Flers (Orne) possède des adhérents à Ger, où des Espagnols de l'armée républicaine, réfugiés, sont employés comme bûcherons. Ils sabotent la fabrication d'un fort tonnage de charbon de bois destiné à des gazogènes.

Le mois de juillet sera, hélas ! catastrophique pour le Mouvement. Un événement fortuit fait découvrir à Cherbourg par la police française, dans un garage semblant abandonné, huit caisses d'armes et d'explosifs.

La surveillance exercée en ce lieu permet d'appréhender le 3 juillet 1942, Gustave JURCZYSZYN.

Cette arrestation va entraîner le démantèlement à peu près complet de l'organisation. Le lendemain 4 juillet, à 11 heures 45, la police française se présente chez les époux AVOYNE, à la maisonnette du passage à niveau n° 47 à Trelly, pour arrêter LEMAIRE (Adrien) et son fils "André ", hébergés en cette maison la nuit précédente. Ceux-ci parviennent à s'échapper en traversant à la nage la rivière " La Sienne ", tout en tirant sur les policiers pour protéger leur fuite. Réfugiés dans une ferme à Quettreville-sur-Sienne, ils seront arrêtés le lendemain.

Pendant ce temps. Mlle Marguerite AVOYNE, seule présente à la maison, brûle les tracts, jette dans le puits une boîte de grenades déposée par " André " et le révolver d'" Adrien ". Vers 13 h 30, la police française arrête Alexandre AVOYNE, sa femme née FOSSEY et ses deux filles Marguerite et Louise. Les trois femmes seront déportées en Allemagne.

Puis, les arrestations se succèdent.

Sont appréhendés :

- Félix BOUFFAY, chef du groupe des cheminots.

- Les membres de ce groupe : Fernand CHARPENTIER, Yves DUBOSCQ, Joseph SCELLES, Philibert DAIREAUX, Pierre TIREL, Louis BARBEY, Pierre THEIL et sa femme, née VALADE, Edmond COOLZAET.

- A Saint-Jean-de-la-Rivière, leur lieu de refuge : Lucien DELACOUR, son père Albert et sa mère née Jeanne VIGER, Raymond POTIER et sa femme.

Jeanne PINEL, qui a échappé à ce gigantesque coup de filet, trouve asile à Saint-Michel-de-Montjoie chez Arsène PARIS, tandis qu'André DEBON, averti à temps par Marcel GOMBERT, mis au courant par un gendarme de Sourdeval, peut gagner la région parisienne après avoir été hébergé par Victor DELAHAYE.

Ignorant cette tragédie, Émile PINEL se rend à Coutances pour rejoindre sa femme. Soupçonnant, à leur allure, la présence de plusieurs policiers en civil, il juge prudent de regagner son lieu de refuge. Il rencontre par hasard à Saint-Lô Alfred BIZET (Albert). Devant l'imminence du danger, ils se séparent rapidement, non sans avoir convenu d'un rendez-vous, dans trois jours, à Folligny.

Dans le même temps, la police procède à une perquisition à Cherbourg, dans la maison de Jean MICHEL, instituteur, obligé de quitter le département l'année précédente pour assurer sa sécurité et exercer sa profession dans l'Orne. Gustave JURCZYSZYN, sachant la maison vide, y avait constitué un dépôt d'armes ! A la suite de cette découverte, Jean MICHEL sera arrêté le 4 septembre 1942 à Saint-Aubin-de-Courteraie (Orne), déporté (décédé au camp de concentration de Neuengamme).

Le 10 ou le 11 juillet 1942, Alfred BIZET (Albert) et Émile PINEL se rejoignent comme convenu, à Folligny, prennent le train jusqu'à Saint-Sever (Calvados) où les attend " Paul " qui conduit Émile PINEL chez Arsène PARIS à Saint-Michel-de-Montjoie où il retrouve sa femme. Dès le début d'août, Émile PINEL, devenu responsable technique régional, et sa femme, quittent le département de la Manche pour Paris.

Cependant, les captifs de la prison de Saint-Lô n'ont pas perdu tout espoir. Une lettre est adressée par Stéphane CONTESSE à un des détenus, demandant de lui établir le plan de la prison afin d'organiser l'évasion de ses camarades. Ce fut Yves DUBOSCQ, récemment arrêté, qui fournit ce plan à une prisonnière, Mlle Simone LESELLIER, sur le point d'être libérée. Celle-ci remplit sa mission et remet le document à CONTESSE, en gare de Cérences. Malheureusement, le 5 août, vraisemblablement par suite d'une indiscrétion, Mlle LESELLIER est arrêtée de nouveau pour transmission de courrier clandestin aux familles des détenus, dont celui remis à CONTESSE. Celui-ci est arrêtée le 7 août.

Lors de la session du Tribunal militaire allemand qui se réunit du 15 au 18 août à Saint-Lô, furent prononcées 13 condamnations à mort, 6 aux travaux forcés à perpétuité, 4 aux travaux forcés à temps.

- Alexandre AVOYNE, Maurice-Joseph LEMAIRE, Félix BOUFFAY, Fernand CHARPENTIER, Yves DUBOSCQ, Raymond POTIER, Léon THEIL seront fusillés le 1er octobre.

- Gustave JURCZYSZYN, Maurice Arthur LEMAIRE et Lucien DELACOUR seront fusillés le 24 novembre.

- Les autres peines de mort furent commuées en travaux forcés à perpétuité subis dans divers camps de concentration où moururent Philibert DAIREAUX, Pierre TIREL, Louis BARBEY, Stéphane CONTESSE (à Sonnen-burg), Albert DELACOUR (à Buchenwald)

La répression ne s'arrête pas. Le 14 août, Pierre VASTEL, chef fossoyeur au cimetière d'Equeurdreville, est arrêté, accusé de détention d'armes (fusillé le 1er octobre à Saint-Lô). André LECLERC qui, malgré ces arrestations, continue à fabriquer des détonateurs pour provoquer des incendies, est arrêté le 10 septembre (et fusillé le 1" octobre 1942), en même temps que Maurice CHABERT qui avait constitué un stock d'armes (fusillé le 27 avril 1943). Ils sont aussitôt remplacés par LAPLACE, André LOISON et LESENECHAL.

Dans le sud du département, le 30 septembre, sont arrêtés à Sourdeval Jacques BAZIN et Jules LANSSADE, pour détention d'armes, distribution de tracts et attentats contre les collaborateurs, ainsi que la mère de LANSSADE et Mme AUMONT. Les deux femmes seront libérées après un mois de prison, mais les deux hommes seront déportés en camp de concentration, où LANSSADE mourra.

Malgré cette terrible hécatombe, le Front National et son organisation armée, les Francs-Tireurs et Partisans (F.T.P.) ont gardé quelques bastions intacts : celui de Villedieu autour de Robert STOREZ et de Roger LE CANN, celui de Bouillon autour de Victor FRANCOlON, celui de Saint-Michel-de-Montjoie dont le chef, Arsène PARIS. vient habiter le 1er octobre Saint-Laurentde-Cuves. Et à Cherbourg, quelques militants ont pu échapper à la tourmente.

Mais la police allemande continue activement ses recherches pour briser les F.T.P. Le 14 octobre, André COLAS, ouvrier à l'Arsenal, n'échappe à l'arrestation que grâce à l'intelligente complicité de son chef d'atelier et à la complaisance des ouvriers des bassins qui le cachent dans un bateau où il passe la nuit. Le lendemain, il est déposé dans le petit port des Flamands à Tourlaville, d'où, à travers champs, il gagne la maison d'Alexandre PICOT. Grâce à toute une chaîne d'amis, dont Eugène MORGUE du réseau " Jade-Anicol ", il est accueilli à Saint-Germain-sur-Ay par le pêcheur LACOTTE. Dans cette localité, il nouera des relations avec Jean GOUBERT, ancien conseiller général et adjoint au maire d'Equeurdreville, révoqué de ses fonctions d'instituteur par le gouvernement de Vichy, et membre du mouvement " Libération Nord ". Avec lui, il formera un groupe mixte des deux organisations de Résistance.

De nouvelles arrestations achèvent le démantèlement du mouvement :

- A Cherbourg, le 15 octobre, celles de Roger ANNE et de Maurice TRUFFAUT. dirigeants du groupe des jeunes F.T.P. (fusillés le 31 décembre à Saint-Lô).

- Le 16 octobre, de Georges TYPHAIGNE (déporté à Sachsenhausen).

- A Cérences, le 19 octobre, celle de René LORENCE, mort en déportation à Sachsenhausen.

- Puis le 31, celle de Victor LERAY, arrêté à Folligny, également déporté à Sachsenhausen.

- Le 2 novembre, à Cherbourg, celle de Victor L,EVEQUE, fusillé le 2 janvier 1943.

- Le lendemain, c'est René LEJEUNE. déporté à Sachsenhausen.

- Puis le 4 novembre, Jean HOUYVET, mort en déportation au même camp.

- Eugène LEDRANS, arrêté à Octeville (déporté à Sachsenhausen).

- Puis le 5 novembre, François NICOLLET, arrêté à Hainneville (mort en déportation au même camp).

REPRISE D'ACTIVITÉ

C'est à cette époque que Robert COLLEATTE (Paul), désigné comme chef départemental, est hébergé par Jean LAMOTTE, à Airel puis par Roger LE CANN à Villedieu, ayant pour mission de reconstituer le mouvement si éprouvé par ces nombreuses arrestations.

Le petit noyau autonome formé au printemps par Raymond BRÛLÉ a pris quelques contacts à Saint-Lô, avec HEMART, directeur de la Fraternelle Ouvrière, et Jules RIHOUEY, du groupe des cheminots ; puis à Torigni avec le percepteur LEMOINE, membre d'un groupe également autonome en formation dans ce canton. Il adjoint à son mouvement Maurice ROUILLON, inspecteur des distilleries pour les Contributions indirectes, qui a déjà fait partie d'un groupe isolé comprenant l'agent d'assurances LECOQ et LEMONNIER de GOUVILLE, propriétaire et maire d'Agneaux.

Cependant, Raymond BRÛLÉ, mis en rapport avec Robert COLLÉATTE, vraisemblablement par l'intermédiaire de Jean LAMOTTE, apporte l'adhésion de son groupe au Front National. La première tâche est de recruter de nouveaux membres.

Raymond BRÛLÉ, qui habite Coutances où sa femme dirige l'école Normale d'institutrices, va très vite recueillir les adhésions du professeur Régis MESSAC, de l'inspecteur de l'enregistrement Yves LE BARS, de l'instituteur Eugène LEPETIT qui engage son collègue Émile RENOUE, le juge LAPLATTE, le pharmacien GUILBAUD, le professeur TOUSSAINT et le garagiste Pierre GELLE, chargé de la réception des journaux et tracts clandestins que lui fournit Robert COLLEATE (Paul).

Celui-ci parcourt le centre et le sud du département où il rencontre régulièrement chez Roger LE CANN à Villedieu, les responsables interrégionaux, Auguste DELAUNE (Raoul) et Maria RABATE (Luce) responsable de l'Union des Femmes Françaises intégrée au Front National, le responsable régional Édouard DEMUIN (Gilbert) ou la militante chargée de la propagande auprès des femmes Yvonne DISSOUBRAY (Yvette, Marcelle, Renée, Claude). Les militants et plus particulièrement COLLEATTE disposent d'ailleurs de nombreux lieux d'hébergement ou de refuges : chez Roger LEMIÈRE ou Jean TORCHIO à Hambye, chez Arsène PARIS à St-Laurent-de-Cuves, chez PEDRELI à Gathemo, chez Madame CONTESSE à Cérences, chez DUCHÈNE ou FRANCOLON à Bouillon. Ils apportent avec eux des paquets de tracts qu'il faut distribuer ou des armes qu'il faut dissimuler. C'est ainsi que ce matériel apporté chez Hippolyte GANCEL, instituteur à Hambye, est dissimulé dans une cachette ingénieusement aménagée dans sa classe, derrière son bureau, cachée sous les lambris recouvrant les murs, et qu'à Bouillon, DUCHÈNE et Etienne BENARDEAU cachent les explosifs dans une carrière communale abandonnée.

Le nombre des résistants s'est accru par la venue de nombreux jeunes, réfractaires au Service du Travail Obligatoire (S.T.O.). Ainsi, Jacques CUNY venant de la région parisienne se camoufle à Saint-Pois et entre dans la Résistance. Ces jeunes trouvent facilement un hébergement chez les cultivateurs ou les granitiers de la région (la famille HILLIOU, Marcel BLIN, Ernest et Georges LETONDEUR, Jules DODEMAN, Roger DANJOU et d'autres encore).

Le mouvement dans le centre et le sud du département étant à nouveau bien implanté, Robert COLLEATTE se rend en décembre dans le nord où il trouve asile chez l'instituteur de Gatteville, Georges MARTIN que lui a indiqué Auguste LECARPENTIER, son collègue, dont les parents habitent Barfleur, la commune voisine.

Lorsque s'achève l'année 1942, malgré les très lourdes pertes qu'ils ont subies, le Front National et son organisation armée, les F.T.P., grâce au dévouement inlassable de militants décidés, sont prêts à continuer le combat sous la direction de Robert COLLÉATTE.

De la C.G.T. et du PARTI SOCIALISTE CLANDESTINS au Mouvement " LIBÉRATION-NORD "

L'année 1941 avait vu le regroupement parallèle et progressif d'anciens membres de la Confédération Générale du Travail (C.G.T.), et du parti socialiste, leurs adhérents appartenant très souvent aux deux mouvements. Comme l'indique l'historien Henri NOGUERES dans l' " Histoire de la Résistance en France " (page 472, tome 2), " Les socialistes et les syndicalistes qui constituent l'ossature de " Libération-Nord " ne disposaient pas, au départ, dans leurs organisations respectives, d'une structure clandestine comparable à celle du parti communiste ", dans l'illégalité depuis 1939. Il lui a fallu tout d'abord, parmi les anciens adhérents de la S.F.I.O. et de la C.G.T. ou des syndicats chrétiens, déceler et écarter ceux qui suivaient dans la voie de la lâche-té ou de la collaboration, les Paul Faure. Spinasse, Belin, afin de ne poser qu'un terrain sûr les premiers jalons de ce qui allait devenir les groupes de Libé-Nord ". C'est la tâche à laquelle s'est tout de suite consacré Henri RIBIERE, et c'est ce qui avait été fait dans la Manche dès la fin de 1940 par Joseph HOCHER.

Dans l'immédiat, dès les premiers mois de 1942, il faut assurer régulièrement la diffusion du journal " Libération " (dont le premier numéro a été composé par Christian PINEAU et Robert LACOSTE) ; puis peu après, celle de " Socialisme et Liberté " (rédigé par Robert VERDIER, aidé de quelques militants, arrivant régulièrement à la mairie d'Equeurdreville depuis octobre 1941. Jean MARS, Joseph CONOR, et Gaston LOSTORIAT en assurent la répartition et disposent de nombreux distributeurs : Yvon NAVET, Hippolyte OLIVIER, Maurice DACIER, Mlles Madeleine, Jeanne et Suzanne LEVASLOT, Albert PLANQUE. Celui-ci est scaphandrier à la Société de remorquage chargée de récupérer les épaves de navires coulés en rade de CHERBOURG. Il agit vus les ordres de Joseph BOCHER, Officier de la Marine Marchande, qui lui a donné la mission de laisser au fond la plupart des métaux non ferreux. en les triant au mieux. Pendant l'opération. Joseph ROCHER relève les amers afin qu'on puisse récupérer les métaux à la Libération. Trois navires coulés furent ainsi traités.

Le groupe des cheminots de Cherbourg comprenant Patrice GARDIN, Charles BELLANGER, Arthur BEURAERT, Louis DISIT, LEREVERT, CHALLES, LERUEZ, et François RENOUE s'approvisionne régulièrement en journaux et tracts à la Mairie d'Equeurdreville. Le bureau de Raymond LE CORRE, adjoint au maire de la localité, Hippolyte MARS, devient la plaque tournante de cette organisation.

Il est nécessaire d'étendre la propagande en dehors de la région de Cherbourg. C'est l'affaire d'André LE BELLEC (Toto, Le chalumeau). Le matériel de propagande destiné au département est centralisé à son domicile. Pour en assurer la distribution, qu'il fera souvent lui-même, il dispose du concours de Maurice DACIER et de Marcel GREARD. Munis d'une valise numérotée bourrée de journaux, ils en assurent le transport à St-Lô par le train. Pris en charge par un agent du groupe de cheminots portant une valise du même numéro comme signe de reconnaissance, le colis est remis à Émile GUERIN, cafetier, pour Marcel MENANT. Des transports de même nature sont destinés à Jean GOUBERT, à St-Germain-sur-Ay. LEMESLEY, agent des contributions, assure la distribution dans la région de Beaumont-Hague.

La collecte du renseignement n'est pas négligée. Presque toutes les semaines aux réunions tenues à Equeurdreville par les militants syndicalistes et socialistes chez Jean RENOUE, auxquels s'est joint Maurice DACIER, on groupe tous les renseignements recueillis par chacun, notamment sur les travaux de l'Arsenal. On se préoccupe d'en obtenir davantage par des agents à recruter hors de l'agglomération cherbourgeoise. Ainsi, par Marcel LEDENTU, Jean RIBET, jeune homme de 20 ans. est en contact avec Joseph ROCHER. Dès le mois de février, des renseignements précieux sur les fortifications importantes de l'ennemi à La Pernelle et sur la région côtière environnante sont obtenus. Un agent, Louis GERMAIN, engagé par Charles CHOCHOIS en mai, surveille les mouvements de l'ennemi et les fortifications qu'il édifie près de Martinvast.

En avril, André LE BELLEC, ancien secrétaire de la section socialiste de Carentan, prend contact à St-Côme-du-Mont avec un adhérent. Gustave LAURENCE, (l'O.C.M.), maire de la commune, qui entre aussi dans l'organisation clandestine du parti. Il y engage aussitôt comme agents de liaison Marcel LAMBARD, facteur des Postes, et Jean-Baptiste SEBIRE, cultivateur. Ainsi s'établissent des liens encore ténus, certes, entre deux mouvements de résistance, l'O.C.M. et Libé-Nord, prélude de leur coordination, puis de leur unité future.

Au début de mai se constitue à Avranches, autour de Marcel LUCAS, (en relations avec un résistant parisien, Eugène TURCK), un petit noyau de patriotes : Gaston GEORGEL et sa femme, sœur de Charles HUBERT (un des dirigeants du groupe Maurice MARLAND), Louis RENAULT, et Désiré LEROUXEL, ancien adjoint au maire, révoqué par le sous-préfet du Gouvernement de VICHY. pour ses sentiments patriotiques.

LEROUXEL est choisi comme chef sous le pseudonyme de DUBOIS. Le 24 juin, avec une machine à polycopier fournie par l'entrepreneur Louis LE-GROS. Louis LEGROS fut arrêté deux fois pour avoir pénétré sans autorisation dans les camps d'aviation de Lessay et de La Haye-du-Puits. Il fut arrêté à nouveau le 9 avril 1944 et incarcéré à la prison de Saint-Lô. Libéré par le bombardement du 6 juin 1944, il continuera à participer à l'Action jusqu'en août. Les tracts sont rédigés, imprimés par LOISIF et distribués dans Avranches par Louis RENAULT et le facteur des Postes Gabriel LASSUS.

A la même époque, un des dirigeants nationaux de la C.G.T., Charles LAURENT, secrétaire général de la Fédération des Fonctionnaires, dans la clandestinité, se rend dans la région granvillaise où il prend contact avec Jules DESMONTS, puis avec BUTEUX et Gustave CAMBERNON de Bréhat. Il les approvisionne en journaux que ceux-ci répandent dans leur entourage.

En mai, René SCHMITT, à Equeurdreville, a une entrevue avec son voisin Raymond LE CORRE. Prudemment, il se décide, invoquant leur appartenance commune au parti avant la guerre, à lui parler du journal " Socialisme et Liberté " qu'il a reçu, mais dont il ignore la provenance. La réponse et l'attitude fraternelle de Raymond LE CORRE ne lui laissent aucun doute sur ses relations avec le parti socialiste clandestin, berceau du mouvement " Libération-Nord ".

En effet, c'est au mois de juillet 1942, comme ce fut le cas pour le réseau Centurie " que prend naissance, dans notre Département, le mouvement Lihé-Nord ". La réunion constitutive eut lieu le 14 juillet au domicile du père de René SCHMITT, 38, rue Lelédier à Cherbourg. Y assistaient, Joseph ROCHER, responsable de la C.G.T. et du mouvement de résistance, Patrice GARDIN, délégué par le groupe des cheminots. Marcel LECLERC. ancien secrétaire du Syndicat des Instituteurs, et René SCHMITT, agissant avec l'assentiment tacite de Raymond LE CORRE.

Il fut décidé que les courants d'origine syndicale et politique conserveraient leurs fonctions au sein du mouvement " Libé-Nord " ainsi Joseph BOCHER conserve la direction de la branche syndicale, Raymond LE CORRE. celle du parti socialiste et René SCHMITT est désigné comme le chef responsable du mouvement, en relations avec Henri RIBIERE, avec qui il avait eu une entrevue à Caen en juin.

Raymond LE CORRE s'assure le concours discret de Fernand YON, ouvrier typographe à l'imprimerie Morel et Joseph BOCHER, celui de Gabriel MONCUQUET, dessinateur à l'Arsenal. agent de renseignements, qui se procure clandestinement un plan d'avant-guerre indiquant l'emplacement des défenses de la place forte de Cherbourg et qu'il complète en indiquant les emplacements des batteries allemandes. Il distribue le " Populaire ", journal du parti socialiste clandestin. Quant à André LE BELLEC (Toto), il engage le brigadier de police Auguste LECARPENTIER qui, précédemment, avait fait partie du groupe " Robert " avant l'arrestation de Paul GUILBERT, et s'assure, sur conseil de Raymond LE CORRE, du concours précieux de l'inspecteur de police Maxime LELUAN qui surveillera les agents de la police allemande (Gestapo) et les " collaborateurs ".

Déjà, le groupe des cheminots de Cherbourg se prépare à l'action directe, tout en distribuant, à bon escient, les journaux clandestins " Libération " ou " Le Populaire " LEREVERT et C. BELLANGER sabotent les enregistreurs de marche, et " oublient " la mise en place des bandes Flamant, en avisant les mécaniciens qu'ils peuvent ainsi en toute quiétude retarder les trains allemands. D'autres introduisent du sable dans les graisseurs. provoquent le déraillement des machines sortant du dépôt, par blocage des aiguillages. A l'Arsenal, Maurice DACIER subtilise des armes (révolvers, mitraillettes) et des munitions qu'il stocke dans le bois de la Taille à la Haye d'Ectot, tandis que Maxime LELUAN en cache à son domicile, au Palais de Justice. Dans le même mois, un autre inspecteur de police est recruté par Joseph BOCHER : Adolphe LESAGE qui approvisionne son chef de cartes d'identité vierges portant le cachet officiel.

André PARISY a fait la connaissance du jeune Jean ROULIER, fils d'un médecin cherbourgeois retiré à Paris dont la sœur habite Avranches. Il l'engage pendant les vacances d'été comme agent de renseignements et le met en relation avec Marcel LECLERC alors en vacances à l'école de Chalandrey, qui pour le mettre à l'épreuve, lui confie des missions mineures dont il s'acquitte avec zèle.

Le 7 septembre, Auguste LECARPENTIER rejoignant en civil, son lieu de repli par le train, voit entrer, en dernière minute, dans son compartiment, un homme qui se dit traqué par la police allemande. Il s'agit d'Antoine MARIOTTI (Jean), agent de renseignements d'une organisation de Résistance de la zone non occupée. LECARPENTIER et le fugitif descendent à Sottevast, et celui-ci est hébergé quelques jours dans la maison de refuge de son protecteur à Rocheville, en attendant d'être muni d'une fausse carte d'identité trois jours plus tard, l'agent de police LECARPENTIER remet à l'homme traqué les pièces d'identité nécessaires et un billet de chemin de fer pour Caen.

Le mouvement continue son recrutement en s'adressant à d'anciens membres du parti socialiste ou à des sympathisants : ainsi, à St-Vaast-la-Ilougue, où Raymond LE CORRE a engagé Jean RENARD et GOURDON.

Dès la rentrée scolaire d'octobre, Marcel LECLERC s'adresse à son collègue Albert LECANNELLIE qui accepte de grand cœur ; il peut donner des renseignements sur la région de Barneville.

André LE BELLEC qui, avant guerre, avait travaillé comme chaudronnier à la distillerie de Tribehou, trouve d'excellents agents de renseignements en la personne du directeur de cet établissement, Henri MOROGE, et de sa femme née RENAUDIN.

C'est en septembre que le Mouvement peut entrer en possession de documents de très grande importance, grâce à Jean MARS et à la complicité de ses deux camarades de travail BONNEL et MONTFORT, ouvriers à l'atelier de photogravure de l'Arsenal. Ceux-ci tiraient un exemplaire supplémentaire, le dissimulaient rapidement, tandis que Jean MARS tenait conversation avec les Allemands.

Il sortait les plans hors de l'Arsenal, en les dissimulant, soit dans une boite à double fond, soit dans ses jambières. Ainsi, il peut remettre à René SCHMITT le plan secret des liaisons téléphoniques allemandes des ports de l'ouest de l'Europe, avec le nom de code employé pour chaque pays. Ce document dissimulé dans le manche creux d'un parapluie, fut porté à Henri RIBIERE, par René SCHMITT, le 24 octobre, à l'hôtel de l'Agriculture à Caen.

Au voyage de retour, il rencontre dans le train André LE BELLEC. Il l'engage comme agent de liaison permanent du Mouvement avec Henri RIBIERE et lui conseille vivement d'entrer en relations avec Raymond LE CORRE (Lafleur), ce qu'il fera le 26.

Au cours de l'automne, Jean RIBET continue à renseigner Joseph BOCHER sur les travaux importants entrepris par l'ennemi sur les hauteurs de La Pernelle. Le 8 novembre, aidé de son camarade CHANTEPIE, profitant du d-manche où le chantier est désert, il déplace les planches de soutènement d'un important terrassement destiné à la construction d'un blockhaus, provoquant l'éboulement des fondations, retardant ainsi l'exécution des travaux. Le 23 novembre, c'est une bétonnière qu'il endommage en la poussant dans les fondations.

Pendant toute l'année, le groupe de Carentan, formé par Marcel TOULORGE et Abel GIDEL, se développe. En janvier, il engage comme agents de renseignements : Eugène SORIN, cultivateur à Brévands, et les employés de la S.N.C.F. Louis ROBIN et Paul PATRIX ; puis Jean MONTEL, commerçant, qui dirige un sous-groupe chargé de distribuer des tracts et d'assurer les liaisons ; ce sous-groupe comprend le manœuvre Marcel LANGLOIS de Houesville, et les frères André et Auguste LEPELLETIER, jeunes cultivateurs à Méautis.

Tout au cours de l'année 1942, à St-Lô, André ROUAULT, Hilaric DEFFES, et Mlle Mariette RABECQ, contrôleurs des Contributions Indirectes, ont recruté de nombreux amis : ils peuvent compter sur une soixantaine de sympathisants. Mais ce groupe autonome est isolé et va se diviser en find'année.

Par l'intermédiaire de Maurice ROUILLON, Inspecteur des Contributions Indirectes, des contacts sont pris avec MALHERBE et BRÛLÉ, qui alertent Robert COLLEATTE (Paul), chef départemental du Mouvement " Front National ". Au cours d'une réunion tenue fin décembre ou début janvier au domicile de Mlle Mariette RABECQ, 45. rue Torteron à Saint-Lô, à laquelle assistent ROUAULT, DEFFES, de GOUVILLE, MALHERBE, BRULE, et Robert COLLEATTE, aucune majorité ne peut se dégager pour rattacher le groupe au " Front National " mais les relations ne seront pas rompues.

C'est à cette même époque que, par l'intermédiaire de son père Léopold RABECQ ami de René SCHMITT, Mariette RABECQ et André ROUAULT prennent contact à St-Lô avec le chef départemental de Libé-Nord. Une entrevue de René SCHMITT avec Raymond BRÛLÉ, déjà engagé dans le Front National, n'ayant donné aucun résultat, ROUAULT et Mlle RABECQ donnent leur adhésion à Libération-Nord. ROUAULT va poursuivre alors le travail par recrutement, par des relations avec des éléments sûrs, dans le sud de la Manche où le Mouvement ne compte que quelques isolés.

Par Julien NICOLLE, hôtelier au Mont-St-Michel, il est mis en relations à St-James avec le Docteur MOTHAY (en décembre), chef d'un petit groupe, qui lui fait connaître Jean-Baptiste ETIENVRE, instituteur à St-Martin-de-Landelles, ancien militant du parti socialiste.

A la fin de l'année 1942 est mise en application la loi du 4 septembre 1942, édictée par le gouvernement de Vichy, astreignant au Service du Travail Obligatoire (S.T.O.) en faveur des Allemands, tous les Français âgés de 21 à 35 ans. Dès lors, une des missions essentielles assumées par tous les groupes de Résistance est de camoufler et d'héberger les jeunes réfractaires à la réquisition. C'est au premier chef la tâche des secrétaires de mairie qui, non seulement ne mettent aucun zèle à dresser en temps imparti la liste des assujettis, mais fournissent aux réfractaires les fausses cartes d'identité et les tickets d'alimentation, leur permettant de fuir, de se camoufler et d'assurer leur nourriture. C'est aussi la tâche des médecins patriotes qui leur délivrent des certificats de complaisance de non-aptitude au travail, les exemptant du S.T.O. C'est encore le concours de beaucoup de paysans qui accueillent volontiers dans leur ferme les jeunes réfractaires, pour remplacer les prisonniers.

Le mouvement " Libé-Nord " est particulièrement aidé dans cette entreprise de camouflage par la Mairie d'Equeurdreville. Mme MARS née Yvonne LACOTTE, employée au bureau de l'État-Civil, établira pendant toute la guerre plus de 500 fausses cartes d'identité aux réfractaires. Roger et Marcel LEDENTU, menacés de réquisition. abandonnent l'Arsenal le 10 octobre.

Ils sont hébergés chez des parents, puis Marcel se réfugie. chez R. SCHMITT à St-Christophe-du-Foc. R. LE CORRE lui trouve un emploi chez Paul BEAUFILS, cultivateur à Dangy, qui cache déjà d'autres réfractaires.

De son côté, le Docteur MOTHAY, chef du groupe de St-James, réussit à faire réformer environ 500 requis pour le S.T.O. dans le sud du département. de 1943 à juin 1944 : et à Avranches, c'est le Docteur LEBRETON qui agit de même.

Ainsi, à la lin de 1942, le Mouvement " LIBE-NORD ", après la période assez confuse de 1941 et du début de l'année suivante, Syndicalistes et Socialistes ont réussi à former ensemble un mouvement de Résistance populaire, ayant pour vocation le regroupement de militants orientés surtout sur la re-cherche du renseignement, mais aussi vers des structures nouvelles qui devront refaire, contre le gouvernement de Vichy, une France libre et généreuse.

NOUVEAUX RESEAUX créés en 1942

Le Réseau " DELBO-PHENIX "

Aux vacances de Pâques, début avril, le jeune Paul TALLUAU de Cherbourg s'étant rendu chez sa sœur Mme LE DUIGOU, habitant dans une propriété familiale à Baugé (Maine-et-Loire). y fait la connaissance de l'avocat parisien Paul BRACASSAC qui vient d'entrer en relations à Paris avec une branche du réseau franco-belge " Delbo ". Il engage Paul TALLUAU sous le pseudonyme d'" Andromaque ", le chargeant de recruter des agents dans un vaste secteur côtier s'étendant du Cotentin au Pas-de-Calais.

Dès le mois de juin, Paul TALLUAU s'assure le concours d'un ami, le marbrier Jean DELACOTTE (Parchemin 51) qui le supplée pendant ses déplacements dans le Nord, le Pas-de-Calais, la Loire-Inférieure, à la recherche d'agents et de renseignements, dont il rend compte à une femme, agent du réseau, " Raymonde ", 10 rue Vignon à Paris.

De son côté, Jean DELACOTTE engage un de ses compagnons marbriers, Alexandre CRESTEY, colombophile, puis son voisin Michel BRONNE, employé photographe qui, ayant recueilli quelques jours auparavant un pigeon voyageur porteur d'un message, s'en était ouvert à DELACOTTE. Chauffeur d'ambulance à la Défense Passive de Cherbourg, Michel BRONNE jouit du privilège de pouvoir circuler librement de jour et de nuit.

En juillet, Paul TALLUAU s'adresse à un ami de son père, l'instituteur Louis LEVITOUX (Lucien DUCLOSET), enseignant à Octeville, dans une classe hors de l'agglomération. Ancien combattant de 1914, LEVITOUX accepte le rôle d'agent de renseignements. Tous les mois, Paul TALLUAU, à partir d'octobre, le rencontre et recueille les informations glanées par son agent sur les emplacements des batteries et des ouvrages bétonnés installés dans la région à l'ouest de la commune.

Vers la fin de l'été, Michel BRONNE rencontre Roger DENIS (Sophocle) et avec l'accord de son chef, l'engage dans le réseau. Travaillant comme électricien pour la Marine Allemande, DENIS peut, muni d'un laissez-passer, pénétrer dans tous les chantiers et même dans les forteresses bétonnées de l'ennemi, dans le Nord-Cotentin. Cet agent précieux est puissamment aidé par l'interprète belge Édouard Van den BRANDEN qui peut " emprunter" le soir les plans des ingénieurs allemands, les confier à DENIS qui s'empresse de les remettre à TALLUAU. Celui-ci les fait photographier immédiatement par Michel BRONNE de façon qu'ils aient retrouvé leur place avant la reprise du travail le lendemain matin, par la diligence de DENIS.

Tandis que le réseau a louvé un agent de renseignements à Carentan, le comptable Fernand HENRY, engagé par TALLUAU, il ne possède jusqu'alors aucun contact avec l'établissement militaire de Cherbourg, le plus important, l'Arsenal de la Marine. Cette lacune est comblée dès octobre par l'entrée dans l'organisation de l'agent technique à la Direction des Constructions et Armes Navales Marcel JOLIVET ('friton 44), sollicité par son ami LEMAUVIOT dont la mère tient un magasin d'alimentation près du domicile de Paul TALLUAU à Cherbourg.

Le nouvel agent procure à son chef les résultats des bombardements, aidé dans cette tâche par Léon LECRES, les dates d'arrivée et de départ des na-vires allemands et le plan de l'Arsenal qui lui avait été remis par le chef de travaux FORTIN. Pour plus de sûreté, tous ces documents étaient mis en dépôt chez Mme LEMAUVIOT où TALLUAU se rendait souvent. A la même époque, le réseau engage André LEDRANS, conducteur de travaux à l'entreprise S.A.C.E.R., des sous-agents : à Carentan, le notaire LECŒUR, l'employé de banque de Segré (Maine-et-Loire) qui, voyageant clans tous les départements de l'Ouest, de Pont-Audemer à Brest. et plus souvent clans le Cotentin, a l'occasion de fournir les renseignements sur les travaux allemands à Nouainville, Hardinvast et Martinvast.

En décembre, Paul TALLUAU obtient le concours précieux de l'employé des Postes, Augustin LEMARESQUIER (Phébus 34). Chargé de la branche Essais et mesures " du Service téléphonique de Cherbourg, de la construction et de la réparation des lignes de communication allemandes et françaises, il pourra remettre à Paul TALLUAU le plan du réseau, les points de coupures importants des lignes de la ville de Cherbourg et de ses environs, la position des têtes de câbles. Il s'est procuré le tracé exact du " circuit d'alarme " qui reliait entre eux les nombreux groupes de batteries allemandes et peut fournir à son chef des renseignements sur les effectifs allemands, le nom des régiments et les numéros des secteurs postaux.

En fin d'année, Paul TALLUAU (Andromaque) engage le vétérinaire BOUE et sa femme née Louise GIRARD. Mme BOUE, comme " boîte aux lettres ", centralise les renseignements et assure le secrétariat du réseau, tandis que son mari, qui, par sa profession, a la permission de circuler dans les campagnes environnantes, peut observer et situer les ouvrages militaires de l'ennemi. Elle assure, dans les derniers mois de l'année 1942, l'accueil et l'hébergement de jeunes requis par le S.T.O. provenant de l'Eure-et-Loir dont elle est originaire. Ceux-ci lui fourniront des indications importantes sur les fortifications qu'ils édifient pour les Allemands qui sont transmises à Paul TALLUAU.

Ainsi, en moins de six mois, le secteur du réseau " Delbo-Phénix ", fondé par Paul TALLUAU dans le Nord-Cotentin, est bien implanté et son jeune chef peut apporter à " Raymonde ", la " boîte aux lettres " du réseau, dans la capitale, des renseignements très importants.

Le réseau " ALLIANCE "

Un dimanche du début de février 1942. l'instituteur COLIBŒUF domicilié dans le Calvados, à Formigny-la-Bataille. vient à Carentan pour rendre visite à son camarade de régiment Raymond HAUGMARD. Ne lui avait-il pas maintes fois fait part de son désir de rejoindre les Forces Françaises Libres ? Il est accompagné de Jean ROGER, alias SAINTENY (Dragon) du réseau Alliance ", qui l'engage comme chef de secteur, chargé de rassembler le maximum de renseignements sur l'ennemi : unités, cantonnements, armement, travaux, dans cette partie centrale du Cotentin.

A cet effet, à partir de juin, Raymond HAUGMARD (Marius, Babouin), engage des sous-agents : à Carentan, le notaire LECŒUR, l'employé de banque MENARD, l'inspecteur de l'enregistrement FOULON, l'électricien Louis LACOLLEY, lequel recrute le coiffeur Robert CHAUVEAU (Ornicar) ; à La Haye-du-Puits, Maurice LEFRANC, secrétaire comptable au Ravitaillement général, qui sera bientôt en rapport à Denneville avec D'AIGREMONT.

A Cherbourg, un agent du réseau, le menuisier Roger TILLOY est arrêté par méprise le 14 octobre, comme suspect d'appartenance au Front National, responsable d'avoir provoqué en juin l'incendie d'un dépôt de matériel à Cherbourg (il sera remis en liberté le 30 octobre).

Jean SAINTENY, à la même époque, s'est rendu à Cherbourg pour prendre contact avec le nouveau sous-préfet, Lionel AUDIGIER, dont il connaissait les sentiments profondément hostiles aux Allemands et au Gouvernement de Vichy.

Dans les mêmes temps, Georges THOMINE (Cachalot), pêcheur à Port-en-Bessin (Calvados), rend visite à son cousin René LESEIGNEUR, habitant La Glacerie, qui travaille à l'Arsenal de Cherbourg, et l'engage. Il sera l'un des meilleurs agents du réseau dont les renseignements, d'une précision remarquable, seront communiqués régulièrement à son cousin. Il fait entrer dans le réseau André Marcel LEBOULLENGER, qu'il savait être un spécialiste de radio.

Bien que nouvellement implanté. le réseau " Alliance " du Cotentin est, en tin 1942, capable de fournir à l'organisation centrale des observateurs sérieux et compétents.

Le Réseau " MARC-FRANCE " (Marco)

Dès novembre 1941, nous avons vu que ce réseau franco-belge, disposait d'un agent actif dans la région d'Avranches, Gustave BELLOIR, domicilié à Saint-Jean-le-Thomas, en relations avec la branche parisienne du réseau dirigée par Pierre MOREAU. L'organisation opérait surtout sur le secteur breton Dol - Saint-Malo - Rennes, et BELLOIR s'y rendait souvent sur place pour chercher les renseignements concernant la défense côtière.

Au début de février 1942, Gustave BELLOIR, (la Cousine), engage son ami, le professeur de dessin du Collège Littré d'Avranches, André LEBARBANCHON, en le chargeant d'enrôler des employés très sûrs de la S.N.C.F. qui devront prouver préalablement leur loyalisme et leur détermination, en dérobant un masque à gaz aux Allemands, qu'ils remettront à leur chef. C'est ainsi que le 10 février 1942, fut engagé Charles MOUSSEY, après un premier contact à Marcey-les-Grèves, au débit Belliard, fréquenté par les employés de gare d'Avranches qui y écoutaient en cachette la radio de Londres.

Le 18 février, sur le conseil de MOUSSEY, le conducteur des chemins de fer Maurice LELAISANT entre à son tour dans le réseau. Tous deux fourniront à André LEBARBANCHON des indications sur la destination des trans-ports de troupes ou de matériel de guerre sur les trains reliant Avranches à Domfront ou Avranches, vers le Nord-Cotentin ou la Bretagne. Il en est de même du chef de train LEBRET qui habite Dol.

Pendant l'été et l'automne, Gustave BELLOIR (La Cousine) et André LEBARBANCHON parcourent à bicyclette la région côtière et situent les emplacements des casemates bétonnées et des batteries. A Avranches, dans le grenier d'une maison inhabitée, route de Saint-Hilaire, les deux hommes confrontent à loisir les renseignements recueillis. Grâce à ses talents de professeur de dessin, André LEBARBANCHON peut établir de façon précise les plans de ces ouvrages sur la côte, de Granville au Mont-Saint-Michel, ainsi que ceux des villes d'Avranches et de Granville, reproduits à grande échelle. Le réseau " Marc-France " fonctionne ainsi sans encombre, pendant toute l'année 1942.

Le Groupe " VENGEANCE "

En avril 1942, le commandant en retraite Georges HAMEL, originaire d'Equeurdreville, installé depuis peu à Torigni-sur-Vire, et dont l'hostilité aux Allemands est notoire, reçoit la visite de Mlle Simone HUARD, du groupe " Vengeance ", dont le chef est Etienne NOUVEAU, de Paris. Elle engage le commandant HAMEL, le chargeant de former un groupe ; une des premières missions est de trouver des refuges pour les agents du réseau. Immédiatement, celui-ci engage les membres de sa famille, sa sœur et son beau-frère, M. et Mme René LEDENTU. et leur fille Claire, chez lesquels il habite. Il reçoit l'adhésion du percepteur Léon LEMOINE, lieutenant de pompiers, puis en juillet, celle du capitaine de cette compagnie, Alfred LEPELTIER, commerçant, et de l'épicier Georges LESCOT.

Léon LEMOINE, qui est aussi secrétaire du Syndicat d'Électrification du canton, s'assure du concours du chef de district Fernand BACLET qui, jouissant d'un permis de circuler dans la région et pratiquant un peu la langue allemande, peut renseigner sur les mouvements de troupes ennemies. Aidé de son collègue, l'électricien VERNE. il détourne du matériel, distribue des tracts anglais, rédigés en langue allemande, dans les cantonnements, pour démoraliser les troupes. De son côté, Alfred LEPELTIER obtient le concours d'Auguste LEBLOND, marchand de beurre, et du mécanicien Marcel DELIVET.

Dès l'automne 1942, le groupe est prêt à remplir la mission que lui a confiée Mlle Simone HUARD, qui, possédant une propriété à Torigni, assure les liaisons avec Paris où elle a son domicile.

Résistance P.T.T.

Dès le début de1942, Marcel RICHER est en mesure de communiquer à Henri LEVEILLE (Microlo) à Caen, le plan complet des réseaux souterrain et aérien des lignes téléphoniques de la Manche. Celui-ci lui donne la mission de former un groupe d'opposants à l'ennemi et lui indique la façon d'exécuter de menus sabotages, entre autres, mettre des bobines thermiques à la place de celles convenables afin d'occasionner la rupture des fils téléphoniques allemands.

En février 1942, le premier groupe de Résistance P.T.T. se forme : Marcel RICHER engage son ami d'enfance Jean SANSON, commis, qui lui conseille d'entrer en contact avec son collègue Maurice DESCHAMPS, puis dans les jours suivants, Charles MARCHESSEAU, contrôleur, et Etienne BOBO.

Le groupe est dans le Calvados, en liaison avec le réseau C.N.D. de " Rémy ", puis, en fin septembre, Marcel RICHER est présenté à Caen, par H. LEVEILLE, aux militants du réseau " Centurie " de l'O.C.M.: René DUCHEZ et KASKOREFF. Ce ne sera qu'en fin 1942 que Marcel RICHER fera la connaissance de Maurice HORVAIS, rédacteur à l'Administration Centrale des P.T.T. à Paris, dont Henri LEVEILLE lui avait signalé l'appartenance au réseau, puis de GAUTHIER, inspecteur principal, chargé du bureau du tri en gare de Saint-Lô, nommé au cours de l'année (193).

Réseau " ZÉRO-FRANCE "

Il s'agit d'un réseau franco-belge dont fait partie Marc LETOUZEY, cultivateur à Roncey, qui y a été engagé en octobre 1942 par son beau-frère LEPEU, chef du réseau à Dives-sur-Mer (Calvados), et à qui il communique des renseignements sur les installations de munitions et les mouvements de troupes de l'ennemi dans la partie du département. Il est aidé dans sa tâche par LEJEUNE, officier de réserve, et le restaurateur LEBAIILY, qui habitent Gavray. Le docteur André PIGAUX, maire de Montmartin-sur-Mer, déjà membre du mouvement O.C.M., est également affilié à ce réseau à la même époque.

Le " N.A.P. " - (Noyautage des Administrations Publiques)

Cet organisme, créé en octobre, consiste à infiltrer dans les Administrations publiques (Préfecture, Police, Ravitaillement, Électricité, P.T.T., S.N.C.F.) des agents fonctionnaires dont la position professionnelle les met à même de connaître des renseignements utiles à la Résistance, de prévenir les personnes menacées d'arrestation, d'établir les listes de fonctionnaires sympathisants ou hostiles, de faire exécuter les sabotages administratifs par le ralentissement ou la non exécution des directives ministérielles.

A Saint-Lô, ce nouveau réseau est sous la direction du chef de Division ENDELEIN à la Préfecture, avec le concours de Jean DURIAU, chef de contrôle des prix, et de LIEBARD, ingénieur des Ponts et Chaussées.

Le nouveau préfet. Henri FAUGERE, couvre leur activité clandestine.

S.S.M.T.R. " (Services Spéciaux)

Ce sigle désigne les Services Spéciaux Militaires de Contre-Espionnage, dissous par la capitulation de la France en juin 1940. Ils avaient été reconstitués clandestinement par le commandant PAILLOLE, sous le camouflage d'un organisme paraissant inoffensif, travaillant pour le compte du génie rural : la Société d'Entreprise des Travaux Ruraux. A Saint-Lô, ce service est assuré sous la responsabilité de Jean DURIAU (197).

En mars 1942, un travailleur de l'Arsenal de la Marine, Louis LELONG, prisonnier de guerre, bénéficiant d'un congé de captivité en récompense d'un acte de dévouement en Allemagne, arrive, coiffé de son béret de marin au pompon rouge, en gare de Paris.

Remarqué et interrogé par un agent du 2e Bureau, il est sollicité par lui pour fournir tous renseignements sur l'activité de l'établissement militaire où il travaillera. LELONG accepte. Fréquemment, il ira à Caen pour rendre compte à " Lucien " de l'activité de l'Arsenal.

Le Groupe TRUGUET (O.R.A.)

Le 10 décembre 1942, Jean VIVIER (Truguet), commence à constituer un réseau de renseignements, en cherchant d'anciens saint-cyriens ou militaires à qui l'invasion de la zone sud de la France par les Allemands. puis le ralliement du général GIRAUD à la cause alliée, ont ouvert les yeux, et sont décidés à reprendre le combat. Jean VIVIER trouve quelques appuis dans les régions d'Avranches, de Granville et de Flers.

Résistance

En octobre 1942, s'est formé à Paris un groupe qui édite le journal clandestin " Résistance ", dirigé par le docteur Marcel RENET (Jacques Destrées). L'un des membres du groupe, Albert BOURGEON (Bernard) décide son ami Pierre LE BLANC de la police parisienne, à quitter ses fonctions pour être agent de renseignements du groupe pour le département de la Manche, sous le pseudonyme de " Laforêt ". Pierre LE BLANC, originaire de la Manche, ayant accepté cette mission, s'installe en décembre à Lingreville où il possède une maison.

Armée Volontaire

Ce petit mouvement, créé par le commandement LHOPITAL à Paris en août 1940, possède un agent dans le nord de la Manche, Julien TROCHU à Barfleur, électricien, en relations avec un confrère, LASSERRE, à Paris. lui-même en relations avec Marcel DUFFAUD. Mais l'organisation parisienne est décimée par les arrestations d'octobre 1942.

ANNÉE 1943

LA RÉSISTANCE S'AFFERMIT ET S'AMPLIFIE

Depuis le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, suivi de l'invasion de la zone Sud de la France par les Allemands le 11 novembre 1942, l'espoir grandit d'un débarquement possible des Alliés en France, au cours de l'année 1943. L'armée secrète de la Résistance doit être prête à épauler leur action.

Son recrutement est facilité dès la parution du décret du 16 février 1943 du Gouvernement de Vichy. astreignant à la réquisition pour le Service du Travail Obligatoire pour l'Allemagne (S.T.O.) tous les Français des classes 1942 et antérieures. Beaucoup de Requis refusent la servitude de travailler pour l'ennemi : ils deviennent des Réfractaires.

LES REFRACTAIRES AU S.T.O.

Un grand nombre sont accueillis dans le Bocage normand, dans des fermes, clans des maisons sûres.

D'autres partent hors du département, dans les maquis du Loiret, du Massif Central, du Jura, des Alpes, ou tentent de franchir la frontière espagnole. Pourchassés par l'ennemi, parfois dénoncés par de mauvais Français, beaucoup seront arrêtés, fusillés ou transférés en camps de déportation.

Parmi eux :

Roger (UNEF., Querqueville ; Pascal LAMELAND, Huberville ; Louis BERTAUX, Valognes (maquisards abattus après un violent combat le 8 mars 1944 dans une ferme d'Alièze (Jura), assiégée et incendiée par l'ennemi).

Jacques ANFRAY, arrêté le 4 juillet 1943, évadé en Moselle du convoi des déportés.

Georges BOULET et Roger BULOT, arrêtés le 21 mars 1943, déportés à Buchenwald.

Alain BOURGINE, arrêté le 8 décembre 1943, déporté. décédé au camp de Bergen-Belsen.

Désiré CARBON, arrêté en 1944 à Paris, déporté et décédé au camp de Mauthausen le 5 mars 1945.

Roger CULERON, arrêté le 3 avril 1943, déporté au camp du Struthof. Jean FIEBERT, 18 ans. Arrêté le 17 novembre 1943 à la frontière espagnole. Déporté et décédé au camp de Buchenwald - 15 mars 1945.

Roger JEANNE. 18 ans. Arrêté le 17 novembre 1943 à la frontière espagnole. Déporté et décédé au camp de Buchenwald - 15 mars 1945. Jean LEBOUCHER, arrêté le 2 avril 1943, déporté à Buchenwald. Georges LAISNEY, arrêté en mars ou en avril 1943, déporté à Buchenwald. décédé au camp de Maideneck.

Raymond LECAVELIER, arrêté le 18 juin 1943, déporté, décédé au camp de Maidanek.

René LECHARTIER, arrêté en mars 1943, déporté et décédé au même camp.

Michel LECOSTEY, arrêté le 12 juillet 1943 entre Dax et Orthez, déporté à Buchenwald.

Raoul LECOSTEY, arrêté le 12 juillet 1943 entre Dax et Orthez, déporté et décédé à Buchenwald-Dora.

Édouard LEGOURD - 19 ans - arrêté à Fougères, le 1er février 1944, déporté à Neuengamme.

Jacques LEMOINE, arrêté le 16 octobre 1943, masquisard dans le Jura, déporté à Dachau.

Jacques LEPICQ, arrêté le 3 avril 1943, déporté, décédé au camp de Bergen-Belsen.

Jean LEPOITEVIN-DESCOURCIERES, arrêté le 7 juin 1943 dans le train entre Bordeaux et Dax, déporté, décédé à Buchenwald.

Roger LEVAVASSEUR, arrêté le 23 mars 1943 à Dax, déporté à Buchenwald.

Pierre LUCAS, arrêté le 23 août 1943 à Bordeaux, déporté à Buchenwald. Gérard PAOLI, maquisard (Basses-Alpes) - arrêté le 8 décembre 1943, déporté, décédé à Mauthausen le 24 mai 1945.

André ROBIOLLE, arrêté le 31 août 1943, déporté, décédé à Buchenwald-Dora le 10 mars 1944.

Michel VILLOT, arrêté le 24 juillet 1943, déporté, décédé à Buchenwald-Dora.

Rémy TONNELIER, de Pontorson - reconnu à Chillon-sur-Saône par l'agent de la Gestapo comme maquisard de Tournemine. Déporté le 17 août 1944, à Buchenwald.

Jean VIVIER, arrêté le 21 septembre 1943 à Paris. Déporté le 23 janvier 1944 à Dora. Mort pour la France le 14 janvier 1951 à Vinh-Yen, Vietnam.

Ces événements, d'importance capitale, vont avoir comme conséquence dans notre département comme dans toutes les régions de France, un redoublement, de l'Action de la Résistance. Le parti communiste et le Front National dont il est l'émanation qui, jusqu'alors, ont agi séparément des autres formations, ont reçu mission de se joindre, dès le début de 1943, aux organisations de la France combattante. C'est pourquoi sur le plan national et, par répercussion, dans notre département, l'année 1943 sera une année d'intense recrutement, d'organisation plus rationnelle et plus poussée, de tentatives d'approche, de liaison, et bientôt de coordination des différents mouvements de Résistance.

Cependant, chacun d'eux garde jalousement encore son autonomie et il faudra attendre l'imminence du débarquement de 1944 pour que cette coordination acquière le degré de cohésion indispensable à la lutte année.

Des trois grands mouvements, le Front National d'Organisation Civile et Militaire (O.C.M.), Libération-Nord, qui englobent le plus grand nombre d'adhérents, seul, le Front National s'est adonné à l'Action directe contre l'ennemi, mais il a subi une telle répression les deux années précédentes, qu'il devra tout reconstituer en 1943. L'O.C.M. a créé une bonne organisation orientée vers la collecte du renseignement, elle l'a doublée d'un secteur militaire, le réseau " Centurie ", à peine constitué, qui se développera en 1943. " Libé-Nord " en est encore à structurer une organisation tournée plutôt sur la propagande et le renseignement ; il lui faudra, dans la seconde partie de 1943, coopérer avec le Front National " pour constituer les groupes d'Action du sud de la Manche.

LE GROUPE MARLAND DU RESEAU " BRUTUS "

En cette année 1943, il reste essentiellement orienté vers la recherche des renseignements qui peuvent être exploités intensément grâce au poste émetteur détenu par MARLAND. Mais la branche " Action " continue à se signaler par quelques menus attentats. Enfin, il reste un soldat écossais Robert CRAIG à la charge du mouvement depuis 1940, qui cause bien des soucis, par son imprudence, aux membres de l'organisation.

L'étudiant Edmond FINCK, contraint d'interrompre ses études à Paris, à la suite d'une grave maladie de son père, responsable du service de renseignements, est, en janvier. désigné comme instituteur au Collège de Granville, dirigé par Paul BERNARD, où exerce Maurice MARLAND. Ainsi une liaison constante peut être établie entre le chef du mouvement et Lucien FINCK qui continue à centraliser les envois de ses informateurs.

C'est le 28 mars 1943 que, semble-t-il, la première liaison directe par radio entre l'Angleterre et Maurice MARLAND fut établie par le message suivant, adressé à " Max " alias " Robespierre " : Diriger le maximum de votre activité pour déceler en détail avec plan, les travaux défensifs établis sur la côte Est du Cotentin. de Carentan à Barfleur, et sur les ouvrages de soutien qui peuvent avoir été établis en arrière de cette ligne. Dans la mesure du possible, si ces renseignements vous sont fournis par des agents occasionnels, qu'ils soient contrôlés pour tout ou en partie par un agent qualifié capable de situer ou d'orienter exactement les ouvrages et s'assurer de la réalité et de la qualité des renseignements qui, occasionnellement, vous auraient été fournis. Ces renseignements ne peuvent être donnés au complet en quelques jours ; à n'en pas douter, pour être donnés sérieusement, ils nécessiteront plusieurs rapports de complément ou de confirmation ".

D'autre part, dès la mi-janvier, Edmond FINCK et Georges JOLLY entreprennent une sortie nocturne dans la région de Folligny à l'aide d'une scie à métaux, ils sectionnent en partie des câbles téléphoniques allemands au lieu-dit " Le Repas ". Ils répètent l'opération le 20 février, puis, à trois reprises jusqu'en fin mai, y ajoutant le blocage des signaux ferroviaires et le brouillage des poteaux indicateurs dans la région de Folligny.

Tout d'abord, indépendamment du Groupe " MARLAND ", le Commandant Robert GODARD a constitué à Bréville, près de Granville, dès le début de l'année, un petit groupe de patriotes, mais qui reste isolé. Vers le 11 avril, Mlle Madeleine CAZE, secrétaire, à Lyon du Capitaine RICHE, vraisemblablement membre d'un groupe de contre-espionnage, est à Bréville où elle passe ses vacances de Pâques chez sa mère. Au cours d'une visite chez le Commandant GODARD, elle le met au courant de son activité. Celui-ci la prie d'être son intermédiaire auprès de ses chefs pour lui fournir les armes nécessaires à son groupe et pour son rattachement à un réseau. Et en vue d'un parachutage, il fournit le plan de sa maison pour être transmis en Angleterre. Il semble que cette liaison n'ait eu aucune suite à cause des arrestations opérées dans la région lyonnaise dans ce même mois.

Grâce à Raoul GAUDET, interprète à la Mairie de Granville, qui a accepté, sur le conseil de MARLAND, d'être détaché aux mêmes fonctions près de l'Orstkommandantur, le groupe est toujours prévenu de ce qui pourrait nuire à ses activités.

Soupçonné par la Gestapo. GAUDET est arrêté en mars et ne pourra re-prendre ses fonctions qu'au début de l'année suivante, après neuf mois de détention à la prison de Rouen, continuant après son retour à rendre de grands services à la Résistance.

Le groupe se développe hors de l'agglomération granvillaise par l'engagement, en avril, à Saint-Pair, du menuisier Auguste DIGEE, restaurateur, recruté par Charles HUBERT, puis en mai, de Jules MENAND de Montmartin-sur-Mer. L'un et l'autre se sont chargés de trouver des lieux d'asile dans les fermes pour camoufler les réfractaires au S.T.O. Beaucoup seront accueillis chez le père de Jules MENAND. Emmanuel MENAND, à la ferme de " La France " à Trelly.

A Granville, MARLAND peut compter sur Marcel ENOUF, FRESNEY. hôtelier, René NOURRY, et à Bréhal, sur Gustave CAMBERNON (204).

Le 15 mai. MARLAND (Max) transmet, vraisemblablement par le Docteur POUPAULT (Paris), ami d'André BOYER (Brutus), chef du réseau et membre du parti socialiste clandestin, un rapport sur Granville et sa région, notant l'emplacement des défenses allemandes, le plan des blockhaus côtiers, l'identité des troupes stationnées depuis 1942. Ce rapport conclut, qu'étant donné l'inexistence d'ouvrages en profondeur dans l'arrière-pays, les Allemands ne songent pas à défendre la ville en cas d'attaque alliée par la terre. L'Angleterre accuse réception par le message convenu : " Tous les regards sont fixés sur Milly ".

Le 2 juin, MARLAND, (Robespierre), envoie un long rapport sur les îles anglo-normandes occupées par la 319e Division allemande, un régiment blindé de l'infanterie de Marine, de l'artillerie, dont 8 batteries lourdes, avec pièces de 320 m/m, une formation assez forte de D.C.A. Au total, 35.000 hommes pour Jersey et Guernesey. Aucun aérodrome n'a été construit, si ce n'est deux champs aménagés, l'un au nord sur la route de Corbière, entre Saint-Hélier et Beaumont, le second au sud de la Tour du Prince, au nord de Saint-Sauveur... Le rapport indique les emplacements de blockhaus, batteries, plages minées, avec les sources de chaque renseignement. Aucun contrôle direct ne peut être entrepris, la circulation vers les îles étant strictement interdite. Mais étant donné la qualité des sources, on peut considérer que tous les détails fournis sont exacts.

Londres accuse réception par message convenu " Bully porte une chemise à carreaux ". Quelques jours plus tard, le 18 juin, la Feldgendarmerie arrête dans la cour de l'École Primaire Supérieure Maurice MARLAND, soupçonné de participation au sauvetage de militaires alliés et d'espionnage. Après perquisition à son domicile et un séjour de 24 heures pour interrogatoire au Normandy-Hôtel, siège de la Kommandantur, il est incarcéré à la prison de Saint-Lô (transféré plus tard aux prisons de Caen, Rouen, Fresnes, il sera libéré en fin septembre 1943). C'est Paul BERNARD, directeur du Collège de Granville, qui supplée MARLAND comme chef de groupe.

D'autres patriotes soupçonnés d'appartenir au groupe sont arrêtés le mois suivant, le 16 juillet : le marin Jules LEPRINCE, le docteur Jacques LELIEVRE, qui, exempte trop de jeunes gens requis pour le S.T.O.. le charcutier Constant MAUDUIT, dont le fils a été mortellement blessé en voulant en juin 1940, gagner l'Angleterre, l'hôtelier Charles LESCOUZERES, désigné par MARLAND pour former un groupe d'Action, l'artisan horloger Armand ESTER, membre du Front National (libérés en septembre et novembre 1943). A la suite de ces arrestations, la radio de Londres diffuse le 20 juillet l'ordre de couper immédiatement toutes relations avec " Guibray " (MARLAND).

Lucien FINCK, chef d'atelier de la Fonderie, qui a pris contact, dès l'arrestation de MARLAND, avec Paul BERNARD, décide, malgré les offres alléchantes des Allemands (direction d'un atelier de mécanique), de cesser toute activité professionnelle, afin de ne pas travailler pour l'ennemi. Il se consacre au renseignement et n'hésite pas, malgré risques et périls, à se déplacer pour dresser des plans et rapports détaillés :

- Défenses allemandes de la côte Est du Cotentin, de Saint-Marcouf à Saint-Vaast-la-Hougue, et entre Montebourg et cette côte.

- Ceinture fortifiée de l'agglomération cherbourgeoise.

- Emplacement des postes d'écoute avec radar, de Nacqucville et Gréville.

- Ouvrages défensifs autour de Saint-Malo.

- Il décèle l'édification d'ouvrages offensifs au Nord du Cotentin, rampes de lancement pour V.1, avec indication de l'orientation de quatre d'entre elles, une à La Pernelle, une à Brix, deux à Hardinvast.

A peine libéré, Maurice MARLAND reprend son activité.

Le 25 octobre, il capte ce message :

Faire l'impossible pour déceler les travaux de défense formant la ceinture avancée de la place de Saint-Malo, ainsi que les travaux et ouvrages défensifs édifiés à Saint-Malo même. Après contrôle oculaire sérieux, dresser un plan fixant les emplacements exacts des ouvrages et donner par rapport détaillé : leur nature, leur importance, ainsi que tous les renseignements d'ordre militaire que vous pourriez recueillir sur la région malouine ".

Le groupe reçoit en ce même mois le concours précieux de deux agents de renseignements. Pierre SIMON, mécanicien à la S.N.C.E, engagé par Charles HUBERT à qui il rend compte du trafic ferroviaire, tout en organisant la distribution des tracts et journaux à ses camarades, et effectuant de menus sabotages.

Le pilote Auguste MABIRE (ancien membre du réseau " Interallié "), incarcéré, puis libéré en fin 1942, faute de preuves, de la prison du Cherche-Midi; membre du groupe des marins, est chargé de recueillir tous renseignements sur Jersey. Arrêté à nouveau le 7 novembre, alors qu'il transportait clandestinement du courrier pour les îles Anglo-Normandes, il sera néanmoins libéré le 29 du même mois.

Le 20 novembre, Maurice MARLAND (Robespierre) reçoit d'Angleterre le message suivant:

Par la source qui vous signala l'édification de postes d'écoute sur la côte septentrionale du département, renseignez-vous, pour savoir si d'autres postes similaires n'ont pas été édifiés, ou ne sont pas en cours d'édification en autres points. ".

Le 8 décembre. c'est cet autre message que reçoit MARLAND.

Poursuivre sans discontinuer, vos investigations pour déceler les emplacements de rampes de lancement pouvant être édifiées dans le Nord du Département; situer le lieu d'emplacement exact, soit par orientation P à un point donné, soit en fixant la définition ou dénomination commune du lieu exact qui pourra être repéré sur carte d'état-major. Dès que l'une d'elles est décelée par vous, signalez-la immédiatement par un rapport. ".

Edmond FINCK qui pour éviter la réquisition du S.T.O., avait quitté Granville pour suivre des cours universitaires à Paris, où il participait activement à la Résistance, se trouve contraint de rentrer clandestinement à Granville, où il se cache sous le nom d'Edmond MALARD. Obligé de se déplacer souvent pour dépister les recherches, il s'est rendu dans le Nord du Cotentin. le 20 décembre, et il pourra signaler à MARLAND l'existence d'une batterie de D.C.A. de six pièces de 88, équipée de radar, au bois du Quesnay, près de Valognes.

Rappelons qu'en cette année 1943, le réseau a toujours à sa charge le soldat écossais Robert CRAIG (Bob), hébergé depuis décembre 1942 chez Mme ENGUEHARD. A la suite d'une dénonciation connue par Raoul GAUDET qui en avertit MARLAND, celui-ci, le 19 janvier confie à Roger DUTERTRE, son agent de liaison, le soin de conduire le lendemain le soldat chez le marin Jules LEPRINCE qui doit l'héberger.

Mais le lendemain, à 14 h 30, alors que le transfert n'a pas eu lieu, la Feldgendarmerie perquisitionne chez Mme ENGUEHARD CRAIG s'est habilement caché : il n'est pas découvert pas plus qu'une arme et ses munitions que cette fervente patriote avait gardées

Dès le 21 janvier au soir, Mlle Juliette DAUMEL et Roger DUTERTRE mènent le militaire chez LEPRINCE. Ils se chargent de lui porter régulièrement le ravitaillement nécessaire.

Peu de temps après. MARLAND qui est en relations avec le réseau " BRUTUS ", dirigé dans le nord de la France par le socialiste Eugène THOMAS, engage Michel PESEZ dont le père est membre de la branche " Évasion " de ce réseau à Fourmies (Nord), et accepte de prendre le soldat écossais en charge. Le 11 février, deux personnes répondant au signalement convenu se présentent à Michel PESEZ pour accompagner le militaire à FOURMIES. Elles donnent le mot de passe convenu, mais en le déformant (M. de GIVRAY au lieu de M. de GUIBRAY). Flairant le danger, PESEZ doit. malgré sa répugnance, accepter d'aider les deux messagers (deux policiers allemands), dans leurs recherches. Il est contraint de les accompagner chez Mlle LE GERRIEZ, soupçonnée d'héberger un des militaires. (Effectivement, elle en avait caché un l'année précédente pendant quelques jours). Devant ses dénégations énergiques sur lesquelles Michel PESEZ savait compter, elle réussit à convaincre les policiers de son innocence.

Un nouveau rendez-vous avec les enquêteurs est fixé dans l'après-midi. Profitant de ce répit, Michel PESEZ va prévenir MARLAND et prend aussitôt le train pour Fourmies, où il arrive le 13 février. trois heures après l'arrestation de son père !

Le 17 juin, perquisition chez J. LEPRINCE, surveillé par l'ennemi : mais, " Bob ", le soldat écossais qu'il héberge, est absent, et... se promène bien imprudemment en ville ! Il est heureusement récupéré dans la rue par un agent de MARLAND : STŒSSEL, qui informe son chef. On lui trouve un refuge chez Mme GENARD, excellente patriote.

Le lendemain, c'est l'arrestation de MARLAND, comme nous l'avons indiqué plus haut.

A la tin de 1943, le groupe MARLAND, du réseau " BRUTUS ", mais jouissant d'une complète autonomie, est devenu, grâce à ses relations directes avec Londres, et malgré la surveillance de l'ennemi, une organisation très efficace et bien soudée.

L'ORGANISATION CIVILE ET MILITAIRE (O.C.M.)
ET SON RÉSEAU D'ACTION " CENTURIE "

Dès le début de 943.

1° - LES GROUPES D'ACTION DE " CENTURIE " CONTINUENT A S'ÉTOFFER ET A S'ORGANISER, SOUS L'IMPULSION DE BERTIN DE LA HAUTIÈRE (MOULINES).

a) - LENOIR chef des groupes " Action " du Coutançais.

A l'occasion d'un rendez-vous avec des membres du groupe de Coutances, (Maurice ACARD, LEBOISSELIER et LAMORLETTE). MOULINES s'arrête à Saint-Sauveur-le-Vicomte, chez Albert FEREY (Leboulanger) qui a convoqué chez lui Octave LEGRAND et Gaston PICOT. Tous les quatre se dirigent vers Coutances. A l'entrée de la lande de Lessay, ils croisent le capitaine LENOIR qu'O. LEGRAND avait présenté pour diriger un groupe Action. Ils s'arrêtent, et, au cours d'un conciliabule entre de la HAUTIERE. Albert FEREY et LENOIR celui-ci accepte. A partir de février, LENOIR est reconnu comme chef des Groupes d'Action pour l'arrondissement de Coutances (sauf le canton de La Haye-du-Puits), sous le pseudonyme de " Maresq ".

h) - Lucien RENOULT, adjoint de FORTIN, pour les cantons de : Saint-Sauveur-le-Vicomte, Barneville, La Haye-du-Puits, Bricquchec, sur proposition d'Albert FEREY.

Les Groupes

- Montebourg. - André FORTIN dispose à Quinéville du concours de Louis HAMEL qui, avec ALETH, renseigne sur les travaux et mouvements de l'ennemi sur la côte. Tous ceux constituent un dépôt d'armes. FORTIN recrute aussi LUCAS à Flottemanville-Bocage, et Pierre ARNAUD, directeur des " Ciments Français " du Ham, puis plus tard Jean GOHEL, cultivateur à Saint-Martin-d'Audouville.

- A Périers, avec Paul HERVIEU, le groupe " Action " prend vite de l'importance ; il étend son influence jusqu'à Rémilly-sur-Lozon, par l'engagement de Pierre MARIE. En janvier, il reçoit l'adhésion du chef de district de la Société d'électricité du Cotentin, Roger MOUGIN (Pipez), en février celle d'Albert RIHOUET, éleveur, et du vétérinaire Jean QUARANTE, en mai, celle des frères André et Adolphe DEMEAUTIS de Vaudrimesnil. Tout au long de l'année 1943, ce groupe ne cessera de s'agrandir, comprenant près de trente agents chargés de collecter des renseignements sur l'activité et l'armement des troupes d'occupation.

Dans le Nord-Cotentin

- Barfleur. - Le groupe augmente ses effectifs sous la direction de Paul GAUBERT : au début de l'année, René LEFEVRE et son fils PAUL, qui vient d'être démobilisé de la Marine après le sabordage de la Flotte à Toulon, servent d'agents de renseignements et de liaison avec Mme VASTEL (Mme FERON) qui centralise à Réville le courrier de la région.

Au groupe de Barfleur viennent se joindre : Jean TROCHU. dont le réseau, " l'Armée Volontaire ", a été décimé par des arrestations en région parisienne ; le commerçant René GRANGER et BARTEL, réfugié de Paris. Ils forment une équipe bien soudée qui prépare le sabotage des moteurs électriques allemands, effectués par les jeunes DERRIEN et DUBOSCQ, fils de garagiste, réparateur de machines agricoles.

- Quettehou. - En février, le groupe engage à Morsalines, Madeleine BRIERE ; chaque semaine, elle indique l'état des fortifications le long de la côte, tandis qu'André JARRY établit le relevé des feux de signalisation du port de Saint-Vaast, et indique le remplacement des pièces de 88, qu'il avait signalées sur le coteau des Coisnets, par des pièces de 155 long.

Vivement encouragé par Mme VASTEL, Francis TRUFFAUT accepte de former un groupe de Défense Passive à Saint-Vaast, cela lui permet de circuler en tous lieux de jour et de nuit. Parmi les 135 hommes sous ces ordres, il enrôle quelques agents qui, le moment venu, participeront à l'action. En outre, il s'est assuré le concours précieux du gendarme Alphonse AUDOIRE, ainsi que celui du chef de gare MACE, comme agents de renseignements.

- Dans la région cherbourgeoise. - Maurice DUPIRE, par Désiré BARBIER, armurier, entre en liaison avec Marcel LEBLOND qui dirige la Défense Passive : ainsi une relation est établie avec le réseau C.D.L.L. de Jules LEMOIGNE.

A Cherbourg, LEONARD engage Jean GOHEL, qui lui signale la construction de tours de guet dans la baie de Sciotot, tandis que Lucien I_EVIANDIER, par l'intermédiaire du pharmacien Pierre LE FLOCH, engage Louis PIGNOT, agent d'assurances, dans la branche " Action ".

Dans le mois de mars, LEVIANDIER, ingénieur des Travaux publics de l'État, aidé de Charles LAINE, adjoint technique principal, a pu constituer un groupe de résistance dans le personnel des Ponts et Chaussées. Parmi eux, Octave LEBARBANCHON, enrôlé le 1er mars, Mlle Marthe LEVEEL, employée de bureau à la mairie de Cherbourg, se charge de munir les réfractaires signalés par LEVIANDIER de fausses pièces d'identité et de tickets d'alimentation. Celui-ci, a partir de février, est en relations suivies avec Lucien LACROIX, instituteur à Tollevast, qui lui fournit régulièrement les emplacements et l'état des travaux entrepris par les Allemands : rampes de lancement d'Hardinvast, du Mesnil-au-Val. Couville, Brix, de la ceinture sud de Cherhourg.

A la même époque, Yves GRESSELIN a confié à Raymond CHARLES le message de reconnaissance " Le pont a bien tourné ", auquel l'interlocuteur pressenti doit répondre : " mais le pontier a mal tourné ", ce qui lui permet d'entrer en contact avec LEVIANDIER.

CHARLES reçoit de Georges IREVEL, dessinateur chez l'entrepreneur VALOGNES (requis par les Allemands pour la construction de fortifications), les plans des ouvrages de la côte. FREVEL connaît l'avancement des travaux par Antoine LECOUVEY, requis, et par René BERARD.

Malheureusement, le réseau " Centurie " sera frappé par l'arrestation, le 27 février, d'un de ses agents, Jules LEJUEZ. à la suite d'une vile dénonciation (mort en déportation à Mauthausen).

Vers le 26 mai, à Cherbourg, Étienne LECARPENTIER (Madeleine). chef du secteur, héberge MOULINES, venu lui donner des directives ; et le lendemain, Pierre MAURY, de passage à Cherbourg, reçoit d'Etienne LECARPENTIER un document important que lui a remis le matin même Fernand ARLOT : les plans d'un avion allemand qu'il a subtilisés dans les bureaux de la Kriegsmarine où il travaille. Le 29 mai, Etienne LECARPENTIER, porteur des instructions données par le chef du réseau, se rend à Omonvillela-Rogue pour les communiquer à Émile CIVADIER (Miloche). Dès le lendemain, il va repérer sur place, à la montagne du Roule, les emplacements des 22 blockhaus qu'y construisent les Allemands. Dissimulé dans l'arrière d'une camionnette des P.T.T. conduite par Désiré POLITAS, il prend des photos du camp d'aviation de Gonneville.

Mais le 3 juin, la Gestapo procède à son arrestation à Cherbourg (mort en déportation à Mauthausen), à celle de sa femme Madeleine LECARPENTIER-GODARD (internée à Fresnes). Aussi, leur voisin et ami, Désiré POUTAS s'empresse de détruire le matériel appartenant au réseau, tout en gardant, dissimulées dans le magasin du matériel des P.T.T. de Cherbourg, jus-qu'à la Libération, les armes que LECARPENTIER lui avait confiées !

Pour la région Manche-Nord, après l'arrestation d'Etienne LECARPENTIER c'est Yves GRESSELIN, (Colibri), qui devient le responsable du réseau " Centurie ", chargé par BERTIN de la HAUTIERE (MOULINES) de réorganiser le service de renseignements pour les deux arrondissements de Cherbourg et de Valognes, tandis que Lucien RENOULT (LALLEMAND) se voit confier la responsabilité des groupes d' " Action " pour toute la partie du Cotentin située au nord de la ligne des marais, s'étendant de Carentan au nord de La Haye-du-Puits.

Bien qu'une perquisition ait eu lieu chez lui à Omonville-la-Rogue sans résultat, Émile CIVADIER a maintenu un rendez-vous pour le 24 juin au café de Paris, tenu à Cherbourg par les époux LAMACHE, favorables à la Résistance, avec un émissaire de Mme VASTEL, de Quettehou, chargé de lui remettre la documentation recueillie dans le canton. C'est Francis TRUFFAUT (Aleford) qui. par le signe convenu (un tract de propagande pour la Légion des Volontaires Français contre le Bolchevisme, L.V.F.), s'adresse à CIVADIER. Celui-ci, devant le danger qui le menace, indique à TRUFFAUT qu'il ne pourra se charger de la transmission du courrier clandestin à Caen, et le prie de passer à son domicile, 36, rue Grande-Vallée, où toute la documentation recueillie lui sera remise.

Par suite de l'absence du professeur MEVEL, parti en vacances, agent habituel de liaison avec Caen, c'est Francis TRUFFAUT qui, le IO juillet, est au rendez-vous au chef-lieu du Calvados, place de la Gare, pour remettre ce courrier et recevoir les instructions du réseau.

Le 14 juillet, la famille TRUFFAUT (revêtue aux couleurs nationales !) se rend de Saint-Vaast à Réville, pour rendre compte à Mme VASTEL de sa mission et des nouvelles demandes du réseau.

Le 15 juillet, à 20 heures, Émile CIVADIER est arrêté dans sa maison de campagne d'Omonville-la-Rogue (interné à Fresnes).

La collecte des renseignements continue cependant : Georges LINON, garagiste, dont l'épouse est institutrice à Hardinvast a pu relever, sur carte d'état-major, les emplacements de pistes d'envol en construction dans cette commune et à Couville, pour de nouveaux engins (rampes de lancement pour fusées V.1 et V.2). Il communique ces documents à son chef Maurice DUPIRE.

Le recrutement s'amplifie. A Tourlaville, le chef de groupe Émile MEHEUST employé au dépôt des tramways, engage Émile LE BARS, patron de pêche. Il dispose de l'appui du maréchal de logis de gendarmerie RUBIGNY. Ils fournissent régulièrement des renseignements sur l'activité de l'ennemi.

En juillet, le colonel CANONNE, chef de la Défense Passive de Cherbourg, et Yves GRESSELIN, se préoccupent de recruter des " chefs d'îlots parmi d'anciens militaires, dont certains pourraient peut-être. le moment venu, devenir des chefs de groupes d'" Action ". Sollicité par Yves GRESSELIN, Marcel LEBLOND, (" L'Étincelle "), a accepté le commandement des groupes de combat de l'arrondissement. II a pour adjoint Raymond CHARLES, dentiste, qui lui présente Georges PREVEL, comme second. Celui-ci avait déjà été pressenti par le commandant BEREST, ancien officier du 2e Bureau, pour recruter des cadres parmi les sous-officiers.

Sur le plan du Renseignement, Charles LAINE signale à son chef, Lucien LEVIANDIER (" La Mésange "), ou à Yves GRESSELIN (" Colibri "), l'emplacement des batteries allemandes sur le terre-plein des Mielles, et des mines mouillées le long des quais de la Darse.

- Saint-Pierre-Église

Albert GEFFROY et Louis LETOURNEUR, dans la deuxième quinzaine de juillet  repèrent les emplacements des fortifications de Fermanville et signalent l'importance des troupes allemandes implantées dans la région. De même, à Cosqueville, par François LEBAS et Louis LEGENDRE.

Guy GOSSELIN, du groupe de Barfleur, recueille de Henri PENON, chef d'équipe menuisier à l'Arsenal de Cherbourg, des renseignements sur l'activité ennemie dans ce port de guerre.

- A Valognes

Gustave CARDET (Pathé) engage le jeune étudiant Lucien LELUAN qui renseigne le groupe sur les chantiers de l'Organisation Todt. à Sottevast, sur les mouvements des unités allemandes identifiées par les insignes de leurs uniformes, sur le matériel de chars.

MOULINES " confie la direction du groupe " Action " à Raoul CŒURET qui a comme adjoint un ancien militaire, Norbert BOUQUET (" La Fleur "). Celui-ci peut compter sur le groupe d'Yvetot-Bocage. notamment sur les frères HUET, les frères REMICOURT et Auguste ANSOT. Sous prétexte de la création d'une société de football. un groupe se forme à Brix, avec la complicité du maire PASQUIER.

Les relations avec le chef d'arrondissement André FORTIN sont effectuées par Georges DAVY, agent d'assurances. Disposant d'une autorisation de circuler, il peut établir aisément les liaisons avec le chef du groupe " Action ", Eugène BENOIT, de Sainte-Mère-Eglise, en utilisant le mot de passe : " L'oncle a une angine ".

- Dans la région de La Haye-du-Puits, en mars, Octave LEGRAND enrôle l'abbé HEDOUIN à Saint-Sauveur-de-Pierrepont.

G. BRISSET amène au groupe M. et Mme Emile LEGAILLARD, cultivateurs à Denneville, et leurs enfants, Roger et Simone LYE, comme agents de liaison. C'est à la même époque qu'Albert FEREY engage Julien FLEURY, instituteur en retraite et capitaine de réserve, qui accepte avec joie. Dès le 15 mars, le nouvel adhérent se rend chez son chef et lui fournit les précisions qu'il a pu recueillir : installation à l'Abbaye de Blanchelande d'un état-major allemand et de troupes nombreuses les services d'intendance d'une division occupent les bâtiments des fermes, et, sous les avenues et les sous-bois s'alignent chars, chenillettes et camions, dépôts de munitions. Immédiatement, Albert FEREY transmet, par le poste émetteur qu'il possède, toutes les coordonnées.

Albert FEREY, (" Lehoulanger "), recherche, parmi les agents. des hommes énergiques, ancien combattants, pour diriger dans leur canton ou leur région des groupes armés. Il rend visite, fin avril, à Julien FLEURY, à La Haye-du-Puits, pour le convoquer à une entrevue le 9 mai, à midi, à l'hôtel " Pied de chou " tenu, à Montebourg, par André FORTIN. Julien FLEURY, ayant accepté, est mis au courant du signe de reconnaissance : c'est un papier sur lequel Albert FEREY a inscrit une phrase : il le déchire par le milieu, en prenant soin que la partie écrite soit coupée à deux ou trois places échancrées par la déchirure. Il remet à FLEURY une des deux moitiés, gardant la seconde qu'il fera parvenir à son futur partenaire lors de leur rencontre, les deux interlocuteurs devront constater la coïncidence des deux moitiés, et leur entrevue pourra alors se faire sans danger. Mais... Julien FLEURY ne pourra se rendre à Montebourg : le 6 mai, il est arrêté comme suspect d'appartenir au " Front National " son nom figure, en effet, sur une liste saisie sur le chef de ce mouvement, arrêté par la Gestapo deux jours auparavant.

- Saint-Sauveur-le-Vicomte

Yves GRESSELIN est en relations avec l'abbé RYST à Besneville, et avec son frère Joseph RYST, rapatrié comme grand malade d'un camp de prisonniers. Tous deux s'engagent à camoufler les réfractaires et les ressortissants juifs pourchassés par l'ennemi. Ils ont gardé six enfants juifs jusqu'à la fin de la guerre.

Sainte-Mère-Église et sa région

C'est au mois de juillet que " Moulines " apporte chez Pierre MAURY à Sainte-Mère-Église, un poste émetteur radio, prêté par " Pie " du réseau " Alliance ", qu'ils installent dans le bureau de Charles DELŒUVRE.

Par l'intermédiaire de Charles LAURENCE, de St-Côme-du-Mont, DELŒUVRE s'adresse à un ancien radio d'aviation, COMMESSE, agent du 2e Bureau, camouflé dans la Milice. Un après-midi, celui-ci se rend dans le bureau de DELŒUVRE, afin de mettre HEBERT au courant du fonctionnement de l'appareil. Mais. au cours des essais, deux militaires allemands ayant circulé dans une rue voisine avec un poste de repérage sur le dos. l'expérience s'arrêta là. Quelques jours plus tard, un agent des Renseignements généraux faisait prévenir discrètement MAURY et DELŒUVRE, par le chef de brigade de gendarmerie, d'arrêter ces activités.

Le poste émetteur est remis à LAURENCE qui le garde pendant près d'un mois, ce qui permet à Eugène DUBOIS, du groupe de Saint-Côme, de tenter quelques émissions, notamment d'annoncer l'arrestation d'Eugène GUILBAUT, opérée le 29 août, par la phrase : " L'homme à la canadienne ne viendra pas ", mettant fin à toutes relations du réseau avec les Alliés.

-A Saint-Lô

Lors d'une réunion au début de l'année des membres de la communauté protestante chez le pasteur BRASLEY, Georges DIMITCH fait entrer au groupe Raymond RENARD, tandis que Jean-Paul MINNE. élève au Collège, enrôle le répétiteur Jean CHARLES qui pourra fournir des précisions sur les ouvrages allemands édifiés à PIROU, et sur l'aérodrome de LESSAY.

D'autre part, Henri MARTIN, Chef du Service de désinfection à la Préfecture, ayant droit de circuler dans le Nord-Cotentin, indique, grâce aux détails fournis par CLAVET, soudeur des P.T.T., les points possibles de sabotages des communications téléphoniques du camp d'aviation de Maupertus. Il se procure une mitraillette et un révolver, qu'il cache dans des cartons de désinfectants, au cours d'une visite des locaux de l'Organisation TODT, à Rauville-la-Bigot.

A la même époque, des armes sont découvertes au dépôt du haras de St-Lô, sur indications du palefrenier LEPINTEUR, ancien ouvrier armurier, qui travaille dans cet établissement. Ces armes et munitions, cachées sous des fagots dans un petit bâtiment, avaient été abandonnées en 1940 par l'armée française. Dans ce local, DIMITCH réussit à remettre en état tout un arsenal :

27 chargeurs complets de fusils mitrailleurs.

4 pistolets automatiques avec leurs chargeurs.

2 révolvers 6/35 à barillet, avec cartouches.

6 fusils modèle 15, transformés.

Le palefrenier MANGOUT y ajoute un fusil, et son collègue MACE un pistolet à barillet en parfait état.

Avec l'accord d'Alfred GLASTRE, secrétaire au Commissariat de police, et chef du groupe " Action ", le stock d'armes, dissimulé sous des papiers, est transporté par Georges DIMITCH, un pistolet dans chaque poche de sa veste de cuir, dans un camion à bras utilisé pour le matériel de peinture. GLASTRE entrepose le tout dans la cave du Commissariat !

Après l'échec de la réunion tenue fin 1942 pour unifier les groupes de Résistance de St-Lô au sein du Front National dirigé par Robert COLLEATTE (" Paul "), des tentatives de regroupement ont lieu en mars pour coordonner l'action des deux mouvements : O.C.M. et F. 2. Ces réunions se tiennent le plus souvent dans une petite maison de la vallée de la Dollée ou André GROULT a installé une pisciculture, ou bien à l'Hôtel de Ville, dans le bureau de l'ancien gendarme TAILLEPIED, membre de la Défense Passive. Y assistent : André GROULT. Hilaric DEFFES, LEMONNIER de GOUVILI.E, et TAILLEPIED, pour l'O.C.M. Alhert QUEGUINER, chef de la Défense Passive. SIMONE et André BLANCHETON, pour F. 2.

Deux jeunes gens, Pierre BARRIER et Maurice NONET-RAISIN, ardents patriotes, désireux de rejoindre les Forces Françaises Libres en Afrique du Nord, s'adressent à un membre du groupe " Gallia ", Eugène VIGOT, dont un ami habitant Tardets (Basses Pyrénées), dispose d'une filière. Avec 17 autres jeunes patriotes, ils réussiront à passer la frontière. Le 2 mars 1943, ils rejoindront l'Afrique du Nord, non sans avoir été d'abord incarcérés dans les prisons espagnoles.

Moins heureux, Paul LEFORESTIER, réfractaire au S.T.O., qui a suivi la même filière, a été arrêté à la frontière le 7 mars, et déporté à Sachsenhausen.

Un autre habitant de Saint-Lô, Maurice CLOUET, du réseau " Gallia ", de Charles AGNÈS, quitte sa ville le fer avril. dans le même but. Avec un autre patriote, il est arrêté le 9 avril à Mauléon, sur dénonciation. Au cours de leur transfert pour l'Allemagne. ils réussissent à s'évader en profitant d'un ralentissement du train. Non sans peine. avec la seule aide de la boussole, ils passent la frontière d'Espagne enneigée. Arrêtés de nouveau, ils sont emprisonnés au sinistre camp de Miranda, pendant plusieurs mois. Enfin libérés, ils arrivent à Casablanca et s'engagent dans les Forces Françaises Libres. Maurice CLOUET participera au débarquement des alliés en Provence, mais il trouvera une mort glorieuse sur le sol français, à Solliès-Pont, près de Toulon, le 21 août 1944.

A Bréhal, le groupe constitué par l'instituteur LEFRANÇOIS et Yves BARON, receveur d'enregistrement, s'agrandit par l'adhésion de Pascal LEBOURGEOIS, marchand de matériaux, agent de liaison et de renseignements, avec lequel Alexandre LELANDAIS et son employé GOSSELIN, fonctionnaires des Contributions Indirectes, avaient pris contact.

A La Haye-Pesnel, le groupe s'agrandit également. Paul GUITON engage Jean LEPAUMIER, puis Georges PEUVREL, tandis que le chef du groupe, Jean MARIE, s'assure du concours du secrétaire de Mairie, Édouard GRATEAUD.

A Percy, il faut ajouter qu'au cours de ce premier trimestre de 1943, Alphonse FILLATRE (" Clisson "), qui vient d'entrer dans le mouvement, va l'implanter à Percy, avec l'adhésion du vétérinaire TEXIER-HUGOU et d'André LEBOUVIER, chargés d'assurer les liaisons et de collecter les renseignements.

2°-VERS UNE STRUCTURATION PLUS POUSSÉE DES GROUPES D'ACTION " CENTURIE"

Le mois de mars va marquer une étape capitale pour le réseau.

Centurie ". C'est au début de ce mois que, sur recommandation de Charles AGNES et de Jacques GIROD, l'instituteur lorrain Adolphe FRANCK est nommé interprète d'Allemand à la Préfecture de la Manche, venant de Périgueux où avaient été rassemblés les fonctionnaires de l'Instruction Publique expulsés de Lorraine en 1940 par les Allemands.

Peu de temps après, FRANCK prend contact avec le commandant VILLIERS-MORIAMÉ, un vieil ami de Charles AGNES qui vient s'installer à Agneaux, réfugié de Cherbourg, par suite de l'évacuation exigée par les Allemands en avril 43.

FRANCK a été tout récemment désigné par Marcel GIRARD, (" Moreau "), commandant des groupes d'" Action " de la région M. 4. (Calvados - Manche - Eure), comme chez des groupes " Action " de la Manche-Sud, s'étendant de la limite sud des marais de Carentan à celle des départements voisins, (Calvados. Orne, Mayenne, Ille-et-Vilaine).

Dès avril, FRANCK a rejoint de la HAUTIÈRE (" Pierre MOULINES, qui le présente au commandant de la région M. Marcel GIRARD (" Moreau "). Celui-ci lui confie la direction des groupes d'" Action " sous l'autorité du Commandant VILLIERS-MORIAMÉ. Après avoir revu à Caen les responsables du Réseau dans le Calvados (DUCHÉ et KASKOREFF de " Centurie ". Henri LEVEILLE, d'" Action P.T.T. "), il entre en liaison à St-Lô avec les résistants de la ville inscrits au Réseau, puis avec Lucien LEVIANDIER qui dirige le secteur de Cherbourg. Selon les consignes reçues à Caen, tous deux se dirigent chez Marcel RICHER, responsable d'" Action P.T.T. " à Saint-Lô, qui leur fournit de mémoire le tracé du câble téléphonique souterrain, reliant St-Lô à Cherbourg, et indique à LEVIANDIER que son frère, François RICHER, ouvrier des lignes au Central postal de Cherbourg, peut servir comme agent de liaison entre eux.

FRANCK a engagé son jeune collègue, René WILHELM, ancien élève de l'École Normale de la Moselle, détaché depuis le 1er octobre précédent comme interprète à la Préfecture. Il devient son adjoint pour organiser le Réseau, et son suppléant éventuel.

Pendant ce trimestre, FRANCK (" Lefrançois ") s'emploie à organiser le secteur dont il est responsable en liant des relations à St-Lô avec le groupe formé par Hilaric DEFFES, et André GROULT, puis avec Alfred GLASTRE, Jacques BOUVIER, et Charles AGNES. Le sous-secteur de St-Lô Ville est confié à Hilaric DEFFÈS, le sous-secteur de St-Lô-Campagne à André GROULT, qui a comme suppléant Michel YVER.

Adolphe FRANCK (Lefrançois) a obtenu le concours de Camille GONTIER (Purjus) adjudant de carrière, chargé de l'entretien des bâtiments militaires occupés par les Allemands à St-Lô. Il lui indique les Mouvements de troupes ennemies, et engagera en juin le jeune instituteur Roger VOISIN.

Le 8 mai, FRANCK, qui songe à créer des groupes d'" Action " dans le sud de la Manche, reçoit la visite de son ancien camarade de régiment, le capitaine Pierre LE DIRAISON, attaché au 2e Bureau dans la région de Thionville pendant les hostilités, retiré à Mortain. FRANCK le met au courant de la création du Réseau " Centurie ". Naturellement, il y donne son adhésion. Mais fortement soupçonné par les Allemands, prévenu de surveiller ses actes et ses paroles, il doit décliner l'honneur de créer le sous-secteur de Mortain. Ce rôle est alors confié à René UNTEREINER, professeur d'allemand au Collège de Cherbourg, replié à Mortain depuis mai.

C'est Jean ETIENNE qui est chargé, sous le pseudonyme de Marcel LEFLAMBE, de constituer à Saint-Lô un premier groupe armé, tâche qui lui sera facilitée par ses fonctions d'entraîneur sportif au stade. L'employé de banque Jean LEBEL fera l'agent de liaison entre ce groupe et FRANCK.

Celui-ci a été chargé par le Réseau de former une organisation distincte des branches " Renseignement " et " Action ", le B.O.A., " Bureau des Opérations Aériennes ", récemment créé à Londres, s'occupant de la recherche de terrains propices à l'atterrissage d'hommes ou de matériel provenant d'Angleterre : tâche difficile dans un département où les terrains peu étendus sont en outre séparés par des haies d'arbres, et où l'occupation, sauf dans le sud, est dense. Néanmoins, FRANCK parcourt le secteur Est du département au sud de Saint-Lô, et s'assure du recrutement de camarades, dans les régions de Percy et du Mortainais, susceptibles d'apprendre le balisage d'un terrain reconnu satisfaisant.

En ce qui concerne l'action militaire proprement dite (attaques contre les troupes allemandes, sabotages divers), l'O.C.M. recommande une tactique de prudence : il faut réserver les forces intactes pour le jour du débarquement allié, ne pas donner prise à des répressions dangereuses pour l'O.C.M. et pour les populations ".

Lorsque le décret du 16 février 1943 étend l'obligation du S.T.O. à tous les Français, la lutte contre cette réquisition s'intensifie et prend une ampleur considérable. Les nombreux réfractaires deviennent souvent des résistants accueillis dans le bocage normand dans des maisons sûres. Ainsi, celle de René LESTAS, chef du groupe du Teilleul, rattaché à celui d'AGNES, accueille Jean-Paul MINNE et Jean ROGER. LESTAS échappe de justesse, le 12 août, à une arrestation par des agents français de la Gestapo. Mais Charles AGNES est arrêté le lendemain à Saint-Lô. (Déporté en diverses prisons en Allemagne).

En Juillet. au groupe des agents des Contributions Indirectes, André TRŒL devient l'adjoint de DEFFÈS, chargé de former, sous sa direction, un groupe d'" Action " pour St-Lô-Ville.

Par suite de l'arrestation, le 13 août. de Charles AGNÈS, l'organisation du groupe de résistants de la Préfecture passe aux ordres de LE PENNEC, chef de bureau, puis de Jean DURIAN, et continue à délivrer de fausses cartes d'identité et à constituer des dossiers sur les " Collaborateurs " et les agents de la Gestapo.

Le 15 août, FRANCK désigne André LEGRAVERAND comme son adjoint pour la collecte des renseignements provenant du secteur Manche-Sud et leur acheminement sur Caen (par la filière déjà décrite : Lison, Neuilly, Caen). Pour faciliter la collecte et les liaisons, Michel YVER fait entrer André LEGRAVERAND (Libertin, Lenormand) au Groupement d'Achat pour le Ravitaillement en viande (G.A.R.V.), grâce à l'appui du Directeur du Ravitaillement Général, Roger GENELOT, membre d'un réseau Buckmaster du servi anglais d'espionnage. LEGRAVERAND peut alors disposer d'une motocyclette, qu'il utilisera pour ses déplacements et les liaisons au profit du réseau. Avec sang-froid et habileté, Michel YVER continue à rendre de grands services en fournissant fausses cartes d'identité et gîtes sûrs aux réfractaires. En septembre, il réussit à camoufler Joseph CARRON de la CARRIÈRE, réfractaire, comme professeur de mathématiques à La Chapelle-sur-Vire où plusieurs classes de l'Institut libre d'Agneaux ont été repliées. Son protégé assurera les liaisons avec le Commandant VILLIERS-MORIAMÉ qui habite Agneaux.

Au cours d'une visite, le 20 août, chez les pasteur protestant BRASLEY à Saint-Lô, Marcel DELAFOSSE, instituteur et secrétaire de Mairie au Mesnil-Bus, est pressenti pour devenir agent de renseignements dans sa région. Au cours d'une seconde entrevue, il est engagé sous les ordres de Georges DIMITCH qui le présentera à Alfred GLASTRE. Il signale les mouvements de troupes et fournit des fausses cartes d'identité pour les réfractaires.

Dans la même région, Maurice HEBERT, instituteur, engage DUFRESNE, mari de sa collègue d'Ancteville, pour assurer le camouflage des réfractaires.

En septembre, le groupe des Contributions Indirectes, dirigé par Hilaric DEFFÈS, accueille, sur recommandation de DURIAU, Pierre YVINEC, directeur de cette administration, comme membre de la branche " Action ". Le jeune Henri MICIIAUX, employé au Groupement professionnel laitier, servira d'agent de liaison et de renseignements.

Dans la région de Gavray, dès le début de juin, André POULAIN forme un groupe d'Action avec Georges FRANÇOIS, Charles HUBERT de Roncey. Francis HELIE et Henri AMELINE, de Lengronne.

A La Haye-Pesnel, à la même époque, le groupe d'Action que dirige Paul GUITON compte parai ses membres les gendarmes Jean-Marie JACOB et Albert BOUQUILLON. Celui-ci fournit à son chef un révolver de 6/35 prélevé à la Mairie parmi les armes déposées par la population civile sur l'ordre des Allemands en 1940.

A la gare de La Haye-Pesnel, l'employé de la S.N.C.F., André ROBINE, membre du groupe de Résistance-Fer, est en relations avec le chef du secteur, Jean MARIE, à qui il fournit des indications sur les mouvements de troupes par voie ferrée. En compagnie de son collègue JEANNE, il provoque l'incendie de treize wagons de fourrage. (Dossiers C.V.R.).

Le réseau Centurie va se trouver confronté au automne à une nouvelle tâche. Un aviateur américain, TRAFFORD CURY, abattu en Seine-et-Marne et recueilli par le beau-frère de M. Joseph TESTA, est amené par celui-ci, dans la première semaine de septembre, chez son ami Émile MARTINET, instituteur en retraite à Hyenville, qui accepte d'héberger l'aviateur jusqu'à ce qu'une solution pour son rapatriement en Angleterre soit trouvée. A cet effet. il consulte Pierre André PIGAUX, docteur en médecine, membre du réseau Centurie " à Caen, en vacances à Montmartin-sur-Mer. Après un interrogatoire serré du fugitif, P.A. PIGAUX prend contact à Caen avec l'agent de liaison Robert CASTEL qui fait alerter " MOULINES ", chef régional du réseau. Celui-ci convient d'un rendez-vous avec PIGAUX sur le pont d'Hyenville ; il est décidé que l'aviateur sera caché à Paris. Vers le 14 novembre, ce sera Mme PERIER de GRADOR, (Madeleine) qui, prenant l'aviateur en charge, l'accompagnera par le train jusqu'à Paris.

En octobre, dans le Nord-Cotentin, le groupe de Tourlaville, sous la direction de MEHEUST comprend Léon GOUHIER, contremaître au Service des eaux, et membre de la Défense Passive, TOLLEMER, directeur de la Laiterie. PHII.IBERT, plombier, Auguste ANTOINE. Marcel LEBLOND, chef des groupes " Action " de l'arrondissement, y inclut Gabriel LAOUENAN (Le grillon), gérant de pharmacie, qui, par l'intermédiaire d'une secrétaire de l'Organisation TODT, dite " Mitsi ", résistante, de nationalité hollandaise, obtient de précieux renseignements sur la nature des travaux effectués par l'armée allemande à Couville.

Dans le même mois, aux Pieux, une première liaison s'établit entre Lucien RENOULT (Lallemand), chef du secteur-nord de la branche " Action ", par l'intermédiaire de LECOUTE, horloger, avec Marcel GONNAUD, instituteur. responsable du mouvement " Libé-Nord " du canton.

Au début de décembre, dans le canton de Quettehou, BERTIN de la HAUTIERE (Moulines) engage, au cours d'une entrevue, André JARRY (Philippe) à former un " corps franc " au sein du groupe "Action " que dirige Alfred LEPRUNIER. Il accepte d'en être l'adjoint, sous le pseudonyme de " Fanfan ". Mais le 17 décembre, Guy GOSSELIN du groupe de Barfleur est arrêté, comme suspect d'être en relations avec la Résistance (incarcéré jusqu'au 1er mai 1944).

Les grosses pièces d'artillerie disposées en batteries en cours d'installation à Azeville et à St-Marcouf sont signalées par André FORTIN, ainsi que les champs de mines dont le plan a été relevé par Georges DAVY. Ces renseignements sont transmis à la " boîte aux lettres " assurée par Gustave CARDET à Valognes. De son côté, Norbert BOUQUET (Lafleur) qui parcourt le même secteur à bicyclette, a remarqué la présence d'une grosse pièce d'artillerie isolée près de la route de St-Marcouf à Montebourg. Il en note soigneusement l'emplacement sur la carte d'état-major qu'il porte imprudemment sur lui.

Bien que fortement surveillé après sa libération de la prison de St-Lô. (soupçonné d'appartenance au " Front National "), Julien FLEURY reprend contact, en novembre, au marché de La Haye-du-Puits, avec ses amis Gaston PICOT (Celo) et Octave LEGRAND. Il leur signale régulièrement les mouvements et l'identité des troupes allemandes de passage, ainsi que l'édification à Surville, en bordure de côte, d'un poste de guet.

A partir de décembre, le capitaine LENOIR (Maresq), chef des groupes " Action " de l'arrondissement de Coutances, rend visite chaque mois, soit à son chef direct, VILLIERS-MORIAME, à Agneaux, soit, en cas d'impossibilité, sur instructions d'Yves GRESSELIN, à Adolphe FRANCK, chef du secteur Manche-Sud.

Dans la région de Mortain, René UNTEREINER. professeur d'allemand, qui, vers la fin des vacances d'été, avait reçu à son domicile de St-LA la visite de BERTIN de la HAUTIERE et d'Adolphe FRANCK (Lefrançois), avait accepté la mission de chef de secteur. Il prend contact, sur le conseil d'Alfred GLASTRE avec le capitaine Pierre LE DIRAISON qui lui promet de lui faciliter la tâche.

Un premier noyau est constitué dès la fin octobre avec Emmanuel LEMARDELEY, Eugène DUFOUR, Louis HOURDIN bientôt. 8 nouveaux membres s'y ajoutent : Victor et Bernard HAMONT, Eugène IIAMEL, Louis BLAISE, J.-M. BABIN. Roger BERTRAND, Henri LEMARDELEY et Goulven HILL. En novembre, encore cinq nouveaux membres : Georges MASSON, Louis THOUROUDE, André BOBLIN, René PLY, Ferdinand DESSEROUER. Deux fois par mois, UNTEREINER se rend à St-Lô pour rendre compte à FRANCK de sa mission.

- A Torigni, le groupe " Vengeange " du Commandant HAMEL a été rattaché en juin au Réseau " Centurie ", ainsi que le groupe des cheminots de la gare dirigé par Julien DUGUE. Celui-ci procède au sabotage de fusils de guerre entreposés sous les halles et provoque, le 17 décembre, le déraillement à Condé-sur-Vire de quatre wagons d'une rame envoyée en dérive depuis la gare de GUILBERVILLE. Le trafic est interrompu pendant 3 jours.

Le groupe constitué dans le canton de Gavray par André POULAIN (Jules), en accord avec le Commandant GODARD de Brésille, compte en fin d'année 17 hommes prêts à l'" Action ". Bien que rattaché au réseau Centurie, ce groupe jouit d'une certaine autonomie et est en liaison avec MARLAND, à Granville.

A Sourdeval, l'O.C.M. dispose de Gaspard BLISTAIN, sujet Belge, ami de FILLATRE. Celui-ci s'est acquis l'aide de Maurice ROSSELIN, employé de quincaillerie à Avranches, qui a le droit de circuler en camion pour les livraisons et deviendra un excellent agent de liaison lorsque, quelques mois plus tard, FILLATRE sera sollicité par "Action P.T.T. ".

Enfin, le groupe de Villedieu, dirigé par LEMARCHAND, avec le concours de VIMONT et du Dr OBLIN, prend contact à Percy avec Georges LECLERC, agriculteur, qui se spécialise dans le placement des réfractaires au Service du Travail Obligatoire.

A Bréhal, en lin d'année. Yves LEFRANÇOIS, chef du groupe. aidé de Louis LEHODEY, établit le relevé sur plan des champs de mines s'étendant dans les dunes du littoral, de Coudeville à St-Martin-de-Bréhal et Bricqueville-sur-Mer.

Le recrutement se poursuit :

- A Saint-Lô, avec l'ingénieur des Ponts et Chaussées Henri LIEBARD, pressenti par Alfred LEPELTIER, chef du groupe " Action " de Torigni.

- A Pont-Hébert, avec Marie ROPERT et Gabrielle CADET.

- A Mortain, le groupe accueille René LEBRETON.

- A Blainville, Georges LAMY, facteur des P.T.T., agent de liaison.

- A Couville, le Docteur SIGNEUX est en relations avec Emile RENOUF, qui a échappé en mai précédent aux arrestations des membres du Front National. SIGNEUX s'emploie à délivrer les certificats appropriés pour exempter de la réquisition de nombreux jeunes, dont certains s'engagent dans la Résistance.

Mais c'est à St-Lô que se trouve le cerveau de l'Organisation pour le secteur Manche-Sud.

Vers la tin d'octobre, sur la convocation d'Adolphe FRANCK (Lefrançois), chef du secteur, se tient dans une salle du restaurant André GROULT, une réunion à laquelle assistent : BERTIN de la HAUTIERE, (Moulines), Chef du Service de Renseignements de la région M. Yves GRESSELIN, (Pradel), chef départemental, Adolphe FRANCK, chef du secteur Manche-Sud

Pierre YVINEC, (Itis), chef du service des Contributions indirectes André GROULT, chef de la branche " Action " de St-Lô ville.

L'organisation complète du secteur Manche-sud est définitivement constituée :

a) - B.O.A. (Bureau des Opérations Aériennes). L Bureau : ENDELIN

2e Bureau : Pierre YVINEC

3e Bureau : Adolphe FRANCK

4e Bureau : Alfred GLASTRE.

b) " Action " - Chef du Secteur : Adolphe FRANCK.

Sous-secteur de St-Lô-Ville : Hilaric DEFFES

Sous-secteur de St-Lô-Campagne : André GROUIX

Sous-secteur de Coutances : LENOIR à Geffosses

Sous-secteur de Villedieu : LEMARCHAND

Sous-secteur de Granville : Maurice MARLAND et Robert GODARD

Sous-secteur d'Avranches : Jean MARIE à La-Have-Pesnel

Sous-secteur de Mortain : René UNTEREINER.

c) - Renseignements.

Alfred GLASTRE et Charles BONNEI_ à Saint-1A. Jean-Baptiste LEBOISSELIER à Coutances.

Pierre YVINEC reçoit mission de constituer, dans l'Administration des Contributions Indirectes, un réseau solide, en relations avec H. DUPÉS et André TRŒL, lesquels ont déjà engagé à St-Lô les contrôleurs MENEZ, OSMONT, GANIVETTE, Édouard DELOBEL, LE GOFF, Alexandre PITANGUE, et pressenti d'autres collègues exerçant en zone rurale.

Dans la plupart des cantons au sud de St-Lô, les agents fournissent au siège départemental à l'aide d'un code convenu utilisant les formules administratives habituelles, des indications sur l'importance des troupes allemandes et de leur armement.

Ainsi opéraient :

PICHON et GEFFROY à Torigni

Ernest ELIES à Gavray

Alexandre LELANDAIS à Coutances

SALINE à La Haye-Pesnel

RIVIERE à Cerisy-la-Salle

BOUROULLEC à Brécey DANIEL à Sourdeval

Aristide MANAIN à Ducey

DREAU et PŒY à Avranches

Tous ces agents disposaient d'un " Aussweiss " (permis de circuler dans leur circonscription).

A Tessy, Roger SICARD, dont l'épouse, employée de Préfecture, lui procurait d'authentiques cachets pour établir de fausses cartes d'identité aux réfractaires, au S.T.O.

A Juvigny-le-Tertre, René TANGUY qui avait engagé leDr Robert LEMONNIER.

A Mortain, Louis FORESTIER et Robert MAUDUIT.

Ces derniers seront plus tard, le 13 mars 1944, déportés dans plusieurs prisons allemandes, pour fabrication en grand nombre de fausses pièces d'identité.

Au mois de novembre, à Saint-Lô, Alfred MINNE, agent technique du cadastre, est engagé par GLASTRE. Sa profession lui permet de nombreux déplacements : il fournit à son chef des calques des plans cadastraux au 1/2500, signale les lieux où les géomètres allemands sont venus consulter le cadastre. Il fournit à FRANCK le plan complet du réseau des égouts de Saint-Lô.

Alfred GLASTRE et LEGRAVERAND parcourent la région côtière en décembre, de Montmartin-sur-Mer à Carolles, à bord d'une camionnette conduite par LESIGNE, commerçant à Coutances, et repèrent les champs de mines.

L'O.C.M. et son réseau " Centurie ", en cette année 1943, se sont considérablement développés, particulièrement sous l'impulsion d'Adolphe FRANCK et d'Yves GRESSELIN.

Depuis août 1943, GRESSELIN a succédé comme chef départemental à BERTIN de la HAUTIERE, devenu chef du service de renseignements et de contre-espionnage de la région M (14 départements de l'Ouest). GRESSELIN dispose à cette époque de 125 agents directs qui lui transmettent le courrier deux fois par mois. Du vendredi au lundi, il réside au château de Carnelot, à Rauville-la-Place. Il dépouille le courrier, et les plans intéressants sont transmis par Gaston PICOT à son frère Jean, à Neuilly-la-Forêt, qui les achemine à Caen par la filière des membres du réseau " Centurie " du Calvados.

La collecte des renseignements s'est non seulement intensifiée, mais son acheminement est tout à fait au point, et suffisamment diversifié afin, qu'en cas de rupture d'une filière, une autre puisse être prête à prendre la relève. Des groupes d'" Action " se mettent en place dans chaque secteur, et souvent même sur le plan cantonal.

En fin d'année, une réunion importante se tient à Agneaux, au domicile du Commandant VILLIERS-MORIAMÉ, à laquelle assistent : BERTIN de la HAUTIERE, Jean MARIE (Beruck), Maurice MARLAND et Adolphe FRANCK, afin de coordonner les groupes " Action " de " Centurie " avec ceux du réseau " Brutus ", auxquels s'est rattaché le groupe MARLAND. C'est une première étape vers la constitution des Forces Françaises de l'Intérieur (F.F.I.) dans le département.

Mais un événement capital se produit en décembre. L'O.C.M. a reçu mission d'assurer la coordination de l'action des Mouvements et Réseaux de Résistance par la création d'un Comité départemental de Libération (C.D.L.). Des pourpalers s'engageront avec les deux mouvements de Résistance les plus importants : " libération Nord " et " Front National ", dès le début de décembre. Mais il faudra attendre le printemps 1944 pour que l'unification de la Résistance s'accomplisse car si, par l'intermédiaire de Lucien LEVIANDIER, l'accord se fit rapidement avec Joseph HOCHER et Jean RENOUE, représentants de Libé-Nord, le représentant du Front National, René BERJON, (allèle), se montra plus réticent.

Cependant, au cours d'une réunion, un peu plus tard en décembre, le chef de Libération-Nord, Raymond LE CORRE, et le représentant du Front National, Jean LAMOTTE, acceptent Yves GRESSELIN, chef de l'O.C.M., comme président du futur Comité Départemental de Libération (C.D.L.).

LE RESEAU F. 2

Au début de cette année 1943, grâce à l'action d'Albert QUEGUINER (Ker), activement secondé par sa femme Marguerite JOUENNE et par Fernand LECHEVALLIER (France, Myckens), ce réseau franco-polonais re-constitué, possède des antennes à Granville, Carentan et Cherbourg, et, à St-Lô, il peut compter sur l'appui du groupe des cheminots dirigé par Charles BONNEL.

En janvier, F. LECIIEVALLIER a, comme agents de renseignements, son beau-frère Henri ENOUF (Pilote) à Granville. puis, à St-Lô, Camille GONTIER, qui sera aussi engagé en mai au réseau " Centurie ", et qui fournit à son chef le plan des casernes de la ville, et lui indique leurs effectifs.

Par l'intermédiaire de Bernard CADET (Camus) S.N.C.F., il s'assure du concours de Léon LEDUC, employé à St-Lô, au Bureau des Transports Routiers. Accompagné de son camarade DELANGE, LEDUC peut circuler dans tout le département, grâce à son métier, et tous deux réussissent à établir le plan complet des emplacements des unités allemandes stationnées dans la Manche, leur ordre de bataille, et à signaler leurs mutations. Léon LEDUC, qui, souvent, est convoqué à la Kommandantur pour des réquisitions de trans-port, réussit à subtiliser les empreintes des cachets du Feldkommandant et de nombreuses feuilles signées en blanc, permettant ainsi l'établissement de faux papiers.

Quant à Fernand LECHEVALLIER, il continue à effectuer de nombreux sabotages de wagons, (quatre en janvier, cinq en février), et engage en mars comme agent de liaison à St-Lô Marcel LANGEVIN (S.N.C.F.) et l'instituteur de St-Fromond, AVOINE, aux renseignements.

Le réseau va s'implanter solidement à Cherbourg quand, en février, Marcel CATHERINE, chef du secteur de Normandie à Caen, entre en relations avec un agent technique de l'atelier de réparations de la Direction des Constructions Navales à l'Arsenal, André MARZIN, recommandé par une personne du réseau. MARZIN devient agent de renseignements, aidé bientôt par un de ses subordonnés, le chef de travaux Marcel BRISSET (Nina). Mais en mai, il est muté à La Pallice. Avant son départ, il présente Marcel BRISSET à son chef CATHERINE qui le désigne comme responsable du réseau de renseignements du Nord-Cotentin, sous le pseudonyme de " Car ". Chaque semaine, il se rend à Caen, et donne à son chef CATHERINE (Tec) les renseignements sur les mouvements des navires de guerre allemands : vedettes rapides, torpilleurs, mouilleurs de mines, escorteurs. Étant affecté à l'atelier des réparations, il connaît par l'Ingénieur allemand de cet atelier, la date fixée pour la fin des travaux, et, par déduction, la date prévue pour le départ des navires, la plupart se dirigeant sur Brest. Beaucoup d'entre eux, attendus en mer par la flotte anglaise, hors de portée des défenses côtières, furent attaqués et coulés. Grâce au service des subsistances de l'Arsenal fournissant le pain aux troupes allemandes. Marcel BRISSET pouvait indiquer à son chef de réseau l'importance approximative de leurs effectifs. Furent aussi procurés les emplacements des fortifications et des pièces de D.C.A. entourant la forteresse de Cherbourg, celles du camp d'aviation de Maupertus, et des chantiers de rampes de lancement en construction à Couville. Mme BRISSET, née Louise DUVAL (Marine) remplace son mari comme agent de liaison hebdomadaire avec Marcel CATI IERINE, particulièrement à partir de l'hiver 1943 (275).

Mais l'événement le plus important, en ce printemps, c'est la prise de fonctions le 20 avril, à Cherbourg, du lieutenant de Gendarmerie Maritime Yvon GIUDICELLI qui a choisi comme ordonnance le gendarme Émile VOISIN. Vers la tin d'avril, au cours d'une conversation entre celui-ci et son lieutenant sur les résistants de la région, une sorte d'engagement tacite et mutuel pour œuvrer pour la résistance à l'occupant s'établit entre le lieutenant GIUDICELLI et son subordonné. Il se concrétisera bientôt, et, dès le début de juin, le gendarme Jules LELANDAIS est admis dans le groupe confidentiel naissant, pour observer les formations ennemies. Celui-ci est renseigné par l'ouvrier de l'Arsenal Georges MERRIEN, sur l'emplacement des mines flottantes et des filets anti-sous-marins en rade de Cherbourg.

A Saint-Lô, au début d'avril, un groupe, formé par le chef de district LEGRAND. comprend, sous la direction de Charles BONNEL et de son adjoint Jules RIHOUEY, plusieurs agents de la S.N.C.F., LETOURNIANT, Gustave BACON. LECANU, et Mlle LEPELLETIER dont les parents sont restaurateurs à Canisy, Maurice FRANÇOIS et Francis LEPETIT, artisans peintres, BEAUQUESNE, contremaître au garage Citroën à Saint-Lô. Celui-ci, dans une voiture allemande qui est stationnée, trouve le carnet de bord d'un général allemand qui l'a oublié dans le véhicule. Sans perdre de temps, le document est transmis pour traduction à QUEGUINER (Ker), par l'intermédiaire de Francis LEPEI IT et Jules RIHOUEY. Chose faite, le carnet est remis rapidement par la même voie dans l'automobile.

Le groupe de Saint-Lô s'adjoint l'agent militaire Léonor HUAUT qui seconde Camille GONTIER. Ayant de la famille à Cherbourg, il peut fournir des renseignements sur les emplacements de batteries et de blockhaus allemands sur la côte, s'étendant de Cherbourg à la Baie des Veys. Puis le marbrier BAZIN engage René GAULT, employé au service des eaux de la Ville de Saint-Lô. Il peut pénétrer dans les ouvrages militaires allemands pour y effectuer les réparations aux conduites. Il établit les plans de ces ouvrages, notamment celui creusé dans le rocher de la Poterne.

A la même époque, Fernand LECHEVALLIER, qui exploite une ferme à St-Georges-Montcocq fait la connaissance de l'agent d'assurances Émile GUEROULT qui vient s'y approvisionner en lait. Celui-ci dispose d'un laissez-passer (ausweiss) lui permettant de circuler dans l'arrondissement ; il sera agent de liaison, notamment avec le notaire Charles LECŒUR, agent de renseignements à Carentan.

Dans le même temps, Fernand LECHEVALLIER, qui multiplie ses sabotages de wagons (six en avril) engage, à Villedieu, le boulanger Albert LEPRINCE, requis par les Allemands pour la fourniture de pain à leurs troupes. Il peut ainsi renseigner son chef, par l'intermédiaire de l'agent de liaison. Gustave MARIE, du Mesnil-Herman, sur les mouvements de troupes entre Avranches. Caen et Saint-Lô, et sur l'effectif de la compagnie allemande de guet établie à Saultchevreuil-du-Tronchet.

En juin, à Granville, le groupe s'agrandit par l'adhésion de l'ingénieur Hippolyte RAVOUS, qui établit les plans. à l'échelle, de l'emplacement des points fortifiés de la région et indique l'importance de leur armement et des effectifs.

C'est en juillet que l'ouvrier de l'Arsenal de Cherbourg, Lucien ADAM qui avait dû se rendre comme requis à Kiel, revenu en permission et ne voulant pas travailler pour l'ennemi, trouve refuge comme réfractaire chez Fernand LECHEVALLIER qui lui trouve un emploi à St-Lô, comme chauffeur de camion. Très souvent. Lucien ADAM se rend dans le Nord-Cotentin. Il signale des effectifs allemands stationnant dans la presqu'île, les fortifications côtières, les emplacements de pièces d'artillerie de marine et de D.C.A., des stations de radio-repérage, des chantiers de rampes de lancement de fusées V.1 et V.2. Un travail analogue est effectué par le chauffeur de car Marcel MERCIER que Charles BONNEL a engagé comme agent de liaison il repère l'existence d'une nouvelle batterie d'artillerie à Délasse (Brix), de nouveaux cantonnements à Tribehou, et favorise l'évasion de travailleurs requis en les faisant voyager clandestinement sous la bâche de son véhicule.

Le groupe de la gendarmerie maritime de Cherbourg du lieutenant Yvon GIUDECELLI s'agrandit, vers la fin d'août, avec les gendarmes Albert LEPESQUEUX, Charles FENOUILLERE (qui devient son adjoint) et René LEVEQUE, qui signalent en outre à leur chef les endroits de la côte propices à un débarquement. (Charles FENOUILLERE, engagé dans les F.F.I.. mourra au champ d'honneur au cours des combats pour la libération de la Lorraine en 1944). A partir de septembre, le gendarme Émile VOISIN assure chaque semaine la liaison et le transport du courrier clandestin entre son chef et le chef départemental, Albert QUEGUINER, à St-Lô, apportant tous renseignements concordants sur les ouvrages militaires allemands de tout le secteur Nord-Cotentin et les mouvements sur le champ d'aviation de Maupertus. Pendant la période d'été, Yvon GIUDICELLI dispose, à Beaumont-Hague, du concours du palefrenier André MONTAIGNE que Fernand LECHEVALLIER avait recruté. Ainsi, le réseau est renseigné sur l'emplacement des pièces d'artillerie lourde et des fortifications de la pointe de la Hague, des lieux minés, des cantonnements. des nids de la D.C.A. et du poste radio émetteur de la région.

Le 2 juillet 1943. Albert FATOSME, instituteur à Helleville, est engagé par le lieutenant de gendarmerie Y. GIUDICELLI. Sur la demande de celui-ci, le sous-préfet de Cherbourg, Lionel AUDIGIER, membre du réseau " Alliance ", désigne FATOSME, vers la lin des vacances d'été, pour diriger l'Action Sociale dans les chantiers allemands occupant des requis pour le S.T.O.

Les nouvelles fonctions d'Albert FATOSME l'autorisent à visiter les chantiers de construction de l'Organisation TODT sur toute la côte de la presqu'île de Carentan à Carteret. Il put même, grâce à un officier allemand, visiter, en sa compagnie, un des blockhaus établis sur la plage de la Madeleine, à Ste-Marie-du-Mont. Sur carte d'état-major, il relevait les emplacements des fortifications, signalant particulièrement la station de radar à la Hague, au Hameau Laye, entre Auderville et Jobourg, les rampes de lancement, les batteries de D.C.A., les effectifs occupés dans les chantiers allemands. Les relevés des cartes se faisaient dans le bureau du lieutenant GIUDICELLI, à Flamanville. Il recevait également de Jean LECOUTOUR et de sa sœur Marie, membres du groupe en formation dans cette commune, le relevé des ouvrages allemands installés à Souville, sur la côte, au Mont St-Pierre, et, de l'instituteur, secrétaire de mairie LEREVEILLE, le prêt de cachets allemands.

D'autre part, le jeune Pierre RŒMER, qui, depuis deux ans, appartient à un groupe autonome fondé à Equeurdreville par le pharmacien Pierre LE FLOCH, se réfugie, pour échapper à la réquisition pour le S.T.O., dans la région de Flamanville ; il s'engage d'enthousiasme dans le réseau, en octobre.

Dans le même temps, Lucien ADAM, revêtu d'un uniforme de gendarme que lui a procuré le lieutenant Yvon GIUDICELLI, réussit, sous le couvert d'une enquête sur un travailleur ayant commis un délit, à pénétrer sur les chantiers de Couville construisant les rampes de lancement.

Pendant la première semaine de novembre, Jean QUEGUINER, (Kerjean), fils du chef départemental du réseau, interprète, chargé de liaison avec l'autorité allemande pour le compte d'une entreprise de travaux, renseigne son père sur l'ouverture à La Glacerie d'un chantier que l'on suppose avoir pour objet l'édification d'une rampe de lancement pour V.1 ou V.2.

Le jeune Louis RENARD, réfractaire au S.T.O., est engagé comme gendarme, sur recommandation de M` PORET, avocat à Valognes, par le lieutenant GIUDICELLI, et se joint à son groupe. De même, à Granville, le réfractaire Guy DOMIEN rejoint dans la Résistance son père et son frère.

Ainsi, le réseau F.2. sous l'impulsion de ses chefs QUEGUINER, LECHEVALIER, et GIUDICELLI, est devenu, en 1943, une organisation des plus efficaces pour la collecte des renseignements sur l'ennemi.

LE RESEAU C.N.D.

Malgré la destruction d'une première branche de ce réseau à la suite des arrestations de 1942, existe, à Cherbourg, une autre filière constituée à la même époque par Clément CROCHET (Mariette) avec, comme agent. Paul LECARPENTIER (Ampère), qu'il rencontre régulièrement en gare de CARENTAN. Mais. en janvier, ayant échappé de justesse par la fuite à un contrôle inopiné de la Feldgendarmerie, il est convenu que les liaisons auraient lieu dorénavant, en dehors de la zone interdite du Cotentin, dans le Calvados, à Lison.

Avec l'accord du réseau, Paul LECARPENTIER (Ampère), engage, en juin, son ami Léon SIMON (Papin), agent technique aux Constructions Navales de l'Arsenal, puis, en juillet, le chef d'équipe électricien de cet établissement Robert FICHET (Volta). LECARPENTIER et SIMON ont leur domicile de repli à Flottemanville-Hague, dans des fermes séparées de deux kilo-mètres. Ensemble ou individuellement, ils explorent la région, indiquent :

- sur carte d'état-major, les ouvrages défensifs établis par l'ennemi dans la commune et sur la côte.

- sur des plans de Cherbourg et de la banlieue, les emplacements minés, les barrages anti-chars.

- sur les plans de l'Arsenal, les casemates, la position des redoutes et des dépôts de munitions aux Flamands.

Dans l'Arsenal, ils identifient les bâtiments, leur puissance d'armement, les navires entrés pour avaries, la durée probable des réparations, les dégâts effectués par les bombardements.

Muni d'un laissez-passer allemand pour les besoins de son service, Robert FICHET pouvait, en parcourant tout l'Arsenal, glaner des renseignements divers. Domicilié à Tourlaville, il lui était possible, aidé par un de ses parents travaillant dans une entreprise allemande, de repérer les ouvrages et installations militaires de défense dans la région du Val-de-Saire.

Le 6 septembre, Paul LECARPENTIER (Ampère), convoqué à Paris, est accueilli en gare par Clément CROCHET (Mariette), pour une entrevue dans un bar, avec le chef de la région Bretagne-Manche, Jean SCIOU (Faucon). En vue d'événements proches, il lui est demandé de pousser au maximum la collecte des renseignements, et de rechercher immédiatement trois refuges pour un opérateur radio qui lui sera adressé dans les prochains mois.

Le 6 novembre, Paul LECARPENTIER, préalablement averti par les liaisons convenues, se rend à Lison, où il rencontre Jean SCIOU. Clément CROCHET, et un nouvel agent de liaison. Michel LE PETIT (Michu). Il rend compte des résultats des recherches qu'il a effectuées : deux refuges pour un opérateur radio ont été trouvés, ne correspondant pas entièrement aux normes prévues. Il est procédé au chiffrage des coordonnées relevées par Paul LECARPENTIER pour transmission à Londres par l'opérateur attendu. et à la présentation de " Michu " qui doit remplacer CROCHET (Mariette), appelé provisoirement dans un autre secteur.

Mais, au début de décembre, Paul LECARPENTIER (Ampère) et son adjoint Léon SIMON, arrivant au rendez-vous à Lison, apprennent par Michel LE PETIT le démantèlement du réseau par les arrestations de Jean SCIOU (Faucon), et de Clément CROCHET (Mariette). Les contacts sont rompus et chacun doit " se mettre au vert ". Ils se séparent rapidement. Paul LECARPENTIER et Léon SIMON, évitant de voyager par le train, reprennent à bicyclette la route de Cherbourg.

Ainsi, pour la deuxième fois, la Gestapo a mis, hors d'état de lui nuire, un des réseaux les plus efficaces.

CEUX DE LA LIBÉRATION (C.D.L.L.)

Ce réseau, implanté depuis la fin de 1940 à Tourlaville, sous la direction du maire, Jules LEMOIGNE, est resté en relations avec le réseau national, dont l'un des dirigeants est Gilbert VEDY (Médéric). Ce dernier est activement recherché par la Gestapo et devra gagner Londres en août. Jules LEMOIGNE et sa femme, Marie-Louise FEUILLET, fortement soupçonnés. sont interdits de séjour dans le département sur ordre de la Feldkommandantur, du 23 mars 1943. Ils s'installent au Molay-Littry, dans le Calvados, mais restent en relations avec la centrale parisienne. Les liaisons sont assurées par Raymond VEDY ou par Marcel LEBLOND.

LE MOUVEMENT " FRONT NATIONAL " ET LES GROUPES F.T.P.

Cette organisation. cruellement éprouvée l'année précédente, commence à se reconstituer. Elle dispose encore de quelques groupes intacts dans le sud de la Manche et de quelques points d'appui dans la partie centrale. Le nouveau responsable départemental, Robert COLLEATE (Paul), a pu prendre quelques contacts dans la région de Saint-Lô, notamment avec l'instituteur Jean LAMOTTE à Airel, et avec Raymond BRULÉ, distillateur à Condé-sur-Vire, et officier de réserve. Par contre, alors que dans un train venant de Paris, Raymond BRULE distribuait discrètement quelques tracts, il rencontre son collègue J. MALIZERBE, distillateur à Quibou, qui accepte volontiers de se joindre au groupe. Raymond BRÛLE y introduit aussi FREMOND de Marigny, Paul BEAUFILS de Dangy.

A la même époque, à Coutances, Raymond BRULÉ met en relations Robert COLLEATTE (Paul), avec l'inspecteur de l'Enregistrement Yves LE BARS, qui accepte la mission de chef de secteur, l'instituteur Eugène LEPETIT, et le juge d'instruction Claude LAPLATIT, qui rédige souvent des articles à insérer dans le journal clandestin du Mouvement. En mars, dans le bureau d'Yves LE BARS, Robert COLLEATTE, dont l'action s'intensifie pendant le premier trimestre, réunit les chefs de secteur de la région : pour Saint-Lô. Alfred DUROS. Pour Granville, Victor FRANCOLON. Pour Villedieu, Roger LE CANN. Pour Coutances, Régis MESSAC et Yves LE BARS. Par Mme BOUFFAY née GROULT, il fait prévenir Maurice GUILLOT, cafetier, au Passous de Coutainville, de la reprise des liaisons rompues après les arrestations de l'été précédent.

- Dans la région de Granville, le groupe de Carolles, sous la direction d'Alexis VERT, procède à divers sabotages. L'un d'eux organisé le 10 février sur la voie ferrée Paris-Granville, commune d'Équilly, pour provoquer un déraillement, échoue, faute de moyens suffisants.

A Granville, le délégué départemental COLLÉATE (Roland), hébergé à Bouillon, chez Victor FRANCOLON, alors que sa compagne " Alice " trouve un gîte chez l'Espagnol CARMELO MARTINEZ reçoit, en mars, de l'agent principal aux travaux des P.T.T. Francis POTIER, le plan du central téléphonique allemand installé dans la maison du commerçant CHARTIER, dont le fils PAUL est chef du groupe " Action " de la ville. Jusqu'alors, ce groupe s'est borné à la propagande par tracts, appelant les requis à la désertion et au sabotage.

Le groupe de Hambye que dirige l'instituteur Hippolyte GANCEL, est très actif. En janvier, il a obtenu le concours précieux de Mlle Germaine BOURGEOIS, secrétaire adjointe de mairie, susceptible de fournir de faux papiers aux réfractaires et de les pourvoir en cartes d'alimentation. Puis GANCEL engage successivement :

- son beau-frère Jules RICHARD, réfractaire au S.T.O.: il entre dans la clandestinité dans des fermes à Saint-Michel-de-Montjoie, puis à Saint-Laurent-de-Terregatte ;

- l'instituteur adjoint Lucien LEHERPEUR ;

- puis, en fin mars, le clerc de notaire Charles COURSIN.

Ils participent aux réunions clandestines du groupe, et distribuent nuitamment des tracts. C'est aussi en mars que le groupe a pour mission d'héberger les responsables du Mouvement.

En février, le responsable départemental Robert COLLÉATTE (Paul), logé chez Jean TORCHIO, réussit, en arrêtant révolver au poing, un militaire allemand conduisant une vachère sur la route de Villebaudon, à s'emparer de son arme.

Le mois suivant, c'est le responsable interdépartemental Édouard DEMUIN (Gilbert) qui est hébergé chez Roger LEMIERE pour une entrevue avec Robert COLLEATTE (Paul), accompagné d'Yvonne DISSOUBRAY, lesquels trouvent refuge à Cérences chez Mme CONTESSE née Marthe HALLIER.

A la fin de mars, des membres du groupe, pour obtenir des cartes et des tickets d'alimentation indispensables à la subsistance des agents vivant dans l'illégalité (chefs départementaux ou régionaux, réfractaires au S.T.O.), sont amenés à cambrioler la mairie de Hambye et à s'emparer des tickets du mois d'avril.

Plus au sud, à Brécey, s'est formé, au début de l'année, un petit groupe autour de Gustave MOULIN, mécanicien et de Louis PINSON, instituteur s'adonnant à la propagande par tracts et journaux clandestins et au camouflage des réfractaires. Ce groupe ne cessera de s'agrandir au cours de l'année,

Dans la région de Saint-Lô, à Airel, l'instituteur Jean LAMOTTE a obtenu, en février, le concours de sa collègue, Mlle Henriette JOURDAN, institutrice à Moon-sur-Elle, comme agent de liaison. C'est à elle que l'inspecteur de l'enseignement. Ernest OGE, remet les messages provenant des résistants de sa circonscription, pour être remis à LAMOTTE. Après que celui-ci en avait pris connaissance, Mlle JOURDAN reprenait les instructions données et les faisait parvenir au militant responsable du Front National en gare de Lison, par l'intermédiaire de Mme HEBERT et de Jules CHARPENTIER, employé de chemin de fer, adjoint au maire de Moon-sur-Elle. Le 30 mars, une opération de sabotage à laquelle participe Jean LAMOTTE est montée pour détruire un poste de D.C.A. installé à Saint-Lô, à l'École Primaire Supérieure : un court-circuit préparé intentionnellement provoque un incendie, mais la destruction des batteries n'a pu être réalisée.

Mais, c'est dans le Nord-Cotentin que Robert COLLEATTE (Paul) doit reconstituer le mouvement, terriblement éprouvé en 1942. En janvier, il est hébergé chez Georges MARTIN, instituteur à Gatteville, ou chez les parents d'Auguste LECARPENTIER, instituteur, du groupe de Villedieu, qui exploitent un petit commerce à Barfleur. Il reprend quelques contacts dans la région cherbourgeoise. notamment avec Auguste LE MEN et Ange LEPARQUIER, ouvriers à l'Arsenal de Cherbourg. Lors d'un voyage par le train Cherbourg-Barfleur, il fait la connaissance d'une jeune fille, Suzanne CREVON, qui travaille à la Kriegsmarine. Il l'engage dans l'organisation sous le pseudonyme de Madeleine. et obtient quelques renseignements anodins sur le service où elle travaille. On allait, hélas ! reparler bientôt de cette nouvelle adhérente.

En mars, Robert COLLEATTE (Paul), de retour à Cherbourg, prend contact avec l'ouvrier menuiser André LOISON (René) qu'il désigne comme commissaire technique régional, chargé de centraliser le matériel de propagande (journaux et tracts) pour le département, et d'en assurer la répartition entre les groupes. Mais, le 10 mars, André LOISON est interpellé par la police ; quelques jours après, le 19, Henri HENIN est arrêté à Cherbourg, le 22 mars, c'est Georges SCHMITZ qui est arrêté au Mont-Saint-Michel pour distribution de tracts et de journaux appelant la classe ouvrière à la Résistance (ils seront déportés à Buchenwald).

Mais, Robert COLLEATTE a une mission beaucoup plus importante à accomplir. Il doit appliquer les nouvelles instructions du Front National tendant à grouper tous les résistants, quelles que soient leurs opinions politiques, en une seule organisation. Il songe tout naturellement à tenter un rapprochement avec le mouvement socialiste clandestin et son organisation de résistance " Libération Nord ", qui dispose à Cherbourg de nombreux adhérents. Au début de mars, sur le conseil de GARNIER, propriétaire à Marcilly et ami de René SCHMITT. il va prendre contact, par l'intermédiaire d'André LOISON et de Gaston LOSTORIAT, agent de liaison de " Libération Nord ", avec Raymond LE CORRE, chef de ce mouvement. Il est convenu que chaque organisation gardera son autonomie, mais que des relations fréquentes pourront avoir lieu en vue d'un appui mutuel. C'était néanmoins une première tentative vers la coordination des Mouvements et Réseaux, qui ne se trouvera réalisée que l'année suivante.

Quelques jours après, André LOISON, se sentant traqué par la Gestapo, prend le maquis dans la région de Saint-Sever (Calvados) où il fait la connaissance d'un militant de ce département, Jean MAURICE, auteur de nombreux sabotages de voies ferrées.

Dès le début d'avril, le responsable départemental COLLEATTE (Roland). en possession des plans du central téléphonique allemand de Granville, que lui a remis Francis POTIER, prépare un attentat pour en assurer la destruction. A cet effet, il a donné rendez-vous à Beauchamps à Valère POISNEL et Ernest LETONDEUR du groupe de Saint-Pois, qui lui apportent de la cheddite, fournie par le carrier Ernest HOUSTIN de la commune de Le Gast (Calvados).

Et le 11 avril, jour de Pâques, " Roland ", hébergé la nuit précédente à Granville chez le vétérinaire Ambroise COLIN et conduit sur place par Auguste DIGEE du groupe de Saint-Pair, procède avec son équipe : Paul CHARTIER, Francis POTIER, Victor FRANCOLON, au sabotage à la bombe du central téléphonique.

Ils complètent leur œuvre par la coupure sur sept kilomètres du câble souterrain reliant Granville au quartier général allemand de Saint-Germain-en-Laye. arrêtant ainsi, pendant trois jours, tout trafic et obligeant l'ennemi à effectuer ses liaisons par automobiles.

Après ces attentats, vers midi, se tient chez Victor FRANCOLON à Bouillon, une réunion, en présence du chef départemental Robert COLLEATTE (Paul) à laquelle assistent Georges DUCHENE (Lerat), sa femme née Marie JEAY (Mireille), Maria RABATE, une des dirigeantes de l'Union des Femmes Française et Yvonne DISSOUBRAY institutrice, déléguées à la propagande afin d'inciter les femmes à se grouper pour aider les patriotes clandestins, Francs-Tireurs et Partisans (F.T.P.).

Vers la fin d'avril " Roland " donne mission au groupe de Saint-Pois de couper la ligne téléphonique Brest-Berlin, comprenant 26 fils, au lieu-dit " La Détourbe ", à Brécey. Ce travail est exécuté dans la nuit entre 23 heures et 3 heures, sur une distance de 2 km, par Ernest LETONDEUR, chef de groupe, et les frères Valère et Marcel POISNEL. A la même époque, le chef départemental Robert COLLEATTE et Arsène PARIS, du groupe Saint-Laurent-de-Cuves - Saint-Michel-de-Montjoie, se rendent à la ferme de " La Chevallerie ", à Coulouvray-Boishenâtre chez la famille LETONDEUR, pour y camoufler une machine à écrire. De leur côté, venant de Saint-Sever (Calvados) en voiture automobile, transportant une ronéo, Jean MAURICE et André LOISON, commissaire technique régional, arrivent à Saint-Michel-de-Montjoie où ils sont hébergés par les familles HILLIOU, Michel PUILLANDRE et LALINEC. Il s'agit d'imprimer et de diffuser le n° 4 du " Front National " de la Manche, organe du Comité départemental du Mouvement.

Les 28 et 29 avril, André LOISON entreprend, à bicyclette, une tournée dans le département, transportant une vingtaine de kilos de tracts et une brochure de quelques pages rédigées par Régis MESSAC, devant être distribués à l'occasion de la fête du travail du 1er mai. Successivement, il approvisionne le groupe de Coutances, celui de Saint-Lô, par M. HEMART, entrepreneur de menuiserie, celui des cheminots de la gare de tison, par dépôt dans la lampisterie, celui de Cherbourg, chez LESENECAL, village des Rouges-Terres, à La Glacerie, puis, le 1er mai, à Granville. chez Ambroise COLIN. vétérinaire, avec mission de faire parvenir un lot qu'il destine à Victor FRANCOLON, à Bouillon.

Pendant les vacances de Pâques, dans la première quinzaine d'avril, Raymond BRULE se rend à La Haye-du-Puits, chez l'instituteur en retraite Julien FLEURY (déjà engagé dans le réseau " Centurie "), pour l'informer de la prochaine visite de " Paul " (Robert COLLEATTE) qui, comme nous l'avons vu plus haut, a reçu mission de rassembler, en une seule formation, les différents groupes de Résistance, quelles que soient leurs positions politiques. D'ailleurs, dans cette région, une coordination étroite existe déjà entre le groupe de " Libération-Nord " dirigé, à Saint-Germain-sur-Ay, par Jean GOUBERT et celui que le militant du " Front National ", André COLAS, camouflé par Jean GOUBERT, chez LACOTI'E, puis à Montgardon, chez Auguste LANGLOIS, a formé.

Vers la tin d'avril, le chef du secteur de Villedieu, Robert STOREZ (Maurice), a reçu une lettre adressée à " Mlle Renée RICHARD ", à La Landed'Airou ". Le facteur CORNU. membre du mouvement, selon les instructions reçues de son chef de groupe, doit lui remettre, en effet, tout pli portant cette adresse fictive. C'est par ce truchement ingénieux que STOREZ assure la centralisation des renseignements provenant des agents et des instructions des organismes centraux ou départementaux. Cette lettre, signée de " Madeleine LEFEVRE ", pseudonyme de Suzanne CREVON, donne rendez-vous à son chef Robert COI LEATIE pour communications importantes, le 4 mai, dans son logement de la rue de l'Alma à Cherbourg. Yvonne DISSOUBRAY (Claude) et le chef départemental (Paul, Serge), se rendent tout d'abord le 3 mai à Gatteville, où ils sont hébergés chez l'instituteur Georges MARTIN. Le. lendemain 4 mai, après le rendez-vous avec Suzanne CREVON, ils doivent rencontrer Raymond LE CORRE, un des chefs de " Libération-Nord ", pour tenter de former un Comité directeur de liaison entre les deux Mouvements.

Alors qu'Yvonne DISSOUBRAY, prudemment, se tient à l'écart du lieu de rendez-vous, c'est la Gestapo qui accueille COLLEATTE au domicile de Suzanne CREVON, et l'arrête. (Il sera fusillé à Saint-Lô le 20 septembre 1943).

Dès le lendemain, 5 mai, Yvonne DISSOUBRAY (Claude) alerte à Villedieu Roger LE CANN et Robert STOREZ (Maurice) qui, immédiatement. s'efforce d'assurer la sécurité de la plupart des agents directement en contact avec lui, mais non celle des chefs de groupe disséminés dans le département connus de COLLEATTE seul. A Villedieu, le 6 mai, une réunion se tient chez Roger LE CANN qui héberge " Roland-Raoul ". Sont présents : Auguste LECARPENTIER, instituteur à La Bloutière. Claude LE CANN et Robert STOREZ. Yvonne DISSOUBRAY (Claude) y confirme l'arrestation de Robert COLLEATTE (Paul), et il est décidé de rompre immédiatement les contacts et de se disperser.

Mais, déjà, la répression sévit, les arrestations se succèdent facilitées par une imprudence de COLLEATE, qui portait sur lui un calendrier de ses rendez-vous.

- Le 5 mai : Paul CHARTIER est arrêté à Granville. Déporté au Struthof où il meurt le 22 février 1944.

- Le 6 mai : Julien FLEURY, arrêté à La Haye-du-Puits, bien que n'appartenant pas au Front National. mais inscrit sur la liste de COLLÉATTE (interné à Saint-Lô, libéré le 26 juin 1943).

- Le 7 mai : Victor FRANCOLON, arrêté à Bouillon. Déporté à Natzweiler-Struthof, décédé le 15 février 1944.

- Le 7 mai : Louis CHOLLET (Lechat), distributeur de tracts, arrêté à Granville (déporté à Natzweiler-Struthof, puis à Dachau).

- Le 7 mai : André LOISON et Jean MAURICE (arrêtés à Saint-Michelde-Montjoie. Déportés à Natzweiler-Struthof et à Gross-Rosen).

- Le 7 mai : Alfred DUROS, arrêté à Condé-sur-Vire.

Au cours de son transfert à la prison de Saint-Lô, Alfred DUROS réussit à avaler un papier portant le nom d'Emile RENOUF, instituteur à Coutances. qui venait d'entrer dans le réseau, et au domicile duquel une réunion du groupe était prévue pour le f 0 mai.

Déporté à Natzweiler-Struthof, à Gross-Rosen et à Dachau, DUROS meurt, le lendemain de la libération de ce camp. le 30 avril 1945.

- Le 7 mai : Georges GAUTIER et sa femme, arrêtés au Chefresne pour avoir loué à Robert STOREZ une maisonnette servant d'hébergement et de lieu de réunion.

Mme GAUTIER est libérée, son mari déporté au Struthof et à Dachau, où il meurt le 3 février 1945.

- Le 7 mai : Émile LECARPENTIER, arrêté à Barfleur pour hébergement de COLLEATTE, déporté à Natzweiler-Struthof, décédé le 26 mai 1944.

Son fils, Auguste LECARPENTIER, instituteur à La Bloutière, prévenu à temps par la gendarmerie de Villedieu, échappe aux poursuites.

- Le 8 mai : Eugène LEPETIT, arrêté à Coutances, déporté à Natzweiler-Struthof, à Gross-Rosen, Dora, Bergen-Belsen.

- Le 9 mai : Claude LAPLATTE, qui a rédigé les tracts, incarcéré 18 mois dans une prison militaire en Allemagne.

- Le 9 mai : Raymond PARRY, du groupe de Villedieu, arrêté pour hébergement de militants clandestins.

Simulant une appendicite, il est hospitalisé à Villedieu, gardé à vue par la gendarmerie française. Quelques jours plus tard, grâce à la complicité du gendarme Pierre ROGER, il peut s'échapper et gagner la région parisienne.

- Le 9 mai : Hippolyte GANCEL, chef du groupe de Hambye.

Emprisonné à Saint-Lô, puis à Fresnes, il simule habilement la folie, et est libéré comme inconscient le 28 octobre 1943. Après cette arrestation, Jean TORCHIO, membre du groupe, s'empresse de vider la cachette recouverte de Lambris, installée dans le mur de sa classe par GANCEL, derrière son bureau, où il avait dissimulé des armes, (les munitions, des tracts.

- Le 9 mai : Georges LETONDEUR est arrêté à Coulouvray-Boisbenâtre, chez ses parents. Trompant la confiance de ses gardiens, il réussit à s'évader dans les bois. Quant à Ernest LETONDEUR, prévenu à temps, il trouve refuge chez les cultivateurs : Honoré, puis Delphin POISNEL, qui avait hébergé " Roland ".

- Dans la nuit du 9 au 10 mai : Ange LEPARQUIER, qui avait hébergé COLLEATTE, est arrêté. Déporté à Natzweiler-Struthof, il y meurt le 7 mai 1944.

- Le 10 mai : Régis MESSAC arrêté à Coutances (déporté à Natzweiler-Struthof, puis à Gross-Rosen, où il meurt le 17 novembre 1944).

- Le 10 niai : Robert STOREZ arrêté à Villedieu, bien que grand infirme, paralysé des deux jambes. Il sera libéré de la prison de Fresnes le 28 décembre 1943.

Dès son entrée à la prison de Saint-Lô, il avait réussi à faire passer par un prisonnier libéré un message destiné à Roger LE CANN, à Villedieu : " Que le canard se mette au vert ", signifiant ainsi à son camarade de rompre toute attache avec le mouvement.

- Le 11 mai : Yves LE BARS, arrêté à Coutances. Libéré le 5 septembre 1943.

- Le 20 mai : Ambroise COLIN, arrêté à Granville, libéré le 21 septembre 1943 (305).

- Le 7 juillet : Ernest WOITTEQUAND, arrêté à Regnéville-sur-Mer, libéré le 5 janvier 1944.

Signalons qu'au début de cette période tragique, un attentat contre un caporal allemand, à un kilomètre au sud de Cérences, sur la route du Loreur, était éxécuté par deux membres des F.T.P. (J.R. et G.L. pour s'emparer de ses armes.

Après la catastrophe du mois de mai on pourrait penser qu'un certain découragement ait atteint les militants. Il n'en est rien puisque, dès le 12 mai, un nouveau responsable départemental est désigné : Léon PINEL., (Jules), qui doit réorganiser le mouvement. Très actif, méthodique, prudent, il va parcourir tout le département pour réconforter les groupes ayant échappé à la tourmente. Sur le plan de l' " Action directe ", ce sera bientôt l'arrivée dans le sud de la Manche de Jean TURMEAU (Alfred). qui a établi des relations à Avranches, avec Louis RENAULT. D'excellents résultats seront obtenus dans le sud du Département, mais le " Front National " ne pourra se reconstituer dans le Cotentin.

Dans la région de Saint-Pois, le 10 juin, Arsène PARIS, chef de groupe à Saint-Laurent-de-Cuves. engage le jeune réfractaire au S.T.O. François HAMEL, comme agent de liaison avec Joseph I1LLIOU, chef du groupe de Champ-du-Boult (Calvados), et le charge du recrutement d'un noyau de F.T.P. à Coulouvray-Boisbenâtre, après contact avec l'instituteur JUHUE, qui fournira des faux papiers et des tickets d'alimentation aux réfractaires. En août, André DEBON, revenu clandestinement chez sa mère à Saint-Laurent-de-Cuves, persuade le comptable Michel TAUZIN, requis pour le S.T.O.. venu en permission à Juvigny-le-Tertre, de ne pas rejoindre son poste, et le camoufle chez sa mère. Ensemble, ils se rendent chez les époux PEDRELLI, à l'école de Gathemo, et prennent livraison en cette commune d'une vieille ronéo qu'ils ramènent à Saint-Laurent-de-Cuves et cachent dans un creux de carrière situé derrière la ferme de Mme DEBON. Jusqu'en octobre. Michel TAUZIN assure le tirage des tracts rédigés par Léon PINEL (Jules), devenu chef régional, ou par lui-même sous contrôle de ce chef.

A Pontorson, Gaston LEBARBIER s'est adonné. depuis juin 1941, à la confection et à la distribution de tracts ; d'autres lui sont remis par le groupe de Dol ; puis il procède au sabotage, par introduction de sucre en poudre dans les réservoirs d'essence des gros camions allemands. En 1942, il a formé un petit groupe avec les membres de sa famille et quelques amis. Il fait connaissance, vers le milieu de l'année, avec Alcide DANIEL (Alfred), qui a installé un maquis dans la forêt de la Hunaudaye (Côtes-du-Nord).

Pendant la première quinzaine de juillet, le groupe coupe la ligne téléphonique à dix circuits, près du Mont-Saint-Michel, reliant entre eux les postes allemands du littoral. Gaston LEBARBIER et Alphonse DAVY, qu'il vient de recruter, collent des tracts sur les maisons des " collaborateurs ", les menaçant de la peine capitale, à La Libération, et tracent des inscriptions hostiles aux Allemands sur les murs et les trottoirs.

Le 18 août, les deux jeunes gens et Fernand DAVY. cousin d'Alphonse, quittent Pontorson pour rejoindre le maquis de la Hunaudaye, suivis bientôt de Rétny TONNELIER, Didier BOURGET, René GILBERT, Jules JALOUIN, Victor TESNIERE. Ils n'y restèrent qu'un mois, car, par suite d'une dénonciation, les hommes du maquis durent se disperser.

Le 28 septembre, la Gestapo fera son œuvre. Elle arrête, à Boucey, Didier BOURGET (déporté à Buchenwald et à Dora) ; à Pontorson, Jules JALOUIN (mort en déportation).

René GILBERT (déporté à Buchenwald et à Dora).

Le commis bouclier Victor TESNIERE, déporté à Buchenwald.

TONNELIER qui a pu s'échapper sera par hasard reconnu par la Gestapo à Chalon-sur-Saône, et arrêté le 27-4-44 (déporté â Buchenwald).

C'est à Avranches qu'un petit groupe, autonome tout d'abord, sous le nom de " Valmy ", a été constitué par Pierre MIGNON et les frères BARBIEUX, auxquels vient se joindre en juillet l'étudiant Bernard LEBŒUF.

A la même époque. Mme HAMEL, née Louise MOREAU, institutrice et secrétaire de Mairie à Saint-Brice-sous-Avranches, fabrique, aidée de son mari, faux cachets et fausses cartes d'identité pour les réfractaires. Elle transmet, par l'intermédiaire de l'instituteur de Saint-Osvin, Georges DUBOIS, les renseignements sur l'activité de l'ennemi à son collègue de Saint-Martin-de-Landelles, Jean-Baptiste ETIENVRE, du mouvement " Libération-Nord ", constituant ainsi un nouvel exemple de l'interpénétration de groupes issus d'une origine différente.

A Avranches, en août, un groupe spécialisé dans la fourniture des fausses cartes d'identité s'est constitué, dirigé par Octave FEUILLET, agissant sous les ordres du chef des F.T.P., Louis RENAULT. Il s'adjoint Bernard PRIOLET, étudiant, clerc de notaire, réfractaire au S.T.O. Marcel TABUR (de l'O.C.M.) engage celui-ci à accepter d'être requis par le Commissariat de la Main-d'œuvre à Saint-Lô, afin de saboter les départs de travailleurs pour l'Allemagne, en leur fournissant, en liaison avec François DORE, employé au Génie Rural, à Saint-Lô, les faux papiers indispensables. Environ 600 pièces seront remises à Octave FEUILLET pour être à la disposition de Léon PINEL (Jules), responsable départemental du Mouvement, qui constitue un dépôt de ces faux documents à Saint-Michel-de-Montjoie, chez Alexandre HILLIOU.

C'est à Saint-Hilaire-du-Harcouët que JAOUEN (Gilbert), responsable régional, a décidé d'établir la direction des F.T.P. de la contrée, confiée à Julien LAMANILEVE, dont le ressort s'étend aux groupes de Saint-James, de Saint-Hilaire, et de Fougères. Cette nouvelle organisation incite le jeune Georges LEGOURD du groupe " Libération-Nord " de Saint-James, dont le frère Édouard appartient au groupe de Fougères. à demander à son chef, le docteur MOTHAY, sa mutation à celui de Saint-Hilaire-du-Harcouét, ce qui a lieu en septembre.

A la même époque, le groupe " Action " de Mortain est constitué sous la direction d'Eugène HAMEL, ainsi que celui de Montand, sous celle de LANSONNEUR.

C'est au cours du dernier trimestre de l'année 1943 que l'activité des groupes " Action " du Front National, les F.T.P., va s'intensifier, prendre de l'ampleur, et par des attentats spectaculaires, inquiéter l'ennemi et encourager les populations à la Résistance.

En octobre, Louis RENAULT, chef des F.T.P. d'Avranches et Marcel LUCAS, chef de " Libération-Nord ". ont un rendez-vous sur la route de Saint-Quentin avec JAOUEN (Gilbert), afin de constituer un groupe armé, chargé de saboter. par tous les moyens, la machine de guerre allemande, en recrutant des hommes sûrs, déterminés et braves. Avant la fin du mois, le groupe a engagé :

- Paul HAMEL, fonctionnaire des Finances et sa femme Louise MOREAU, secrétaire de Mairie, institutrice, dont le domicile à l'école de Saint-Brice-sous-Avranches offre un lieu propice pour tenir des réunions clandestines et pour cacher des armes.

- André HAY, qui travaille à l'usine électrique de Vezins, et sa femme Suzanne RENAULT, sœur de Louis.

- Lucien DUCLOS, transporteur, qui, très vite, a obtenu l'adhésion de Mme JEHAN, marchande de chaussures à Avranches, à qui il présente le délégué départemental Léon PINEL (Jules). et le nouveau chef du groupe d'" Action " des F.T.P., le jeune Jean TURMEAU (Alfred). Avec empressement, Mme JEHAN met sa maison à la disposition de ces chefs qui y trouveront gîte et couvert.

Au début de novembre, Jean TURMLAU qui se déplace dans toute la région, y établit son quartier général, entreposant dans la cave de sa logeuse des paquets de tracts fabriqués à Marcilly par Joseph GARNIER, des mitraillettes dissimulées dans un tas de bois de chauffage, de la dynamite cachée dans une boîte à chaussures.

Tandis qu'en accord avec Gustave MOULIN, l'instituteur Louis PINSON constitue en octobre avec Gustave LOUAISEL et Louis DUVAL le groupe F.T.P. de Brécey, Alphonse DAVY (Darvillers) et son cousin Fernand DAVY. de Pontorson, sont engagés, le 25 octobre, par le nouveau chef militaire régional Jean TURMEAU, qui leur donne l'ordre de rejoindre le groupe dit

Maquis de Sainte-Pience ", organisé par le mouvement " Libération-Nord ". Ils y arrivent le 2 novembre et se mettent aux ordres de leur nouveau chef, Émile CUNY, chauffeur mécanicien, militant de la région parisienne, camouflé comme jardinier dans la propriété de M. PLAUT.

En novembre, Louis PÉTRI (Roland TANGUY), chef des groupes F.T.P. de MAINE-NORMANDIE-BRETAGNE, donne l'ordre à Julien L,AMANILEVE, chef régional, installé à Saint-Hilaire-du-Harcouét, de se procurer une voiture automobile avec l'essence nécessaire afin d'assurer des liaisons rapides entre les groupes. C'est Georges LEGOURD qui, responsable du matériel, est chargé de cette difficile mission. Dans une remise lui appartenant à Saint-James, il stocke, non seulement les tracts, les journaux clandestins, les fausses cartes d'identité et les faux tampons encreurs, mais aussi, dans l'attente de pouvoir disposer d'une automobile, de l'essence qu'il récupère dans les auto-chenilles allemandes stationnées dans un garage voisin.

C'est au mois de décembre que se déploie la plus grande activité dans les groupes F.T.P., marquée par les sabotages des voies ferrées minutieusement organisés par Jean TURMEAU (Alfred). A cet effet, dès le décembre, Louis RENAULT (Léon) engage son voisin Georges LOURDAIS (Isidore), artisan peintre, qui s'entoure d'hommes résolus : Victor FLEURY, de Taillepied, René BLANDIN, le jeune Bernard LEBŒUF. En paralysant le trafic ferroviaire de l'ennemi, il s'agit de créer chez les Allemands un climat d'insécurité atteignant à la fois, leur potentiel de guerre et leur moral. Renseignés par les employés de la S.NC.F., résistants, les F.T.P. ne s'attaqueront qu'aux trains transportant des troupes ou du matériel allemand.

Le premier sabotage a lieu dans la nuit du 4 au 5 décembre. entre 3 h 47 et 4 h, au lieu-dit " La Mare Giffard ", au Tanu, à 3 km de Folligny, sur la ligne de Paris-Granville, sous la direction de Jean TURMLAU. Après avoir neutralisé les garde-voies requis, les F.T.P. procèdent au déboulonnement des rails. Il y a de gros dégâts : la locomotive et douze wagons d'un train de marchandises déraillent. Les voies sont obstruées jusqu'au lendemain soir à 18 h 30, mais on déplore la mort du mécanicien.

Le même groupe réussit, le 9 décembre, à 4 heures, à provoquer à Sainte-Cécile, au pont de la Cavée, sur la même ligne, un nouveau déraillement. La machine et huit wagons d'un train de marchandises se renversent, d'autres wagons déraillent deux soldats allemands sont tués. Les deux voies principales sont obstruées jusqu'au lendemain à 6 heures).

C'est au début de décembre qu'arrive le délégué politique du Front National pour le Département de la Manche, René BERJON (Émile) venant d'Îlle-et-Vilaine. Sur demande d'Émile CUNY, il est hébergé pendant quatre mois chez le cultivateur Victor LECOUSTRE au Luot, mais aussi, au cours de ses déplacements, chez les époux HAMEL, à Sainte-Brice-sous-Avranches. ou. par l'intermédiaire de GARNIER, chez le cultivateur FOUILLARD à Marcilly. Quant à Jean TURMEAU. il trouve asile, sur demande de Georges LOURDAIS, à Sainte-Pience, chez Mme CHENU, restauratrice, membre du mouvement " Libération-Nord ".

A Avranches, fin décembre. Georges LOURDAIS (Isidore) a engagé le mécanicien, entrepreneur des carrières, Jacques MANSUY qui forme un groupe d'" Action " avec Alphonse DAVY, son cousin Fernand DAVY, Gaston LEBARBIER, récemment évadé de la prison de Dinan, Raymond CHIVET, d'" Action P.T.T. " qui fera connaissance, au début du mois suivant, de Jean TURMEAU. Le juge d'instruction Jack BLOUET, qui habite près de MANSUY, est également membre du groupe qu'il renseigne sur les enquêtes menées par la police allemande après chaque attentat.

Le groupe de Brécey, sous la direction du chef cantonal Gustave MOULIN et de Louis PINSON, chef du groupe " Action ", s'agrandit en tin d'année par l'adhésion de l'instituteur Georges COCONNIER, chargé de la rédaction et de la diffusion des tracts, et par celle de Joseph PO(JLNAIS, mécanicien, qui recrute plusieurs camarades dont Gustave LOUAISEL et les frères BESNIER, garagistes. Il est en liaison avec le groupe de Saint-Hilairedu-Harcouét, dirigé par Louis BLOUET, rédacteur du journal clandestin " Le Patriote Bas-Normand ", qui en assure la diffusion. Des réunions secrètes du groupe se tiennent régulièrement, soit chez Victor LEVEQUE, cultivateur à Vimy, soit chez Mme LHOMET, auxquelles assiste parfois le chef de secteur Julien LAMANILEVE.

En décembre, à Villedieu, sur l'initiative d'Émile CUNY, un groupe de F.T.P. est en voie de constitution. Un contact a été pris avec Georges GOFFAUX, employé, puis avec le plombier Raymond MANCEL qui engage le mécanicien Roger LEI.AISANT. Mais l'arrestation, le 25 décembre, de Joseph ROSSI, porteur de tracts, retarde la création du mouvement.

Ainsi, malgré les pertes sévères subies par le Mouvement en mai 1943, le Front National " et son organisation armée, les F.T.P., sont fortement organisés et solidement implantés dans plusieurs cantons du sud de la Manche. En outre, des liaisons de plus en plus nombreuses s'établissent avec d'autres organisations. particulièrement avec " Libération-Nord ". qui se concrétiseront l'année suivante sous le sigle des F.F.I. (Forces Françaises de l'Intérieur).

LE MOUVEMENT " LIBÉRATION-NORD "

Lorsque s'ouvre l'année 1943, les syndicalistes et les socialistes qui ont été à l'origine du Mouvement " Libé-Nord " ont réussi, peu à peu, à construire leur organisation. Cependant, en son sein, continuent à exister, concourant au même but, la reconquête des libertés par la défaite de l'Allemagne, les deux courants formateurs :

a) - Le Parti Socialiste clandestin, sous la responsabilité de Raymond LE CORRE (Pépita) ;

b) - La Confédération Générale du Travail, clandestine, dirigée par Joseph BOCHER (Antoine).

Réunis sous la direction de René SCHMITT (Lavenir), responsable départemental du Mouvement.

La coordination des décisions des deux courants est d'autant plus facile que la plupart de leurs membres appartiennent aux deux formations. D'ailleurs, les événements de 1943 auront vite fait de fondre en une seule organisation les courants d'origine. Les relations entre les résistants appartenant à d'autres courants (O.C.M., Front National. F 2), seront aussi plus fréquentes amorçant la future création, au début de l'année suivante, du Comité Départemental de Libération (C.D.L.).

Au début de 1943, l'appartenance à la Résistance de Raymond LE CORRE, qui agit avec une extrême prudence, n'est vraiment connue que de très rares amis : René SCHMITT et son agent de liaison André LE BELLEC (Le Chalumeau) dans la région cherbourgeoise, Jean DURIAU à Saint-Lô.

Le 27 février, LE CORRE demande à Gaston LOSTORIAT d'être son intermédiaire éventuel avec des syndicalistes, militant dans d'autres organisations : cela ne l'empêchera pas de continuer sa tache de répartition des journaux : " Le Populaire ", " Socialisme et Liberté ", " Libération ", entre les distributeurs chargés de leur diffusion : à l'Arsenal, dans les entreprises, à la S.N.C.F., et dans les boîtes aux lettres.

Ce même jour, deux d'entre eux, Hippolyte OLIVIER et Yvon NAVET, ouvriers à l'Arsenal, sont arrêtés. (Le premier est déporté à Mauthausen, le second à Buchenwald).

C'est le mois suivant, comme nous l'avons vu précédemment, que. par l'intermédiaire de Gaston LOSTORIAT, un contact est pris, pour la première fois, dans une maison de la rue Ingénieur Cachin, à Cherbourg, par Raymond LE CORRE, avec le chef du " Front National " Robert COLLEATTE (Paul). en vue d'une action commune. On sait que, si Raymond LE CORRE accepte de coordonner les activités des deux mouvements, il refuse l'adhésion de son organisation au " Front National ", demandée par COLLEATTE.

Le compte rendu de cette entrevue, et tous renseignements sur l'implantation de " Libé-Nord " dans la Manche, sont donnés le 31 mars par André LE BELLEC à Henri RIBIERE, chef national du Mouvement, qu'il rencontre pour la première fois à Paris, place Balard.

Le mouvement s'implante dans la Hague ; à Beaumont, Roger LEMESLEY, receveur des contributions indirectes, assure la distribution des tracts et journaux, et fournit des renseignements sur les gros travaux de fortifications entrepris peu l'ennemi.

Paul RICHARD, qui était instituteur à l'établissement du Bigard, entièrement occupé par l'ennemi, a été détaché au secrétariat de Mairie de Querqueville, et chargé du contrôle de la statistique agricole pour le canton de Beaumont, ce qui lui permet de circuler librement. Il est engagé en mars comme agent de renseignements par son ami de vieille date, Raymond LE CORRE.

De son côté. René SCHMITT, habitant dans le canton des Pieux, noue des relations, en février, avec un ancien membre du parti socialiste, Marcel GONNAUD, instituteur aux Pieux. Par lui, il est renseigné sur les zones minées du bord de mer, à Siouville, notamment, et les emplacements de batteries anti-aériennes que lui signale l'instituteur de Flamanville, Georges FOUGUE, ancien de l'O.C.M.

A Tréauville, en juin, Albert LECANNELIE amène au groupe François LANGLOIS, cultivateur, et Roger LEBOURGEOIS. Plus tard, en novembre, François COLIN, maire du Rozel, renseigne GONNAUD sur les fortifications et réseaux défensifs de la côte.

A La Pernelle, en février. Jean RIBET, l'ouvrier agricole Joseph LEGUEST et Paul CHANTEPIE continuent leurs menus sabotages. déboulonnant et faussant des pièces destinées à la construction du poste de radar.

Au début de l'année, l'agent de liaison André LE BELLEC se rend dans la région de Carentan, où le groupe. sous la direction de Marcel TOULORGE, continue à s'agrandir par l'adhésion de René JUVEAU, artisan, de Victor LECESNE de la S.N.C.F., et de Pierre CAILLOT, contrôleur laitier, déjà en contact avec Jean LEBAS de Valognes, membre de l'O.C.M. La liaison et la collaboration entre l'O.C.M. et " Libé-Nord " est assurée par Gustave LAURENCE, ancien membre de la section socialiste de Carentan, ami d'André LE BELLEC. Il met en relations Albert MAUGER, son agent de Graignes, avec Marcel TOULORGE à qui il remettra dorénavant les renseignements qu'il recueille sur les travaux allemands de St-Lô, de La Luzerne, du Pont-de-Vey, de Montmartin-en-Graignes...

A St-Lô, le 21 mars, par un coup d'audace, MAUGER réussit à s'emparer d'une carte d'état-major que deux officiers allemands ont laissée, par mégarde, sur le siège avant de leur véhicule en stationnement, la portière ouverte. Cette carte, sur laquelle sont signalés les emplacements de travaux et de dépôts de munitions, est immédiatement portée à Marcel TOULORGE.

Après avoir pris contact à Trihehou avec les époux MOROGE, André LE BELLEC, (Toto) s'arrête, sur la route du retour, chez Mme DAVY née LEBREC, secrétaire de mairie à Vierville, dont la fille Mireille est une amie de la sienne, Andrée. Il les engage toutes deux comme agents de renseignements et de liaison.

Dans le sud du département, à St-James. le docteur Albert MOTHAY, chef du groupe local, engage cieux jeunes instituteurs, enseignant dans une colonie d'enfants réfugiés de Cherbourg : Georges JOURDAM et Célestin LEBLOND. Il leur confie la distribution de tracts et de journaux clandestins.

A Céaux, André PARISY, qui a eu, à Granville, un entretien avec Maurice MARLAND, a reçu de celui-ci des indications sur les défenses du port de Granville, qu'il confie à Marcel LECLERC, de passage dans la région, où il a convoyé des écoliers. Sur l'initiative d'André PARISY, un petit groupe se for-me à Juilley autour de Marcel FLEURY et de Louis TRINCOT pour assurer le camouflage des réfractaires au S.T.O. La fourniture de fausses pièces d'identité est assurée par des secrétaires de mairie de la région.

A Saint-Lô, Marcel MENANT (Jean CABARREUX), s'est assuré du concours du facteur des Postes LEBLONDEL qui lui remet tout le courrier adressé à son pseudonyme. Il est en relations suivies avec André ROUAULT (Camus). et assure avec lui la réception et la distribution des journaux clandestins " Libération ", " Résistance Paysanne ", " Le Populaire ".

Dans le Nord-Cotentin :

Depuis que le contact direct avec Henri RIBIÈRE est établi, commence une période de très grande activité. Profitant des vacances de Pâques, René SCHMITT a pris rendez-vous avec le chef national à Paris. Avant de s'y rendre, pour parer à toute fâcheuse éventualité il a eu soin d'indiquer, le 6 avril, à André LE BELLEC, la cachette qu'il a ménagée dans une haie du jardin de l'école de St-Christophe-du-Foc. Il y trouverait, s'il était arrêté, les documents compromettants enfermés dans une boîte en fer, qu'il devrait enlever. Vers le 11 avril, l'entrevue a lieu dans un square du boulevard Haussmann, près de la chapelle expiatoire. Le mois suivant, par suite de l'évacuation des enfants et des familles de l'agglomération cherbourgeoise, entraînant la fermeture des établissements scolaires, René SCHMITT est nommé professeur au Mans. L'éloignement et la difficulté des communications empêchant le chef de " Libération-Nord " d'exercer en permanence la direction effective du Mouvement, c'est Joseph HOCHER qui assure l'intérim.

Sur rendez-vous fixé par Henri RIBIÈRE, au bar " Printania " près de la gare St-Lazare à Paris, le 13 mai, à 13 h 45, André LE BELLEC et son cama-rade Joseph CONOR se présentent, munis d'une grosse valise bourrée de denrées alimentaires : Le trafic de marché noir est une bonne couverture pour les agents de liaison.

Dans l'arrière salle du café, divers renseignements écrits sont remis au chef du mouvement.

Le 22 mai, à la mairie d'Equeurdreville. dans le bureau de Raymond LE CORRE, où sont centralisés les renseignements, les publications et journaux clandestins, et données les consignes, une réunion se tient, à laquelle assistent René SCHMITT, Raymond LE CORRE, et André LE BELLEC, qui rend compte à ses chefs de sa récente mission à Paris et leur fournit les directives et documents donnés par Henri RIBIÈRE. Il est convenu qu'André LE BELLEC passerait tous les jours à la mairie pour y prendre le courrier. Celui-ci prend contact le 28 mai avec Charles CHOCHOIS, déjà engagé comme distributeur de tracts, et le désigne comme agent de liaison avec René SCHMITT qui, chaque fin de semaine et aux vacances, revient à St-Christophe-du-Foc.

En juin, André LE BELLEC déploie une activité débordante. Du 1er au 5 juin, il entreprend à bicyclette, sa tournée habituelle dans la région de Tribehou et de Carentan. Il désigne Henri MOROGE comme chef du groupe de St-Jean-de-Daye - Carentan. TOULORGE lui remet la carte d'état-major, subtilisée par MAUGER, à St-Lô. Il rentre à Cherbourg en passant par Ravenoville où il repère les postes allemands de D.C.A..

Lorsque le 17 juin, René SCHMITT (René Lavenir), chef départemental, et Joseph ROCHER (Antoine) son suppléant, ont une entrevue avec Henri RIBIERE (Gilbert) à Paris, ils lui apportent les renseignements recueillis par André LE BELLEC : " Arrivée à Tribehou de 180 soldats d'infanterie âgés de 20 à 45 ans, dont certains reviennent de Russie, s'exerçant au tir de fusils mitrailleurs dans la zone des marais ; d'un contingent semblable, dont la moitié de jeunes, à St-Côme-du-Mont. Les plus âgés voient l'Allemagne perdue et souhaitent la fin rapide de la guerre. Les Allemands disent attendre un état-major, et les communications téléphoniques sont coupées pour les civils. Présence de chars d'assaut à St-Côme-du-Mont. Méautis, Sainteny ; Carentan est le centre de réparation de ces tanks. Certains, transformés en lance-flammes, ont fait des essais sur la place du marché. On compte à Carentan 2.000 hommes de troupes ; artillerie et ravitaillement ; les rondes, faites par les douaniers, sont fréquentes, de jour et de nuit.

Sur la route 800, pose d'un câble électrique du poste de transformation d'Agneaux jusqu'à la borne kilométrique 80. Ce câble se continue sur le chemin départemental D. 152 en direction de Tollevast où d'importants travaux sont en cours d'exécution. Enfoncé à 0 m. 60 de profondeur. il suit le côté gauche de la route de Saint-Lô jusqu'à Couville et à droite, jusqu'à la borne 80. De cette borne jusqu'au pont sur la voie ferrée ont été posés, tous les 250 mètres, sur ce câble, des engins dont croquis joint. Les ouvriers qui les placent sont des civils allemands. Ils emploient du brai pour isoler leurs branchements. Sur le croquis, des croix, faites à l'encre rouge, indiquent l'emplacement des canons anti-chars de 55 à 60 m/m approximativement. A cet endroit se trouvent trois cabines en ciment armé, à 1 m 50 de profondeur ; seul, le canon est un peu au-dessus du niveau de la route de façon à la balayer. Ces cabines sont au sommet de la côte de la route allant à Cherbourg. du côté gauche et espacées de 300 mètres environ.

La cabine du côté droit de la route est vide pour le moment. Les Allemands qui servent ces pièces sont logés dans les maisons du voisinage immédiat. Dans une de ces maisons se trouve un petit poste d'écoute ainsi qu'une pièce de D.C.A. sur le toit. La garde de ces pièces est faite de jour et de nuit. Sur d'autres routes, à la sortie de Cherbourg, à environ 5 ou 6 km de la ville. les mêmes installations existent ".

Signé : Le Chalumeau.

Ces renseignements si précis. transmis le plus rapidement possible aux Alliés par les postes émetteurs clandestins des Réseaux et Mouvements de la Résistance Française, avaient une valeur inestimable. Les rampes de lancement des fusées V. 1, puis V. 2, en construction dan la région Nord-Cotentin. furent constamment bombardées et ne purent être utilisées.

Dès le 18 juin, André LE BELLEC a noté qu'" un avion chasseur allié s'est abattu sur la gare d'Airel, le 3 juin ; l'appareil est pulvérisé et la petite gare est complètement détruite... Les pompiers de Carentan arrivés sur les lieux, recueillent les restes du pilote que les " Boches " leur arrachent des mains, se vengeant à coups de bottes sur ces restes, à la grande indignation des Français. A Lison, la gare devient dangereuse pour les avions alliés volant à basse altitude. Il y a en permanence, depuis quelque temps, huit wagons de D.C.A., disséminés parmi d'autres wagons. Chaque wagon possède, soit une mitrailleuse jumelée, une mitrailleuse quadruplée. ou un petit canon de 25 m/m. A gauche de la gare, direction Paris. plusieurs nids de mitrailleuses et canons de D.C.A. sont installés à ras de terre, dans les champs. Il semble que, pour la destruction des locomotives, les pilotes aient un beau champ d'opérations, de Chef-du-Pont à Neuilly. A Carentan, la D.C.A. est faible ".

Le 15 juin au matin. les " Boches " ont fait la rafle des jeunes de la classe 1942, ouvriers de l'organisation TODT, pour leur transfert en Allemagne, mais il y en eut des classes 1941 et 1943. Sans que ces jeunes gens puissent prévenir leurs familles, ils ont été amenés en car, au camp disciplinaire de Rauville-la-Bigot. On a fait signer aux plus vulnérables, une attestation de leur bonne volonté pour leur départ. Ces jeunes gens ont été enlevés sans pouvoir prendre, ni linge, ni nourriture. Leur surveillance est assurée par des membres de la Gestapo et surtout par des voyous de la Légion des Volontaires anti-Bolcheviks, qui ne ménagent pas les menaces de toutes sortes aux récalcitrants. Le soir, au train de repli créé il y a un an pour les ouvriers qui se réfugient dans les campagnes, une grande surveillance est faite par quatre individus de la Gestapo, quatre inspecteurs de la Sûreté, et quelques gendarmes français. Tous les colis et valises sont fouillés minutieusement, les papiers examinés avec soin, et gare à ceux qui ne sont pas en règle ! " (Le Chalumeau).

Compte rendu fait le 19 juin à Equeurdreville à Raymond LE CORRE, puis, le lendemain 20 juin, pour le même objet, aux Moitiers d'Allonne, domicile de repli de Joseph BOCHER.

Tous ces renseignements, collectés depuis le début de juin, sont apportés par André LE BELLEC le 28 juin à Paris, à un rendez-vous convenu, place Balard, avec Henri RIBIERE. Celui-ci donne des instructions pour la poursuite de ses observations dans le secteur Nord-Cotentin.

Henri LECRÈS, (BLONDIN. ROCHEMONT), officier de direction de travaux de l'Arsenal de Toulon, où il était depuis près de deux ans un des responsables de la Résistance, vient d'être muté en avril, dans les mêmes fonctions à l'arsenal de Cherbourg. Avec lui, le mouvement va disposer dans cet établissement d'un agent de renseignements très efficace. Le 5 mai, il a été reçu, sur sa demande, par Raymond LE CORRE à la mairie d'Equeurdreville. LE CORRE lui donne toute latitude pour organiser un groupe actif dans l'Arsenal.

A cet effet, LECRÈS, constitue d'abord de petits noyaux de 6 hommes, chargés de la diffusion du journal " Libération ", parmi les ouvriers.

A l'Arsenal de Cherbourg, il s'est donné pour tâche de saboter autant que possible les ordres des Allemands. Comme chef de l'Atelier de la fonderie, il s'ingénie à allonger les délais de réparations des navires et, par l'emploi de matériaux de mauvaise qualité, à amener la détérioration rapide du travail effectué. Grâce à l'ingénieur de direction de travaux Léon CANOVILLE, les renseignements sur les mouvements de navires et la durée prévue de leur séjour dans l'arsenal sont connus du Mouvement. Son collègue, Bienaimé VASTEL, aidé de LANGEVIN, BUTOT, BEAUSIRE, "TRAVERS, sabote les réquisitions pour le S.T.O., fournissant aux réfractaires des certificats de travail ou de licenciement, leur permettant d'échapper au travail forcé en Allemagne, munis de fausses cartes d'identité qu'Henri LECRES obtient facilement de Mme MARS, née Yvonne LACOTTE, employée à la mairie d'Equeurdreville.

L'agent technique TRAVERS, qui fait la liaison entre le directeur de l'Arsenal et celui de la Main-d'œuvre à Saint-Lô, fait parfois disparaître des listes de réfractaires demandées, il est vrai, sans trop de zèle par le responsable départemental.

LECRÈS recrute Eugène OUIN. agent administratif à l'Arsenal, parfois renseigné par Pierre POUHIER. Originaires de Granville. E. OUIN et Madame OUIN assurent la liaison avec le groupe Maurice MARLAND, et le renseignent sur les travaux allemands à l'Arsenal et au village de la Vacquerie, entre Sottevast et Brix (rampe de lancement de V. 1).

A la même époque, Joseph ROCHER a engagé son beau-frère, Louis FRITOLI,  pour recevoir le courrier, assurer l'hébergement des responsables de la C.G.T. et de " Libé-Nord ", et la répartition des journaux entre les militants syndicalistes. Sur demande de Raymond LE CORRE, le maire d'Hainneville. René LECANU, désigne son adjoint André RICHARD pour assurer cette distribution dans son quartier.

Depuis plusieurs mois, Raymond LE CORRE, comme administrateur municipal et comme fonctionnaire chargé du contrôle économique, a noué avec le sous-préfet de Cherbourg. Lionel AUDIGIER, des relations confiantes. Ils n'ont pas tardé à savoir qu'ils servaient la même cause, tout en appartenant à des organisations différentes. Aussi, lorsque le 10 juin, le chauffeur de la sous-préfecture. Maurice MARTIN, ancien militaire, pilote de ligne, confie à son employeur ses sentiments de profonde hostilité aux nazis, celui-ci lui conseille de prendre contact avec Raymond LE CORRE qui l'engage comme agent de liaison, chargé du transport du matériel de propagande. Maurice MARTIN, par le sous-préfet, aura mission, dans la mesure du possible, de prévenir d'une prochaine arrestation des israélites ou des réfractaires.

Le groupe de Carentan compte, parmi ses membres, le facteur des P.T.T. Louis PERRINE, qui remet à son chef Jean-Marius MONTEL tout courrier adressé à son pseudonyme et tout renseignement recueilli au cours de ses tournées. Georges GODARD, marchand de bois à " La Fourchette ", renseigne le chef de groupe sur les fortifications édifiées par l'ennemi au " Pont du Vey et à Grandcamp (Calvados). Il est aussi directement en liaison avec les dirigeants parisiens du Mouvement par Mme PERIERS de Maisons-Alfort.

Une jeune fille, France MOULINS, âgée de 14 ans, sert d'agent de liaison entre son père Alphonse MOULINS, de St-André-de-Bohon, Albert MAUGER à Craignes, et Marcel TOULORGE, chef du groupe de Carentan.

Dans la région de Ste-Mère-Église, le Mouvement dispose de René BRICHET, ouvrier à l'Arsenal de Cherbourg, qui emprunte chaque soir le train pour rejoindre sa famille, repliée clans ce chef-lieu de canton. Il indique à Raymond LE CORRE, dans son bureau de la mairie d'Equeurdreville l'emplacement (sur croquis) des ouvrages bétonnés édifiés sur la côte à Ravenoville et à St-Martin-de-Varreville, ainsi que celui des batteries de D.C.A. près de la gare de Valognes (340).

D'autre part, François RENOUE, mécanicien du groupe des cheminots de Cherbourg, conducteur de train sur la ligne secondaire de Cherbourg à Bar-fleur et à Valognes, provoque volontairement des déraillements afin de gêner le trafic de l'ennemi par coinçage d'un aiguillage par une pierre, ou par excès de vitesse à Néville, Gatteville, Quinéville, et sabote, par introduction de sable dans le moteur, les pompes à eau des gares de Fermanville et de Gatteville, interrompant leur fonctionnement.

De retour de sa mission à Paris, André LE BELLEC se rend le 3 juillet à la mairie d'Equeurdreville pour remettre à Raymond LE CORRE les documents et instructions que lui a donnés le 28 juin Henri RIBIERE. L'une d'elles désigne René SCHMITT comme responsable du Mouvement pour les trois départements de Basse-Normandie.

Mais, le 4 juillet à 20 heures, celui-ci est arrêté à son domicile de St-Christophe-du-Foc. Une perquisition ne donne aucun résultat. Le code secret permettant la transmission des renseignements vers Londres par l'intermédiaire du groupe central parisien, n'a pas été découvert, heureusement ! (Rappelons qu'il était enfermé dans la boîte en fer dissimulée dans un creux de la haie du jardin). Transféré à la prison de Fresnes, SCHMITT sera libéré faute de preuves le 25 janvier 1944.

Des agents de liaison préviennent les responsables locaux : MENANT et ROUAULJ à St-Lô, LECLERC et GUEROULT à St-James, les frères SAVELLI, à Barneville, TOULORGE et MONTEL à Carentan.

C'est Raymond Le CORRE qui prend la direction du Mouvement, assisté comme adjoint par Joseph BOCHER, chargé de l'organisation syndicale clandestine.

Accompagné d'André LE BELLEC, Raymond LE CORRE a pu s'entretenir le 1er août à Paris avec Henri RIBIERE et NEUMEYER, et recevoir leurs instructions.

Au retour, pour éviter les contrôles policiers fréquents dans les trains desservant le Cotentin (zone interdite), André LE BELLEC descend à Carentan chez Marcel TOULORGE. Puis, le 5 août, pour déjouer toute filature, il descend du train à Sottevast et rejoint, par Bricquebec, Bameville, où il communique des instructions aux frères SAVELLI passe aux Moitiers d'Allonne pour renseigner HOCHER, et retrouve à Equeurdreville LE CORRE et J. CONOR.

Dès le 20 août, ceux-ci lui confient de nouveaux documents destinés à Henri RIBIERE. Nouveau voyage à Paris le 26 août.

Après son retour, il se rend à St-Côme, deux jours avant l'arrestation de Gustave LAURENCE !

Il ne peut être question ici de relater les nombreux déplacements accomplis par André LE BELLEC pendant toute cette période pour assurer les liaisons avec les responsables du Mouvement : A St-Lô, avec Marcel MENANT, LABROISE, GUERIN, ROUAULT Tribehou, avec les époux MOROGE, à Carentan avec Marcel TOULORGE, à Vierville avec la famille DAVY, à Barneville, avec SAVELLI. Nous ne mentionnerons que ceux qui ont eu des conséquences importantes pour l'action du Mouvement.

En mai est arrivé dans la région d'Avranches le jeune Jean VAUZELLE, réfractaire au S.T.O., venant des Mureaux (Seine-et-Oise), où habite son père, ancien chef de gare à Pontaubault. Il est chargé par le Mouvement " Libé-Nord " de son domicile d'une mission générale de recrutement et de renseignement. Par l'intermédiaire du docteur Jacques LEBRETON, il fait connaissance de Marcel LUCAS et Désiré LEROIJXEL, animateurs du groupe d'Avranches. et prend part avec eux à la diffusion massive des tracts et du journal " Libération ".

Jean VAUZELLE fait aussi la connaissance d'Émile CUNY, garde au château de Ste-Pience, et de son fils Jacques, réfractaire au S.T.O. ils avaient fait partie du " Front National " dans la région de St-Pois-Villedieu, décimé par les arrestations de mai précédent. Ils acceptent volontiers la proposition de Jean VAUZELLE de regrouper les résistants d'Avranches, Villedieu et Ste-Pience, dans le Mouvement de " Libération Nord ".

Comme agent de liaison, Émile CUNY est chargé de la transmission du courrier et de la diffusion du journal " Libération ".

C'est au château de Ste-Pience, dont le propriétaire Henri PLAUT a mis un pavillon de chasse à leur disposition que les résistants de la région, en majorité des réfractaires au S.T.O., installent leur " maquis ". Leur ravitaillement est assuré par des collectes effectuées par les résistants d'Avranches, dont le produit est entreposé dans une pièce aménagée à cet effet, appartenant à Marcel LUCAS.

Dans le sud de la Manche, à Saint-James, le 23 mai, Marcelle LECERF, qui hébergeait un militaire anglais, est arrêtée et, malgré une grave infirmité. est déportée à Ravensbrück.

Au début de juillet, Marcel LECLERC a pris un contact discret avec le Docteur Albert MOTHAY, chef de la résistance locale. Quelques jours plus tard, le 10 juillet. vers 22 heures, il reçoit la visite inopinée de la jeune employée de son beau-frère, en vacances chez sa tante. Hélène ABRAHAM. Celle-ci et son ami Auguste HENRY, habitant au hameau des Pougeolières, commune de Chalandrey, hébergent depuis le 31 mai l'officier américain Rex ORMES, tombé en parachute de son bombardier, atteint par la D.C.A. à Ducey. L'officier désire regagner l'Angleterre.

Coupé de toutes relations par l'arrestation de René SCHMITT, Marcel LECLERC rend visite le lendemain à son ami André PARISY, instituteur et secrétaire de mairie à Céaux. Celui-ci se renseignera sur une filière possible. A cet effet, il va voir René LAMICHE, garagiste à Pontaubault, qui le met au courant des conditions d'évasion, au début de juin. de trois aviateurs du même bombardier, hébergés par Léandre ROCHELLE, cultivateur à Poilley, menés par lui et son commis, en carriole, à la gare de Pontaubault. C'est un agent de la S.N.C.F. de la gare St-Lazare, Bertie PIERRE, venu en repos dans la région, qui avait réussi à mener à bien le rapatriement de ces aviateurs par la Suisse.

Mais Bertie PIERRE n'était plus disponible ; par prudence, il avait quitté la contrée. André PARISY recherche alors lui-même une autre filière d'évasion.

Suzanne LECLERC, jeune étudiante, se rend vers la mi-juillet, à deux reprises, à CHALANDREY pour servir d'interprète, pendant qu'André PARISY photographie l'aviateur afin de lui établir une fausse carte d'identité. Le 22 juillet, il confie à Jean ROULIER le soin de convoyer Rex ORMES jusqu'au rendez-vous convenu, au café BARBOTTE, face à la gare du Nord, à Paris. Un camarade résistant, dont il lui donne le signe de reconnaissance. l'accueillera et prendra l'aviateur en charge.

Après avoir été hébergé dans la nuit du 23 juillet à Avranches chez Mlle LAHUPPE, tante de Jean ROULIER, le lieutenant aviateur Rex ORMES, le cou entouré d'une grosse écharpe, comme un malade, prend le train le 24 juillet pour Paris.

Cette affaire aura des conséquences tragiques, à cause de l'introduction, dans la filière parisienne, d'un traître, agent de la Gestapo, Jacques STAES (Jacques SPARKLE). Le 28 juillet, il procède à l'arrestation de Jean ROULIER, de ses parents, le docteur François ROULIER et Madame ROULIER née Gabrielle KUENTZ, qui ont hébergé pendant quelques jours l'aviateur américain.

Les deux hommes seront déportés au Struthof, où François ROULIER meurt le 4 mars 1944. Madame ROULIER, déportée à Ravensbrück, meurt, épuisée, en mai 1945, en Suisse, où elle a été transportée dès la Libération. Leur fils, grand malade, est décédé peu de temps après, en décembre 1946.

L'enquête menée par la Gestapo amène l'arrestation, le 30 août, d'Auguste HENRY et Hélène ABRAHAM, à Chalandrey, d'André PARISY à Céaux, de Marcel LECLERC à St-James, de Mlle LAHUPPE à Avranches, de Léandre ROCHELLE, à Poilley.

Suzanne LECLERC. interrogée le 31 août à St-James par la Gestapo, est laissée en liberté à la suite d'un alibi acceptable.

René LAMICHE, fortement soupçonné, est interrogé par la Kommandantur d'Avranches et relâché, faute de preuves.

Mlle LAHUPPE est libérée après quelques jours d'incarcération.

Léandre ROCHELLE, emprisonné à Saint-Lô pendant deux mois, est reconnu non coupable.

Les autres seront déportés au Struthof, puis à Dachau, où meurt Auguste HENRY quelques jours après la libération du camp.

Hélène ABRAHAM, déporté à Ravensbrück, est portée disparue. André PARISY, transféré de Dachau à Ebensée-Mauthausen en fin octobre 1944, y est décédé le 5 mars 1945.

Avant cette tragédie, une autre femme, Marcelle LECERF, qui avait hébergé, quoiqu'infirme, un militaire anglais, avait été arrêtée, le 23 mai, à St-James et déportée à Ravensbrück.

Malgré ces tragiques événements, le Mouvement s'implante solidement dans le sud de la Manche. Dans la seconde quinzaine de juillet, Raymond LE CORRE, chef du Mouvement, venu à Saint-Lô, charge André ROUAULT (Camus) d'arrêter son action en cette ville pour se consacrer, grâce aux relations qu'il a nouées dans le sud de la Manche, à organiser des groupes de renseignements, de distributeurs de journaux " Libération " et le " Populaire ", susceptibles de se muer au moment opportun, en groupes d' " Action ". Dorénavant. André ROUAULT se rendra presque toutes les semaines à Saint-James. Il y rencontre Manette RABECQ, son ancienne secrétaire, mutée récemment à Laval elle parcourt le trajet à bicyclette et peut établir avec les résistants de la Mayenne et du sud de la Manche, les liaisons indispensables à une organisation solide.

En fin juillet se tient à Saint-James chez le docteur MOTHAY, chef du groupe, une réunion à laquelle assistent Jean-Baptiste ETIENVRE (qui vient d'engager le docteur CUCHE, chirurgien à Saint-Hilaire-du-Harcouet), et André ROUAULT, afin de coordonner les activités du Mouvement.

Le mois suivant, Mlle Suzanne LEGALLAIS, fille d'un industriel de St-James, qui a réussi à photographier les deux voitures de la Gestapo et les deux inspecteurs de cette redoutable institution, JUNGER (Dufour) et HIL-DEBRANDT, se rend chez le Docteur MOTHAY ou, en compagnie de Jean-Baptiste ETIENVRE, les pellicules sont immédiatement développées. Celui-ci les fait parvenir les jours suivants, pour surveiller les agissements de ces dangereux policiers, à tous les groupes du département.

C'est à cette époque de l'été que Jacques NAVIER, sapeur pompier à Clichy et membre du groupe " Libé-Nord " de cette ville. quitte son domicile, en accord avec ses chefs, pour s'installer à St-Hilaire-du-Harcouet.

Il prend contact avec le restaurateur Félix LHUISSIER qui lui fait connaître Jean-Baptiste ETIENVRE, agissant sous les ordres d'André ROUAULT. Sous le pseudonyme de Georges AUBERT, Jacques NAVIER, chaque semaine, prendra livraison chez LHUISSIER des paquets de tracts à distribuer et des instructions de ses chefs.

Pendant les vacances d'été, le mouvement s'implante à Jusigny-le-Tertre. où, en décembre 1942, un groupe autonome avait été formé par le Docteur Robert LEMONNIER, l'instituteur André LEBOULENGER, et l'employé des contributions indirectes. René TANGUY. La liaison du groupe avec " Libération-Nord " est assurée par Albert PLANQUE, du groupe de Cherbourg, dont l'épouse a trouvé refuge à Juvigny.

A Cérences, le groupe si cruellement éprouvé l'année précédente se re-constitue peu à peu autour de René JUMEL et du jeune Bernard YVON, appartenant au groupe " Vengeance " de Paris :

Le 10 septembre. Julien GAILLARDON, ouvrier jardinier.

Le 14 septembre, le jeune Michel HUAUX, et son père, exploitant forestier dans une ferme assez retirée, à Ver.

Le 10 octobre, le jeune Charles LECTEUR, âgé de 16 ans, et Bernard VILQUIN, 18 ans.

Le 28 novembre, Léon TARIN.

Le 31 décembre, Jean CHAPET (353).

Partout, d'ailleurs, le recrutement s'intensifie dans le sud de la Manche et le Mouvement s'organise en vue de l'action.

En automne, Jean VAUZELLE (Jean II) dirige vers le " maquis " de Ste-Pience deux jeunes réfractaires au S.T.O.: André LEGALI, ouvrier au château, et Jean CESSOU, placé dans une ferme à La Rochelle Normande.

A Avranches, où Louis BARBIEUX, réfractaire au S.T.O., placé comme instituteur au Lycée, constitue un groupe d'Action, la Résistance obtient le plein appui du Docteur LEBRETON et de l'entrepreneur François BRIERE.

En septembre, Paul LECACHEUX, instituteur à Gréville, sur demande de son cousin Jean LEJEUNE, minotier à Octeville, indique sur carte d'état-major les emplacements des travaux allemands dans sa commune, aidé par Auguste CORBET, boulanger. qui parcourt la contrée plusieurs fois par semaine. Les renseignements sont remis à LE CORRE.

Dans le canton des Pieux, à partir de novembre, le maire du Rozel, François COLIN, renseigne GONNAUD sur les fortifications élevées par l'ennemi à la pointe du Rozel, et sur les batteries, mitrailleuses, réseaux défensifs.

Pendant le dernier trimestre, l'infatigable André LE BELLEC reprend, le 1er octobre, ses liaisons avec Henri RIBIERE et NEUMEYER. Il est accompagné de Raymond LE CORRE et de Joseph CONOR. Ils assistent à deux importantes réunions d'agents du Mouvement, et l'adresse de la nouvelle " boîte aux lettres " de l'organisation leur est communiquée.

Mais le 8 octobre, André LE BELLEC, qui a prolongé son séjour à Paris, apporte à ses chefs l'ordre impératif de couper immédiatement tout contact, par suite de nombreuses arrestations à Paris.

Ce ne sera que le 25 décembre que les liaisons pourront être rétablies et qu'André LE BELLEC apprendra par ses chefs sa désignation comme chef de l'organisation militaire du Mouvement en zone Nord.

Avranches - Un fait très important est la rencontre de Louis RENAULT et de Marcel LUCAS avec un résistant de Rennes, JAOUEN (Gilbert), responsable interrégional du " Front National ". Celui-ci propose la formation d'un groupe armé de Francs-Tireurs et Partisans (F.T.P.). dont le but est le sabotage de la machine de guerre allemande par tous les moyens. Pour cela il faut disposer d'éléments sûrs et courageux. De cette rencontre va naître le groupe des F.T.P. d'Avranches dont les éléments viendront du Front National comme de " Libé-Nord ", qui opère, dès décembre, de nombreux sabotages. (Se reporter aux pages précédentes consacrées au Front National). L'amalgame entre les deux courants formateurs est si bien soudé qu'à partir de novembre, il n'est plus possible de les distinguer.

Jean TURMEAU, chef de l'Action F.T.P. et Georges LOURDAIS (Isidore), ont obtenu facilement l'accord de Madame Germaine CHENU, restauratrice au lieu-dit " Le Parc " à Ste-Pience pour fournir asile et nourriture aux membres du maquis. Elle loge Alphonse DAVY, et Jean TURMEAU (Alfred) est reçu à chacun de ses passages. Le ravitaillement du " maquis " est assuré par Désiré LEROUXEL et Jean-Baptiste IIERPIN, qui fournissent, en même temps les cartes et tickets d'alimentation remis par le groupe François DORE - Octave FEUILLET, les vêtements chauds, couvertures, médicaments (délivrés bénévolement par le pharmacien BURGOT d'Avranches), les jumelles et cartes d'état-major, le matériel de sabotage (amadou et cheddite), réunis par collecte et entreposés par Marcel LUCAS.

Le groupe de St-Hilaire-du-Harcouet reçoit l'adhésion, en octobre, de Charles RUAUT, coiffeur.

A Villedieu, Émile CUNY reconstitue un groupe avec Raymond MANCEL, chaudronnier-plombier, André MAURICE, ouvrier tonnelier, charbonnier en forêt, réfractaire au S.T.O., Léon BRIENS, Marcel GEFFROY et François PENNEC.

A St-Germain-sur-Ay, Jean GOUBERT dispose, à cette époque. de René TOUTAIN, ouvrier agricole, qui, tout en diffusant les tracts et le journal " Libération ", assure la liaison avec le groupe du Front National de Montgardon.

En fin d'année 1943, le mouvement " Libération-Nord " dispose d'une organisation solide, particulièrement dans les secteurs de Cherbourg, Carentan, et dans le sud de la Manche à Avranches, St-James et St-Hilaire-du-Harcourt.

La constitution, en décembre, du Comité Départemental de Libération (C.D.I..), va accélérer la coopération amorcée entre les différents Mouvements, notamment entre " Libé-Nord " et le " Front National ". Des groupes se forment, constituant l'amorce de cette armée de l'ombre qu'on appellera les F.F.I.. lorsque des armes pourront leur parvenir.

LE RÉSEAU " DELBO-PHENIX "

Ce réseau, presque exclusivement limité au Nord-Cotentin, cherche, dès le début de l'année 1943, à étendre son action dans la région de Saint-Lô. Par l'intermédiaire de François DRAVERT, commerçant dans cette ville, dont le beau-père habite Cherbourg, Paul TALLUAU entre en liaison avec Raymond BRULE, industriel à Condé-sur-Vire qui vient de former un groupe. Mais l'affiliation de celui-ci au " Front National " fait échouer cette tentative.

A Cherbourg, Monsieur et Madame ROUÉ continuent à centraliser, à leur domicile rue Louis XVI, le courrier intéressant le réseau. Ils bénéficient de l'aide précieuse de deux employées des Postes, Madame LEMONNIER et Madame MAGNAUD, chargées du guichet " poste restante " ; elles remettent à Madame BOUE, préalablement prévenue par appel téléphonique, le courrier clandestin, destiné à Paul TALLUAU, arrivé par cette voie sous un faux nom.

La lutte contre la réquisition des travailleurs est, en ce premier trimestre, une des préoccupations du réseau. La maison de M. et Mme BOUE est le lieu d'asile des réfractaires au S.T.O.: ils en cachent une douzaine à la fois jusqu'à ce que leur fuite puisse être assurée. Avec la complicité d'un employé de la gare de Cherbourg, M. BOUE amène les requis par groupes de deux ou trois, vers cinq heures du matin, au domicile de ce cheminot situé près de la gare. Celui-ci les prend en charge, les conduit dans un local de la station inaccessible aux Allemands ; dès que ceux-ci ont terminé le contrôle des voyageurs, l'employé fait vite monter les fugitifs. à contre-voie, dans le train en partance. Les fausses cartes d'identité nécessaires au camouflage des réfractaires sont fournies par Gaston AUGURE, un voisin et ami de Paul TALLUAU, instituteur et secrétaire de mairie à Flottemanville-Hague, qui le renseigne sur les travaux importants entrepris par les Allemands dans sa commune : emplacements de batteries et chantiers pour l'établissement des rampes de lancement.

Les requis accueillis par M. et Mme BOUE leur indiquent leur lieu de travail et la nature des ouvrages qu'ils construisent à Jobourg. Auderville, Vauville, Couville. Sur des cartes d'état-major, BOUE inscrit les emplacements et les remet à Paul TALLUAU pour le réseau parisien. L'exactitude de ces renseignements est reconnue des services anglais par des remerciements transmis par radio, à la centrale du réseau.

Le requis Alain DEGONZAGUE (Horace III), fournit le plan des câbles souterrains partant de la pyrotechnie du Nardouet, et son camarade Bernard BERNOU, qui travaille à Fermanville, les indications sur une tour en construction et l'étendue des emplacements minés autour de cet ouvrage. Dans cette commune, le réseau dispose d'un agent, Madame NOBLET, qui observe tous les mouvements de l'ennemi et en rend compte régulièrement à Paul TALLUAU.

Les contacts recherchés en vain par TALLUAU, dès le début de l'année, avec le " Front National " sont plus heureux en avril, avec l'O.C.M. Par Gaston AUGURE, puis par Louis LEVITOUX, instituteur, inspecteur des enfants réfugiés dans les communes rurales du Nord-Cotentin, une liaison est assurée avec l'O.C.M. par l'intermédiaire de Lucien LACROIX, instituteur à Tollevast, engagé par son parent Lucien LEVIANDIER, chef à Cherbourg du réseau Century ". Le mois suivant, le contact avec le mouvement " Libé-Nord " s'établit dans l'Arsenal avec Henri LECRES.

Le 5 mai, Albert ECOLIVET, prisonnier de guerre libéré, rentre à son domicile, voisin de celui du ménage BOUE, chez (lui il rencontre le jeune Paul TALLUAU (Andromaque). Avec enthousiasme, il donne son adhésion au réseau. Sa profession d'agent d'assurances, muni d'un laissez-passer, lui permet de parcourir, en compagnie de TALLUAU, les secteurs de Valognes, et de Montebourg, et d'obtenir des renseignements sur les chantiers de fortifications de la côte à Fontenay et à St-Marcouf. A Montebourg, il connaît André FORTIN (chef du secteur du réseau " Centurie ", et il engage :

A Beaumont-Hague, son frère, Pierre ECOLIVET, horloger ;

A Gréville, le boulanger Auguste CORBET qui le documente sur les fortifications de la Hague ;

A Martinvast, son ami René ORANGE, secrétaire de mairie, qui lui fournit cartes d'identité et tickets d'alimentation pour les réfractaires au S.T.O., lui indique les effectifs allemands campés dans le bois du Mont du Roc et à Sideville, et lui signale la construction de rampes de lancement au lieu-dit " Le Rocher ", à Martinvast.

Au " Delbo Phénix " s'ajoute pendant quelques mois une antenne du Service de Renseignements de la Sûreté de l'état belge. Elle dispose depuis février d'un agent. le négociant Louis LAVEISSIERE, vice-consul de Suède à Cherbourg. Jouissant d'une certaine immunité diplomatique, pouvant circuler librement, il peut parfois faire passer du courrier par l'Espagne. Vers le mois de juin, il est en liaison avec un sujet d'origine grecque, Albert JESSURUN, travaillant dans un bureau allemand. En juin, celui-ci obtient le concours de Louis BRÉVAL, vétérinaire à St-Sauveur-le-Vicomte ; lui aussi, grâce à son laissez-passer. peut circuler à toute heure dans tout le canton et vers la côte Ouest jusqu'à Portbail. Ainsi, il identifie les unités allemandes et l'emplacement des dépôts de munitions de ce secteur ; il fournit le plan du château où loge l'état-major allemand.

En septembre, Paul TALLUAU reçoit de Mlle Marie-Louise COUPEY, membre du réseau, employée de bureau à la mairie de Gonneville, le relevé sur carte de l'emplacement des dépôts d'essence du camp d'aviation de Maupertus, comprenant en outre celui des emplacements pour nids de mitrailleuses qui l'entourent. Elle lui signale la présence d'un état-major, installé au château de Gonneville.

Par suite, croit-on, de la découverte d'une liste trouvée dans les débris d'un avion anglais abattu dans la région parisienne, le réseau central est épié. Une lettre avertit Paul TALLUAU de changer le nom du destinataire du courrier. Aussi. par prudence, il confie à Albert JESSURUN le soin d'assurer la liaison directe avec la nouvelle " boîte aux lettres " du réseau parisien.

Fin novembre, un sergent aviateur allié, OVERWYN, rescapé d'un avion de bombardement abattu par la D.C.A. aux environs de Bricquebec, a été accueilli dans une ferme où on lui a procuré des vêtements civils ; puis il est amené par la femme d'un requis chez le journaliste Charles BLONDEAU, à Bretteville-en-Saire. Celui-ci, à Cherbourg, a consulté son confrère et ami Roger PILLET qui prévient LEONARD, membre actif du réseau " Centurie ". Rendez-vous est pris avec l'aviateur, place du Vœu, à Cherbourg. Il y est amené par Christian BLONDEAU accompagné de Mlles 'l'IIOMAS, LÉONARD le conduit chez Léon MARIE, commerçant, dont la fille, étudiante, sert d'interprète, puis il est hébergé chez Paul TALLUAU. Dans les jours qui suivent, celui-ci, accompagné de Léon MARIE, conduit le militaire jusqu'à Valognes, afin d'éviter les contrôles allemands en gare de Cherbourg. TALLUAU et l'aviateur prennent le train jusqu'à Paris, où celui-ci est confié à BRACASSAC, un des responsables du réseau de la capitale. Il faut souligner, à ce sujet. la coopération de plus en plus étroite établie entre réseaux d'origine différente, préludant à leur coordination.

En cette fin d'année 1943, le réseau " Delbo-Phénix " est en plein essor. Les renseignements donnés par les requis à la famille BOUE sur les travaux entrepris par l'ennemi à Couville et à Flottemanville-Hague pour l'établissement des rampes de lancement d'engins balistiques ont été très appréciés par les alliés qui bombardent fréquemment les chantiers pour les rendre inutilisables.

Malheureusement, dès le début de l'année suivante, le réseau s'écroulera sous les coups de la Gestapo.

LE RÉSEAU " ALLIANCE "

Déjà bien implanté à Carentan autour de Raymond HAUGMARD et disposant à Cherbourg d'un appui important avec le sous-préfet Lionel AUDIGIER, le réseau " Alliance " se développe en 1943 autour de ces deux pôles.

A Cherbourg, René LESEIGNEUR a fait connaissance avec André CONARD, préparateur en pharmacie, qui adhère avec enthousiasme au réseau, puis, par celui-ci, avec le Docteur Jack MESLIN (Le Vairon). médecin du " Soldattenheim ", le dispensaire allemand. Ces fonctions et sa parfaite connaissance de la langue allemande lui permettent d'obtenir des informations d'ordre militaire au cours de conversations amicales avec le commandant WITZEL, Kreiskommandant, sur :

- les fortifications établies dans la Hague et sur les côtes nord et est du Cotentin ;

- les pistes d'envol en construction dans la presqu'île pour le lancement des missiles V. 1 et V. 2.

Il s'adonne, en outre, au sabotage du recrutement de jeunes gens pour le S.T.O. par :

- la délivrance de certificats médicaux attestant l'inaptitude au travail ;

- l'injection, en accord avec CONARD, avant leur comparution devant la commission compétente, d'un médicament provoquant un malaise passager, permettant leur exemption. Beaucoup de ces requis deviendront des réfractaires ou des résistants.

En mars, André LEBOULLENGER (Hocco) fait entrer clans le réseau son collègue, employé de bureau à l'Arsenal, Georges LECERF (Arapongas).

A la même époque, Raymond HAUGMARD (Marius, Babouin) engage Félix JACQUET, réfractaire au S.T.O., commis épicier. Il est désigné par COLIBŒUF comme agent de liaison, mis à la disposition de la centrale parisienne du réseau (Félix JACQUET, arrêté à Paris, sera déporté et fusillé à Pforzheim le 30 novembre 1944).

En juin, c'est le jeune étudiant Jean TRUFFAUT qui devient, en accord avec Jean ROGER (Jean SAINTENY), agent de liaison pour la Basse-Normandie sous le pseudonyme de "Tadorne ".

Dans le même mois, par l'intermédiaire du docteur LALLEMAND de Couvains, Albert PHILIPPE, son confrère de Saint-Lô est admis dans le réseau. Il est mis en relations avec Jean TRUFFAUT (Tadorne) à qui il transmet les observations recueillies au cours de ses déplacements : ouvrages fortifiés, identification des unités allemandes.

Au début d'août, le docteur LALLEMAND rencontre dans le train Jean SAINTENY qui lui demande de lui désigner, pour Cherbourg, un agent sérieux, discret, insoupçonnable. Quelques jours plus tard, il remet à Jean SAINTENY une lettre destinée à l'inspecteur de police Alphonse LANGE, originaire de Couvains.

La missive, portée à son destinataire par Jean TRUFFAUT, indique de faire bon accueil et toute confiance au porteur. Alphonse LANGE accepte les missions que lui confiera l'agent de liaison. Les contacts entre TRUFFAIT et LANGE (Chetostome) sont fréquents et exactement minutés. Le nouvel agent transmet toutes précisions sur l'activité du port, les mouvements de troupes, et est chargé d'assurer la protection des membres du réseau.

Vers la mi-septembre à St-Lô, il a une entrevue avec l'Inspecteur des Ponts et Chaussées, Henri LIEBARD, chargé du service maritime, qui lui remet un relevé topographique des marais de Carentan avec la situation exacte des écluses du port. Alors que LANGE regagne son poste, il rencontre dans le train, à Lison, Jean TRUFFAUT (Tadorne) rentrant de Paris, qui lui confie avoir dans ses bagages un poste émetteur remis par le réseau.

C'est au cours d'une visite médicale professionnelle qu'Alphonse LANGE fait la connaissance du docteur Jack MESLIN ils comprennent qu'ils appartiennent tous deux au même groupe et que leur activité est couverte par le sous-préfet Lionel AUDIGIER, ce qui détermine le nouvel agent à persévérer.

Jack MESLIN a obtenu le concours précieux d'Emile RAIMOND, ouvrier tourneur à la Pyrotechnie du Nardouét qui procède au sabotage des mines sous-marines qu'on y fabrique et à la neutralisation des mines anti-chars qui y sont déposées. Plusieurs fois, il se rend à Fermanville et à Barfleur pour repérer les champs de mines, et, à deux reprises, il effectue une reconnaissance dans les fortifications allemandes de Gréville-Hague. Avec son frère, Albert RAIMOND, mécanicien à la S.N.C.F., il observe les mouvements de troupes et repère les dépôts de munitions sur le territoire d'Octeville. Toutes les semaines, généralement un samedi, dans la salle arrière d'un débit, ils rendent compte au Docteur MESLIN des résultats de leurs investigations.

Celui-ci a engagé dans le réseau Thérèse COMPERE, employée à la Kommandantur. Elle a conquis la confiance et l'affection du Kreiskommandant, et peut ainsi obtenir des renseignements de première main. C'est par elle que l'agent de renseignements Louis LELONG, travaillant à l'Arsenal, arrêté le 1er septembre, pourra être muni de faux papiers d'identité, lorsque, le 10 octobre, il est amené à la Kommandantur de Cherbourg, avant son transfert à la prison de Saint-Lô.

Le mois suivant, le docteur MESLIN est victime d'une dénonciation comme gaulliste si elle est sans effet à la Kommandantur, par contre, la Gestapo est alertée et surveille de près les agissements du docteur... D'ailleurs le réseau national " Alliance " vient de subir un important coup de filet. Georges THOMINE (Cachalot), de Port-en-Bessin ordonne au groupe de Carentan de se " mettre au vert " : Raymond HAUGMARD, chef du secteur. et l'agent de liaison Jean TRUFFAUT trouvent un gîte sûr, pendant plusieurs semaines, dans une ferme près de Lison.

Pour mieux surveiller la rade de Cherbourg, Alphonse LANGE a fait connaissance. par l'inspecteur de police Georges ALLIX, de plusieurs pilotes qui consentent à l'embarquer afin qu'il puisse reconnaître les chenaux d'accès exempts de mines. Au début de décembre, Jean TRUFFAUT, revenant de Paris, lui demande de se renseigner sur l'agent technique Roger LAULIER, sur qui un agent de St-Nazaire a fourni au réseau parisien des indications élogieuses. Son enquête les confirme et Jean TRUFFAUT se présente chez Roger LAULIER à son domicile d''Equeurdreville. LAULIER accepte d'entrer au réseau dès réception du message convenu : " Les bottes sont prêtes ", émis par la B.B.C. Son rôle d'agent de renseignements était couvert par ses chefs à l'Arsenal, l'Ingénieur des Constructions Navales LOISEL et le Directeur des Industries Navales de l'Arsenal, FEVRE. Ainsi, les emplacements des fortifications allemandes dans la Hague et ceux des pistes d'envol des V. 1 et V. 2 sont fournis avec beaucoup de précision, par R. LAULIER.

C'est en ce mois de décembre que le Maréchal ROMMEL, commandant les groupes d'armées du front ouest, en tournée d'inspection sur les côtes de la Manche, est reçu par le Kreiskommandant WITZEL. Avec la complicité de Thérèse COMPERE, le Docteur Jack MESLIN peut s'introduire, caché derrière la tenture d'une fenêtre, dans la salle à manger où était réuni l'état-major allemand, et noter tous les renseignements fournis par la conversation des officiers supérieurs au cours du repas ! Ses notes sont confiées à André CONARD qui les fait parvenir à René LESEIGNEUR pour diffusion aux Alliés par le poste émetteur qu'utilise l'ouvrier spécialiste de l'Arsenal, André LEBOULANGER.

En fin 1943, le réseau " Alliance ", bien implanté dans le Nord-Cotentin et doté d'un poste émetteur, joue un rôle de premier plan dans la collecte des renseignements indispensables aux Alliés pour la préparation minutieuse d'une offensive sur le continent.

Le réseau dispose en outre, dans le sud de la Manche, d'un excellent agent de renseignements, Roger GUESNON, instituteur et secrétaire de mairie à Vergoncey, en relations avec le réseau parisien, par son beau-frère, Robert JUHEL.

ACTION P.T.T.

Dès le premier trimestre 1943, le groupe Résistance P.T.T. formé par Marcel RICHER, se transforme en groupe d'Action. Jean SANSON, commis des postes, transmet à RICHER copie de tous les télégrammes officiels parvenant pendant ses heures de service, et des lettres qu'il a subtilisées, adressées aux services allemands, le renseignant ainsi sur les lieux de stationnement des troupes ennemies. Il agit en concordance avec son collègue Maurice DESCHAMPS, employé dans une brigade du service télégraphique. Lorsque des télégrammes chiffrés arrivent sur les bandes des appareils, l'un ou l'autre les remettent soit à Etienne BOBO, soit à Charles MARCHESSEAU, soit à Marcel RICHER. Pour les besoins du réseau national, ceux-ci construisent quatre postes émetteurs dont l'un est destiné à servir dans le département.

L'entrée dans le réseau de l'inspecteur des P.T.T. René CROUZEAU que, sur les conseils de MARCHESSEAU et de RICHER, Maurice HORVAIS vient d'engager, insuffle au groupe un esprit de résistance à outrance. C'est alors que viennent s'adjoindre au mouvement : Raymond ROBIN, mécanicien dépanneur, Auguste RAOULT, Auguste LESENECAL, Joseph BLIN, Pierre FOURNIALS, agents de lignes.

D'autre part, l'inspecteur principal GAUTHIER, au cours d'une tournée dans la région, s'arrête chez les époux FILLATRE, restaurateurs à Villebaudon, membres de l'O.C.M. Il y apprend l'attitude courageuse d'une serveuse, leur cousine. Germaine de SAINT-JORES qui, dans un restaurant de Percy, refuse, avec rudesse, de servir un militaire allemand, allant jusqu'à lui arracher une épaulette. Il est décidé de l'engager dans le réseau.

Au début d'avril, au cours d'une de ses tournées bi-mensuelles, Maurice HORVAIS demande à FILLATRE de lui trouver une ferme où il serait possible d'installer un poste émetteur. C'est à Beaucoudray qu'une petite maison isolée fut trouvée. Maurice HORVAIS, désirant étendre le réseau dans le sud du département, se rend à Avranches où il n'a nulle peine à obtenir l'engagement de Raymond CHIVET, directeur du centre d'amplification du câble téléphonique Caen Rennes. Il est chargé de repérer les emplacements favorables pour des coupures éventuelles de câbles et ces renseignements seront transmis à Londres.

A la même époque, Marcel RICHER est convoqué à Caen où Henri LEVEILLE (Microlo) lui présente KASKOREFF. un des responsables du réseau " Centurie " du Calvados. Il lui annonce la visite prochaine, à son domicile, à Saint-Lô, d'une personne venant de la part de " Microlo " pour l'entretenir de la loi de KIRCHKOFF sur les courants dérivés. C'est le chef de " Centurie " du secteur de Saint-Lô, Adolphe FRANCK qui se présentera. Bien que restant autonome, le groupe " Action P.T.T. " agira désormais en liaison avec " Centurie ", par l'intermédiaire de BOUVET, appartenant à ce réseau.

L'organisation n'ayant pas encore d'agent dans le Nord-Cotentin, Adolphe FRANCK, sur demande de Lucien LEVIANDIER, s'adresse à Marcel RICHER qui désigne son frère François, agent des lignes ; il sera puissamment secondé par Augustin LEMARESQUIER, membre du réseau " Delbo-Phénix ".

Les liaisons entre le chef national et les membres du groupe sont assurées par Mme LEBLOND ou par le vétérinaire TEXIER-HUGOU.

Sur le conseil de Maurice HORVAIS (Hamon) qui avait été très bien reçu chez FILLATRE à Villebaudon, le chef national de I' " état-major " d'" Action P.T.T. ", Ernest PRUVOST (Potard), accompagné de son adjointe directe Simone MICHEL-LEVY (Emma) et du " colonel " Marc O'NEILL (Tyrone), chef du réseau " Centurie " de la région parisienne, décide d'y passer quelques jours en été. Bien que le poste émetteur ne put être installé à Beaucoudray, dans la petite maison envisagée par HORVAIS, le champ d'antenne étant trop restreint, elle fut louée par PRUVOST comme lieu de refuge possible.

Pendant leur séjour, ils sont reçus par Mme Berthe LEBLOND née LHARDY, institutrice, réfugiée de la région cherbourgeoise, dont le mari Marcel LEBLOND est chef du groupe d' " Action " du réseau " Centurie " à Tourlaville. Mme LEBLOND est alors engagée dans le réseau " Action P.T.T. " où elle fait entrer, en juillet, Jacques ALBERTINI, réfractaire au S.T.O., Albert GODEMER, cultivateur et André LEBREC, rejoints plus tard par Pierre ALLIET et l'instituteur ABDON.

A la suite de l'arrestation de Simone MICHEL-LÉVY et de trois autres employés des Postes, et celle du plus grand nombre d'agents du réseau C.N.D. de Paris, Ernest PRUVOST (Potard), recherché par la Gestapo, trouve chez FILLATRE le 9 novembre un refuge à Villebaudon, où il restera jusqu'à la Libération. PRUVOST engage alors dans le réseau Marcel TABUR, fils d'un quincaillier d'Avranches, qui, possédant un permis de circuler en camion automobile, sera un agent de liaison efficace. Le même rôle est confié à Émile LEFEVRE, entrepreneur à Montabot, qui jouit des mêmes facilités.

A Avranches, en décembre, Raymond CHEVET, par l'intermédiaire de DUJCLOS. entre en relations avec le nouveau chef des F.T.P. de la région sud du département, Jean TURMEAU (Alfred).

Tout en gardant son autonomie, le réseau " Action P.T.T. " est devenu une organisation très importante. Il est en liaison étroite avec d'autres réseaux très actifs :

A Saint-Lô, " Centurie ", par RICHER et FRANCK, et le " F.N. " par LEPUISSANT.

A Avranches, les " F.T.P. " par Raymond CHIVET et Jean TURMEAU, pour l'organisation des sabotages prévus.

En fin d'année 1943, "Action P.T.T. " est prête à jouer un rôle de premier plan lorsque le jour J sera arrivé.

LE GROUPE "VENGEANCE" RELIÉ A " CENTURIE "

Dès le début de 1943, Mlle Simone HUARD, et l'avocat, Maître Etienne NOUVEAU, responsables du réseau de la région parisienne, ont chargé leur agent de liaison Alfred MULLER de trouver, en accord avec le groupe du Commandant HAMEL de Torigni, des lieux de refuge pour de nombreux réfractaires au S.T.O. qu'ils lui enverraient. A cet effet, le Commandant HAMEL consulte le secrétaire de mairie de Saint-Amand, Charles LESAUVAGE, qui accepte de fournir les fausses cartes d'identité et les tickets d'alimentation indispensables ; grâce à la bienveillante complicité d'un employé du Commissariat au Ravitaillement Général de Saint-Lô, il se procure de nombreux tickets supplémentaires. Puis, désigné par le Commandant HAMEL, comme chef du groupe de Saint-Amand. il lui signale les mouvements de troupes et obtient des gendarmes de Torigni, RENE et LOUIS (Négro), la promesse d'être prévenu à temps des poursuites engagées par la police contre les réfractaires, afin de leur trouver un autre refuge. Dans le même but, le Commandant HAMEL a engagé Joseph MORICET, instituteur et secrétaire de Mairie à Guilberville, qui accepte en outre de servir de relais pour la correspondance et pour assurer l'hébergement des agents du réseau.

Vers le 15 mai, Léon LEMOINE a désigné Alfred LEPELTIER comme chef du groupe " Action ", sous les ordres du Commandant HAMEL, pour les cantons de Torigni et de Tessy. Un premier noyau formé de réfractaires au S.T.O. vit dans la clandestinité (Albert BOULANGER, Pierre DUCAMP, entre autres), et se prépare à l'action de sabotages. Le docteur Etienne LEMOINE de Tessy entre au groupe en juin et fournit de nombreux certificats médicaux d'exemption pour le S.T.O.

C'est à cette époque que le groupe " Vengeance " va se dissoudre pour entrer au réseau " Centurie " formé par André GROULT qui, à cet effet, s'est entendu avec le Commandant HAMEL.

LA FIN DU RÉSEAU " MARC-FRANCE " (MARCO)

Ce réseau franco-belge, si efficace l'année précédente. se trouve démantelé par l'arrestation, sur dénonciation, du chef parisien du réseau Pierre MOREAU et de 28 membres du groupe. Parmi eux, Gustave BELLOIR, le responsable pour la Manche, arrêté le 22 mars 1943, alors qu'il arrivait à son domicile, venant d'Avranches. Une brutale perquisition avant son arrivée avait eu lieu, sans résultat, le même jour, en présence de Mme BELLOIR. Gustave BELLOIR sera déporté à Mauthausen ; il décède au sinistre château de Hartheim, où plusieurs déportés furent précipités vivants dans le Danube, le 29 juin 1944.

RÉSISTANCE – BÉARN

Ce groupe est une filiale du réseau " Marco-Polo ", en relations directes avec le B.C.R.A. (Bureau Central de Renseignements et d'Action) ou 2e Bureau de la France Libre que dirige à Londres le Capitaine DEWAVRIN (Colonel PASSY).

Ce réseau sera décapité en juillet 1943. Dans la Manche, il est représenté par Marcel GAYET, industriel, importateur de bois du Nord, à Donvilleles-Bains, qui est arrêté le 11 novembre 1943 (déporté, décédé à Mauthausen le 22 avril 1945).

Peu à peu reconstitué, son activité reprend au sein du Mouvement " Résistance " dont le service de renseignements a conservé le sigle " Béarn ". C'est un ancien fonctionnaire de la région parisienne, Pierre LE BLANC, qui est désigné par son chef ULVER pour être agent de renseignements du mouvement dans la Manche. Pierre LE BLANC s'installe comme cultivateur à Lingreville. A partir d'octobre, il se rend chaque semaine à Paris où il remet le résultat de ses observations à Albert BOURGEON (Bernard).

Peu à peu, il constitue un réseau d'indicateurs qui ignorent complètement, sauf un, Emmanuel COUSIN, cultivateur dans la région de Lessay, le rôle qu'il assume. A Equeurdreville, c'est un ouvrier de l'Arsenal ; à Cherbourg, un employé de la S.N.C.F. : à Valognes, un employé de l'Assistance Publique ; à Saint-Lô, des amis de celui-ci ; à La Haye-du-Puits, un retraité de l'Enseignement ; à Portbail, un pâtissier ; aux Pieux, une institutrice ; à Saint-Pierre-Eglise, une dame réfugiée de Cherbourg, près de Gatteville.

Sous le pseudonyme de " Laforêt ", il recueille ainsi des renseignements de premier, ordre. Il a pu pénétrer dans l'Arsenal de Cherbourg, fournir les emplacements des parcs de carburants, de la base des vedettes rapides, des précisions sur l'activité de divers ateliers, noter les transports de matériel à destination de Bordeaux, La Rochelle, Lorient.

Sont notés les emplacements des chicanes et meurtrières, en ville et sur les routes, du terrain miné des Miettes, des blockhaus de la gare maritime, des casemates de la montagne du Roule.

Sont relevés également : l'emplacement du Poste de Commandement sur la hauteur à l'extrémité de la rue Président-Loubet, l'emplacement du dépôt de munitions et des champs de mines au Nardouët.

En outre :

De nombreuses notations, aussi précises, à Equeurdreville, Querqueville. Hainneville, Nacqueville. Bretteville, Maupertus. Sideville, Couville. Fermanville, concernant emplacements de D.C.A., batteries lourdes, endroits minés. radars.

Dans le canton des Pieux, état-major à Sotteville, effectifs, blockhaus.

A Saint-Pierre-Église, dépôts de munitions au château, postes de repérage route de Barfleur.

Région de Valognes-Carentan, fossés anti-chars, effectifs, embranchement ferroviaire à Sottevast vers les rampes de lancement, un barrage à Saint-Côme-du-Mont.

L'ORGANISATION DE RÉSISTANCE DE L'ARMÉE
O.R.A (KLÉBER-MARCO)

J.-F. NILLUS, architecte de la ville de Granville, est engagé en mai 1943, à Paris, par son neveu Alain GOLDSCHMID (Garot). Chaque semaine, il lui fournit un rapport sur les effectifs allemands, leur armement, les emplacements des États Majors, les signes tactiques, les mouvements de troupes dans une région s'étendant le long de la côte de Bréhal à Carolles, et à l'intérieur vers Cérences et Gavray.

Au cours d'un passage à Paris, au début de juin, Jean-François NILLUS prend contact avec le lieutenant Jean VIVIER qui habite Avranches et adhère à l'O.R.A. Il est convenu que NILLUS sera désigné sous l'indicatif d' " Égypte 4074 ". Jean VIVIER a aussi engagé dans le réseau Claude ROUSSELLE, prisonnier de guerre insoumis et cultivateur à Servon. L'organisation de renseignements comprend un groupe d'anciens Saint-Cyriens de la région Ouest, s'étendant sur les départements voisins d'Ille-et-Vilaine, de Mayenne et de l'Orne (384).

En juillet, René SALACE, contrôleur des services agricoles, dont la famille ROUSSELLE n'ignorait pas les sentiments d'hostilité aux Allemands. est sollicité par Claude ROUSSELLE pour procurer à son frère, une fausse carte d'identité. SALACE s'adresse à François DORE qui, travaillant au Ravitaillement Général à Saint-Lô, peut facilement s'en procurer. C'est alors que Claude ROUSSELLE engage René SALACE comme " boîte aux lettres du réseau.

A la même époque, J.-F. NILLUS (Égypte) reçoit le lieutenant Paul GUILHAMON (Descartes), agent de liaison, venu de Paris, à qui il remet les documents recueillis sur les fortifications de la région granvillaise.

Pour obtenir tous détails sur les travaux importants entrepris par l'ennemi pour les rampes de lancement du Nord-Cotentin, Claude ROUSSELLE n'hésite pas à contracter un engagement dans l'organisation Todt, vers la fin octobre. Au cours de l'hiver, il va voir à Granville J.-F. NILLUS qui, depuis l'arrestation de l'agent de liaison GUILHAMON, a perdu tout contact avec Paris. C'est à Claude ROUSSELLE qu'il remettra désormais le résultat de ses observations.

RÉSEAUX " PRAXITÈLE " ET " MARATHON "

En janvier 1943, Joseph GUISLE (Jérôme N.S.U.), ingénieur des Travaux publics aux Ponts et Chaussées à Saint-Lô, est resté en rapport avec son prédécesseur LEVIONNOIS, muté dans la même fonction, à Mantes. Celui-ci est engagé dans le réseau " Marathon " par Adrien PEDRON (Albert), docteur en pharmacie, qui est en relations avec Londres, et a reçu mission des Alliés de s'intéresser au Cotentin. Les liaisons se faisaient téléphoniquement de Saint-Lô à Mantes, sous couvert d'affaires du service, ou tous les vendredis par l'agent de liaison " Léonard ".

Dans son bureau de Saint-Lô, Joseph GUISLE emploie Mlle Catherine LEFRANC (Jacques L.G.C.), qui va devenir un des agents les plus actifs du réseau. A partir de juin, elle, ou sa sœur Raphaële, vont chercher, trois fois par semaine, les renseignements recueillis dans son magasin par le libraire André GOBET (K.B.U.) qui sert de " boîte aux lettres ". Elles reçoivent aussi ceux que lui transmettent Charles BONNEL (Joseph M.R.X) ou Jules RIHOUEY sur les mouvements de troupes ou de matériel en gare. C'est Raphaële LEFRANC (Jean A.J.H.) qui se charge du classement et de la re-production des documents.

Vers septembre, Catherine LEFRANC qui est chargée au bureau du service des Ponts et Chaussées de l'examen des dossiers sur l'électricité. signale à son chef Joseph GUISLE la construction par les Allemands, d'une ligne à très haute tension dans la région de Couville. PERRON (Albert) donne l'ordre d'aller sur place pour examen. Joseph GUISLE s'y rend, et, caché dans une ferme, il examine l'installation et envoie le résultat de ses observations. Il s'agit de l'alimentation des chantiers des rampes de lancement. Ils furent copieusement bombardés dans la deuxième quinzaine de novembre.

A la même époque, Joseph GUISLE peut transmettre au réseau une carte du département indiquant toutes les installations électriques existantes : de haute et basse tension, postes de transformateurs, emplacements exacts des centrales d'Agneaux et de Vezins, ainsi que les lignes particulières établies par l'ennemi. Des rapports spéciaux sont établis sur le poste de transformation d'Agneaux et sur la station de télécommunications relais de Saint-Lô, comprenant les mesures de protection (D.C.A., gardes) prises par les Allemands.

En novembre, Lucien LEVIANDIER, devenu ingénieur des Ponts et Chaussées à Cherbourg et membre actif du réseau " Centurie ", est engagé dans le réseau sous le pseudonyme de Jules N.X.O., assurant ainsi la liaison entre " Marathon " et" Centurie ". Il fournit à Mlles LEFRANC tous renseignements sur le trafic du port de Cherbourg.

Mais, en décembre, les liaisons assurées entre Saint-Lô et Mantes par " LÉONARD " sont suspendues par mesure de sécurité. L'antenne du Cotentin est alors rattachée pour un temps au réseau " Praxitèle-Mabro " de Rennes. Elles reprendront au début de 1944 avec l'engagement d'un nouvel agent de liaison.

MANIPULE

Au début de 1943. cette autre branche du réseau " Praxitèle-Mabro " est représentée dans notre département, à Saint-James, par le docteur Albert MOTHAY. par ailleurs membre de " Libé-Nord ". Par l'intermédiaire de son cousin le docteur LEGAY, il est entré en rapport avec un agent du sous-réseau " Marx " qui l'informe qu'il sertit officiellement engagé par les Services de Renseignements de Londres par le message radiodiffusé " Tout est au Duc ". En juillet, André ROME (Poussin) vient prendre le premier contact, lui attribue le pseudonyme de " Berty ", et lui fait connaître le mot de passe : " à Françoise Marie ".

Par Jean-Baptiste ETIENVRE, membre de " Libé-Nord ", Albert MOTHAY peut transmettre au réseau les plans, dressés par DEPONT, des défenses du port de Granville.

Un des agents de ce réseau, André PLANQUE, travaillant aux Chantiers de la Gironde et ayant accès à la base sous-marine de Bordeaux, reçoit sa mutation pour Cherbourg, dont il est originaire. Il n'aura guère le temps d'agir, ses nom et adresse, trouvés sur un des membres du réseau de Caen, venant d'être découvert, amènent son arrestation le 11 avril 1943 (déporté à Buchenwald le 21.1.44).

RÉSEAU " ALIBI "

C'est un réseau de renseignements qui possède, en 1943, des informateurs dans la région du Nord-Cotentin, sous la direction de Jean LEFEVRE (L'Aigle), professeur de dessin à Tourcoing, qui passe ses vacances dans la région de Réville dont il est originaire. Il peut ainsi recueillir beaucoup d'indications sur les travaux défensifs de l'ennemi dans cette région et en dresser minutieusement les plans. Il a comme adjoints des membres de sa famille :

Georges RIOU (Roy), mécanicien sur un remorqueur, à Cherbourg, le renseigne sur les mouvements de navires en ce port et est un maillon de la chaîne " Maurice " du réseau d'évasion par la frontière espagnole.

Jean EDET (Jean Lambert), électricien, autorisé à visiter les chantiers allemands dont il possédait le plan des installations électriques, ce qui lui permet de renseigner le réseau sur l'implantation des rampes de lancement en construction, à Couville, Rocheville, Brix.

Le réseau dispose aussi d'un agent à La Haye-du-Puits, Pierre LEMONNIER, et les liaisons avec les responsables à Paris sont assurées par Mlle Juliette DEFRESNE, nièce de Georges RIOU.

RÉSEAU " MITHRIDATE "

Ce réseau, dépendant des Services Spéciaux, dirigé par le capitaine " Armand ". possède une antenne, en février, à Carentan, avec le commerçant Georges GIRARD, membre de " Libération-Nord ", INGOUF et LEMASLE, en liaisons avec Lazare RACHLINE (capitaine " Lucien "). Dès le début de mai, Marcel TOULORGE, du Mouvement " Libération-Nord ", coopère avec ce réseau de renseignements et d'évasion, en relation avec le service britannique auquel incombe l'envoi de missions en territoires occupés (Special Operations Executive ou S.O.E.).

RÉSEAU BUCKMASTER - "ATHOS "

Le Service britannique, chargé des missions de renseignements dans les pays occupés (le S.O.E.), dont le chef est Maurice BUCKMASTER est représenté à Saint-Lô par le Directeur du Ravitaillement Général. Roger GENELOT, qui est mis en état d'arrestation le 6 octobre (déporté, décédé le 5 août 1944 à Mauthausen).

RESEAU " GALLIA "

Cet important réseau du sud-est de la France dispose d'un agent à Saint-Vaast-la-Hougue : Auguste MICHEL, monteur électricien. Il fournit à Jean MARION, agent de renseignements du Var, des indications précises, re-cueillies par Henri LEJEUNE et André JARRY. qu'il relève sur carte d'état-major : emplacements des batteries de D.C.A. de l'aérodrome de Gonneville, des fortins élevés sur la côte de Saint-Vaast à Saint-Marcouf, en particulier sur la batterie de Crisbecq, dont Auguste MICHEL, put relever le calibre des pièces, en se rendant chaque semaine chez ses parents habitant près de cet ouvrage. Il apprend le désir des Allemands d'obtenir un pointage en aluminium et non en acier, pour éviter l'auto-magnétisme dans les travaux de menuiserie nécessités pour l'édification des rampes de lancement (393).

RÉSISTANCE FER

La plupart des membres de ce Mouvement de Résistance des agents des chemins de fer agissent au sein d'autres groupes rattachés à l'O.C.M. et Centurie ", à " Libération-Nord ", au réseau F.2, au Mouvement " Front National ". Cependant, d'autres se sont engagés directement au Mouvement dont le chef est Charles BONNEL, à Saint-Lô. C'est le cas d'Alexandre PACARY, du groupe de Saint-Lô, qui fait transmettre, en février, à son chef Camille BOURDAIS à Caen, par l'intermédiaire du chef de train Jules GRISEZ, les renseignements sur les manœuvres des parachutistes allemands, cantonnés à Condé-sur-Noireau et dans la région de La Haye-Pesnel. Par la même filière, il signale, en mars, les déplacements d'unités allemandes de Villedieu et Granville, vers Dol et Saint-Malo, et en juin. le départ de trains T.C.O. de troupes vers la Russie.

A Pontorson, l'employé de la S.N.C.F. Tristan LE GOFF est en contact avec TURBAN, chef d'arrondissement en gare de Rennes, et Georges LE GAG A La Haye-Pesnel. André ROBINE poursuit ses sabotages et le 17 décembre, les cheminots de la gare de Guilberville provoquent le déraillement d'une rame de wagons vides destinés au transport de troupes, partie en dérive par l'immobilisation insuffisante par les freins et les cales. La voie unique est obstruée pendant trois jours.

Notons aussi que L. SAVARY, ancien membre du groupe " Hector ", a repris liaison avec le chef de gare de Cherbourg, PRUDHOMME, membre du mouvement.

LE N.A.P.

Le noyautage des Administrations publiques continue à fonctionner régulièrement à la Préfecture de la Manche, sous la direction de Jean DURIAU, chef de Bureau du Service des Prix, et de ENDELIN, chef de Division. Tous les quinze jours, ils sont en contact avec Raymond LE CORRE, directeur du même service à Cherbourg, devenu chef du Mouvement " Libé-Nord depuis l'arrestation en juillet de René SCHMITT.

L'année 1943 a été une année cruciale pour le recrutement et l'organisation de la Résistance dans la Manche. Réseaux et Mouvements sont nombreux, mieux organisés, mais leur coordination en vue d'une Action commune, malgré plusieurs tentatives, reste à faire, Ce sera l'œuvre essentielle des premiers mois de 1944.

ANNÉE 1944

VERS LA COOPÉRATION DES GROUPES DE RÉSISTANCE

Les cinq premiers mois de 1944 se caractérisent par le resserrement des liens entre organisations d'origine différente. Les résistants engagés qui. ne l'oublions pas, constituent une infime minorité de la population, appartiennent souvent à deux, parfois même à plusieurs groupes différents, ce qui va faciliter les contacts et contribuer à vaincre les particularismes. Avec la constitution des Comités de Libération (C.D.L.) dont la radio de Londres vient d'ordonner la création, les relations vont se multiplier, amenant la naissance de groupes d' "Action " dont l'armement sera hélas ! des plus réduits.

Les militants de base acceptent volontiers de se rassembler dans une organisation commune, qui sera les F.F.I. (Forces Françaises de l'Intérieur).

La configuration géographique du département ne se prête guère aux réunions ; en effet, les communications ferroviaires d'Avranches ou Saint-Lô vers Cherbourg sont malaisées, rendues encore plus difficiles par la création d'une zone interdite, englobant toute la presqu'île du Cotentin. au nord d'une ligne Carentan-Carteret. Mais les chefs des deux mouvements de Résistance les plus nombreux, l'O.C.M. et son réseau " Centurie " et " Libération-Nord " habitent Cherbourg. D'autre part, les nouveaux chefs du Front National ", Léon PINEL et René BERJON, sont plus préoccupés de réorganiser, et d'animer les groupes F.T.P. du sud de la Manche que de participer à des réunions à 150 km de leur zone d' implantation. Ils répugnent à subordonner leur propre activité à un organisme nouveau.

Cependant, vers le 5 mars 1944, le Comité Départemental de Libération (C.D.L.) est constitué à Cherbourg, au cours d'une réunion, rue de la Polie, au domicile de Raymond CHARLES, et comprend 10 membres :

pour l'O.C.M., Yves GRESSELIN, Lucien LEVIANDIER, Marcel (Gaston) PICOT, Lucien RENOULT et Marcel LEBLOND ;

pour " Libération-Nord " : Joseph BOCHER, Jean RENOUE, Berthe GOUEMY :

pour le " Front National " : René BERJON et Jean LAMOTTE.

Mais il faudra attendre la lin d'avril pour que le C.D.L. soit reconnu par tous, et le 3 mai pour que Yves GRESSELIN soit accepté comme président, plus ou moins formellement, par l'ensemble des groupes.

Si la préparation de l' " Action " devient peu à peu la préoccupation primordiale, si dorénavant, la certitude s'établit de l'approche du jour J, il n'en reste pas moins que chacun des réseaux et mouvements continue à moissonner le plus possible de renseignements sur les moyens de défense de l'ennemi. C'est pourquoi tout en gardant à l'esprit les progrès constatés dans l'unification de la Résistance en vue du combat futur, nous étudierons dans cette période précédant les grands événements de juin 1944. la vie propre de chacun des mouvements ou réseaux d'origine.

Cependant, nous commencerons d'abord à traiter l'évolution des trois organisations représentées au Comité de Libération : O.C.M. - Centurie.

Libération-Nord, Front National et Francs-Tireurs-Partisans qui forment, en 1944, l'ossature de la Résistance départementale.

" O.C.M. " ET " CENTURIE "

Les renseignements et les liaisons

Les travaux effectués sur les côtes, particulièrement sur celles du Nord-Est de la presqu'île du Cotentin, sont l'objet de la surveillance constante de tous les réseaux de renseignements.

A l'O.C.M., dès janvier, Norbert BOUQUET (lafleur), accompagné de Maurice LEQUERTIER et Camille DUCHEMIN, munis de leur laissez-passer d'agents d'assurances, repèrent les emplacements des fortifications. Celui-ci a relevé sur plan les coordonnées des emplacements des batteries de Crisbecq, entre les villages de Saint-Marcouf et d'Azeville, armées de pièces de 155 camouflées dans les haies. Vers la mi-mars, le carrier André JARRY dit Léon, engagé, sur l'ordre du réseau, comme chauffeur de camion dans l' " Organisation TODT ", confirme et complète ces observations par l'indication des endroits minés, qu'il remet à son chef. Alfred LEPRUNIER. Quelques jours après, Georges DAVY informe André FORTIN chef du groupe de Montehourg, du dépôt, au château de Fontenay, de quatre tubes de pièces de 280 destinées à être montées sur tourelles à Saint-Marcouf.

Un document important qu'un Allemand a laissé par mégarde sur un établi est fourni à JARRY par le menuisier Henri LEJEUNE de Saint-Vaast. Il s'agit d' un code indiquant les numéros des unités allemandes stationnées dans la région et les moyens de défense prévus en cas de débarquement.

Dans la région cherbourgeoise, René BERARD (Prosper), voyageur de commerce, parcourt les secteurs à l'Est et au Sud-Ouest de la ville, et rend compte à CHARLES. prothésiste dentaire, de ses observations. A Tourlaville, c'est Léon NAVET, débitant, requis pour le S.T.O., qui fournit à Raymond VEDY les plans de l'emplacement des fortifications édifiées sur le boulevard maritime, de la rade de Cherbourg, et des zones minées dans les prés voisins du rivage.

A Bricquebec, le 16 février. le docteur H. LECHEVALLIER, qui loge des officiers allemands, peut indiquer à Gaston PICOT, qu'il rencontre chaque semaine aux Forges Vardon, sur la route de Saint-Sauveur-le-Vicomte, le numéro de la Division à laquelle ils appartiennent. Cette unité, venue au repos dans la région, avait été hachée par l'armée russe. Muni d'un laissez-passer pour l'exercice de sa profession. il traverse les bois du Vrétot et fournit toutes indications sur l'emplacement des dépôts de munitions qui s'y trouvent.

En ce même mois, Yves GRESSELIN (Colibri) peut transmettre à son chef, Jacques BERTIN de la HAUTIERE (Moulines), le plan de l'Arsenal de Cherbourg, établi par Lucien LEVIANDIER, indiquant les points de chute des bombes lancées sur l'établissement militaire les 24 et 28 octobre 1943, les bâtiments détruits et les objectifs intéressants devant être frappés.

Bien que la région Nord-Cotentin, truffée d'ouvrages militaires, soit particulièrement prospectée par les agents de renseignements, il faut noter que la région centre et sud possède aussi de nombreux observateurs :

- à Resneville, les frères RYST,

- à La Haye-du-Puits, Julien FLEURY, le gendarme Pierre JOUXTEZ, qui observent les troupes, leur armement et les ouvrages de fortifications dans le canton,

- à Appeville, un groupe est formé par Charles DELŒUVRE sous la direction d'Henri de SMEDT et de LECLER, instituteur.

A Coutances, à la même époque, Louis LAISNEY, ancien membre du réseau " Hector ", s'est installé comme agent d'assurances. Il parcourt la région, de Granville à Lessay, et renseigne le chef cantonal QUETIER de Blainville, ou le chef du groupe " Action " LENOIR, de Geffosses, sur les troupes stationnées ou les fortifications édifiées. Ces renseignements sont complétés et confirmés par Raymond BEAUDRY (Papillon), employé de gare à Saint-Sauveur-Lendelin, engagé dans le réseau par Charles BONNEL, à qui il signale les mouvements de troupes sur la ligne de Périers à Coutances, à partir d'avril.

Vers la tin de février, à Saint-Lô, André LEGRAVERAND et Alfred GLASTRE, prétextant une partie de pêche, se rendent le long du canal de Carentan à la mer : ils se renseignent sur l'importance des effectifs allemands gardant l'écluse de la Barquette, réglant la hauteur d'eau dans les marais inondés en amont et en aval. Cette écluse est un point stratégique de première importance. en cas de débarquement allié dans cette région. A leur retour, ils font part de leurs observations à Alfred MINNE, agent technique du cadastre, qui les relève sur plan. Ce plan est remis à Adolphe FRANCK par GLASTRE.

Le chef du Service de Renseignements pour la Manche-Sud charge son adjoint LEGRAVERAND, responsable du Groupement d'Achat pour le Ravitaillement en viande (G.A.R.V.), qui dispose d'une moto pour ses déplacements, d'assurer les liaisons avec les groupes de la région au sud de Saint-Lô et de Coutances. Après avoir pris contact successivement, en lin février. avec le Commandant HAMEL à Torigni, avec FILLATRE à Villebaudon, avec ROLLIN, beau-frère de RAMÉ, dont il est la " boîte aux lettres " à Montmartin-sur-Mer, avec LELANDAIS à Coutances, il rend compte à son chef de la détermination de tous pour leur participation à une action armée.

A la même époque. dans le sud de la Manche, le réseau dispose d'un agent à Pontorson, le contrôleur des Contributions indirectes RIOU. (Il obtient des renseignements sur le trafic ferroviaire par l'employé de la S.N.C.F. Tristan LE GOLF. Quant au groupe de Mortain, il reçoit l'adhésion de Jean LEMIERE, puis de Louis LEBOUCHER.

A partir d'avril, l'activité des groupes sera davantage axée sur la préparation de l' " Action ". Mais la recherche du renseignement se poursuit néanmoins : à la Préfecture de la Manche, une employée de bureau qui s'y adonne, Aude MOITIER, est arrêtée le 10 avril à Saint-Lô (401).

A Bréhat, sur demande d'Yves LEFRANÇOIS, chef du groupe, Yves BARON, guidé par Pascal LEBOURGEOIS, peut, en utilisant le sentier suivi par la garnison allemande, qu'il a repéré, traverser les champs de mines s'étendant près de la côte de Saint-Martin-de-Bréhat à Bricqueville-sur-Mer. Il en établit le plan qu'il remet à son chef.

A la suite de renseignements fournis sur plan par Gaston PICOT, les dépôts d'essence camouflés dans les talus bordant la voie ferrée, près de la gare de Saint-Sauveur-le-Vicomte, sont bombardés par l'aviation alliée le 24 avril à 18 heures. Le dépôt est détruit ainsi que deux wagons chargés de munitions.

A la même époque, Francis TRUFFAUT, chargé du cadastre dans le canton de Quettehou, accompagné de son voisin GERMEAUX, réussit à se rendre à proximité de la batterie de La Pernelle afin de visiter, pour la révision des propriétés bâties, une ferme occupée par les Allemands. En comptant les coups de pédale de sa bicyclette dont il connaît le développement, il peut mesurer la distance qui sépare l'entrée de l'emplacement d'une mitrailleuse, puis d'un canon, en indiquant la longueur à son camarade. Ils décèlent les emplacements des mitrailleuses contre avion, des casemates, du poste de commandement. Dans la maison, ils notent le nombre de lits ; dans la cour, le genre de véhicules et leurs totems.

Dès le début du mois de mai, sur demande de Norbert BOUQUET (lafleur), Maurice LEQUERTIER fournit un plan au 1/10 de l'agglomération de Montebourg, sur lequel il indique un chemin d'accès dans la bourgade pour contourner les ouvrages anti-chars barrant les routes aboutissant à la localité.

Au début de mai, le Maréchal ROMMEL, commandant en chef des forces allemandes de la région B, accomplit une tournée d'inspection clans le département.

Alexandre PITANGUE, inspecteur des Contributions indirectes, signale le déplacement de l'état-major allemand installé à St-Lô, dans la propriété de Commines, pour s'établir au château Viel à La Meauffe.

C'est là que Rommel a réuni les chefs des unités allemandes. Ils prennent livraison de huit cartes établies sous la surveillance constante de militaires, par le service des Ponts et Chaussées. En couleurs différentes, elles indiquent les routes et chemins, les dépôts de munitions et d'essence, les terrains d'aviation, et l'emplacement des corps de troupes.

Par mégarde, les Allemands n'ont pas emporté le modèle placé sous le papier de reproduction... LEBAS, fonctionnaire responsable du Service des Cartes, s'en empare. Par l'intermédiaire de Pierre BERNARD, du groupe de Torigni, Maurice LORIDANT pourra l'obtenir. Il s'empresse de faire parvenir le précieux document à Ernest PRUVOST, chef d'" Action P.T.T. ". Celui-ci, le confie à Jean-Renaud DANDICOLLE, de l'Intelligence-Service qui le transmet rapidement en Angleterre quelques jours avant le débarquement.

Julien FLEURY de La Haye-du-Puits avertit Gaston PICOT de l'installation des troupes allemandes occupant la bourgade sur les hauteurs de Montgardon et de Doville ; ils y creusent des tranchées et des abris d'artillerie.

La même manœuvre est signalée aux Moitiers-en-Bauptois, dominant les marais couverts d'eau. De son côté, Raymond CHARLES avertit le réseau du déplacement de la 279e Division Allemande, qui s'établit sur une ligne Néhou-Bricquebec, et d'une autre unité dans le Nord-Cotentin.

Ces mouvements et les bombardements fréquents incitent les résistants à penser que le débarquement est proche et qu'il pourrait avoir lieu dans notre région.

Au groupe de Sainte-Mère-Eglise, DELŒUVRE et MAURY fournissent à J. BERTIN de la HAUTIERE (Boulet), chef de la région M, réfugié chez Gaston PICOT. les coordonnées sur plan des blockhaus et des batteries côtières de St-Martin-de-Varreville. Le message de réception est transmis par la radio anglaise, et douze jours après, avec une grande précision, l'aviation alliée pulvérise ces ouvrages.

Le château de Sotteville, occupé par les Allemands, fait l'objet de la surveillance de LEONARD. qui a confié à Jean GOHEL (Jean ERTOT) le soin de vérifier l'exactitude du transfert des archives de la Kommandantur de Cherbourg dans cette propriété. GOHEL, grâce à deux résistants de Flamanville, MOCQUET et LEBERGER, peut savoir que les archives y étaient bien déposées. Ce même château avait fait l'objet de renseignements identiques fournis à Maurice MARLAND par André CLEMENT et à Yves BARON du groupe de Bréhat, par René JUMEL. Jean GOHEL put indiquer que le câble téléphonique souterrain venant de Cherbourg aboutissait aux Pieux à la maison HELLET, destinée à devenir le poste de commandement d'un état-major devant s'installer dans la région.

Ajoutons que des agents venus de Londres ont pris contact avec des résistants. C'est ainsi que, selon un témoignage sérieux, l'un d'eux, Jean-Francois SENNELIER, a pris contact au printemps avec Jean QUARANTE du groupe de Périers. Il s'est enquis des effectifs et des mouvements des troupes allemandes de la région. Quelques jours plus tard, un message par radio de Londres indiqua qu'il était bien rentré.

PRÉPARATION DE L'ACTION

Dès le début de l'année 1944, le commandant Robert GODARD. de Bréville, qui a formé un groupe dans les régions de Bréhal et de Gavray avec des jeunes réfractaires au S.T.O., est fortement soupçonné par la Gestapo. Il s'est rendu à Saint-Lô le 27 janvier, où Jean SANSON, de l' " Action P.T.T. ", lui a retenu un rendez-vous avec Adolphe FRANCK, chef des groupes de combat de Manche-Sud. Son groupe se rattache au réseau " Centurie ". Mais le lendemain, la Gestapo est à son domicile ! Il en est prévenu fort heureusement, alors qu'il était sur la route du retour, à 17 heures, par un jeune voisin. Bernard RIOU. Par prudence, il fait demi-tour et trouve refuge à St-Aubindes-Préaux, chez un ami. Après enquête et perquisition, à Bréville les Allemands laissent une convocation enjoignant à GODARD de se présenter à Granville, au Normandy-Hôtel, siège de l'Ortskommandantur. Quelques jours plus tard, le fugitif trouve un nouvel asile à St-Martin-de-Bréhal, chez M. MEYER.

Le 2 ou le 3 février, sur instructions d'Adolphe FRANCK, le chef du secteur " Action " de La Haye-Pesnel, Jean MARIE, et Maurice MARLAND, chef du groupe de Granville, conduits en automobile par le garagiste de Bréhal Louis LEHODEY, prennent contact avec R. GODARD, à son lieu de refuge, afin de concerter leur action. Mais le 11 février, MARLAND, prévenu par l'interprète à la Kommandantur Raoul GAUDET, membre de son groupe, du danger couru par son ami, charge Madame Suzanne YBERT, son agent de liaison avec le fugitif, de lui trouver un nouveau lieu d'accueil. Elle sollicite à Cérences le coiffeur BELLANGER qui accepte d'héberger GODARD. Celui-ci, muni de faux papiers, d'un revolver et d'un poignard, est transféré, huit jours plus tard chez M. HERBERT qui l'emploie comme journalier et le garde environ trois mois.

Dans la région de Gavray, le groupe formé par André POULAIN s'adjoint le jeune Roger LAMY. distributeur de journaux et de tracts, qui réussit à former à St-Denis-le-Vêtu un groupe de huit membres.

A Valognes, le gendarme LE COADOU constitue un dépôt d'armes : quelques fusils de chasse subtilisés à la mairie, un mousqueton et un révolver dérobés à la Feldgendarmerie. Il les cache à la ferme LEMOINE au moulin de la Cœffe, enfermées, abondamment graissées, dans un fût enterré dans une dépendance. Malheureusement, il est arrêté le 1er mars, à la suite des dénonciations d'une " collaboratrice de haut rang " qui frappe indistinctement des notables, des patriotes, des résistants comme Raymond LE CORRE, chef du mouvement " Libération-Nord ".

Au début du mois de mars :

a) - Adolphe FRANCK est convoqué à Caen où il reçoit l'ordre de mettre sur pied les groupes d' " Action ".

b) - Le Comité de Libération, saisi par Yves GRESSELIN, se réunit vers le 5 mars à Cherbourg pour coordonner les initiatives pouvant être envisagées par les trois mouvements représentés. Il désigne Yves GRESSELIN comme chef des groupes d'action armée du département.

Vers le 7 mars, sur instructions d'Adolphe FRANCK, le capitaine Jean LENOIR prend contact avec Yves GRESSELIN : mission lui est donnée par celui-ci de s'entendre avec les résistants appartenant à d'autres organisations en vue d'une action commune.

Le 11 mars, à Agneaux, sont réunis chez LEMONNIER de GOUVILLE, en présence du commandant VILLIERS-MORIAME, les deux sous-chefs, de secteurs de St-Lô-Ville (Hilaric DEFFÈS), et de St-Lô-Campagne (André GROULT), qui devront agir sous les ordres de Jean ETIENNE (Leflambe), à qui FRANCK a confié la direction du groupe " Action " de l'agglomération. DEFFES remet à GROULT, pour l'acheminer, la liste des membres de son groupe.

Deux jours plus tard, le 13 mars, une série d'arrestations est opérée par la Gestapo, à St-Lô et dans la région. Les groupes de Torigni et de Guilberville sont démantelés. Sont arrêtés :

- Le commandant Georges HAMEL, chef du groupe de Torigni - Alfred LEPELTIER ;

- René LEDENTU, sa femme, et sa fille Claire ;

- Georges LESCOT, commerçant ;

- Léon LEMOINE. percepteur ;

- Charles LEHMANN, employé de mairie ;

- Robert STRUBIN et Albert BOULANGER, réfractaires au S.T.O. - Gabriel ROUELLE, cultivateur ;

- Joseph MORICET, instituteur et secrétaire de mairie de Guilberville - et André GROULT, commerçant à Saint-Lô.

Malgré le démantèlement de leurs groupes, Alfred MULLER, BAUDRIER et Pierre DUCAMP, réfractaires au S.T.O., participeront en mai au sauvetage de parachutistes alliés qu'ils conduiront de Guilberville à Vire, mais Julien HINET qui a hébergé BAUDRIER, est arrêté en mai, à Domjean, et sera victime, dans la nuit du 6 juin, du bombardement de la prison de Saint-Lô) (418). Dès la nouvelle de cet impressionnant coup de filet de la Gestapo, Hilaric DEFFES se rend chez LEMONNIER DE GOUVILLE (Le Capitaine) pour l'en prévenir, ce qui permet à celui-ci de s'enfuir dans le sud du département.

Le lendemain 14 mars, Hilaric DEFFES, puis, le 15 mars, Adolphe FRANCK, chef des groupes " Action " de la zone sud de la Manche. sont également incarcérés à Saint-Lô. Sur le conseil d'Alfred GLASTRE, l'adjoint de FRANCK pour le service des renseignements, André LEGRAVERAND quitte Saint-Lô pour la région de Monthuchon, gardant le contact avec le Mouvement par LELANDAIS.

Fort heureusement, la liste remise par DEFFES à André GROULT n'a pu être saisie lors de la perquisition opérée au domicile de celui-ci par la police allemande : il l'avait camouflée dans un petit caveau situé sous un escalier, sous des barriques, derrière des planches de caisses.

Lors de la promenade des détenus dans la cour de la prison. DEFFÈS réussit à approcher Louis LEVALLOIS, membre du Mouvement, incarcéré pour une affaire mineure (non-livraison de son poste de radio et non-déclaration d'un garage) et autorisé à recevoir des visites de sa femme au parloir. Il lui indique le lieu où était dissimulée cette liste de 24 noms, Madame LEVALLOIS, mise au courant par son mari, se rendit discrètement au domicile de GROULT, prit possession de la liste qu'elle remit à de GOUVILLE qui s'empressa de la détruire avant de trouver refuge dans le sud de la Manche.

DEFFES, GROULT, HAMEL, LEHMANN, LEMOINE, LESCOT, MORICET, ROUELLE et STRUBIN devaient hélas ! trouver la mort dans l'écroulement de la prison de Saint-Lô, sous le bombardement de cette ville dans la nuit du 6 au 7 juin 1944.

A la suite de ces arrestations, au cours d'une réunion des chefs de groupes " Action " de Manche-Sud, le commandant VILLIERS-MORIAMÉ est désigné pour diriger ces groupes " Action ". Il a pour adjoints : Jean LENOIR (Maresq) pour l'arrondissement de Coutances, et Jean MARIE (Béruck) pour celui d'Avranches.

REMISE DES MESSAGES

Dès le mois d'avril, plusieurs signes alertent les résistants sur la possibilité d'une prochaine offensive alliée à travers la Manche : un message donne l'ordre de ne plus tenter de rapatrier en Angleterre les aviateurs alliés tombés sur notre territoire, et le 28 avril, Jules RIHOUEY et Charles BONNEI., agents de la S.N.C.F. à St-Lô, sont convoqués, à Caen, en remplacement de FRANCK, emprisonné. Ils sont reçus dans le bureau du chef de gare de cette ville. AUGER où ils rencontrent des responsables de la région M qui leur communiquent la teneur des deux messages : " Il fait chaud à Suez. " et " Les dés sont sur le tapis. ", signifiant respectivement l'annonce du débarquement des troupes alliées et la mise en oeuvre de la guérilla et du plan vert (sabotage des voies ferrées). Puis, les mêmes consignes sont données le 11 mai à Caen dans le bureau de MESLIN (Morvain) à Lucien RENOULT (Rivière), chef des groupes d'Action de la zone Nord de la Manche.

Le 30 avril, Marcel LEBLOND est chargé par Yves GRESSELIN, commandant les groupes d'" Action ", de prendre la direction des unités de combat du Nord-Cotentin et d'organiser le transport de 6 tonnes d'armes et d'explosifs, à prendre le 4 mai dans le département de l'Orne. En effet, le commandant VILLIERS-MORIAMÉ (Delarue), vient de transmettre au chef départemental un message du 4' Bureau de la région M, signé " Domagny " :

prévoir un camion de 8 tonnes, une voiture de protection et dix à douze hommes pour ce transport. Le point de contact et les signes de reconnaissance seront donnés au chef du convoi par un pli, au nom de Jean FISCHER qu'il prendra chez M. GANVIERE, huissier, place du théâtre, à Argentan. Prévoir du combustible pour 530 km ".

Mais ce n'est pas en quatre jours qu'une telle expédition peut être mise sur pied ! Il faut trouver un camion et son conducteur et désigner les participants qui devront accomplir ce long trajet en évitant les contrôles de l'armée allemande. Pendant que Lucien LEVIANDIER, Ingénieur des Ponts et Chaussées. se met en quête, Marcel LEBLOND prend contact avec le lieutenant de gendarmerie maritime Yvon GIUDICELLI, chef du groupe " Action " du canton des Pieux. Ils conviennent d'une reconnaissance sur place. A cet effet, Marcel LEBLOND conduira, avec sa voiture, préalablement peinte aux armes et insignes de la gendarmerie, le lieutenant GIUDICELLI, revêtu de son uniforme. Cette reconnaissance eut lieu le 11 mai, ce qui permit au passage à Villebaudon d'apprendre par Mme LEBLOND, institutrice en cette commune, qu'un parachutage d'armes avait été effectué la nuit précédente à Ste-Marie-Outre-l'Eau, pour le groupe " Action P.T.T. ".

Le transport eut lieu le jeudi 18 mai, jour de l'Ascension, dans un camion conduit par Charles JEANNE, chauffeur, mis au courant préalablement de l'objet du voyage par Lucien LEVIANDIER auquel il donna spontanément son consentement. Le carburant fut prélevé en partie sur le stock des Ponts et Chaussées. Près du conducteur prirent place Pierre RŒMER et Albert FATOSME, celui-ci emmenant dans le camion une motocyclette subtilisée par lui aux Allemands. Deux militaires en uniforme, le lieutenant GIUDICELLI et son ordonnance, le gendarme Émile VOISIN, précédaient le camion dans une voiture particulière. Le voyage eut lieu sans incident. Les armes étaient entreposées dans la ferme TOUSSAINT à Moulicent, dans le canton de Tourouvre. Une équipe de résistants de l'Orne. VOYER, CROISE, BLOT, LE CAUF, BRILLANT, accueillit les camarades de la Manche.

Au retour, Albert FATOSME, muni de son laissez-passer d'Inspecteur de l'Action Sociale pour les requis de l'Organisation TODT. précède, en estafette, la voiture de la gendarmerie. Dans le camion bâché, les containers étaient à peine camouflés sous un peu de paille ; si un intrus avait ouvert la porte du véhicule, il eût tout de suite décelé le contenu ! A 3 kilomètres de Périers, sur la route venant de St-Lô. Ferdinand REMICOURT du groupe de Valognes, portant comme signe de reconnaissance son bras en écharpe, fait le guet. Il monte dans le camion pour le guider jusqu'à l'ancienne briqueterie de St-Martin-d'Aubigny, près de Périers, appartenant à un résistant, M. TEXIER. Là, Lucien RENOULT (Lallemand), chef du secteur " Action " du Nord-Cotentin, Gaston PICOT (Celo) et Roger MARIE, du groupe de Périers, accueillent le convoi et en déchargent le contenu.

LA RÉPARTITION DE L'ARMEMENT

Le 20 mai, Lucien RENOULT, chef des groupes " Action " du Nord-Est Cotentin, Marcel LEBLOND, chef des groupes " Action " de l'agglomération cherbourgeoise, Gaston PICOT, sont réunis au domicile d'Yves GRESSELIN, au château de Garnetot à Rauville-la-Place, pour étudier la répartition du stock d'armes entre les groupes. Dès le lendemain. L. RENOULT et G. PICOT se rendent à la briqueterie de St-Martin-d'Aubigny où ils se joignent à Ferdinand REMICOURT et à Roger MARIE pour faire l'inventaire du matériel. Hélas ! celui-ci était ridiculement insuffisant pour approvisionner tout le département. Il comprenait : 2 bazookas ou armes anti-chars, 8 mitrailleurs " Stein " tirant 350 coups par arme, 8 lance-grenades, 8 fusils mitrailleurs " Bren " tirant 700 coups, 30 grenades à main, un lot suffisant d'explosifs, des crève-pneus et accessoires divers. Aucune arme individuelle, pistolets ou mousquetons.

A cause de cette pénurie, la répartition des lots par groupe ne se fit pas aisément et dura deux jours.

Le lot du groupe de Périers, pris en charge par Henri CLÉMENT, est transporté, recouvert de paille, dans une vachère, par Albert RIHOUET qui le dissimule, partie dans une tranchée couverte, partie dans un plant de pommiers. Henri CLEMENT se charge d'un bazooka, de mines anti-chars, de plastic. Une part de ce matériel est cachée chez le menuisier André DEMEAUTIS. Le grenades sont stockées chez DELAROQUE, contrôleur des Contributions indirectes.

C'est le camion de Charles JEANNE qui est utilisé le 31 mai pour approvisionner les groupes du Nord-Cotentin. Il conduit le véhicule, ayant à ses côtés Yvon GIUDICELLI, Gaston PICOT, André JARRY et Alfred LEREVEREND. Albert FATOSME précède le camion sur sa motocyclette, prêt à signaler un danger.

Ils livrent à Rauville-la-Place, à la ferme de Gaston PICOT, les armes destinées au groupe de St-Sauveur-le-Vicomte. Puis ils se rendent aux Pieux où les accueille LECOUTE, membre du groupe. Les armes sont prises en charge par François LANGLOIS, cultivateur à Tréauville, qui les dissimule dans une ferme isolée, " La Beauce ".

Il y a là un caisson d'explosifs, un autre d'accessoires pour explosifs, un container de mines, un fusil mitrailleur Brenn (700 coups par arme), et des munitions, un P.I.A.T., 2 mitrailleuses, soit le quart du matériel promis ! C'est Auguste LETABLIER qui se charge de répartir le lot dans les sous-groupes du canton. A Flamanville les armes seront cachées à la Coopérative par la famille LECOUTOUR.

Le lieutenant GIUDICELLI et Marcel LEBLOND reçoivent des fusils mitrailleurs, des caisses de munitions et des pains de plastic qu'ils transportent à Cherbourg où LEONARD les dissimule dans un blockhaus de l'usine à gaz, sous des piles d'archives, dans un local dont seuls Jean GOHEL et lui possèdent la clef. Une partie de la provision est confiée à Marcel LEBLOND pour être remise à Désiré BARBIER, armurier à Tourlaville.

Le camion se dirige ensuite vers Valognes et, ne pouvant remettre le chargement au responsable du groupe de cette ville qui s'était récusé, il est décidé, par les conducteurs, de le livrer chez les frères REMICOURT à Yvetot-Bocage : mines, grenades, explosifs. Le reste du stock : une mitraillette Stein (350 coups), un fusil mitrailleur, de la dynamite, des grenades. des mines anti-chars, des crève-pneus, est déposé à St-Vaast-la-Hougue, en partie chez Jacques LETERRIER, en partie chez JEANNE, boucher. Pour plus de sûreté, les armes sont placées dans des coffres fabriqués par le menuisier Henri LEJEUNE, et transférées dans une maison en ruines, au hameau de St-Vaast.

Si les groupes du Nord-Cotentin ont reçu un maigre ravitaillement en armes, ceux du centre et du sud sont encore moins bien pourvus. Certes, le groupe " Action P.T.T. " a bénéficié du parachutage opéré dans la nuit du 9 au 10 mai, et quelques armes et explosifs ont été cédés aux groupes de Percy et d'Avranches. D'autre part, le postier Etienne BOBO a obtenu, du groupe de Périers, une mitraillette qu'il transporte, à bicyclette, dissimulée sous son imperméable, jusqu'à Saint-Lô. Il la remet à Jacques BOUVIER qui, avec l'aide de Henri MICHAUX, l'entrepose avec quelques armes remises par les F.F.I. du Calvados, dans le clocher de l'église de St-Georges-de-Montcocq.

De son côté, Jean MARIE, chef du groupe de La Haye-Pesnel, a pu obtenir quelques explosifs sur le stock de Périers, rapporté en camion par Paul GUITON. Il met au courant René BERJON (Émile), chef des F.T.P. Celui-ci charge son lieutenant André DEBON d'obtenir par Jean MARIE un rendez-vous avec Gaston PICOT, à Coutances, sur le parvis de la cathédrale. Cette rencontre eut lieu le 22 mai et accord fut conclu pour un transport d'armes dans les plus brefs délais. C'est Eugène HAMEL, négociant au Neufbourg, qui, avec sa camionnette, se charge du transport, accompagné d'André DEBON et de Louis HARDY. Ils ramènent. ce qui reste à St-Laurent-de-Cuves, au domicile de DEBON, 2 mitraillettes, 2 fusils mitrailleurs. un P.I.A.T., des crève-pneus, du plastic, des grenades, des mines anti-tanks. La répartition se fait sur place. Le groupe de Brécey obtient une mitraillette et un fusil mitrailleur pris en charge par Louis HARDY, et des mines anti-tanks. Michel TAUZIN fait parvenir à Avranches par l'autobus régulier, sous la désignation de pièces de rechange pour machines agricoles une partie de ces engins. mis en sac et bien calés. Le colis est reçu par l'Hôtelier CORBIN, membre du groupe, qui le fait parvenir à MANSUY du groupe F.T.P. d'Avranches.

Le groupe de St-Hilaire-du-Harcouét obtient le P.I.A.T., une mitraillette, un fusil mitrailleur, des mines anti-chars transportés en carriole, celui de St-Michel-de-Montjoie, du plastic et des crève-pneus, qu'Alexandre HILLIOU vient chercher à St-Laurent-de-Cuves.

LES DERNIERS PRÉPARATIFS

Au début de la dernière décade de mai, le commandant VILLIERS-MORIAMÉ (Delarue), chef des groupes " Action " des zones centre et sud, a convoqué successivement les chefs d'arrondissement de ces zones, afin de leur donner individuellement les dernières instructions pour, dès réception des messages diffusés par la radio anglaise, opérer les destructions prévues.

C'est ainsi, que LENOIR a fourni avant la fin du mois à l'adjudant H. CLEMENT de Périers, et au chef d'équipe de la gare de Coutances, Jean-Baptiste LEBOISSELIER, les points précis où les sabotages devront être exécutés dans leur secteur.

Charles BONNEL, chef du groupe S.N.C.F. à St-Lô, est lui aussi convoqué chez le commandant VILLIERS-MORIAMÉ ; il apprend que son groupe doit prochainement passer à l'action.

L'état-major allié demande d'assurer un retard de six heures dans l'arrivée des renforts de l'ennemi et juge indispensable de couper les voies ferrées de Lison à Folligny, de St-Lô à Guilberville, de Sottevast à Coutances, en évitant toutefois de provoquer une catastrophe. L'action devra être déclenchée dans la nuit suivant la diffusion du message : " Les dés sont sur le tapis. ". Des explosifs lui seront remis par l'agent de liaison BOUVIER. Le 27 mai, en gare de St-Lô, celui-ci, porteur d'une lourde valise, est reçu par Charles BONNEI, et par son adjoint Jules RIHOUEY. Le chargement est entreposé d'abord dans un local inutilisé, ancien bureau de gare de l'octroi, puis clans le grenier de la gare, caché sous un tas de cales en bois.

Afin de connaître les conseils techniques nécessaires pour obtenir un résultat maximum des sabotages prévus, Charles BONNEL s'adresse à LE-GRAND, membre de son groupe, chef du service de la voie. Le moment venu, celui-ci prendra ses dispositions pour disperser ses équipes et s'éloignera lui-même : c'est lui qui devra être prévenu en premier lieu pour la réparation des voies, et son absence retardera ces travaux.

Le 1er juin, Charles BONNEL a convoqué à St-Lô J.B. LE BOISSELIER du groupe de Coutances qui, avec KERHARD, doit faire sauter la voie aux alentours de cette ville. Il lui remet 25 kg de plastic qu'il transporte dans un coffre, déposé dans le fourgon se dirigeant vers Coutances. En dernière minute, un militaire allemand entre dans le wagon... Gardant son sang-froid, pour éviter tout incident néfaste, LEBOISSELIER l'invite très poliment à s'asseoir sur le coffre ! A Coutances, il camoufle son colis dans son poulailler, près de celui reçu récemment du stock de Périers.

Ce qui reste du lot est réparti entre BOUVIER, qui en cache une partie dans le clocher de l'église de St-Georges-de-Montcocq, et BERUEL et HERVÉ, respectivement chefs de gare à La Meauffe et à Airel. C'est sur le porte-bagages de leur bicyclette que Jules RIHOUEY et Charles BONNEL, apportent les explosifs et... les consignes à leurs camarades ! BERUEI, devra couper la voie impaire dans le courant de l'après-midi du jour J, dès qu'il apprendra que des trains de secours sont demandés pour remplacer ceux qui auront déraillé ; HERVE devra couper, la voie ferrée vers minuit avant de quitter son poste où il est seul à cette heure.

A Cherbourg, aux Ponts et Chaussées, vers la fin mai, on prépare les sabotages du port. Malgré les protestations et les menaces des autorités allemandes, Lucien LEVIANDIER, sous prétexte de travaux urgents aux écluses du bassin à flot, et en plein accord avec le mécanicien Octave LEBARBANCHON, immobilise les portes dans leurs enclaves, non sans avoir démaillé les chaînes et provoqué une fuite d'huile importante sur les installations de pression, rendant ainsi le bassin difficilement utilisable).

L'AIDE AUX MILITAIRES ALLIÉS

Notre étude sur l'activité du réseau " Centurie " ne saurait laisser de côté l'aide apportée aux militaires alliés afin de les soustraire à la captivité. En liaison avec le groupe MARLAND de Granville, Jean MARIE, lors de la réunion des chefs des groupes d' " Action " de la Manche-Sud, tenue à Agneaux, après l'arrestation de FRANCK, a mis Jacques BERTIN de la HAUTIERE au courant des difficultés du groupe granvillais, qui, depuis 1940, assure le camouflage du soldat écossais Robert CRAIG. Le chef du réseau " Centurie " confie à Pierre André PIGAUX de Montmartin-sur-Mer. (qui avait, l'année précédente, assuré l'évasion d'un militaire allié), le soin de lui trouver un gîte à Paris.

Quelques jours après, Robert CRAIG. habillé en ouvrier maçon, est conduit en voiture par Jean MARIE chez M. MARTINET, instituteur en retraite à Hyenville, qui avait lui aussi, l'année précédente, hébergé un aviateur américain pendant onze semaines. Quelques jours plus tard, le militaire écossais, accompagné par le Docteur P.A. PIGAUX, est conduit par chemin de fer à Paris, où ils sont accueillis par " Madeleine ", qui trouve un refuge pour le soldat, en attendant son transfert en Suisse.

Le 8 mai, Arthur LECONTE, chef du groupe de Néhou, avertit Gaston PICOT (Celo) qu'un parachutiste américain dont l'avion a été abattu par la D.C.A. a trouvé refuge dans la ferme DOGUET à Ste-Colombe : Il est entendu que l'aviateur sera amené par LECONTE à Rauville-la-Place chez Gaston PICOT qui s'efforcera de lui trouver un refuge jusqu'à la Libération. D'abord hébergé par la famille RUEL à St-Nicolas-de-Pierrepont, puis par le curé de cette commune, l'abbé HEDOUIN, l'aviateur retrouvera ses compatriotes à la libération, le 5 juillet 1944.

Ce même 8 mai, un aviateur américain de la même escadrille est amené par deux habitants de St-Jacques-de-Néhou, BELLAMY et MARTIN, chez Mme Augustine HAMEL et sa tille Germaine qui l'accueillent volontiers. Pour s'entretenir avec lui, elles font appel à un jeune réfractaire au S.T.O.. évadé du camp disciplinaire de Tourlaville, Jean SAINT-CLAIR ITHIER LAVERGNEAU, d'origine martiniquaise. parlant la langue anglaise. Bientôt. un autre aviateur qui était caché chez MONQUIT dans la même commune, rejoint son camarade au domicile de Mme HAMEL. Dans le même temps, les membres de la Résistance du canton de St-Sauveur-le-Vicomte, alertés, prenaient toutes dispositions pour se charger des deux militaires.

A la suite d'une infâme dénonciation, les Allemands arrivent le 13 mai à 16 heures, cernent la maison HAMEL, et abattent le jeune LAVERGNEAU qui tentait de s'enfuir après une perquisition qui amène la découverte des deux aviateurs, ils arrêtent :

- Madame HAMEL et sa fille Germaine. Internées à la prison de Caen, elles seront libérées le 6 juin, par le bombardement de la ville.

- Madame MONQUIT et Madame BELLAMY sont gardées à vue comme otages. remplaçant leurs fils, en fuite.

- Eugène MONQUIT est arrêté le 14 mai. Interné à St-Lô, il mourra sous les ruines de la prison détruite par le bombardement de la nuit du 6 au 7 juin.

- Gaston BELLAMY, le 17 mai à Cherbourg, et Pierre MARTIN le 1er juin sont incarcérés à la prison de St-Lô. Ils seront sauvés par sa destruction dans la nuit du 6 au 7 juin (437).

Le 25 mai. Gaston PICOT est prévenu par Paul REMICOURT de la présence d'un aviateur américain, hébergé à Colomby chez Paul DENNEBOUY, cultivateur. Il se rend à Denneville, chez M. et Mme LEGAILLARD, membres du réseau depuis mars 1943, pour les prévenir qu'il leur apporterait " un jambon " (c'était le nom de code,pour désigner un aviateur à héberger) le lendemain. C'est le garagiste de Valognes, CŒURET qui amène le militaire d'abord chez Gaston PICOT. Ensemble, ils se rendent à Denneville, chez les époux LEGAILLARD, qui consentent à héberger et nourrir l'aviateur, auquel Roger LYE, membre du groupe, fournit de fausses pièces d'identité. Un mois plus tard, le 26 juin, devant l'avance des troupes alliées débarquées dans le Cotentin, tous les habitants de Denneville sont contraints, par les Allemands, d'abandonner leurs demeures et de se retirer vers le sud. C'est alors que Roger LYE, prenant en charge l'aviateur, décide, au contraire, de se diriger vers le nord pour tenter de rejoindre l'armée américaine. Pour éviter le gros des troupes allemandes, les deux fugitifs passent à travers les dunes bordant la nier et réussissent sans encombre à atteindre Portbail qui vient d'être occupé par les Américains.

LE MOUVEMENT " LIBÉRATION-NORD "

Renseignements et liaisons.

Bien que, particulièrement dans le sud de la Manche, les groupes songent à préparer l'Action armée et à constituer une ébauche de maquis, c'est encore la recherche des renseignements qui reste l'activité la plus importante du Mouvement, dans le centre et dans la presqu'île du Cotentin. D'autre part, toutes les principales liaisons entre groupes et avec Paris continuent à être assurées avec un zèle constant par André LE BELLEC.

Les relations entre réseaux et mouvements d'origine différente deviennent de plus en plus fréquentes ; il est vrai que le nombre des résistants étant relativement restreint, un renseignement recueilli par un membre de Libération-Nord peut fort bien être transmis par un agent d'un autre groupement. C'est ainsi qu'en février, le directeur des travaux de la municipalité de Granville, Louis DELAISSE ayant remis à Jean DEPONT, son chef, les plans de cette ville mentionnant l'emplacement des ouvrages fortifiés allemands avec indication de l'axe et des angles de tir des pièces d'artillerie, celui-ci les transmet à Jean-Baptiste ETIENVRE, responsable du Mouvement de la zone centrale, qui les fait parvenir le 12 mars à André ROUAULT. chef du secteur de la Manche-Sud. Dès le lendemain, celui-ci se rend à Saint-Lô pour remettre le document à André LE BELLEC. Hélas ! c'est précisément le jour où la Gestapo opère l'arrestation d'un grand nombre de membres du réseau " Centurie ", en relations avec lui ! Devant le danger imminent et la nécessité de transmettre, rapidement les renseignements aux Alliés, ROUAULT les confie à Émile GUEROULT, membre du réseau " F.2 ", dont le père est un de ses amis. Ils seront acheminés à Carentan remis au notaire LECŒUR, puis à Pierre FOULON (Mulard) du réseau " Alliance ", inspecteur d'Enregistrement, qui les fera parvenir à Paris par l'agent de liaison de ce réseau Jean TRUFFAUT ou parfois par poste émetteur.

Dans le Nord-Cotentin, les agents de renseignements demeurent très actifs. Dans la Hague, zone super interdite, l'instituteur Paul RICHARD, secrétaire de mairie à Querqueville, a été désigné comme contrôleur de la statistique agricole. Muni d'un laissez-passer permanent, il signale l'état des travaux de construction des rampes de lancement pour fusées à Tonneville, à Ste-Croix-Hague, à Branville, à Flottemanville-Hague, exécutés par des déportés russes, hommes et femmes. Des observations analogues sont communiquées par Jean RIBET, sur les chantiers de La Pernelle et de la lande du Vicel.

André LE BELLEC (Toto) ne cesse, soit de faire les liaisons entre Raymond LE CORRE et Henri RIBIERE, à Paris, soit de recueillir à chacune de ses tournées le maximum de renseignements sur les travaux défensifs allemands le long de la côte. Le 9 février, il est à Vierville chez Madame DAVY, institutrice, dont le fils Jean vient de prendre le maquis dans la région de Vire le 18 février, à St-Lô, où il a rendez-vous avec André ROUAULT (Camus), qui a centralisé les indications concernant Manche-Sud. ,

Mais la Gestapo, aidée parfois par quelques mauvais Français, veille. Le 22 février, André LE BELLEC reçoit une carte postale signée " Camus ", ainsi conçue : " Admissible - Oral difficile - Meilleures amitiés ", signifiant d'agir avec prudence. En effet, le 28 février, une perquisition sans résultat a lieu au domicile de Louis FRITOT, qui héberge Joseph BOCHER, son beau-frère. Celui-ci, ayant entendu la voiture des policiers, sort clans le jardin, en saute le mur et se réfugie chez le voisin, Joseph LOIR, membre du Mouvement.

Le 1er mars, victime des odieuses dénonciations de la Comtesse, en relations très cordiales avec la Gestapo, Raymond LE CORRE est arrêté. Interné à la prison de Saint-Lô, il disparaîtra, sous ses ruines, lors du bombardement de la nuit du 6 au 7 juin 1944.

Henri RIBIERE, prévenu le 3 mars par André LE BELLEC à Paris, désigne Joseph ROCHER (Antoine) pour assurer la direction du Mouvement et mettre en place, en accord avec le Comité Départemental de Libération (C.D.L.), un groupe d' " Action " dans le bocage du Nord-Cotentin.

C'est naturellement dans la région de Sortosville-en-Beaumont, à proximité des Moitiers d'Allonne où Joseph ROCHER a son domicile de repli, que va s'installer le groupe dans le courant du mois de mars. Jean RENOUF et Bernard POISSON abandonnent leurs fonctions à l'Arsenal de Cherbourg pour vivre dans le " maquis " des bois de la Haye d'Ectot et de Sortosville-en-Beaumont. Ils sont en relations avec GRIFFAULT, directeur de la laiterie voisine qui détenait un stock d'armes et leur protection est assurée discrètement par le gendarme de Barneville, LEBOISSELIER.

Cependant, Joseph BOCHER et André LE BELLEC se rendent souvent à la mairie d'Equeurdreville où les renseignements sont centralisés par Joseph CONOR. Parmi eux, ceux fournis par le brigadier de police Albert LENORMAND et le policier Maxime LELUAN sur les agissements de la Gestapo sont très précieux : LELUAN a pu indiquer le signalement complet, les habitudes et les moyens de déplacement des agents de cette redoutable police nazie. D'ailleurs, leur activité s'amplifie dans tout le département : en février. la ferme d'Albert MAUGER, à Craignes, est soudainement entourée par une trentaine de soldats ennemis, et soumis, à une perquisition minutieuse par un officier allemand, révolver au poing, accompagné de deux soldats armés d'une mitraillette. Les recherches ne donnèrent aucun résultat. Pourtant, le fermier cachait, dans les dépendances de sa propriété, un fusil de guerre et 250 cartouches, deux fusils de chasse, deux carabines, 21 boîtes de poudre et... toute une collection de tracts !

A Saint-Lô, Marcel MENANT (Jean CABARREU) est l'objet de trois enquêtes successives ; l'Inspecteur des Renseignements Généraux, Jean-Baptiste BASSET le prévient à temps, et il peut trouver refuge avec ses documents à la campagne.

Un nouveau groupe se forme en février à Guilberville où un radio-électricien cherbourgeois, Charles HAMEL, en contact avec BOCHER, se rend régulièrement pour rejoindre sa famille qui s'y est réfugiée. Par MORICET, instituteur, la liaison s'établit avec le groupe de Torigni du réseau " Centurie ".

Après les arrestations de mars qui le décimèrent, le petit noyau de Guilberville, sous l'impulsion de BAUDRIER, coordonnera son action avec celui que dirige LESAUVAGE à St-Amand. Vers la fin de niai, Charles HAMEL. qui a engagé Auguste BOUDARD dispose d'un stock d'armes (fusils, pistolets, grenades) et d'un poste émetteur. D'autre part, Maxime LEI,IEVRE dont la famille est réfugiée dans la région est désigné comme sous-chef départemental, avec André JAZEIX comme adjoint.

A la mairie d'Equeurdreville, le 9 mai, se tient une importante réunion avec Joseph BOCHER (Antoine), Jean-Baptiste ETIENVRE, chef du groupe de St-Hilaire-du-Harcouët et André LE BELLEC qui revient de Paris où il avait été convoqué par Henri RIBIERE. Il en a reçu l'ordre de mettre rapidement en œuvre les consignes d' " Action militaire ", dès réception des messages de la radio anglaise qui lui seront communiqués très prochainement par le Président du C.D.L. et Chef des groupes du département, Yves GRESSELIN (Patelle).

Tandis qu'ETIENVRE rejoint rapidement son secteur, André LE BELLEC rencontre à Portbail Jean GOUBERT, chef du groupe de St-Germain-sur-Ay qui accepte d'être chef militaire pour le sien, puis MOROGE à Trihehou. enfin le 12 mai, à St-Lô, au café GUÉRIN, Marcel MENANT (Jean CABARREU).

Celui-ci a pour mission de recevoir, dès la libération de St-Lô, le nouveau préfet désigné par le Comité National de Libération : HAAG (Bonnet) (446).

NOTA - Cette mission ne pourra être remplie à cause du débarquement allié sur les côtes de la Manche et du Calvados, de la destruction du chef-lieu par les bombardements et la stabilisation du front de bataille jusqu'au 26 juillet.

Dans le sud de la Manche, c'est André ROUAUI T (Camus) que Raymond LE CORRE a désigné comme responsable, chargé de coordonner les groupes d'" Action " constitués au sud d'une ligne Coutances-Tessy. Il a comme adjoints : Mariette RABECQ, sa remplaçante éventuelle, Jean VAUZELLE pour la région d'Avranches, J.-B. ETIENVRE pour la région de St-Hilaire-Mortain. A Ducey, André ROUAULT s'est assuré du concours de MANAIN (Debray), contrôleur des Contributions Indirectes et à Granville de René LE GAC. De son côté. ETIENVRE est en contact étroit avec Jacques NAVIER (Georges Aubert) : tous deux décident la formation du groupe " Action " de St-Hilaire-du-Harcouët. Pour l'équiper, le restaurateur Félix LHUISSIER leur remet les armes qu'il a pu soustraire aux Allemands fréquentant son établissement depuis l'occupation. Elles sont entreposées à Martigny, au lieu-dit " Sérouenne ". Puis ETIENVRE rend visite à Eugène HAMEL, négociant-en beurre, au Neufbourg, qui, par ailleurs, est en relations avec les groupes formés par le " Front National " et le réseau " Centurie " dans la région de Mortain.

Pendant tout l'hiver, le groupe d'Avranches est approvisionné régulièrement chaque lundi, de brochures, de journaux, de tracts reçus par Marcel LUCAS. Trois fois par semaine, ils sont reproduits par centaines, le soir, à partir de 21 heures, par l'imprimeur André LOISIF, puis glissés sous les portes dans la ville et dans les environs par Maurice JUHEL. Des papillons sont collés sur les poteaux électriques, et les V de la Victoire sont inscrits sur l'asphalte.

Cependant, l'activité du groupe reste centrée sur le " maquis " constitué à Ste-Pience. Le docteur Jacques LEBRETON d'Avranches accepte d'y organiser un service de santé clandestin et continue à conseiller vivement aux jeunes gens réfractaires au S.T.O., à qui il fournit des certificats médicaux d'exemption, de rejoindre la Résistance.

Jean VAUZELLE est souvent en relations avec Paris, parfois même par un faible poste émetteur dont les accumulateurs ont été fournis par GEORGEL en prévision d'un parachutage d'armes demandé par Jean VAUZELLE au Mouvement National, les hommes du maquis sous la direction d'Émile CUNY préparent des trous de 2 m 25 de profondeur et d' 1 m 50 de diamètre pour camoufler les containers attendus. Les plans du château et du bois du parc de Ste-Pience sont établis par lui et confiés à Jean VAUZELLE.

Le groupe de Villedieu se prépare aussi à l'action. Les deux chefs. Georges GOFFAUX chargé des renseignements, et André MAURICE, chef du groupe " Action " ont réuni le 20 février, Jacques CUNY, Raymond MANCEL et quatre jeunes gens, Roger LELAISANT, Léon BRIENS, Marcel GEFFROY et Auguste LECARPENTIER. Un coup de main est préparé contre la mairie de La Colombe pour s'emparer des tickets d'alimentation nécessaires au ravitaillement des réfractaires. Il eut lieu le 29 mars, mais il échoua. les tickets étaient cachés dans une autre salle que celle de la mairie.

Une réunion du groupe d'Avranches se tient le 1er avril au domicile de Désiré LE ROUXEL, 14. rue de Mortain, à laquelle assistent Marcel LUCAS, Gaston GEORGEL, Louis BARBIEUX et Jean VAUZELLE, pour tirer les leçons de cet échec, et organiser plus solidement l'action commune du Mouvement Libération-Nord, des Francs-Tireurs et Partisans (F.T.P.), et du Mouvement " Front National ".

Mais le 4 avril, par la trahison d'un agent français agissant de concert avec la Gestapo, plusieurs arrestations sont opérées à Villedieu : les deux jeunes, Ernest RAVILLY et François PENNEC, ouvriers granitiers, le père de celui-ci, Pierre PENNEC, le chef du groupe Raymond MANCEL, le transporteur Marcel VILLAIN qui emploie sciemment des réfractaires et refuse de donner le nom de son comptable. (Seuls sont relâchés Pierre PENNEC et Marcel VILLAIN les trois autres sont emprisonnés à St-MLô : E. RAVILLI Y et F. PENNEC seront tués par le bombardement de la prison ; Raymond MANCEL, rescapé pourra s'enfuir).

Ce même jour, Émile CUNY se rend, comme de coutume, de Ste-Pience au marché de Villedieu. Apercevant un attroupement devant la maison de MANCEL, il revient vite au maquis, puis, dans l'après-midi, il se rend à Avranches pour alerter son fils Jacques et Jean VAUZELLE. Le lendemain 5 avril. aidé d'André LE GALL, il fait disparaître armes et matériel entreposés au château de Ste-Pience.

Le lendemain 6 avril, vers 5 heures. à la suite de la découverte par la police allemande, dans le portefeuille de Raymond MANCEL, de l'adresse à laquelle on pouvait écrire à Jean VAUZELLE, la Gestapo arrête Émile CUNY et sa femme, le propriétaire du château de Ste-Pience, Henri PLAUT et sa fille Isabelle, Madame CHENU, restauratrice, boîte aux lettres du mouvement, ayant hébergé des membres de la Résistance. Cependant, deux membres du groupe, André LE GALL (Albert) et Jean CESSOU (Alfred), installés dans les communs, réussissent à s'enfuir par une lucarne, bien que le premier ait été atteint d'une balle au cours de la poursuite. Une perquisition chez Émile CUNY fait découvrir deux postes de radio dissimulés depuis peu dans le potager du château. Roué de coups, Émile CUNY ne livre, ni la résidence de Jean VAUZELLE, ni celle de son fils Jacques employé depuis la veille à la teinturerie GEORGEL à Avranches.

Dans l'après-midi, Mlle Edith GAUTIER, employée de commerce dans cet établissement, prévient son fiancé Jean VAUZELLE des arrestations opérées le matin à Ste-Pience. Il se réfugie à Saint-Pois, chez M. HAMEL. Malheureusement, au Gours d'une perquisition opérée chez Madame CHENU, une lettre pour Jean VAUZELLE, adressée par Mlle Marie-Louise HAMEL, avait été saisie. Jean VAUZELLE et Mlle HAMEL sont arrêtés le 8 avril. (Transféré à la prison de St-L.6, le premier sera libéré par le bombardement dans la nuit du 6 au 7 juin ; Mlle HAMEL, transférée à celle de Caen, sera libérée le 6 juin par suite du débarquement des Alliés). Le même jour, Jacques CUNY, signalé à toutes les gendarmeries de la région, est arrêté, alors que, partant de la Trinité où il s'était camouflé, il s'apprêtait à prendre le train, en gare de Villedieu, pour Paris. (En prison à St-L.6, il en sera libéré par le bombardement du 6 au 7 juin).

Le 9 avril, au matin, Désiré LEROUXEL et Marcel LUCAS, chefs du groupe d'Avranches se rendent chez GEORGEL pour prendre le mot de passe du réseau caché dans une " jeannette " de repasseuse. L'après-midi, LEROUXEL est arrêté à son domicile, et deux jours plus tard, ce sera Louis BARBIEUX, répétiteur du collège d'Avranches, membre du groupe. (LEROUXEL sera une des victimes du bombardement de la prison de St-Lô).

Le 14 avril, les gendarmes allemands se présentent à l'école de St-Martin-de-Landelles où Jean-Baptiste ETIENVRE est instituteur, pour perquisitionner avant de procéder à son arrestation. Profitant d'un instant d'inattention des policiers, il s'enfuit par la porte du jardin et, à travers champs, il gagne la maison d'un cousin. M. DESSERROIR à Hamelin où il se réfugie. Madame ETIENVRE est arrêtée comme otage : emmenée à la prison d'Avranches, elle y est retenue 3 jours. Pourchassé par les Allemands. ETIENVRE est conduit, par le Docteur MOTHAY, chef du groupe de St-James, à St-Osvin, chez son beau-frère, G. DUBOIS, instituteur et secrétaire de mairie de cette commune. Pour éviter tout risque. il passe d'abord la nuit chez ALLANIC, professeur en retraite, réfugié de Cherbourg. Enfin le 16 avril, il est logé par M. J. GARNIER, propriétaire à Marcilly, chez qui il restera trois semaines. Enfin. Louis BLOUET (du " Front National ") lui trouve un lieu de refuge chez Gustave MOULIN à Brécey. C'est alors qu'André ROUAULT, chef des groupes " Action " de Manche-Sud, lui confie vers la fin du mois, la responsabilité des unités, non seulement de la région sud d'Avranches mais aussi celle, jusqu'alors confiée à Jean VAUZELLE, emprisonné à Saint-Lô, des unités situées au nord de cette ville jusqu'à une ligne partant de Regnéville-sur-Mer et Coutances à Tessy-sur-Vire.

Ignorant le drame des arrestations du début d'avril, André LE BELLEC, chef des groupes " Action " de Manche-Nord, se rend à Avranches vers le 25 de ce mois, chargé, par Henri RIBIERE, d'une mission pour Jean VAUZELLE, par l'intermédiaire des époux GEORGEL. Il s'aperçoit que leur maison est surveillée par la Gestapo.

Le 30 avril, André LE BELLEC se rend à Paris où il informe NEUMEYER de ces arrestations.

Le petit groupe formé à Juvigny-le-Tertre autour du docteur LEMONNIER et de l'instituteur LEBOULENGER est, lui aussi, l'objet de la surveillance de la Gestapo. Il est en relations avec Jean FAUTREL (Max Legrand), chef du groupe de Flers (Orne). A la suite de l'arrestation de celui-ci, suivie de son évasion, la police allemande arrête le 3 mars, le Docteur Robert LEMONNIER (interné à la prison d'Avranches il est libéré faute de preuves après 3 semaines de détention).

Or, peu de jours après, Jean FAUTREL, en fuite, se présente au domicile du docteur ! Madame LEMONNIER le fait héberger chez Constant BELLOIR, ami et sympathisant du groupe, et assure son ravitaillement. FAUTREL restera caché chez son hôte pendant 15 jours.

Les liaisons du groupe avec Joseph BOCHER, chef du Mouvement, sont assurées régulièrement par Albert PLANQUE (Béhert) dont la famille est réfugiée à Juvigny-le-Tertre, chez l'institutrice Madame LAURENT. Il entre lui-même dans le mouvement et reçoit de ROCHER l'ordre de s'emparer de l'agent de la Gestapo, JAEGER (Dufour), qu'il connaissait bien depuis qu'il avait eu l'occasion de lui rendre par hasard un menu service.

A St-James, l'instituteur François LEROUX a reçu mission de son beau-frère LOURDAIS, membre du groupe d' " Action " d'Avranches, de former un noyau armé à St-James. Il prend contact en mars avec le Docteur MOTHAY. Le groupe existant déjà, il y est accueilli de grand cœur. Ce petit fait est une preuve de la prudence et de la discrétion avec lesquelles devaient se constituer ces noyaux de résistance aux effectifs peu nombreux.

A Granville, c'est René LE GAC (René) qui, depuis janvier est chef du groupe de cette ville et c'est le commis épicier Georges LAMORT, que Madame BELLANGER a engagé le 3 février dans le Mouvement, qui sert d'agent de liaison entre le groupe de Cérences que dirige René JUMEL, le groupe d' " Action " du Commandant GODARD de Bréville, René LE GAC et le groupe MARLAND.

Ainsi, dès le mois de mai, les membres du Mouvement sont prêts pour l'" Action ". Mais ils ne disposent que d'un armement individuel très insuffisant.

Dans le secteur Sud, André ROUAUT (Camus) nommé fonctionnaire à Rennes, se rend presque chaque semaine à St-James : devant l'imminence d'un débarquement allié en France, il y séjourne une dizaine de jours, donne au groupe les dernières instructions et prépare l'installation de son Poste de Commandement à la ferme LAPORTE à Montjoie-St-Martin.

Dès le 21 mai, André LE BELLEC, dans un message porté le 30 mai par sa tille Andrée et son amie Mireille DAVY à Henri RIBIERE, réclame d'urgence des armes, bien que l'O.C.M. ait promis au Mouvement " Libé-Nord " de lui en livrer un peu.

Les deux jeunes filles accompliront leur mission, mais le débarquement des alliés en Normandie et la bataille de Caen ne leur permettront pas de re-joindre leurs parents avant la 2e quinzaine de juillet 1944.

A Sortosville-en-Beaumont, le 28 mai. André LE BELLEC avait reçu la visite de Jean-Baptiste ETIENVRE (Jérôme) et de Jean RENOUF auxquels il avait communiqué les consignes d' " Action " remises par le réseau " Centurie ". Dès le lendemain, Lucien LEVIANDIER, chef d'arrondissement de ce réseau, rend visite à LE BELLEC, afin d'organiser en commun la coopération entre les groupes d' " Action " des deux formations il apporte un stock de brassards tricolores frappés de la croix de Lorraine que devront porter dès le débarquement tous les membres des Forces Françaises de l'Intérieur (F.F.I.) quelle que soit l'organisation de Résistance à laquelle ils appartiennent. Pendant plusieurs jours, dans tous les groupements de Résistance, les jeunes filles et les épouses des F.F.I. s'emploient fébrilement à les confectionner.

La liaison est reprise avec le groupe des Pieux : Marcel GONNAUD se rend à Sortosville-en-Beaumont et, en prenant contact avec LE BELLEC (Toto) et BOCHER (Antoine) pour recevoir les dernières directives d' " Action ", emporte le stock de brassards pour en équiper son groupe.

Ainsi, fin mai, le Mouvement " Libération-Nord " est prêt à participer à l'" Action " en liaison constante avec les autres groupes et selon les directives données par l'état-major allié.

LE FRONT NATIONAL ET SON ORGANISATION ARMÉE :
LES FRANCS-TIREURS ET PARTISANS
(F.T.P.)

Ce mouvement, si durement éprouvé au printemps de 1943, a eu beaucoup de mal à se reconstituer. Seules, les régions d'Avranches et de Mortain avaient conservé une organisation intacte. Le rôle du nouveau chef départemental. Léon PINEL (Jules), qui a succédé à Robert COLLEATTE, fusillé le 20 septembre 1943, est de renouer et de renforcer les contacts dans cette zone : à Brécey, avec Gustave MOULIN, à Coulouvray-Boisbenâtre avec l'instituteur JUHUE, à Sainte-Pience, avec Émile CUNY (également affilié à Libération-Nord) et Roger DANJOU, à Saint-Osvin avec l'instituteur DUBOIS, beau-frère de J.-B. ETIENVRE, de " Libération-Nord ", avec Joseph GARNIER, propriétaire à Marcilly, avec TIIOMANN, menuisier et débitant à Saint-Pair, avec ROUSSEL à Carottes et Roland l'ORÉE à Saint-Michel-de-Montjoie.

Par Marc FEUILLET d'Avranches et Jean MARIE de La Haye-Pesnel, il établit des liens avec l'O.C.M. et son réseau " Centurie ".

Dès le début de l'année, Raoul SAINTELLIER, responsable technique interrégional, renoue des relations à Villedieu, avec l'artisan granitier Roger LE CANN qui, depuis l'arrestation de COLLEATTE, était isolé du Mouvement. Par ailleurs, le docteur Albert MOTHAY, chef du groupe " Libération-Nord " de Saint-James, est en relations avec des militants d'Ille-et-Vilaine : Louis PETRI (Loulou) et Mlle BOGNARD dirigeant les groupes F.T.P. Il est désigné par eux pour organiser un groupe armé, en accord avec " Libération-Nord. ".

Tous les groupes F.T.P. de la Manche-Sud sont sous les ordres du chef régional Jean TURMEAU (Alfred) et continuent à faire preuve d'une activité sans relâche.

Sur les voies ferrées

Les sabotages, opérés avec succès en décembre, continuent de plus belle. La nouvelle année est célébrée par un sabotage sur la voie ferrée, au lieu-dit La Croix Verte ", commune du Val Saint-Père, amenant le 1er janvier, à 8 h. 45, le déraillement de la locomotive et de trois wagons d'un train de ravitaillement et, malheureusement, blessant le conducteur de la machine. Les voies sont obstruées pendant quatre jours. L'équipe de sabotage comprenait cinq hommes sous les ordres de Jean TURMEAU : Georges LOURDAIS, Louis RENAULT (Léon), Jacques MANSUY (Michel) et Louis MORAZIN (André). dont deux dévissaient les tire-fonds et les éclisses, deux autres montant la garde de protection.

Une nouvelle opération est montée le 5 janvier sur la même ligne, cette fois au nord d'Avranches, au lieu-dit " La Fauvellière " entre Lolif et Marcey, provoquant le déraillement, par déboulonnage de la voie, d'une machine et de 51 wagons. Le mécanicien et le chauffeur sont indemnes. Les deux voies sont arrachées sur 150 mètres et toute circulation est interrompue pendant trois jours. A l'équipe précédente s'étaient joints Fernand DAVY et André HAY.

Toujours sous les ordres de TURMEAU, une autre équipe de F.T.P. comprenant Marius POREE, Jules RICHARD, André BLOUFT, Roger COLAS et Alphonse DAVY, utilisant la même méthode, provoque, le 11 janvier, le renversement d'une locomotive remorquant 14 wagons chargés de charbon, près d'un pont à Saint-Aubin-des-Bois, à la limite du Calvados et de la Manche, sur la ligne Paris-Granville.

Le 17 janvier, à Lolif, au lieu-dit " La Chatouillerie ", un nouveau sabotage par déboulonnage d'un rail, effectué par l'équipe d'Avranches et Fernand DAVY provoque le déraillement d'une machine haut le pied. Le mécanicien et le chauffeur sont saufs, mais la voie est arrachée : le trafic est interrompu pendant 24 heures.

Dès le lendemain, Jean TURMEAU et ses compagnons, dont Jules RICHARD et Fernand DAVY, sont à Sainte-Cécile, près de Villedieu, et sabotent la ligne Paris-Granville par la méthode habituelle. Une locomotive et six wagons de marchandises déraillent : obstruction des deux voies jusqu'au lendemain soir.

Il est à noter que, depuis les premiers attentats, les Allemands ont requis des civils pour garder les voies ferrées de jour comme de nuit. Les équipes de sabotages doivent donc, avant chaque opération, annihiler toute velléité de résistance de ces garde-voies, ce qu'ils font en les obligeant, par persuasion ou sous la menace des armes, à abandonner leur service et à se laisser ligoter par les saboteurs. Les garde-voies sont parfois arrêtés et condamnés par l'ennemi à plusieurs mois de prison.

A LA CENTRALE ÉLECTRIQUE

Sur l'ordre de l'interrégional de Normandie-Bretagne des F.T.P., les barrages alimentant la région en électricité doivent être sabotés, en prenant soin toutefois de ne pas couper les lignes à haute tension. Agissant selon les renseignements fournis par André HAY, employé à l'usine électrique du barrage de Vezins qui alimente une grande partie de la Normandie, une équipe comprenant Jacques MANSUY, Gaston LEBARBIER, Alphonse et Fernand DAVY, se dirige dans la nuit du 15 janvier vers l'usine, révolver au poing. Malheureusement, sur la pente rocheuse de la vallée, Fernand DAVY trébuche, provoquant par son arme une détonation malencontreuse qui alerte les Allemands. La petite troupe doit rebrousser chemin, non sans avoir protégé sa retraite en coupant la ligne téléphonique reliant Vezins à Avranches.

Dans la nuit du 19 janvier, une nouvelle expédition est montée par les F.T.P., aidés de quelques éléments du Calvados et de l'Orne, sous la direction de Jean TURMEAU, contre l'usine électrique de Vezins, gardée par une vingtaine d'Allemands. Le directeur de l'usine est complice : les renseignements sont fournis par André HAY à Louis RENAULT. Deux transformateurs de 65 kw et deux autres de 30 kw sont détruits par explosifs, entraînant ainsi de grosses perturbations dans les travaux de fortifications, même dans les départements limitrophes. Les cuves de quatre transformateurs sont percées et 28 tonnes d'huile sont répandues dans la rivière " La Sélune ". L'usine est complètement immobilisée pour un long moment.

De nouveau, sur la voie ferrée

Les F.T.P. de l'Interrégion multiplient les ordres dé sabotage à effectuer. Ainsi, le 20 janvier, cet organisme ayant commandé celui de la voie ferrée avant le passage d'un train de permissionnaires allemands, l'équipe de Jean TURMEAU opère dès le lendemain 21 janvier : à 20 h. 05, près de la gare de Pontaubault, la locomotive et quatre wagons du train déraillent à l'intérieur du pont de fer sur la Sélune ; pont et voies inutilisables, communications avec la Bretagne interrompues. Six garde-voies inculpés de négligence sont incarcérés à la prison d'Avranches pendant plusieurs mois.

D'autres ordres proviennent de l'Interrégion stipulant le sabotage des dépôts de locomotives, et l'attaque, à Cherbourg, de l'Hôtel Atlantique et de la Centrale électrique de l'Arsenal. Mais les effectifs sont loin d'être assez nombreux pour entreprendre ces attentats, et le groupe des F.T.P. de Cherbourg n'a pu être reconstitué depuis la disparition de COLLEATTE.

Après s'être reposé une semaine à partir du 23 janvier chez Mme JEHAN à Avranches, Jean TURMEAU se rend le 30 et le 31 janvier à Cherbourg, pour engager quelques ouvriers de l'Arsenal, mais apparemment sans beaucoup de succès.

Ce même 30 janvier vers 20 heures 30, Jacques MANSUY et Georges LOURDAIS, alors que Louis RENAULT faisait le guet, coupent les boyaux d'un train de marchandises de 80 wagons en stationnement en gare d'Avranches, immobilisant ainsi le convoi. Les marchandises doivent être transbordées et le départ de la rame se trouve très retardé. A leur retour, RENAULT et LOURDAIS sont arrêtés, après le couvre-feu, par une patrouille allemande, près de leur domicile. Comme ils portent des scies à métaux, ils indiquent qu'ils rentrent de leur travail ; ils ne sont pas inquiétés et pourtant... LOURDAIS dissimulait sous ses vêtements une mitraillette, et. dans sa poche, un révolver !!

Un nouvel attentat sur la voie ferrée est préparé sur la ligne menant en Bretagne. Le 1er février, à Céaux, au lieu-dit " Pont de la Buvette ", MANSUY et MORAZIN déboulonnent les rails pendant que LOURDAIS, LEBARBIER et Fernand DAVY font le guet. A 22 heures 25. la machine et deux wagons de marchandises quittent la voie. Le mécanicien et le chauffeur sont indemnes. La voie ferrée est obstruée jusqu'au 3 février dans l'après-midi. Furieux, les Allemands contraignent, en pleine nuit, les habitants des villages voisins : Céaux, Précey et Pontaubault, à se rassembler dans l'église pour contrôler leur identité. Deux suspects sont arrêtés, mais relâchés quelque temps plus tard.

Mais deux acteurs de sabotages Alphonse DAVY et son cousin Fernand DAVY sont arrêtés le 3 février, le premier à Pontorson, le second à Aucey-la-Plaine (Ils seront tous les deux déportés au Struthof et à Dachau.)

Leur chef, remarquable organisateur et entraîneur d'hommes, Jean TURMEAU (Alfred), vient d'être arrêté à Flers le 1er février par la police mobile de Rouen. (Emprisonné à Saint-Lô. il est exécuté le 11 mai).

Le 3 février, la police allemande perquisitionne sans résultat chez Mme JEHAN qui avait hébergé Jean TURMEAU la veille de son arrestation. Léon PINEL (Jules), responsable politique du Mouvement, lui conseille de fuir et de prendre le maquis, mais elle s'y refuse. Elle est arrêtée le 6 février et emprisonnée à Saint-Lô. Elle sera libérée quelques jours plus tard, après confrontation avec Alphonse DAVY.

La relève est alors assurée par le groupe de Sainte-Pience, agissant en liaison avec ceux de Villedieu et de Saint-Sever (Calvados). Un nouveau sabotage de la voie ferrée de Paris à Granville, par déboulonnage d'un rail, provoque, le 16 février, à 3 heures, le déraillement entre Villedieu et Saint-Aubin-des-Bois (Calvados) de la machine et de 14 wagons d'un train de matériel. Jacques CUNY a participé à ce sabotage qui fut opéré avec les tire-fonds fabriqués par Raymond MANCEL du groupe de Villedieu.

Quelques jours plus tard, dans la dernière semaine de février, MORAZIN, MANSUY et LOURDAIS posent du plastic et une mine reliée par un cordon Bickford sur la voie ferrée, au lieu-dit " La Croix Verte ", entre Avranches et Pontaubault, sans résultat ! Ils renouvellent leur tentative, mais... le train ne déraille pas ! Cependant, en avril ou mai, une mine anti-tank posée à Avranches, par eux, provoque, par son explosion, une avarie à une locomotive.

Quant au groupe de Villedieu qui avait participé au déraillement du 16 février et à la tentative de cambriolage de la mairie de La Colombe le 29 mars, pour se procurer les tickets d'alimentation nécessaires aux clandestins, il est fortement éprouvé par les arrestations, le 31 mars :

- de Georges GOFFAUX, chef de groupe, de Bernard DEBROIZE, de Roger LELAISANT puis de Georges DELAMARE.

Après avoir conseillé à Léon BRIENS et à Marcel GEFFROY de fuir immédiatement, André MAURICE trouve asile à Beslon chez M. et Mme LOSLIER, cultivateurs. Mais le 8 avril, Léon BRIENS, puis le 25 de ce mois, Louis DOUCHIN sont arrêtés,

Tous les captifs sont emmenés à la prison de Saint-Lô. Le bombardement de cette ville dans la nuit du 6 au 7 juin écrase, sous les ruines de la prison, Léon BRIENS et Bernard DEBROIZE.

A Saint-James, le 30 janvier. au cours d'une réunion clandestine à laquelle participent Louis PETRI (Rolland ou Tanguy), chef des groupes F.T.P. de 1'111e-et-Vilaine, son adjoint, Julien LAMANILEVE, du groupe de Fougères, Georges BOIVENT et Georges LEGOURD, il est décidé de détruire un gros transformateur d'électricité, bien gardé. situé à Saint-Hilaire-du-Harcouét.

Armés de trois pistolets et d'une musette d'explosifs, ils se rendent dans cette localité à bicyclette. Mais des incidents mécaniques ayant rendu celle de LAMANILEVE inutilisable, ils sont contraints d'emprunter pour quelques jours une voiture automobile qui, hélas ! reste en panne d'essence. Il faut renoncer au projet. Ils passent la nuit dans le garage appartenant au père de LAMANILEVE et y découvrent des bidons d'essence soigneusement camouflés, ce qui leur permet de regagner en voiture Saint-James et Fougères.

Mais l'enquête menée sur la disparition du véhicule amène les arrestations, le 7 février, d'Édouard LEGOURD à Fougères, et de son jeune frère Georges, âgé de 16 ans, à Saint-James. Tous deux seront déportés à Neuengamme, sous l'inculpation de recel d'armes et d'explosifs, détention de fausses cartes d'identité et de tracts, et appropriation d'une voiture sur ordre du groupe.

A Saint-Hilaire-du-Harcouët, le groupe est dirigé par Louis BLOUET, qui a engagé en janvier Eugène HAMEL, négociant au Neufbourg, comme agent de liaison, disposant d'un permis de circuler pour son commerce. Celui-ci reçoit l'adhésion, au groupe, de Georges MONNERIE, instituteur à Romagny.

A Barenton, le chef de brigade de gendarmerie, Constant DAUVERGNE, forme, dès le début de janvier. un groupe avec ses hommes : Gabriel MOUCHEBCEUF, Robert VASSELIN, Aristide LECOMTE, André BARTHONEUF et Émile GOUJON, auxquels viennent se joindre Roger LAUNAY, mécanicien, et son frère. Dès le mois de mai. il sera prêt à l'action, sous les ordres d'André LEFEVRE (César), commandant le secteur de Dom-front.

Un pigeon voyageur parachuté dans la région est recueilli par le gendarme LECOMTE. Après un repos de deux jours, le volatile est lâché, emportant les renseignements demandés par les Alliés sur les effectifs allemands.

Avranches. - Depuis l'arrestation de Jean TURMEAU, c'est Léon PINEL (Jules) qui est chargé de reconstituer le Mouvement. Il trouve facilement gîte et couvert à Avranches, chez Octave FEUILLET, chez Louis RENAULT ou à Saint-Brice-sous-Avranches. chez les époux HAMEL. C'est au domicile de ceux-ci que PINEL rédige les tracts appelant à lutter contre les réquisitions de récoltes, les journaux clandestins incitant la population à la Résistance contre l'ennemi.

Malheureusement, au cours d'une liaison avec les groupes de Bretagne, il est arrêté à Sens-de-Bretagne et incarcéré le 5 mars à la prison de Vitré. Il sera remplacé par René BERJON (Émile) qui trouvera des lieux d'hébergement, notamment à Brécey, chez Auguste JOUENNE, lequel assure son trans-port et ceux des agents du Mouvement jusqu'en gare de Pontaubault.

Une des tâches essentielles est de fournir de fausses cartes d'identité et des tickets d'alimentation aux nombreux réfractaires du S.T.O. qui s'engageront, le moment venu, dans les groupes de Résistance. Ce soin a été confié par Jean TURMEAU (Alfred) à Bernard PRIOLET et à Octave FEUILLET. A cet effet, ils se rendent à Saint-Lô au Service de la Main-d'œuvre où PRIOLET avait été employé sous les ordres du Directeur adjoint de cette administration. S'étant présentés comme volontaires au S.T.O. et profitant de l'absence momentanée du chef de service, ils réussissent à s'emparer de feuilles blanches et du cachet qu'ils y apposent. Ainsi, il sera possible, avec les empreintes, de fabriquer de faux cachets et de fausses cartes d'identité.

Au cours d'une réunion tenue à Tessy-sur-Vire entre l'interrégional Raoul SAINTELLIER, Léon PINEL et Octave FEUILET, celui-ci est désigné pour centraliser l'aide aux réfractaires. Le 18 avril, le chef du groupe d'Avranches. Louis RENAULT (Léon) est arrêté. Son beau-frère, André HAY, prévient FEUILLET, l'engageant à avertir Bernard PRIOLET et à fuir. FEUILLET rassemble les papiers compromettants, les confie à Alexis ALLAIN qui les dissimule avec soin dans l'entrepôt d'un... " collaborateur ", Avec PRIOLET, il brûle, tracts, journaux clandestins, fausses cartes d'identité prêtes à être livrées.

Si son camarade peut fuir à temps, FEUILLET, ayant fait l'imprudence de retourner chez lui. est arrêté par la feldgendarmerie. Le même jour sont arrêtés Théophile BLESTEAU, marchand ambulant à Avranches et, à Aucey-la-Plaine, Francois DORE, employé à Saint-Lô au Ravitaillement général pour des motifs identiques, Celui-ci sera déporté en mai 1944 en Allemagne, décédé le 13 août 1946 des suites de sa déportation. Les autres. ainsi qu'Abel FROGER, chef de district au Ravitaillement général, arrêté le 24 avril à La Haye-Pesnel, membre du même groupe. auront à subir des peines moins sévères dans des prisons et dans des camps forestiers, dont la plupart pourront s'évader.

Cette suite de revers est heureusement compensée par la réussite d'un coup de main, organisé par le groupe F.T.P. de Bretagne, dirigé par Louis PETRI (Loulou-Tanguy), le 30 avril, contre la prison de Vitré. De nombreux prisonniers furent délivrés, dont le responsable du Front National de Manche Sud, Léon PINEL, incarcéré depuis le 5 mars, qui rejoint le camp du maquis de Montanel dirigé par LANSONNEUR. D'autres évadés comme Joseph FALIGOT et son camarade PAIRY, de Louvigné-du-Désert, trouvent refuge à Saint-Michel-de-Montjoie chez Alexandre HILLIOU et ses frères. Ils se rattacheront. ainsi qu'Arsène PARIS et son gendre Roger PALARIC, au groupe que dirige Jean FRENE dans la région de Vire.

Comme pour tous les Mouvements, le mois de mai est, pour les F.T.P., celui de la préparation au combat imminent. Les F.T.P. vont devenir, depuis la création du Comité de Libération, des F.F.I. La propagande par journaux et tracts clandestins s'est intensifiée et poursuivie pendant toute cette période de 1944, grâce à l'activité de Michel TAUZIN qui imprime " Le Patriote Normand " sur une ronéo camouflée à Saint-Laurent-de-Cuves, chez la mère d'André DEBON, et dont la diffusion est assurée par tous les groupes du Mortainais et de l'Avranchin.

Et. en ce mois, au cours d'une entrevue avec le brigadier de gendarmerie DAUVERGNE, chef du groupe de Barenton, préparée par le Docteur JULIEN qui en est devenu membre, un contact important est noué avec le chef du groupe de résistance de Saint-Cyr-du-Bailleul, Jean FOUQUET qui met DAUVERGNE en relations avec le maquis de Saint-Georges-de-Rouelley, fort d'une cinquantaine d'hommes installés à la Fosse-Arthour. Les deux groupes sont sous la direction d'André LEFEVRE (César), instituteur, chef du groupe de Domfront (Orne), La gendarmerie de Barenton en assure la surveillance et la protection.

Lorsque le mois de mai s'achève, les F.T.P., bien que très insuffisamment armés, sont prêts à affronter l'ennemi dès que l'ordre d'insurrection des F.F.I. sera donné.

LE GROUPE MARLAND

Si la préoccupation essentielle du groupe reste celle de fournir aux Alliés des renseignements précis sur l'activité de l'ennemi, l'adhésion, au début de janvier de Bernard YVON, jeune résistant du Corps franc du mouvement parisien " Vengeance ", va inciter Maurice MARLAND à former une équipe de jeunes patriotes susceptibles de participer à l'Action armée, en liaison avec le groupe du Commandant GODARD, de Bréville, et celui de René JUMEL, à Cérences (voir plus haut l'étude sur l'O.C.M. et sur " Libération-Nord "). Bernard YVON, élève au Lycée de Coutances, en allant rendre visite à ses deux grands-mères, dont l'une habite Cérences et l'autre Granville, sera non seulement un agent de liaison et de renseignements entre ces groupes, mais, par son dynamisme, un excellent recruteur de jeunes patriotes. Successivement, il engage Roger LAMY, Julien GAILLARDON, boulanger à Bréhal, Michel HUAUX qui le met en relations d'abord avec son oncle " Antoine ". Celui-ci habitant à la pointe d'Agora, près du phare, peut facilement surveiller la garnison allemande de Coutainville et tout l'estuaire de la Sienne. Enfin, il enrôle Fernand PAINSECQ et " Joseph ".

Un coup de main préparé par le groupe sur la mairie de Lengronne, le 24 février, réussit à lui assurer 520 tickets d'alimentation, bien nécessaires pour assurer le ravitaillement de ses membres vivant dans la clandestinité.

L'échange de messages entre MARLAND (Robespierre) et l'Angleterre se poursuit. Il a reçu le 2 février une nouvelle demande de renseignements complémentaires sur les défenses de la région et de la ville de Saint-Malo. Le lendemain, il accuse réception de ce message par poste émetteur et fournit aux Alliés les indications suivantes sur Granville, que pots résumons ainsi :

Le nombre de soldats stationnés, en diminution sur l'année précédente, est estimé à 500 hommes appartenant à diverses unités. Les contingents prélevés sur la région appartenant à la 85e D.I. ont été dirigés sur la région de Saint-Malo et la presqu'île de Bretagne. Les troupes restant à Granville sont des réservistes âgés de 40 à 48 ans. L'Officier de marine commandant l'entretien et l'organisation du port a été dirigé sur le nord de la Baltique ainsi que nombre de ses camarades. Le moral est peu élevé ; on note des dissentiments profonds entre les différentes armes. Le prestige d'HITLER a, disparu, la haine est vive entre les S.A. et les S.S., toute confiance en la victoire certaine s'est totalement évanouie.

Détails sur armement

Des blockhaus de 3 mètres d'épaisseur de superstructure, armés d'un unique canon de 88, sauf pour l'ouvrage du lieu-dit " Le Fourneau ".

Rien n'empêche donc des troupes attaquant par la terre de prendre les fortifications à revers, puisqu'aucun front terrestre en profondeur, formant ouvrages ceinturant et verrouillant les forteresses côtières, n'a été édifié.

La défense de la ville, sans valeur militaire, à part son utilité pour le ravitaillement des îles anglo-normandes, ne peut se soutenir. Effectifs stationnés dans ces îles, évalués à 35.000 hommes, jeunes, bien entraînés et équipés, soutenus d'une artillerie puissante de D.C.A. et de blindés.

Aucun aérodrome n'a été construit dans les îles.

Accusé de réception : " Demain, on fera tout dans les règles. "

Le 6 mars, Maurice MARLAND reçoit d'Angleterre le message ainsi conçu :

" Comme suite aux renseignements appréciés que vous avez transmis sur la côte Est du Cotentin. veuillez diriger votre activité clans le même sens à déceler les défenses établies sur toute la côte septentrionale du département. de Barfleur à La Hague. C'est une mission délicate et importante qui vous est demandée, nous savons que vous aurez à cœur de la remplir, mesurez vos possibilités sans regarder les risques, adaptez la manœuvre à suivre aux réactions allemandes ".

Le jeune étudiant Edmond FINCK, pour échapper à la réquisition pour le S.T.O.. a dû quitter la Sorbonne pour se camoufler. Vers la fin de janvier, en situation irrégulière, il est hébergé à l'École Normale d'Instituteurs de Saint-Lô, par le Directeur de cet établissement M. DEFOND. Sa situation est régularisée par la remise d'une fausse carte d'identité fournie par le Directeur de l'école annexe Louis ANNE, et l'obtention de faux certificats de travail remis par le Capitaine DIDIER, chef du service départemental de la Main-d'œuvre, qui, par sa fermeté face aux exigences de l'ennemi, a su éviter le départ pour l'Allemagne de nombreux jeunes gens. Le 31 mars, celui-ci prendra Edmond FINCK comme employé de bureau dans son service ; ainsi, il est à même de fournir beaucoup de fausses pièces d'identité au groupe MARLAND, mais aussi à Louis ANNE qui les destinait aux enseignants en situation irrégulière.

Il peut désormais se déplacer sans craintes et signaler à MARLAND en avril des concentrations de troupes allemandes aux abords de la côte Est du Cotentin. aux environs de Carentan, appartenant à la 91e Division et à la 243e Division d'Infanterie, et plus au Nord. aux 709e et 247e Division, avec quelques éléments de la 17e Division blindée de S.S. Un peu plus tard, il signale au Nord de Saint-Lô une concentration d'éléments de la 352e et de la 716e Division d'Infanterie, et à l'Est, au Sud de Caen, la présence de la 21e Division blindée et de la 12e Division blindée S.S. Au cours d'un déplacement le 1er mai à Carteret, il remarque que le 739e Régiment d'Infanterie est formé de Géorgiens et que la 716e Division signalée la semaine précédente, a détaché des éléments vers La Haye-du-Puits.

Vers la fin d'avril et le début de mai, Lucien FINCK et Charles HUBERT se rendent plusieurs fois à Folligny pour localiser les points où le sabotage des voies ferrées serait à opérer pour paralyser le trafic aux jour et heures fixés par la radio anglaise.

LE RÉSEAU F. 2

A Saint-Lô

L'activité de ce réseau se poursuit sous l'impulsion de QUÉGUINER et de Fernand LECHEVALLIER qui continue ses actions de sabotage de wagons, de voitures et de matériel de guerre chaque fois que l'occasion se présente. Il dispose d'un bon agent de renseignements, René HOREL, commerçant, près du collège d'Agneaux, occupé par l'ennemi. Mais, victime d'une dénonciation par un membre du groupe de collaboration avec l'ennemi. le P.P.F. (parti populaire français fondé par Jacques DORIOT). HOREL est arrêté le 5 février et interné à la prison de Saint-Lô jusqu'au 6 juin. LECHEVALLIER est aidé dans la recherche des renseignements par le palefrenier du haras André MONTAIGNE et par son ouvrier Lucien ADAM.

Le groupe des cheminots est en relations constantes avec LECHEVALLIER. Ainsi, au cours du premier trimestre, Gédéon BERUEL, employé à la gare de La Meauffe, transmet par l'intermédiaire du chef du groupe de la S.N.C.F. Charles BONNEL, le plan des travaux importants entrepris par les Allemands dans une carrière située à 500 ni de cette gare : en mai, 20 avions de la Royal Air Force bombarderont ce chantier, susceptible d'être utilisé pour l'établissement de rampes de lancement de fusées V.1.

Dans le début de mai, Jules RIHOUEY (La Varlope), agent polyvalent de la S.N.C.F., au cours d'un déplacement à Torigni, reçoit de son collègue Julien DUGUE des renseignements sur la présence d'une batterie d'artillerie à longue portée, précisant l'effectif des servants, la périodicité des tirs et la durée des manœuvres préalables. RIHOUEY fait la connaissance d'un des militaires allemands ayant servi 18 ans dans la Légion étrangère de l'armée française, qui lui fournit une photographie des pièces de 280 mises en batterie, et l'invite même à assister à la préparation de mise en position de tir, opération durant 6 heures. Ces précieux renseignements sont remis à BONNEL qui les transmet à AUGER, chef de gare à Caen, en même temps que les plans des gares et voies ferrées de Saint-Lô et de Torigni.

Dans le Nord du Cotentin, en mars, sur le conseil du lieutenant de gendarmerie maritime Yvon GIUDICELLI, le gendarme Louis RENARD constitue dans la région de Barneville un petit groupe d' " Action " avec Pierre COURBARON de Saint-Jacques-de-Néhou, Pierre NÉE du Valdecie, René LEROY qu'il arme d'un revolver et Louis TESSON de Carteret. C'est à la même époque que le lieutenant GIUDICELLI qui a constitué un groupe à Flamanville prend contact aux Pieux avec Marcel GONNAUD, responsable du Mouvement " Libération-Nord " de ce canton. La fusion des deux groupes en un seul groupe d' " Action " est alors décidée.

Il nous faut rappeler ici la participation active des membres du réseau : GIUDICELLI, Émile VOISIN, Pierre RŒMER, Albert FATOSME, au trans-port d'armes ramenées des confins du département de l'Orne. (Voir ci-dessus étude sur le réseau O.C.M. Centurie.) Malgré l'insuffisance du stock, cet approvisionnement avait fort encouragé les résistants. L'armement des cinq secteurs du canton des Pieux put être ainsi assuré partiellement. Il sera complété par l'armement amené à la ferme " La Beauce " chez François LANGLOIS. cultivateur à Tréauville, par deux déserteurs, un Polonais et un Tchèque qu'il héberge. C'est dans cette ferme isolée que GIUDICELLI installe son poste de commandement.

Ajoutons que le réseau a pu constituer à Besneville, en liaison avec l'O.C.M., un groupe dont la principale activité est de camoufler des réfractaires et des juifs pourchassés, et de leur fournir de fausses cartes d'identité.

Cependant, une nouvelle tâche va incomber à l'organisation. Le 8 février, Jean-Baptiste SAUVEY, gérant du bois de Barnavast et Ferdinand LEMONNIER, cultivateur au Theil, découvrent un aviateur américain tombé le 8 février d'une " forteresse volante " abattue par la D.C.A. allemande. Ils le cachent dates un taillis, puis, à la nuit, LEMONNIER l'héberge dans une petite chambre de sa maison. Dès le lendemain. il se rend à Cherbourg et sur le conseil du chanoine LEBAS qu'il connaissait, s'adresse à Mme ANQUETIL, dont le fils réfractaire au S.T.O. était caché également chez LEMONNIER. Celle-ci, tenancière d'un café sur le quai, consent. pour quelques jours, à garder l'aviateur. Le 10 février, dans la cabine d'un camion automobile appartenant à Georges BOURDIER, réfugié au Theil, prennent place l'aviateur COVINGTON. LEMONNIER et BOURDIER qui conduit le véhicule jusqu'à Cherbourg, évitant de justesse un contrôle allemand.

Pendant ce temps, par l'intermédiaire de Joseph RYST et de Pierre RŒMER, le réseau est alerté par Lucien ADAM.

Quelques jours plus tard, c'est le lieutenant de gendarmerie GIUDICELLI qui héberge l'Américain à son domicile où vient le chercher, le 18 février, avec son camion. Fernand LECHEVALLIER accompagné de Lucien ADAM pour le camoufler à Saint-Lô chez leur chef QUEGUINER. Sur demande de LEVIANDIER, à la mi-mars, LECHEVALLIER prend l'aviateur en charge, et l'héberge. Après avoir pris contact avec le réseau parisien, LECHEVALLIER doit multiplier les précautions pour assurer le transfert de COVINGTON à Paris. A 11 h. 30, le 1er avril, il le conduit à la gare de Saint-Lô où il est pris en charge par Jules RIHOUEY. Dans l'attente du train, l'aviateur est camouflé dans le bureau du chef de district, LEGRANI), mis d'avance au courant. Jules RIIIOUEY et Gustave BACON restent avec l'aviateur jusqu'au départ du train à 13 h. 30 vers Coutances, dans lequel ont pris place COVINGTON et F. LECHEVALLIER. Ils sont alors accueillis par ACARD, employé de la S.N.C.F. en gare de Coutances, qui loge l'aviateur et son guide, à son domicile pour la nuit. Le lendemain 2 avril, ils prennent le train pour Folligny puis Paris où le militaire sera hébergé et camouflé chez Pierre HUGON, membre du réseau et ami de F. LECHEVALLIER. Le sauvetage et le rapatriement des aviateurs alliés n'avaient guère de chances de réussir en dehors d'un réseau d'évasion.

Ainsi, un autre aviateur américain de la même escadrille s'est présenté le 8 février à Tourlaville au café tenu par Mme LANCRE. Il est ravitaillé, puis camouflé par Camille LECLERC dans le grenier à foin du poste de secours de la Coopérative dont il est le Président. Cela, avec la complicité de Mme BONAMY et de sa fille, et de Mlle LETERRIER, interprète. Après y avoir passé la nuit, il est revêtu d'un costume civil et muni par son bienfaiteur de 200 francs, d'un plan de Paris et de deux adresses. Il est accompagné sur la route par C. LECLERC jusqu'à Chiffrevast à 5 km de Valognes. Il n'a pas été possible de savoir ce qu'il était devenu.

LA DESTRUCTION DU RÉSEAU " DELBO-PHENIX "

C'est au début de janvier que ce réseau de renseignements franco-belge, créé et animé avec beaucoup d'efficacité par son chef Paul TALLUAU, va s'écrouler sous les coups de la Gestapo à la suite des arrestations opérées par cette police redoutable, dans la région parisienne. Le 6 janvier, Paul TALLUAU est arrêté à Cherbourg (transféré à la prison de Fresnes. il est ensuite déporté à Gusen-Mauthausen où il meurt le 22 août 1944). Trois semaines après, la plupart des membres du réseau du Nord-Cotentin : Augustin LEMARESQUIER, Alphonse LE BARON, JESSURUN, Fernand HENRY. Jean DELACOTTE et Marie-Louise COUPEY, sont arrêtés le 29 janvier. Pour faire bonne mesure, on arrête aussi le comptable de Jean DELACOTTE, Pierre KERROUX, qui était en conversation d'affaires avec son patron et ignorait tout de son activité clandestine. Conduits à la prison de Fresnes, ils seront libérés le 10 mars, grâce à l'intervention, auprès du colonel allemand WITZEL, Kreiskommandant de Cherbourg, de sa confidente Mlle Thérèse COMPERE, membre du réseau " Alliance ". Celle-ci ayant rencontré, le 10 mai, Michel BRONNE qui était recherché, lui signifie de quitter Cherbourg immédiatement, son arrestation étant imminente. Il part aussitôt pour Argentan où il se met sous les ordres de son frère, capitaine des F.F.I.

LE RÉSEAU " ALLIANCE " ANÉANTI

Le poste émetteur du réseau, confié à René LESEIGNEUR et à son opérateur André Marcel LEBOULLENGER étant en panne, est remis au Docteur Jack MESLIN qui alerte au début de janvier Alphonse LANGE (Chetostome), inspecteur de police, en le priant de venir à son cabinet pour " retirer son ordonnance ". Le Docteur MESLIN, fortement soupçonné par la Gestapo, estime que le poste sera mieux en sécurité au domicile d'un fonctionnaire de la police. LANGE emporte donc chez lui la valise contenant l'appareil et deux cartes d'état-major qu'il dissimule sous son lit. Vers la fin de janvier, mission lui est donnée par Jean TRUFFAUT (Tadorne) de se rendre à Brix, près de l'église, où il devra remettre la valise à un agent du réseau dont il lui donne le signalement. (C'était André LEBOULLENGER (Hocco), spécialiste de radio.) Il devra surveiller le secteur jusqu'à 21 heures et reprendre la valise. La mission est accomplie sans encombre.

Le 20 février, Jack MESLIN (Le Vairon) lui demande de se rendre rue des Halles à Cherbourg où, à 11 heures, il doit remettre à Jean TRUFFAUT la précieuse valise. Mais Jean TRUFFAUT ne se trouvant pas au rendez-vous, LANGE la confie à un ami L. MAJOR, tenancier d'un café tout proche, qui en ignorait le contenu.

Arrestations

Le 13 mars, Jean TRUFFAUT, agent de liaison avec le réseau parisien, part en mission en fixant avec HAUGMARD son retour au vendredi 17 mars.

On ne reverra plus ce jeune chef de 22 ans ! Arrêté le 14 mars à Paris, il est déporté avec 107 autres membres du réseau au camp d'extermination du Struthof (498) où il est abattu avec ses compagnons dans le massacre de la nuit du 1er au 2 septembre 1944.

Sur ordre de Jack MESLIN, ignorant cette arrestation, Alphonse LANGE se rend le 17 mars au rendez-vous fixé antérieurement, à 11 heures, rue des Halles, par Jean TRUFFAUT, qui devait rapporter de Paris de nombreux quartz pour le fonctionnement du poste émetteur. Dès son retour dans l'après-midi, au poste de police, il est arrêté nais grâce à deux policiers français, LEYMARIE et AUBREE, il peut faire prévenir MAJOR de se débarrasser au plus vite de la valise qu'il lui avait confiée. Ce qui fut fait immédiatement. Le poste sera caché le jour même par MAJOR à son lieu de refuge de Saint-Martin-le-Gréard, enfoui dans le jardin et remis à la police française, après la libération de Cherbourg.

Plusieurs membres du réseau sont arrêtés ce même jour : le docker Eugène CAUVIN (Léonard) qui renseignait le réseau de Port-en-Bessin. sur les mouvements des vedettes allemandes de Cherbourg. Roger LAULIER, Jack MESLIN, Alphonse LANGE, André LEBOULLENGER, René LESEIGNEUR, à Brix, Raymond HAUGMARD à Carentan, le docteur PHILIPPE à Saint-Lô. Le lendemain 18 mars, le sous-préfet de Cherbourg, Lionel AUDIGIER, et le 30 mars, André CONARD à Agon. Transférés à la prison de Saint-Lô, LAULIER, MESLIN, AUDIGIER, LESEIGNEUR périront sous le bombardement de la nuit du 6 au 7 juin 1944. C'est la fin, pour le département de la Manche, d'un des plus prestigieux réseaux de renseignements de la France occupée.

ACTION P.T.T.

Ce réseau, bien qu'autonome dans sa composition, a depuis longtemps des relations étroites avec d'autres formations, notamment avec le réseau Centurie " de l'O.C.M et. dans la région Manche-Sud, dès le 2 janvier, avec les organisations du Front National. les F.T.P. et leurs chefs : Raymond CHIVET, chef du centre de télécommunications d'Avranches et Jean TURMEAU (Alfred), ensemble, ils vont reconnaître les points prévus pour opérer, le moment venu. le sabotage des câbles souterrains reliant Cherbourg à la Bretagne : à Pontautault, route de Villedieu et route de Granville, et des câbles aériens aboutissant au standard à 50 m du centre des lignes souterraines à longue distance (L.S.G.D.).

Dans ce même mois, Clément SÉGER est nommé chef du centre d'amplification de Saint-Lô. C'était un des membres qui, à Paris, avait fait partie du groupe de Robert KELLER, lequel, en 1942, captait les communications du Grand Quartier Général allemand. Le responsable national adjoint du réseau, Maurice HORVAIS conseille à Marcel RICIIER de prendre contact avec le nouveau venu, ce qui fut fait par l'intermédiaire d'Etienne BOBO. Dès avril, Clément SEGER est en mesure de remettre à CROUZEAU les plans officiels des points de départ. de l'itinéraire et des points d'aboutissement des câbles des lignes souterraines à grande distance installés par l'ennemi dans le département de la Manche. En février, un officier de l'armée anglaise en mission, Renaud DANDICOLLE (capitaine DUNBY) a pris contact à Paris avec Maurice HORVAIS. Il cherche des lieux propices à un parachutage d'armes en Normandie. Celui-ci lui indique la présence à Villebaudon, où ils sont réfugiés, d'Edmond DEBEAUMARCHE et d'Ernest PRUVOST, responsables nationaux d'Action P.T.T., Henri LEVEILLÉ les rejoint. Des recherches sont entreprises dans la région qui aboutissent trois mois après au parachutage d'armes de Sainte-Marie-Outre-l'Eau, près de la limite départementale avec le Calvados. PRUVOST a confié à Mme LEBLOND née HARDY, institutrice à Villebaudon, le message " Aimer et vivre " convenu avec Renaud DANDICOLLE, annonçant ce parachutage.

Le 9 mai, Mme LEBLOND, qui a refusé, malgré les ordres du Gouvernement de Vichy, de rendre son poste écouteur de radio, capte ce message. Elle alerte FILLATRE qui part aussitôt dans l'automobile du docteur J. André LEBRUN de Tessy-sur-Vire pour Saint-Lô, afin de prévenir l'équipe de René CROUZEAU. A 21 heures, le même message est à nouveau capté par Mme LEBI,OND.

Avec PRUVOST, Alphonse FILLATRE, Germaine de SAINT-JORES et Raymond ABDON, elle participe à la réception des armes sur le terrain de Sainte-Marie-Outre-l'Eau où ils sont rejoints par la camionnette des P.T.T. conduite par Raymond ROBIN dans laquelle ont pris place René CROUZEAU, Etienne BOBO et Clément SEGER. Tandis que quatre hommes, munis de torches, dont FILLATRE et PRUVOST (Potard) balisent le terrain en forme de R, les autres prennent livraison de 3 tonnes d'armes réparties en 15 containers : fusils-mitrailleurs, colts, mines, plastic, munitions. Une partie du stock est dissimulée dans une ferme inhabitée de Beaucoudray, la maison du village du bois : une autre est cachée au magasin de l'atelier de menuiserie de la Direction des P.T.T. à Saint-Lô, dans lequel, malgré le voisinage des Allemands, les résistants du groupe apprennent le maniement d'armes.

Dès le surlendemain, André LEBOUVIER, accompagné du vétérinaire TEXIER-HUGOU, se rend à Beaucoudray d'où il rapporte des armes qu'il cache, sous des tubes de caoutchouc, dans son jardin à Percy. Quelques jours plus tard, c'est Maurice ROSSELIN, employé dans la quincaillerie de Marcel TABUR à Avranches qui assure, en camionnette, le transport des armes pour CHIVET et ses camarades, du groupe F.T.P. d'Avranches.

Mais le terrain de parachutage de Sainte-Marie-Outre-l'Eau étant maintenant connu des Allemands. André LEBOUVIER, LORIDANT et le docteur LEBRUN ont trouvé un terrain pouvant convenir pour une nouvelle opération situé à la cote 226, au lieu-dit " Les Haies-Tiggard ", à Saint-Pierre-de-Fresne, dans le Calvados. Le message convenu avec Londres est : " Poudre et couleur peuvent tout changer. ". Le débarquement des Alliés le 6 juin a lieu avant l'expédition projetée, mais au cours de la bataille de Normandie le terrain sera utilisé pour les opérations militaires.

Dans la deuxième quinzaine de mai, chacun pressent de grands événements proches.

Rappelons que le 20 mai, le postier Etienne BOBO s'est rendu à Périers à bicyclette pour en rapporter une mitraillette qu'il camoufle à son retour, sous son imperméable, et qu'il remet à BOUVIER (voir plus haut, Réseau " Centurie ").

A Saint-Lô, le groupe reçoit en fin mai le plan des opérations à effectuer dès le débarquement : le bureau de la Direction des P.T.T. gardé par les Allemands doit être attaqué et les installations sabotées ; central et stations harmoniques au 1er étage et au sous-sol, le central auquel aboutissent toutes les lignes du front de mer. Le plan prévoit également le sabotage des câbles et des lignes aériennes au point de coupure. Trois messages donneront l'ordre des opérations : " Les dés sont sur le tapis. ", sabotage des câbles ; " Il fait chaud à Suez. ", message de débarquement et déclanchement de la guérilla ;

" L'appel du laboureur dans le matin brumeux. " concernait le rassemblement du groupe de Saint-Lô et la constitution d'un maquis à Villebaudon.

Ainsi, tout est prêt en vue d'aider les Alliés dès l'ouverture du front par un débarquement des troupes alliées.

LE RÉSEAU " RÉSISTANCE-BÉARN "

Pierre LE BLANC, cultivateur à Lingreville, agent de renseignements très actif, prend contact, au début du printemps avec le chef du secteur de Bréhal du réseau " Centurie " Yves LEFRANÇOIS, instituteur, puis par l'intermédiaire de Gustave CAMBERNON, instituteur retraité, il est mis en rapport avec Maurice MARLAND, chef de la résistance granvillaise. Le 18 mai, alors qu'il est à Paris pour remettre à Albert BOURGEON (Bernard) les renseignements recueillis auprès de ses agents dans le Département et recevoir du matériel pour radio, il apprend l'arrestation de son chef. Un des responsables du réseau parisien, CURINIER, le dirige alors sur celui du colonel PAGES qui désigne Louis GUILBERT pour assurer les liaisons avec Pierre LE BLANC jusqu'à la libération.

ORGANISATION DE RÉSISTANCE DE L'ARMÉE (O.R.A.)

SERVICE DE RENSEIGNEMENTS " KLEBER - MARCO "

Sous l'impulsion de Claude ROUSSELLE et de Jean VIVIER, ce réseau continue à glaner toutes indications sur les activités ennemies. C'est ainsi que pendant la deuxième quinzaine de mai, des éléments d'une division blindée allemande, logés dans le château du Bois Chicot à Servon et se dirigeant vers le Nord-Cotentin sont signalés par Claude ROUSSELLE, propriétaire du château. Il est appelé fin mai à Cahors pour recevoir, au cours d'une réunion clandestine, les consignes de l'O.R.A. en vue d'un prochain débarquement des Alliés.

RÉSEAUX PRAXITÈLE (MABRO) ET MARATHON

A partir de janvier, les liaisons suspendues sont reprises par Daniel BOURDON (Alain), étudiant en médecine, qui vient de Paris chaque vendredi pour passer la fin de la semaine chez son père, ancien directeur d'École Normale, maire du Chefresne. Il repart le lundi, en passant par Rennes, où il prend contact avec l'antenne du réseau dans cette ville pour donner les  consignes et prendre le courrier.

Toutes les semaines, le service des Ponts et Chaussées qui doit fournir des camions aux troupes d'occupation est ainsi renseigné sur les mouvements de troupes. GUISLE et Catherine LEFRANC notent ces indications. LIEBARD surveille les gués des marais du Bas-Cotentin et signale aux demoiselles LEFRANC, relevés sur carte, les différents niveaux de l'eau à ces passages ; ils variaient souvent selon les marées et les saisons. Les insignes et numéros des unités allemandes sont notés par Mlle Bernadette LECLERC, qui habite en face du château où logent les officiers d'état-major des troupes de passage.

Outre leur transmission à Paris par (Alain) Daniel BOURDON, ces renseignements étaient acheminés à Cherbourg par Marcel MERCIER, chauffeur du car régulier, qui remettait à Mlle LAINÉ les documents que son frère Charles, agent technique aux Ponts-et-Chaussées, membre du Réseau, transmettait à son chef LEVIANDIER.

Celui-ci, d'ailleurs, se rendait souvent à St-Lô où son frère dirigeait un centre d'accueil. Il donnait alors aux demoiselles LEFRANC toutes informations sur le trafic allemand du port de Cherbourg. Quant aux renseignements d'ordre ferroviaire, mouvements de troupes et de matériel, ils étaient fournis par Charles BONNEL (La Fumée), à Raphaële LEFRANC chargée de les recopier.

RÉSEAU GALLIA - REIMS (Noël COTTY)

Ce réseau de renseignements est représenté à Cherbourg par Francois LOROU, maître fourrier de la Marine Nationale, chargé de l'Administration des marins-pompiers et de la Défense Passive de Cherbourg, engagé en février par un maître secrétaire militaire de la Marine Nationale : BERANGER. A partir de mars, il transmet à celui-ci chaque semaine en se rendant à Paris, des précisions sur les mouvements de navires du port militaire de Cherbourg, fournis par des techniciens des ateliers de réparations des Constructions Navales, donnant la date prévue de fin des travaux et particulièrement celle de l'appareillage des navires. LOROU signale ainsi à BERANGER l'identification des unités allemandes occupant la ville, les zones minées, l'implantation de barrages anti-tanks à Cherbourg, Folligny, Avranches. les travaux de fortification et des rampes de lancement de V. 1. dans le Nord-Cotentin, que lui indiquent les ouvriers français requis dans l'Organisation TODT. Il va d'ailleurs sur place pour mieux repérer les lieux. Il établit des rapports sur les points de chute des bombes lancées dans la région, l'emplacement des dépôts de munitions, et peut, en outre, indiquer le nombre de camions et de voitures de tourisme pouvant être requis par les Allemands.

Il évalue l'importance des effectifs grâce aux indications fournies par les blanchisseries particulières de Cherbourg, prévenues de fournir le linge pour un jour fixé. Grâce à ses fonctions de fourrier, LOROU connaît chaque semaine par la Direction des subsistances de l'Arsenal, le nombre de boules de pain fabriquées journellement, dont il peut déduire l'importance des effectifs.

RÉSEAU " AJAX - MICROMECAS "

C'est à ce réseau de renseignements dépendant du Bureau central de renseignements et d'action militaire (B.C.R.A.M.) que. en février ou mars. Claude ROUSSELLE a pu fournir le plan des défenses du port de GRANVILLE, notamment celui des emplacements de batteries du Roc et du Fourneau que lui a établi l'architecte de la Ville de Granville : NILLUS.

Grâce aux nombreux renseignements fournis pendant toute la période d'occupation par les agents des réseaux et mouvements de résistance du département, les Alliés doivent posséder une appréciation d'ensemble sur les défenses de l'ennemi qui. toutes, ont été identifiées et signalées. Ils savent aussi que les équipes de sabotage qui ont fait leurs preuves dans le sud du département ont fortement contribué à saper le moral de l'ennemi, créant autour de lui une atmosphère d'insécurité. En outre, les groupes d' " Action " sont maintenant à pied d'œuvre et, bien que très insuffisamment armés, prêts à remplir leur rôle dès que l'ordre d'insurrection sera donné.

La veillée d'armes commence et chacun attend avec impatience, mêlée d'un sentiment de gravité, les messages convenus. Dans une semaine, ce sera l'aube de la Liberté.

LA VEILLÉE D'ESPOIR

Le mois de juin 1944 s'ouvre dans l'espoir d'une proche libération. Non seulement les chasseurs et bombardiers alliés fréquentent de plus en plus la région, mais la récente inspection du maréchal ROMMEL en Normandie, les ordres qu'il a donnés de planter des pieux sur les plages, dans les champs, dans les marais, indiquent que l'ennemi s'inquiète, attendant une offensive des Alliés sur les côtes de France au cours de l'été. Mais quel endroit sera choisi ? Les plages des côtes basses de Hollande, de Belgique, du Nord de la France ou du Calvados ? Bien des Normands du Cotentin ont pensé depuis longtemps que Cherbourg étant le seul port en eau profonde des rives de la Manche, accessible à toute heure de marée, sa possession serait indispensable pour l'acheminement du matériel de guerre et du ravitaillement de troupes débarquées. Quelques-uns d'entre eux, passionnés d'histoire locale, n'avaient pas oublié le débarquement anglais sur la plage d'Urville en 1758. Ils savaient aussi que Importance stratégique de Cherbourg avait incité LOUIS XVI, puis NAPOLEON 1er, à en faire une forteresse, par la construction de la grande digue de granit. de près de 4 km de long, barrant la rade, accessible seulement par une passe d'un kilomètre, protégée par des fortifications puissantes. Ils n'ignoraient pas aussi que NAPOLEON avait projeté de faire du Cotentin une île, par l'inondation pendant toute l'année de la dépression des marais s'étendant de Carentan à l'Est, à St-Sauveur-de-Pierrepont à l'Ouest. L'opération aurait été complétée par le creusement d'un canal, facilement défendable, reliant ces marais à la côte Ouest du Cotentin. à Portbail, franchissant un isthme de 15 mètres d'élévation et d'une largeur de moins de 6 km. L'amiral LEPOTIER, dans son magistral ouvrage " Cherbourg, Port de la Libération ", a fort bien démontré la valeur inestimable de cette ville pour la défense côtière.

En 1940, la presqu'île avait été conquise par les Allemands, à revers, par son isthme, malgré l'héroïque résistance d'une poignée de marins et de soldats, presque sans armes. En 1944, l'énorme densité de l'occupation allemande dans la presqu'île (il n'était guère de communes sans garnison) pouvait dissuader les Alliés de tenter un débarquement dans cette zone. D'autant plus que l'ennemi avait truffé la côte d'ouvrages défensifs, dont certains semblaient inexpugnables ; c'était le " Mur de l'Atlantique " dont les éléments et l'armement puissant avaient été signalés au fur et à mesure de l'avancement de leur construction par les résistants de la région, comme nous l'avons vu dans les chapitres précédents.

LA MOBILISATION DES F.F.I.

Dès le 1er juin, Yves GRESSELIN (Colibri), chef

départemental des F.F.I., a entendu le message d'alerte convenu, diffusé par la B.B.C. : " L'heure du combat viendra. " suivi de la première phrase de la strophe du poème de VERLAINE : " Les sanglots longs, des violons, de l'automne... " qui, pour les initiés, annoncent le débarquement des troupes alliées dans quelques jours. Il se rend au château de Garnetot à Rauville-la-Place, où il installe son poste de commandement et a un entretien avec Lucien RENOULT, commandant les F.F.I. de la zone nord du département.

De son côté, le Commandant VILLIERS-MORIAMÉ, commandant les F.F.I. de la zone sud, alerte le capitaine Jean LENOIR qui dirige la zone au nord-ouest de Coutances, puis reçoit Jean MARIE, chef du groupe de La Haye-Pesnel, accompagné de Paul GUITON, qui réclament des armes en vain, tout le stock entreposé à Périers a été distribué.

Tous les groupes du Coutançais sont prévenus par LENOIR de l'imminence d'une offensive alliée sur les côtes.

Selon les consignes données par GRESSELIN le mois précédent. les 250 F.F. de l'agglomération cherbourgeoise reçoivent, le 2 juin, de Lucien RENOULT, l'ordre de quitter l'agglomération pour prendre position à 20 ou 30 kilomètres au sud, sur une ligne de hauteurs jalonnée par les secteurs des Pieux, Sortosville-en-Beaumont, St-Jacques-de-Néhou, St-Joseph. Montaigu. Répartis en 25 groupes de 10 hommes sous la direction de Marcel LEBLOND (l'Étincelle), ils ont pour mission de rester sur place et de se mettre à la disposition des Alliés dès leur arrivée sur les lieux.

Le lieutenant de gendarmerie maritime Yvon GIUDICELLI dirige le secteur Ouest et installe son poste de commandement à Flamanville ; le secteur central est organisé par Georges PREVEL et Raymond CHARLES à St-Jacques-de-Néhou la partie sud-est obéit aux ordres de Marcel LEBLOND qui est en contact constant avec Lucien RENOULT (Lallemand).

Dans le sud du Département. dès réception des messages, André ROUAUJLT (Camus) et Mariette RABECQ ont rejoint à Montjoie-St-Martin, la ferme LAPORTE où ils installent leur quartier général. Dans la même région. un maquis breton, celui de Broualan (Ille-et-Vilaine) trouve asile, avec l'accord de la propriétaire, Madame de COURCY, dans une maison forestière d'Argouges, où il installe son poste de commandement : les maquisards sont autorisés, par son beau-frère, M. de CONIAC, à s'installer dans le bois du Gault. d'une superficie de 300 hectares, lui appartenant.

Dans le centre, à St-Germain-sur-Ay, Jean GOUBERT, chef du groupe désigne comme suppléant l'instituteur Auguste DUPONT, confie à Auguste FROMAGE le soin de diriger le groupe de Créances, puis part le 2 juin en mission à Sortosvillc-en-Beaumont pour recevoir les instructions des chefs du Mouvement, Joseph BOCHER et André LE BELLEC : au jour J. il doit constituer un groupe armé, attaquer la prison de Saint-l.ô afin de délivrer Raymond LE CORRE et d'autres résistants... Hélas ! pour l'instant, il n'y a pas d'armes et GOUBERT doit se contenter de ramener pour son groupe les brassards de toile blanche ornés des trois couleurs, de la Croix de Lorraine et du sigle F.F.I.. que chaque civil combattant devra porter, dès l'ordre de mobilisation générale qui ne saurait tarder. Fiévreusement, dans tous les groupes, les brassards sont fabriqués et distribués rapidement.

Dès le lendemain, 3 juin, venant de son domicile clandestin de Saint-Denis-le-Gast, Jean-Baptiste ETIENVRE rend visite à Jean GOUBERT, chez qui l'ont précédé, dans la matinée André COLAS (Durand) et René BERJON (Émile), chef départemental du Mouvement des F.T.P. Tous se plaignent (le ne disposer d'aucune arme, si ce n'est celles que vient de déterrer à Pirou Roger LAMY, compagnon d'ETIENVRE, dans un terrain miné, à 100 mètres d'une sentinelle allemande. C'était un stock de fusils de guerre français qui avaient été dissimulés dans ce champ, lors de la débâcle de 1940.

Dans la soirée, le message annonçant l'imminence du débarquement " Le coq chantera trois fois ", est entendu par GOUBERT. Dès le lendemain, il envoie le journalier agricole ROGER, membre de son groupe, porter une lettre à André LE BELLEC dans laquelle il lui fait part du message et des visites de la veille. Jean-Baptiste ETIENVRE rejoint en toute hâte le quartier général de Montjoie-St-Martin, en compagnie de Roger LAMY, en alertant au passage les groupes du sud de la Manche qui doivent se tenir prêts à appliquer les consignes prévues pour le jour J.

Un sentiment d'exaltation pour la tâche qu'ils ont résolument choisie anime ces combattants volontaires. Certes, ils en mesurent les dangers, mais aussi l'impérieuse nécessité : chasser l'ennemi de notre pays est primordial pour retrouver la Liberté. Mais que pourront-ils faire avec l'armement hétéroclite et très insuffisant dont ils disposent, à peu près 1/10 de ce qui aurait été nécessaire ? Combattants sans autre uniforme que leur brassard F.F.I. aux couleurs nationales, ils sont prêts cependant à appliquer les ordres qui leur seront communiqués dès réception des messages d'action diffusés par la radio de Londres.

DISPOSITION DES GROUPES E,FI. AU DÉBUT DE JUIN

Si l'implantation des groupes a pu être déterminée, par contre, le nombre des membres actifs de chacun d'eux a été très variable. Certains ont été démantelés par les bombardements massifs de villes comme St-Lô et Coutances, d'autres par des arrestations. On peut estimer à 700 membres actifs ceux des groupes implantés dans le Cotentin, et à 400 au moins ceux du secteur sud.

Le chef départemental est Yves GRESSELIN.

1. La zone Nord, sous les ordres de Lucien RENOUI T (Lallemand) est divisée en deux arrondissements :

Celui de Cherbourg, ayant pour chefs Marcel LEBLOND et son adjoint GIUDICELLI, comprend les secteurs :

- de Cherbourg. dirigé par Georges PRÉVEL et Raymond CHARLES.

- de St-Pierre-Église, dirigé par Albert GEFFROY (Le Renard).

- de Quettehou sous les ordres d'Alfred LEPRUNIER (Alphonse) et de

son adjoint Paul GAUBERT.

- des Pieux, divisé en cinq secteurs, sous les ordres de Marcel GONNAUD et dYvon GIUDICELLI.

L'arrondissement de Montehourg a pour chef André FORTIN. Il comprend les secteurs :

- de Ste-Mère-Église, sous la direction de BENOIST.

- de St-Sauveur-le-Vicomte, dirigé par HALÉ.

- de La Haye-du-Puits, sous les ordres de Julien FLEURY.

- de Barneville, ayant pour chef le Docteur AUVRET.

- de Valognes, avec Raoul CŒURET,

- de Bricquebec, avec Raymond ARCENS.

2. - La zone centre-ouest, a pour chef LENOIR, et comprend :

- Le canton de St-Malo-de-la-Lande.

- Le canton de Périers, sous les ordres de Paul HERVIEU et d'Henri CLÉMENT.

- Le canton de Coutances avec J.B. LEBOISSELIER qui dirige l'équipe des cheminots.

3. - Au centre, la zone de St-Lô, très éprouvée par les arrestations de mars 1944. est sous les ordres de Jean ETIENNE. Les bombardements massifs de Coutances et de St-Lô dans la nuit du 6 au 7 juin, suivis de celui de Périers le 8 juin, mettront les groupes de ces zones dans l'impossibilité d'agir. à cause de la dispersion de leurs membres.

Seul, le groupe d' " Action P.T.T. " qui a quitté St-1,6 dès le 5 et 6 juin pour s'installer, sous la direction d'Ernest PRUVOST à Villebaudon, restera disponible.

4. - La zone Manche-Sud est sous les ordres d'André ROUAULT, installé à Montjoie St-Martin. de BERJON (Émile), délégué du " Front National ", camouflé dans les environs d'Avranches, et du Commandant GODARD. pour la région de Granville et Bréhat.

Un groupe est à Trelly, avec MENAND, puis J.R. ETIENVRE, en relations avec celui de Torigni, dirigé par Maxime LELIEVRE.

Un autre est dirigé par René JUMEL à Cérences.

Un groupe à La Haye-Pesnel est sous les ordres de Jean MARIE.

Il existe un groupe d'" Action " à Brécey, avec Gustave MOULIN et Louis PINSON.

A Ducey, autour d'Aristide MANAIN.

A Juvigny, avec le Docteur LEMONNIER.

Le groupe de St-Hilaire-du-Harcouet est dirigé par Louis BLOUET et Jacques NAVIER.

Celui de Sourdeval, par Marcel GOMBERT. Celui de St-Laurent-de-Cuves, par Arsène PARIS. Celui de Mortain, par René UNTEREINER. Celui du Teilleul, par Émile BIZET.

Les deux secteurs de Barenton, que dirige Constant DAUVERGNE, chef de brigade de gendarmerie, et de St-Cyr-du-Bailleul avec Jean FOUQUF., sont rattachés au secteur de Domfront (Orne) commandé par LEFÈVRE (Richard).

L'ENTRÉE EN " ACTION "

Avec l'émotion que l'on devine, depuis une si longue attente, les résistants entendent le 5 juin à 17 heures, le message émis par la radio de Londres :

Les carottes sont cuites ", signifiant de se préparer à l' " Action ". A Cherbourg, le groupe des Ponts-et-Chaussées achève le sabotage de l'écluse du bassin de retenue. A partir de 21 heures 15, passent enfin une suite de messages depuis si longtemps attendus : " Les dés sont sur le tapis. ", annonçant l'application immédiate du " plan vert " (sabotage des voies ferrées). " Il fait chaud à Suez. ", annonçant la mise en œuvre de la guérilla. Puis : " Les plus désespérés sont les chants les plus beaux. ". ordonnant la destruction des communications téléphoniques et le sabotage des plaques indicatrices de direction sur les routes, par destruction ou inversion (plan violet).

LE PLAN VERT

Aussitôt, selon les instructions prévues, le groupe des Ponts et Chaussées de Cherbourg : LEVIANDIER, Charles LAINE et sa sœur, Lucien MOUCHEL, LEI3ARBENCHON, Octave LEHÉRISSIER, CLECH, doit quitter la ville et se replier à St-Lô d'Ourville, emmenant dans leur camion trois hommes de " Libération-Nord ". munis de leurs bicyclettes, qui se présentent à Lucien LEVIANDIER, prévenu. Ils ont pour mission d'assurer la destruction de la voie ferrée Cherbourg-Paris, dans une courbe près du pont de La Héronnière à Sideville, entre 23 et 24 heures, après le passage de l'express venant de Paris. Malheureusement, la voie est sévèrement gardée ; et les trois saboteurs, Albert PLANQUE, le policier Adolphe LESAGE, et Raymond RENARD n'ont que le temps de cacher armes et matériel dans un chemin creux. Arrêtés. ils sont emmenés à pied, sous escorte, à Cherbourg.

L'intense canonnade vers la côte rend les soldats allemands inquiets. Aussi acceptent-ils volontiers l'offre de leurs captifs de faire halte au café AMIOT, à Cherbourg. PLANQUE. qui connaît Mme AMIOT (résistante) entre aussitôt dans la cuisine et lui remet les deux révolvers qu'il détenait, et qu'elle dissimule vivement... Amenés à la Kommandantur, les trois hommes sont relâchés.

Pendant ce temps, l'agent de police Albert LENORMAND, qui se trouvait au restaurant à l'arrivée des captifs, va récupérer les armes et les met en lieu sûr.

La voie restait intacte... Fort heureusement, le même message de la B.B.C. a été entendu à Yvetot-Bocage par Paul REMICOURT. Il sort les armes camouflées depuis juin 1940 dans son jardin, ainsi que le matériel de sabotage remis le mois précédent par Gaston PICOT. Agissant sur ordre du sous-chef du groupe " Action " de Valognes, Norbert BOUQUET, il procède vers minuit, à 150 mètres du passage à niveau de Lieusaint, avec ses camarades les frères HUET, les trois frères LESAGE et F. PICOT, au sabotage de la voie ferrée Cherbourg-Paris qui est coupée (518). Entre les gares de Couville et de Sottevast, vers le Bois de la Vente, Marcel LEBLOND et LEONARD font de même.

La ligne ferrée de Cherbourg à Coutances est coupée par le groupe de St-Sauveur-le-Vicomte, sous la direction de son chef, HAZE, entre cette localité et St-Sauveur-de-Pierrepont_ Elle l'est aussi à Périers, au lieu-dit " La Grise Brèche ", par l'équipe Roger MARIE, MOULIN, Paul HERVIEU.

A Saint-Lô, le 6 juin au soir, vers 20 heures 30, l'équipe de la S.N.C.F. : Charles BONNEL, RIHOUEY, Jean CADET, part sous le bombardement qui commence, pour opérer le sabotage prévu sur la voie ferrée en direction de Coutances, à l'embranchement de la ligne menant à Torigni. Tandis que RIHOUEY se rend en direction de Canisy avec mission de faire fonctionner les signaux d'arrêt pour stopper le train venant de Coutances, et que Jean CADET fait le guet vers St-Lô, Charles BONNEL place quatre charges de plastic sur la ligne de Coutances et une sur celle de Torigni. Le bombardement de St-Lô empêche d'entendre les explosions, mais les voies sont coupées et gravement endommagées. L'aviation alliée détruit en outre complètement la gare de St-Lô. Plus aucun train ne pourra désormais circuler, car cette même voie ferrée est également coupée par plasticage entre La Haye-Pesnel et Montviron, et par le sabotage d'une machine tractant un train de munitions en gare d'Avranches, effectués par le groupe F.T.P. de cette ville. Pour la ligne Granville-Paris, la destruction des voies est opérée à Folligny, dans la nuit du 6 au 7 juin, dans les 3 courbes prévues de la voie, par un petit groupe de marins de Granville, sous la direction de THÉLOT.

La partie du plan vert dénommée plan " Grenouille " prévoyait la mise hors d'usage des plaques tournantes en gare de Cherbourg et de Coutances. Seule, celle-ci fut sabotée quelques heures avant le bombardement de la ville, le 6 juin.

LE PLAN VIOLET

a) - Lignes souterraines

Le plan " violet " est exécuté partout. Dans la nuit du 6 juin, le câble téléphonique souterrain groupant 120 circuits reliant Cherbourg et St-Lô à Rennes est scié à Pontaubault ; celui, groupant 42 circuits reliant Avranches à Granville, est scié à Marcey-les-Grèves et quatre lignes aériennes sont coupées sur la route d'Avranches à St-Quentin et à St-Senier, près de l'hospice. Ces sabotages sont l'œuvre du groupe P.T.T. d'Avranches, sous la direction de Raymond CHIVET et avec la participation de Marcel TABUR, Maurice ROSSELIN, et Gabriel LASSUS. et du groupe F.T.P. dont Louis MORAZIN, Georges LOURDAIS et Jacques MANSUY (522).

Dès réception des messages, le groupe d'Action P.T.T. de St-Lô dont la plupart des membres ont rejoint, dans la soirée du 5 juin le " maquis de Villebaudon, procède, à 23 heures, à la coupure du câble souterrain reliant St-Lô à Falaise et Le Mans, et de celui aboutissant à Granville, sur la route à 2 kilomètres, au nord de Villebaudon. Albert GODEMER et le chef de groupe Ernest PRUVOST scient le câble enfoncé à 0 m 70 de profondeur, tandis qu'ALBERTINI, LEBREC, et Mme LEBLOND assurent la protection. La même ligne souterraine et les lignes aériennes sont coupées sur la commune de La Colombe par TEXIER-HUGOU, Jean VALIERGUE, André et Émile LEBOUVIER, et NEGRE.

La ligne souterraine reliant le quartier général allemand de St-Lô à l'armée stationnée dans l'île de Jersey est sabotée en trois endroits :

- dans les courbes de la route avant Hébécrevon, par une équipe des P.T.T. sous la direction de Marcel RICHER ;

- par des membres du groupe de Périers : Paul HERVIEU, Jean QUARANTE, sous la direction de Roger MARIE opérant par plasticage, au pont de la Maune à St-Martin-d'Aubigny ;

- à coup de hache. par des membres du prouve de Pirou, Émile VILLEDIEU et Georges RAPILLY, protégés par deux guetteurs. Joseph HEROUET et Marcel RAPILLY, dans la lande entre le pont de Pirou et le village de Bourgogne. Quant au câble souterrain reliant Cherbourg à Paris, il est coupé sur la route de Valognes à Montehourg, à 300 mètres du lieu-dit " La Victoire " par l'équipe qui avait la même nuit saboté la voie ferrée : Les frères REMICOURT, HUET et LESAGE.

b) - Lignes aériennes :

Les coupures des lignes téléphoniques ou télégraphiques aériennes sont générales. Dès le message d'alerte, elles sont opérées au départ des centraux téléphoniques, puis sur leur parcours. Il n'est guère possible, tant ils ont été nombreux, de citer ces multiples sabotages du 6 juin, qui seront répétés tout au cours de la bataille de Normandie par les membres de tous les groupes. Signalons toutefois :

René CAVEY et Pierre PILET du groupe de St-Sauveur-le-Vicomte qui opèrent sur la route de Bricquebec.

Jean-Baptiste ETIENVRE qui, en se rendant de Trelly, son lieu de refuge. à St-James pour rejoindre son chef André ROUAULT, sabote les lignes entre Gavray et Villedieu, entre Avranches et St-James, entre cette localité et St-Hilaire-du-Harcouët.

Le groupe de St-James a déjà procédé à ces coupures sur les routes menant à Ducey, à St-Georges-de-Reintembault, à Fougères, et, le soir du 6 juin, la ligne téléphonique aérienne reliant Cherbourg à Rennes et à Brest est arrachée sur 100 mètres.

Autour de Villedieu, la coupure des lignes dans toutes les directions est opérée par Marcel DUVAL.

A Brécey, la ligne téléphonique reliant la bourgade à Avranches est coupée à " La Mélanderie " par Almire GANDON et J.B. ROUSSEL. Près du château de Brécey, le travail est exécuté par Louis PINSON et Gustave LOUAISEL sur la route menant à St-Laurent-de-Cuves, la même besogne est assurée dans la côte de La Détourbe par Maurice MOULIN et Ernest LETONDEUR.

A Gathemo, ce travail est exécuté sur la route de Vire par le groupe d'Alexandre HILLIOU.

A La Haye-Pesnel, tout le groupe dirigé par Jean MARIE, comprenant Gaston PEU VREL, Paul GUITON, Georges LETHIMONNIER, André ROBINE, Jean LEPAUMIER, Albert BOUQUILLON, Jean-Marie JACOB, Édouard GRATEAUD, y participe dans tout le canton.

Dans le nord de la presqu'île, autour de Barneville et de Bricquebec, c'est le petit groupe dirigé par Maurice DACIER, Charles CHOCHOIS, et Louis FRITOT qui accomplit la besogne.

Constatant cette destruction de leurs communications, les Allemands arrêtent comme otages les agents des services techniques de Saint-Lô, de Cherbourg. et d'Avranches.

LES MAQUISARDS

Rappelons que l'on appelait ainsi tout groupe de résistants et de jeunes réfractaires au S.T.O., plus ou moins armés, ayant dû quitter leur domicile habituel pour se retirer dans des lieux isolés, sous les ordres d'un chef, et se préparer à participer à la lutte contre l'ennemi par la " guérilla " : sabotages, attentats. coups de main. La constitution de tels groupes ne peut être réalisée que dans une région à l'habitat peu nombreux, au relief accidenté, où les bois ou la forêt offrent un refuge et où, en cas de danger, la dispersion des éléments se trouve ainsi facilitée. Or si, comme nous l'avons déjà signalé, le département de la Manche est, en général, un pays bocager, il ne compte cependant aucune forêt étendue et profonde, sauf dans la région du Mortainais, près des départements de l'Orne et du Calvados. Aussi, les " maquis " seront rares et leurs occupants peu nombreux, si l'on tient compte également de la grande densité des troupes allemandes.

Celui de Beaucoudray, dirigé par Ernest PRUVOST est composé : des postiers de Saint-Lô qui ont pu le rejoindre les 5 et 6 juin, avant le bombardement de cette ville, de quelques cultivateurs et personnes de profession libérale. Il se réunit dans la maison LEPAGE et. sous la direction du postier Jean SANSON, se perfectionne dans le maniement d'armes.

Le 14 juin, à 10 heures 30, Madame Berthe LEBLOND, institutrice, dont la maison de refuge, après le cambriolage de l'école, servait de poste avancé du maquis, apercevant une automobile allemande arrêtée devant la cour de son habitation, confie à son ils Gilles, âgé de 11 ans, le message d'alerte convenu : " Va chercher le chat. ". Ce qu'il fit. Mais les maquisards sont découverts par un détachement allemand. CROUZEAU, leur chef, a le temps de tirer, abattant deux ennemis. Quelques hommes réussissent à s'enfuir, mais ils restent aux mains des Allemands.

Amenés à la maison de Mme LEBLOND, les captifs doivent se ranger face au mur. Courageusement, SANSON s'écrie : " Camarades, si c'est pour mourir, montrons que nous savons mourir en Français ".

Transférés dans une grange, ils doivent subir un interrogatoire serré. Le lendemain, à l'aube du 15 juin, les onze patriotes, les mains attachées derrière le dos. sont fusillés dans un champ de Beaucoudray :

Jacques ALBERTINI, Etienne BOBO, employés des P.T.T.

René CROUZEAU, inspecteur-contrôleur des P.T.T., chef du groupe.

Auguste GUY, maquisard, peintre à Villedieu.

Ernest HAMEL, maquisard, cultivateur à Sourdeval-les-Bois.

Jean LECOUTURIER, maquisard, étudiant, domicilié à Percy. Auguste LERABI., agent des lignes dans les P.T.T.

Francis MARTIN, géomètre, membre des Services spéciaux sous les noms de " Morgan " ou " Martère " ou " Aramis ", de Bordeaux. André PATIN, journalier agricole, à Beaucoudray.

Raymond ROBIN, Jean SANSON, agents des P.T.T.

Madame LEBLOND et son fils sont conduits à Domjean pour interrogatoire par WILHEM, instituteur allemand, anti nazi et francophile, et par le gendarme Albert SUNDEREGGER, d'origine alsacienne, qui les encouragent à continuer à nier. Ils sont transférés au château, servant de prison, de St-Jean-du-Corail. Le 1er juillet, WILHEM remet à la prisonnière la sentence :

Aucune preuve n'ayant été relevée contre Mme LEBLOND, nous la mettons en résidence surveillée, par la gendarmerie française, pour 6 mois à Gorron. ". Le 2 juillet, les Américains arrivaient.

Ce drame fut profondément ressenti par la population de la région. Depuis lors, une manifestation du souvenir, très émouvante dans sa simplicité, à laquelle assistent de nombreux patriotes, a lieu vers le 15 juin à l'endroit même de cette tragédie.

Le maquis du " Bois de Buron ", installé dans la région de Ver-Le Loreur, compte 13 hommes sous la direction de René JUMEL. Il est sévèrement gardé et chacun doit savoir répondre par l'onomatopée " mée mée " au mot de passe " Bichette Bichette ". Ce maquis est en communications avec celui de Trelly, dirigé par Jean-Baptiste ETIENVRE et son adjoint Roger LAMY, lesquels sont en relations avec celui dirigé à Montjoie-St-Martin par André ROUAULT, installé à la ferme LA PORTE.

Rappelons que la direction et plusieurs hommes de " Libération-Nord ", ayant quitté la région cherbourgeoise, vivaient dans la clandestinité au petit maquis " de Sortosville-en-Beaumont.

C'est dans la région du Mortainais que les maquis seront les plus étoffés.

Ceux de St-Georges-de-Rouelley et de St-Cyr-du-Bailleul sont sous les ordres de Jean FOUQUE, adjoint du capitaine LEFÈVRE, instituteur, commandant les groupes de la région de Domfront. Ils ont installé un camp au lieu-dit " La Fosse Arthour ", à la limite des départements de l'Orne et de la Manche.

D'autres se formeront quelques semaines plus tard dans la région de St-Pois, autour de Joseph HILLIOU, à Champ-du-Boult, commune limitrophe dans le Calvados ; à Virey, à St-Symphorien-des-Monts, à Martigny et au Mesnillard, au fur et à mesure de l'avance des armées alliées vers le sud.

L'AIDE AUX PARACHUTISTES AMÉRICAINS

Dans cette étude consacrée à l'histoire de la Résistance dans notre département, il ne peut être question de traiter des événements militaires qui vont se dérouler journellement à partir du débarquement, le 6 juin à 5 heures 30, sur les plages du sud-est du Cotentin entre St-Martin-de-Varreville, Audouville-la-Hubert et la dune de Ste-Marie-du-Mont. Par contre, nous n'aurions garde d'oublier l'action de très nombreux patriotes, engagés ou non dans des groupes de Résistance, qui vont spontanément aider de leur mieux ceux qui viennent d'Outre-Atlantique pour délivrer la France et l'Europe du joug hitlérien et nous rendre la Liberté.

Trois jours avant le débarquement du 6 juin, quelques parachutistes isolés sont largués dans le nord-est du Cotentin, vraisemblablement dans le but de préparer les opérations. Ainsi, le 3 juin, un lieutenant aviateur américain tombe sur la commune d'Appeville, à l'extrémité ouest des marais du Cotentin. Il est aussitôt camouflé dans une étable, au village de la Picotière et interrogé, Madame LANGLOIS et l'instituteur LECLER servant d'interprètes. Il déclare devoir se rendre à Houesville, sur la rive opposée où il doit rejoindre un autre aviateur, à la ferme CHUQUET. Dès le lendemain, malgré la tempête qui soulève l'eau des marais, Henri de SMEDT prend en charge l'aviateur et le mène sur son bateau plat, traversant au mépris du danger la large étendue d'eau qui sépare les deux rives.

Dans la nuit du 4 au 5 juin, au Vast, dans la région boisée du Nord-Est du Cotentin, Jean POULAIN découvre 5 parachutistes. D'autres, revêtus de bleus de travail comme des ouvriers mécaniciens, se présentent chez Charles BLED. Ils sont munis d'un appareil de radio. Ravitaillés par les deux français, ils sont hébergés 4 jours dans une grange. Louis HOUYVET et d'autres recherchent de nuit des parachutistes.

Dans la zone des marais inondés.

Dans la soirée du 5 juin, à Neuville-au-Plain, l'institutrice Francoise AVENEL et sa mère aperçoivent, assis sur le rebord d'un talus, un parachutiste américain légèrement blessé. L'aviateur annonce l'invasion, cette nuit même, de milliers de parachutistes dans la région. Pendant que deux personnes figées font le guet, Mlle AVENEL fait entrer chez elle le blessé, soigne sa légère entorse, et l'aide à déterminer sur sa carte les lieux qu'il a mission de rejoindre. Arrive un jeune étudiant réfractaire au S.T.O., accompagnant un groupe de soldats alliés : il demande à Mlle AVENEL de servir d'interprète. Un officier présente une carte il veut atteindre le village de La Fière, près de la voie ferrée, et connaître l'importance numérique des ennemis dans la région. Il demande un guide, le jeune étudiant accepte cette dangereuse mission.

Dans la même région, à 23 heures 30, Camille DUCHEMIN, de Fresville guide trois parachutistes venus se présenter chez son père, à la ferme du Bisson, jusqu'au village de Houlbey. Il leur indique la direction de Ste-Mère-Eglise, à 3 km de là.

C'est alors qu'un peu après minuit, le 6 juin, débute la grande opération aéroportée préludant de quelques heures au débarquement des troupes américaines sur les plages de la côte Est du Cotentin :

La 82e Division aéroportée du général RIDGWAY doit s'emparer de Ste-Mère-Église et de la région située à l'est de la rivière Merderet et des marais.

La 101e Division aéroportée du général Maxwell TAYLOR doit atterrir dans la région de Ste-Marie-du-Mont.

Si la plupart des hommes atteignent les objectifs fixés, un grand nombre cependant, largués trop tôt, tombent dans les marais ou dans les campagnes dans un rayon de 25 km au nord, à l'ouest et au sud-ouest du lieu d'atterrissage prévu.

Canton de Ste-Mère-Église.

C'est à 3 heures du matin, le 6 juin, qu'à l'école de Ste-Marie-du-Mont, l'instituteur BARRAFORT est réveillé par un parachutiste au visage barbouillé de noir. Il l'accueille, lui dessine un plan, lui indique les positions allemandes et la direction de Hiesville qu'il doit rejoindre.

Dans la même nuit, près du pont de la Fière, des parachutistes s'adressent à un petit groupe de jeunes gens requis pour la garde de la voie ferrée, afin d'obtenir des renseignements sur la présence des Allemands. Les jeunes gens les conduisent vers une ferme où l'ennemi est cantonné : un combat s'engage ; trois civils sont tués, dont un jeune élève du collège de Valognes, Lucien CUEFF, âgé de 18 ans.

Au village de Baudienville, René BRICHET, membre de " Libération Nord ", réfugié de Cherbourg avec sa famille, trouve dans un champ deux parachutistes blessés qu'il soigne ; il cache un troisième dans son grenier.

La première tâche des F.F.I. du canton est de rechercher les parachutistes, d'aider à leur regroupement, de les guider vers Ste-Mère-Église, occupé par les Américains. C'est à cette tâche que se livrent Édouard PERGEAUX d'Audouville-la-Hubert, Maurice DACIER de " Libération-Nord ", réfugié à Chef-du-Pont et le groupe " Liberté " de cette localité qui fait passer en barque les parachutistes tombés à l'Île Marie ; Adolphe LEPAISANT, André COUSIN, Michel et Léon ROBINE patrouillent dans la commune sous la di-rection de Jean FOLLIOT afin d'assurer le transport des munitions, des armes et du matériel parachutés, éparpillés dans les champs pour les acheminer sur les lieux de combat, au pont de la Fière, notamment. La même mission sera accomplie dans la presqu'île de Brévands par Eugène SORIN. Il fait connaître aux Alliés les endroits minés et les guide pour rechercher les groupes d'Allemands disséminés. A Catz, le fermier LEDENTU cache et nourrit deux parachutistes jusqu'à la libération de la commune.

Déjà, le chef du groupe d' " Action " de Ste-Mère-Église, Eugène BENOIT et son fils Gaston se joignent aux Américains qui préparent l'attaque du village de Fauville ; ils les renseignent et les guident, évitant à la fois le bombardement du village rempli de réfugiés et des pertes sérieuses aux Alliés.

Dans la région boisée s'étendant au Nord-Est du Cotentin.

Le 6 juin, aux environs du lieu-dit " La Blanche Maison ", 21 parachutistes ont atterri et se sont réfugiés dans un petit bois. Pendant plusieurs jours, ils sont ravitaillés par Mme LAOUENAN, réfugiée de Tourlaville, membre de la Résistance et par son logeur THOUMINE.

Dans la région de Teurthéville-Bocage et Le Theil, LEBREDONCHEL, J.B. SAUVEY. LEBUNETEL., et Olivier LEGENDRE cachent et ravitaillent un parachutiste évadé. Dès 6 heures du matin, le 6 juin, une trentaine de parachutistes sont signalés à Montaigu-la-Brisette et à Sauxemesnil. Ils sont ravitaillés et aidés par des habitants, MM. VINCENT, de COLIGNY. GOYON, GIFFARD, TOUZEIL.

A Videcosville, un parachutiste horriblement blessé est découvert à 4 heures 30 du matin, le 6 juin, par Madame LEVAILLANT et ses deux fils Charles et Hubert qui le soignent de leur mieux, niais ne pourront éviter sa capture.

Dans la matinée, les deux frères découvrent deux parachutistes dans une haie, puis, à 14 heures, une voisine Madame GREARD les fait prévenir qu'elle en cache un autre dans son fenil. Charles LEVAILLANT lui rend visite et l'invite à rejoindre les deux autres.

A Quettehou, le 6 juin à 10 heures 30, deux vieilles personnes. Madame LEMESLE et sa tille Clémence, dites " Les demoiselles TRONQUET " hébergent et cachent un parachustiste pourchassé par les Allemands. Bien que traqué, le militaire a pu, auparavant, bénéficier d'un verre d'eau et de tartines de pain bien beurré offerts par Mme JORET et GILLES. Il restera chez sa bienfaitrice jusqu'au 17 juin. Déguisé en ouvrier agricole, il pourra rejoindre les lignes dans la région de Lestre.

Le 7 juin, Léopold GRÉARD de Montaigu-la-Brisette, rend visite aux frères LEVAILLANT qu'il informe de la présence de deux parachutistes américains au lieu-dit " La Tourelle ". II les amènera le soir, accompagné de HOUYVET et d'une interprète, Mlle Josiane LETOUPIN. Désormais, le Moulin St-Laurent ", ferme des 1EVAILLANT devient le lieu de rassemblement des parachutistes alliés qu'il s'agira de sauver en les faisant si possible, rejoindre leurs lignes.

Ce même jour, un capitaine et un soldat américains parachutés la veille, sont découverts dans un champ au hameau de St-Vaast par deux jeunes gens Georges COUPPEY et Jeanne BESNARD. Ont participé au sauvetage : la famille BESNARD. Mlle ISABET, interprète, son frère Georges, Emile LEFII.LASTRE du groupe de Résistance, Mlle LEBAS et Alfred LEPRUNIER, chef cantonal du réseau " Centurie ", Albert DUVAL lequel avec Georges ISABET et LEFILLASTRE, amèneront à travers champs et sentiers pendant 10 kilomètres les deux hommes au Moulin St-Laurent, dans la nuit du 8 au 9 juin. LEPRUNIER conseille à LEVAILLANT de conduire tous les militaires à St-Martin-d'Audouville, au bois de la Boissaye. vallée de la Sinope.

La présence de trois parachutistes dans les bois de Videcosville, ravitaillés par la population est signalée par Jean PIGNOT à Ch. LEVAILLANT qui va les voir et leur promet rendez-vous pour la nuit suivante. Sur la route du re-tour, il engage deux bûcherons. Eugène PIGNOT et Fernand MILLET.

Mais il faut attendre l'arrivée des deux rescapés de St-Vaast, à 1 heure 30, le matin du 9 juin. Pendant que ceux-ci prennent un peu de repos: Hubert LEVAILLANT reçoit Léopold GREARD de Montaigu, demandant un délai d'un jour pour amener d'autres parachutistes. tombés à Sauxemesnil. Certains ont tiré, abattant deux soldats allemands. En représailles, le curé MARGUERIE et sa mère sont menacés d'être fusillés s'ils ne révèlent pas les cachettes des Alliés. N'obtenant aucun succès, les Allemands se vengent en faisant exploser une mine dans l'église, l'endommageant gravement.

Il est donc urgent de ramener les parachutistes dans leurs lignes. Fernand LEGOUPIL les conduit au bois de la Queue où sont rassemblés avec eux Léopold GREARD, Bienaimé VARIN, Louis HOUYVET, Francois VASTEL et l'interprète Mlle Josiane LETOUPIN. Un autre, réfugié dans une étable chez Mlle POINDEXTRE est amené à travers champs par Mlle LECOUFLET. A 20 heures 30. 22 parachutistes conduits par les quatre F.F.I. traversant bois et prairies, se rendent à la ferme St-Laurent, à Videcosville : ils évitent de justesse un rassemblement de troupes allemandes au village de Montaigu.

La nuit suivante, tous, conduits et escortés par leurs guides, arrivent par le chemin convenu au bois de Launay dans lequel s'étaient déjà dissimulés une vingtaine de leurs camarades ayant atterri dans la région le 6 juin. Au péril de leur vie, des paysans, François et Michel JOLY, de la ferme de La Boissaye, et " MOINEAU ", les ravitaillent régulièrement malgré l'occupation de cette maison par les Allemands. Pendant quelques jours. tout se passe bien, mais un coup de feu tiré prématurément par une sentinelle américaine provoque l'arrivée de deux compagnies allemandes qui cernent le bois. Trente parachutistes sont faits prisonniers. dix purent s'échapper et se dissimuler dans le fenil de la laiterie de St-Martin-d'Audouville occupée par l'ennemi. Le jeune Roland GUILLERIT, fils du directeur de cet établissement, les y découvre. Malgré la présence des Allemands, il réussit chaque jour à porter le ravitaillement aux rescapés jusqu'au matin du 19 juin, à l'arrivée des troupes américaines.

Dans la même commune le 12 juin au matin, le fermier Jean GOHEL, de la Cour St-Martin transporte en plein jour cinq parachutistes jusqu'au carrefour du " Poteau " à Quinéville. Ils sont dissimulés sous des hottes de foin. Malgré la présence des patrouilles allemandes et la mitraille d'obus qui balaie la route, il réussit à mener ces hommes à proximité de la ligne de bataille. Il renouvelle le même exploit le 14 juin, en conduisant à travers champs jusqu'au bourg de Lestre, sept autres militaires impatients de regagner leurs lignes, désormais très proches. A Aumeville-Lestre, un parachutiste est hébergé depuis le 6 juin par M. et Mme Jean BRANCHE, jusqu'à l'arrivée des Américains le 18 juin.

A Valognes, six autres se sont regroupés dans un trou de bombe, dans la double haie d'un petit chemin couvert au lieu-dit " Lande de Beaumont ". Ils sont découverts par le valet de ferme EGRET qui s'empresse de prévenir M. Jean LEBAS, membre du groupe de Résistance ; ancien officier interprète, il peut s'entretenir avec les militaires. Le 8 juin, il charge un de ses employés, Louis HUET, membre de son groupe. de transférer en lieu sûr les soldats alliés.

La nuit venue, en longeant les haies, à travers champs, les six parachutistes sont menés jusqu'à la ferme de la Surtainvillerie, pourtant occupée par 18 ennemis en avant-garde du château de Chiffrevast où loge l'état-major Allemand. Dans l'attente d'un moment propice, ils sont cachés dans le " Clos du Moulin".

Le 11 juin, les Allemands ayant quitté brusquement leur cantonnement, les six hommes sont accueillis dans la ferme, partageant l'existence de leurs hôtes : Madame HUET, ses deux fils Bernard et Louis et Lucien LELUAN, étudiant, membre des F.F.I., qui depuis le débarquement, a rejoint la ferme. Tout allait au mieux, quand, le 13 juin, se présentent trois Allemands demandant d boire. Dans la salle voisine, deux parachutistes écoutaient clandestinement la radio ; ils n'ont que le temps de disparaître prestement sous la table, tandis que Mme HUET, sans perdre son sang-froid, reçoit les Allemands tout en fermant la porte de communication avec la salle. Après qu'ils eurent bu, les Allemands furent entraînés au fenil, auquel on accédait par une échelle, et où ils pourraient dormir.

L'occasion était trop belle pour ne pas tenter de s'emparer de leurs armes ! A l'aube du 14 juin, Louis HUET, muni de son revolver, suivi de deux parachutistes armés, monte à l'échelle, tire sur les ennemis et redescend. Afin de s'assurer de leur mort et de prendre les armes, il remonte. Alors qu'il gravissait les premiers échelons, le canon d'un fusil pointe sur lui. D'un bond, il saute à terre, décharge son revolver, se plaque au mur et disparaît en donnant l'alarme. Les parachutistes américains avaient déjà bondi au dehors ; par l'embrasure de la lucarne, un Allemand tirait sans arrêt. Il fallait à tout prix l'empêcher de fuir. Les résistants et les parachutistes se mettent à l'affût. Toujours tirant, l'Allemand saute de l'échelle. Il est abattu par les mitraillettes américaines. Les trois cadavres sont jetés dans le puits.

La semaine suivante, le 20 juin, les parachutistes rejoignaient l'armée américaine qui venait de s'emparer de Valognes.

Tout près de là, les F.F.I. d'Yvetot-Bocage ont établi, à la ferme de la " Grand' Lande ", chez FLAMBARD, un refuge d'étape où ils regroupent depuis le 6 juin les parachutistes isolés, afin de les guider vers les lignes américaines lorsqu'elles se seront rapprochées. Mais le 9 juin, dix d'entre eux sont surpris par les Allemands. Ils combattront jusqu'au dernier. Par contre, malgré l'occupation en force du hameau d'Azir, 17 parachutistes sont cachés dans le grand bâtiment de la ferme PICOT, bordant la route. Madame LFMELAND, agent de liaison du groupe de Valognes, prend contact avec eux le 10 juin.

En dépit de la présence dans ce village, au château de Servigny, du grand état-major allemand, sévèrement gardé, ils sont ravitaillés par les habitants du village jusqu'à la libération de la commune, le 19 juin.

A Flottemanville-Bocage, Mlles Jeanne, Suzanne et Madeleine LEVASLOT, membres de " Libération Nord ", réfugiées de Cherbourg, sont avisées le 6 juin au petit jour de la présence de trois parachutistes dans un champ bordant la route. Madeleine LEVASLOT connaissant parfaitement la langue anglaise se rend à cet endroit, accompagnée de ses sœurs. Elle précise aux Alliés le lieu de leur atterrissage et leur indique sur la carte le chemin pour rejoindre Amfreville, leur point de rassemblement, en évitant Hémévez où se trouve un état-major allemand. Elles accompagnent les trois hommes à travers champs en direction de Gourbesville.

De retour, en fin d'après-midi, elles sont avisées par M. LUCAS, membre du réseau " Centurie ", et dont la ferme est constamment occupée par les Allemands, de la présence dans un champ d'un officier et d'une quinzaine d'autres parachutistes. Elles les renseignent et, aidées du fermier CASTEL, elles camouflent leurs armes. Le soir, Georges BRISSET et M. ABIVEN, accompagnés par un réfugié républicain espagnol, les conduisent à Amfreville. Deux autres aviateurs blessés sont installés dans une haie. bien camouflés sous leurs parachutes verts. Ils y restent trois jours, ravitaillés par les demoiselles LEVASLOT.

Dans la même région, tout près du front de bataille, le 12 ou le 13 juin, c'est un capitaine américain qui est mis à l'abri derrière un tas de fagots dans la " boulangerie " de la ferme DAVY au lieu-dit St-Cyr, à Orglandes, alors que la bataille fait rage à Gourhesville, entre la Douve et le Merderet. Il est guidé par le fils du fermier, Georges DAVY, membre de la Résistance, pendant quelques kilomètres en direction du village de Gueuteville.

Des parachutistes sont tombés jusque dans les environs de la forteresse de Cherbourg, à plus de 30 kilomètres du lieu d'atterrissage prévu, dans une zone de forte concentration de troupes allemandes. Leur sauvetage s'avère difficile et dangereux. Néanmoins, à Tollevast, le 7 juin, la famille PASQUIER héberge dans une étable quatre aviateurs américains dont un s'est blessé à l'atterrissage.

Toute la journée, ils sont ravitaillés et soignés par ces braves gens aidés des instituteurs. Mme et M. LACROIX, résistants du réseau " Centurie ", bien que le village soit fortement occupé par l'ennemi. Au cours de la nuit. ils leur indiquent la direction à suivre pour rejoindre Sainte-Mère-Église.

Dans la nuit du 5 au 6 juin, à Equeurdreville, quatre aviateurs alliés, au retour de leur mission de parachutage dans la région de Sainte-Mère-Église, se trouvent dans l'obligation de sauter de leur appareil atteint par la D.C.A. Ils tombent dans un champ où ils sont, par hasard, découverts par le fermier FRIGOUT et sa domestique Mlle EUSTACHE qui s'empressent de leur fournir nourriture et vêtements de civils.

Mis au courant, le policier FERRY les amène chez lui à Equeurdreville dans la soirée du 7 juin. Le lendemain, les fermiers transportent leur matériel et leurs armes au domicile de leur protecteur qui les gardera jusqu'au 26 juin, date de la libération d'Equeurdreville.

Il nous faut aussi signaler le dévouement de Mlle POSTEL, de Rocheville, qui, à partir du 11 juin jusqu'à la libération de la commune le 21 juin, héberge un aviateur américain blessé dont l'appareil a été abattu. C'est une étudiante, Mlle SIMON, qui sert d'interprète son père entre en contact avec Gaston LOSTORIAT, agent de liaison du Mouvement " Libération-Nord ", qui se rend à Bricquebec pour tenter de joindre le lieutenant GIUDICELLI dont la formation a, été repliée de Cherbourg dans cette bourgade. Mais il ne réussit pas dans sa mission, le lieutenant étant à Flamanville où il organise le groupe de combat des Pieux. L'offensive alliée en direction de Cherbourg délivrera l'aviateur.

Dans la même région. quelques jours après le 6 juin, et en accord avec le lieutenant GIUDICELLI, le chef du groupe de Résistance de Bricquebec, Raymond ARCENS (Rubis), organise le sauvetage de plusieurs parachutistes tombés dans la région de Rauville-la-Bigot. En accord avec Albert GUILLOT (Péda), instituteur et secrétaire de mairie à Magneville, il charge FRICHTEAU (Biffin), receveur des postes à Rauville-la-Bigot, de rechercher les parachutistes américains et de les conduire à Magneville en contournant Bricquehec, par Rocheville, le village du Foyer, puis à travers champs.

A Magneville, le 6 juin, sept parachutistes se présentent à la mairie demandant GUILLOT, chef du groupe de Résistance de la commune. GUI!, LOT les aide, les guidant jusqu'à la route menant de Valognes à Saint-Sauveur-le-Vicomte, et les renseignant sur le chemin pour gagner Fresville, leur lieu de rassemblement prévu. Dans cette même commune, trois parachutistes, dont un blessé, sont camouflés dans une " boulangerie " isolée du hameau Bazire, chez Louis DOGUET deux autres sont cachés dans un champ de blé par M. OSMONT. Ils sont régulièrement ravitaillés par les habitants et resteront chez leurs protecteurs jusqu'à la libération de la commune le 18 juin.

Dans la zone des marais inondés

Dès le soir du 6 juin, aux Moitiers-en-Bauptois, à partir de 20 heures, Lucien LORENCE transporte dans une barque à fond plat, d'une rive à l'autre des marais, en quatre voyages, vingt parachutistes tombés à dix kilomètres du lieu prévu pour leur atterrissage. Pendant toute une semaine, le boulanger Jean FONTAINE parcourt la commune à la recherche des Alliés ; il les regroupe dans son habitation et les ravitaille avec l'aide de la population. Sa maison, toute proche des marais, sert de cantonnement à plus d'une centaine d'Américains.

Le 7 juin, Lucien LORENCE et Gustave de PIERREPONT en transportent chacun six. L'embarquement se faisait au village du Port et les Américains étaient amenés sur l'autre rive, au lieu-dit Pont-Beurey à Picauville. Ils pouvaient alors tenter de regagner leurs lignes de combat à Chef-du-Pont, distant de 5 km. Le 11 juin, c'est vingt-et-un parachutistes dont dix-sept tapis dans les roseaux, sont tombés entre les deux rives du marais inondé. En cinq voyages, Lucien LORENCE les enlève à la bouc et les transporte sur la rive Nord ; trois autres sont transportés le 14 juin par Gustave de PIERREPONT, Paul MAUGER, Paul BITOUZE ; d'autres encore participent à ces navettes.

Toujours au bord des marais, à Appeville, de nombreux habitants aident à se camoufler une soixantaine de parachutistes tombés par erreur sur la rive droite, ils soignent les blessés victimes d'un atterrissage trop brutal. Henri de SMEDT et même les gendarmes de Saint-Jores les groupent. Sur des bateaux plats, Henri de SMEDT, Léon ROBIOLLE, Louis LEBLANC et d'autres membres de la Résistance d'Appeville embarquent, la nuit venue, chacun cinq à six hommes avec leur armement et leurs caisses de munitions, et les transportent à travers le marais large de 2 km, jusqu'à la ferme LECONTE à Liesville où ils peuvent re-joindre leurs lignes. Malheureusement, au cours d'une de ces opérations, le 8 juin, une patrouille allemande surprend un groupe et tire, tuant un vieillard de 72 ans, Ferdinand JOUAUX. Les autres participants réussissent à s'enfuir.

Dans la commune voisine, le 10 juin, à Houtteville, cinquante parachutistes sont rassemblés sur le bord du marais par le maire Jean-Baptiste BERTIN. Par petits groupes, ils embarquent, la nuit, sur le bateau d'Adolphe LEPRIEUR que pilote AUDOUARD, habitant sur l'autre rive, à Liesville, occupée par les Américains, qu'ils atteignent après une traversée du marais large de plus d'un kilomètre.

Dans la région de Saint-Sauveur-le-Vicomte, le groupe de Crosville-La Bonneville assure l'hébergement et le ravitaillement d'une cinquantaine de parachutistes depuis le 6 juin jusqu'à la libération, le 18 juin. Vers le 12 ou 13 juin. le vétérinaire Louis BRÉVAL, membre de la Résistance, se rend a Crosville où il donne des soins aux blessés américains. Tout près de là, à Rauville-la-Place. la famille de Gaston PICOT, chef du groupe de renseignements du canton de Saint-Sauveur-le-Vicomte, ravitaille et soigne quatre parachutistes. Un autre aviateur a atterri le 6 juin. dans le jardin du chef du groupe " Action " de Saint-Sauveur-le-Vicomte, Auguste OZOUF. Il est camouflé et ravitaillé par lui jusqu'au 18 juin. date de l'arrivée de l'armée américaine.

Ce même jour, à Saint-Germain-sur-Ay. Jean GOUBERT qui hébergeait des parachutistes, surpris par les Allemands, est abattu alors qu'il tentait de s'enfuir.

Dans la région de Carentan, à Méautis, M. Joseph Van RICKSTAL, de nationalité belge, cache et héberge plusieurs Américains dans sa propriété. Ceux-ci ayant imprudemment tiré, le 10 juin, sur un convoi allemand, tuant deux hommes et en blessant sept autres, le propriétaire et son fils, soupçonnés de complicité, sont arrêtés comme otages, puis relâchés. A Saint-Fromond, un officier aviateur anglais est recueilli le 7 juin par M. MICHEL Arthur qui l'a gardé. même au moment de l'exode, pendant 42 jours.

A Auvers, Mlle Germaine BACHELEY, âgée de 18 ans, camoufle dans une " boulangerie " voisine trois parachutistes tombés le 6 juin loin de leur point de rassemblement : Saint-Côme-du-Mont. qu'ils ne peuvent rejoindre à travers les marais. Pendant presque une semaine ils seront ravitaillés par cette jeune fille.

A Sainte-Jores, le 6 juin au matin, Louis RENÉ et le gendarme Louis DURAND découvrent douze Américains, dont un est blessé. Ils les abritent dans une ferme inhabitée, et, sur la demande des militaires, ils parcourent le terrain, protégés par un sac d'herbe, pour retrouver les containers d'armes éparpillés dans les champs au moment de la chute de l'avion. Douze mitrailleuses et fusils mitrailleurs, des cartouches et deux postes émetteurs sont récupérés. Sans perdre de temps, les soldats mettent les armes en batterie aux fenêtres de la ferme, tandis qu'imprudemment, d'autres patrouillent dans le bourg, mitraillant au passage les Allemands se rendant sur le front de bataille. Quant au blessé, il est transporté chaque jour, recouvert d'herbe, dans une carriole jusqu'à Sainte-Suzanne où il est soigné par des religieuses.

Dans la partie sud des marais, à une dizaine de kilomètres de Carentan, le sauvetage spontané des parachutistes par la population civile va provoquer un des plus sanglants drames de l'histoire de la libération de cette contrée. Le 6 juin, une dizaine d'Américains de la 101e Division Aéroportée sont largués prématurément de leur appareil et tombent dans les marais près de Tribehou. Ils sont regroupés au petit matin par le maire GUILBERT qui les cache dans un grenier. Par l'intermédiaire de l'instituteur HELYE qui sert d'interprète, les Américains demandent à être conduits à Saint-Côme-du-Mont, lieu prévu pour leur atterrisage ; 16 kilomètres d'inondation les en séparent !

Conduits par Mme Lucienne MOROGE et Auguste LEFRANC, du groupe local de Résistance, ils sont acheminés à Craignes où sont tombés, dans la même nuit du 6 juin, plus de 150 de leurs camarades.

Albert MAUGER, membre de la Résistance, en trouve dix dans sa ferme et, partant en reconnaissance vers le bourg, en rencontre encore quatre. Les habitants de la commune accueillent avec joie nos libérateurs, avec leurs carrioles, ils vont à la recherche des munitions et des vivres lancés du ciel, tandis que les femmes soignent les blessés. Mlle Suzanne PEZERIL, institutrice, sert d'interprète, aidée par ses collègues. Mlle Renée MEUNIER et Mme LEPAYSANT.

Le lendemain 7 juin. Henri MOROGE, chef du groupe de Tribehou et sa femme. dirigent sur Graignes, sept autres parachutistes et en mettent trois autres en contact avec une patrouille américaine venant de ce village. D'autres militaires alliés ont atterri le 6 juin dans la commune voisine de Montmartinen-Graignes : Albert MAUGER et son voisin Léopold TAHOT vont à leur recherche et les conduisent à Graignes avec le matériel de guerre tombé dans les marais.

Le 8 juin. de bonne heure, tout est organisé au mieux dans le village de Graignes : l'épicière Mme BOURSIER fait la cuisine aidée de Mmes LANŒ et de Mlle Simone VIEILLARD, tandis que Louis LUET et Mlle MEUNIER font la collecte du lait et des vivres. La recherche des parachutistes et de leur matériel se poursuit ; vers midi, deux d'entre eux blessés sont amenés de Montmartin-en-Graignes par André YVER et le soir, une patrouille américaine de quinze hommes est conduite par Joseph FOL.LIOT dit La Moule, au village de Graignes.

Ce même jour, à 6 heures. M. GUILBERT. maire de Tribehou, qui donne asile à quatre nouveaux parachutistes, les remet à une patrouille américaine venue vers 9 heures, en reconnaissance. Le soir, à 20 heures, deux soldats sont conduits par Alphonse MOULINS de Saint-André-de-Bohon chez Henri MOROGE. Malgré le danger présenté par les reconnaissances allemandes sur la route, l'instituteur HEI.YE, qui sert d'interprète et MOROGE conduisent les deux hommes jusqu'à 2 km du bourg de Graignes.

Les Américains isolés tentent de communiquer le 9 juin avec leurs armées débarquées dans la zone de Sainte-Mère-Église. Un journalier agricole, Émile MARTIN, consent à leur porter un message. Il part à bicyclette, réussit à gagner Sainteny à 15 km. mais il est arrêté par les Allemands qui confisquent sa machine, heureusement, le messager avait eu le temps de faire disparaître le pli dont il était porteur ! Dans l'après-midi, six parachutistes dont un Canadien parlant français se présentent chez Albert MAUGER qui tout en leur donnant les renseignements utiles, les met en garde, leur présence étant connue de trop de curieux de la région. A Tribehou, deux autres parachutistes sont amenés chez MOROGE par Alphonse MOULINS et sa jeune fille de 14 ans, France ; les deux militaires sont conduits à Graignes par Mme MOROGE et Auguste LEFRANC. La gendarmerie française de Saint-Jean-de-Daye, sous les ordres du maréchal des logis BRUAIS, se garde bien de signaler aux Allemands la présence de 170 Américains, et fournit des renseignements aux Alliés sur l'emplacement des troupes ennemies dans la région.

Vers 23 heures, Albert MAUGER accueille cinq parachutistes trempés. Ils font comprendre que les ennemis arrivent : en effet, 76 voitures attelées passent sur la route. A deux Allemands qui s'arrêtent pour lui demander à boire, il affirme qu'il n'y a pas d'Américains. Dès le lendemain matin 9 heures, alors que les cinq parachutistes ayant été réchauffés, couchés dans un bon lit, se disposent à rejoindre leurs camarades au bourg de Craignes, un convoi allemand de 67 fantassins s'arrête devant la maison et s'apprête à bivouaquer dans la cour ! Albert MAUGER a beaucoup de mal à convaincre les cinq parachutistes de ne pas tirer ! Il les fait sortir par le jardin d'arrière, les conduit à travers champs et leur donne la direction à suivre pour gagner le village, après avoir franchi un canal. Se rendant au bourg, le soir, il a la joie de constater que les cinq hommes avaient réussi à rejoindre Graignes.

La tragédie de Craignes

Le 10 juin, Mme Lucienne MOROGE se rend en mission de Tribehou à Graignes. Elle indique à l'officier américain que les Allemands se préparaient à l'attaque pour le lendemain. Le maire de Graignes, VOYDIE et Albert MAUGER recherchent et transportent le matériel américain tombé dans le marais inondé, tandis que Gustave RIGAULT cache dans son grenier une quinzaine de parachutistes qu'il ravitaille.

En effet, le dimanche 11 juin, à 9 heures 30. quinze cents Allemands attaquent les Américains, alors que beaucoup d'habitants suivent, à l'église, l'office du dimanche. La bataille fait rage et l'ennemi subit de grosses pertes. Elle ne se terminera qu'à 23 heures, lorsque les parachutistes auront épuisé leurs munitions.

Sous le prétexte que des blessés américains étaient soignés dans l'église et que des munitions étaient déposées dans le jardin du presbytère, les Allemands fusillent deux prêtres, le curé LEBLASTIER et le R.P. LEBARBANCHON. Les Allemands obligent l'institutrice, Mlle PEZERIL, à marcher devant leur troupe et à faire ouvrir toutes les portes des maisons que les Allemands pillent.

La tache des résistants de Graignes, après cette tragédie, est encore loin d'être achevée. Malgré l'occupation de la commune par les Allemands, il faut tenter de ramener dans leurs lignes les parachutistes rescapés. Heureusement, une offensive américaine a permis la conquête de Carentan et l'allongement du front vers Montmartin, à 6 km de Graignes.

Le 12 juin, Albert MAUGER a recueilli deux rescapés et Georges FOLLIOT en amène deux autres qu'il vient de ravitailler. Les quatre hommes sont conduits dans la soirée, par MAUGER, au travers du bas pays en direction de Carentan. Le lendemain 13 juin, c'est neuf autres qui demandent le même service. La nuit tombée, il les mène au port Saint-Pierre et les fait monter sur trois bateaux plats pour atteindre la rivière " La Taute " dont les rives son( bordées de planches permettant de longer le cours d'eau nvnvb jusqu'à Carentan. La même opération est répétée le 14 juin au soir par Albert MAUGER pour trois parachutistes que Jean LECORDIER avait cachés et ravitaillés.

Quant à la quinzaine de parachutistes que ravitaille et héberge Gustave RIGAULT depuis le 10 juin, ils sont ramenés dans les lignes américaines à Rougeval, près de Carentan, pendant la nuit du 15 au 16 juin, dans un bac conduit à travers les marais par Joseph FOLLIOT.

Ainsi se termine la tragédie de Graignes. Si trente-sept parachutistes y trouvèrent la mort, dont sept et leurs chefs furent assassinés par les Allemands, on estime à sept cents morts les pertes allemandes. Trente et un parachutistes réussirent à s'évader avec la complicité d'une population ardemment patriote.

Toujours en bordure des marais, à quelques kilomètres au sud-ouest de Graignes, le groupe de Remilly-sur-Lozon que dirige André LEDUC cache dans une oseraie bordant les marais de Saint-Clair, six parachutistes alliés tombés dans la nuit du 6 juin. LEDUC s'assure le concours de Louis ANFRAY, chef du Service des Pensions de la Marine, replié de Cherbourg dans la commune voisine des Champs-de-Losques, pour servir d'interprète.

L'officier qui commande cette formation a trouvé refuge tout près de là, dans les dépendances de la ferme du Port. Il rejoint ses hommes le 9 juin.

Dans la commune des Champs-de-Losques, un aviateur anglais venant de Saint-Fromond a été sauvé et hébergé jusqu'au 17 juillet 1944 par Arthur LEBELLANGER.

Vers le 10 ou 12 juin, deux aviateurs tombés à Marchésieux sont amenés par BESNARD et Pierre MARIE au Mesnil-Eury où celui-ci les cache. Une semaine plus tard, le 18 juin, six aviateurs alliés dont l'appareil a été abattu au Mesnil-Vigot sont découverts par André LEDUC dans un buisson où ils s'étaient cachés. Leur retraite étant inconfortable et leur présence ayant été signalée aux Allemands, il décide leur transfert ailleurs. Prévenu par le jeune BESNARD, Pierre MARIE se rend sur place. Dans la nuit du 2 au 3 juillet. portant sur son dos un des aviateurs blessés, et guidé à travers champs par André LEDUC, il se dirige vers le Mesnil-Eury. Les aviateurs sont répartis et logés pendant deux jours dans diverses fermes et chez le frère du chef de groupe à Remilly-sur-Lozon. Trois d'entre eux décident d'abandonner le groupe et de suivre le cours de la rivière Lozon, les autres sont regroupés dans la nuit du 4 au 5 juillet par Pierre MARIE au bois du Vivier, à Montreuil-sur-Lozon. Ils restent cachés dans un abri confectionné avec des fagots et sont ravitaillés à tour de rôle par Paul LECLERC (Hubert POULAIN) et Pierre MARIE jusqu'à la libération vers la fin de juillet au cours de la bataille de rupture du front allemand.

Dans la région de Saint-Lô, un aviateur est camouflé pendant cinq ou six jours par les gens du village de Closville à Saint-Georges-d'Elle.

Dans la région centre et sud.

Signalons encore que dans la journée du 11 au 12 juin, trois aviateurs américains sont camouflés à Geffosses, dans un bâtiment annexe de sa ferme par Emile VILLEDIEU. Les Allemands venant occuper la propriété, il conduit les trois hommes en pleine nuit, dans une haie épaisse à 100 m de son domicile. Ils y resteront plus d'un mois, jusqu'à la mi-juillet, où décelés par un chien policier, ils seront prisonniers des Allemands.

Le 18 juin, l'abbé HLDOUIN, curé de Saint-Nicolas-de-Pierrepont et membre du réseau " Centurie ", prend en charge deux sous-lieutenants américains, leur donne asile et soins jusqu'à la libération du village le 5 juillet.

Le 14 juin, un chasseur d'escorte américain, touché par la D.C.A., s'abat en flammes sur une ferme entre Hambye et Villebaudon. Le pilote saute en parachute il est pris en chasse par les Allemands. Il réussit à fuir et est amené par Mlle PILLEVESSE chez sa mère à la ferme de La Huberdière, à Hambye, où il est caché et hébergé jusqu'au 31 juillet, date de l'arrivée de l'armée américaine.

Pendant la même période, Pascal LEBOURGEOIS, du réseau Centurie ", abrite deux aviateurs alliés jusqu'à la Libération, à Saint-Martin-de-Bréhal.

Le 19 juin, à Guilberville, Charles HAMEI„ chef du groupe de Résistance et la famille Auguste BOUDARD assurent l'hébergement de deux parachutistes et d'un soldat américain accompagnés par sept maquisards venus de Bretagne. Ils les garderont jusqu'au 31 juillet, date de la libération de la commune.

Le 21 juin, un aviateur américain sous-chef d'escadrille, dont l'avion a été abattu en Ille-et-Vilaine, près de Rennes, arrive exténué à Céaux où il demande sa nourriture dans les fermes. Il est abrité provisoirement à Pontaubault, chez Mme BOUDET. Mise au courant, l'institutrice Mme COSSE demande à un étudiant M. RAVALET de bien vouloir interroger l'aviateur. Dans la nuit, le jeune homme le conduit dans la ferme de ses parents, au village d'Athée à Céaux où il sera hébergé jusqu'à l'arrivée de l'armée américaine, le 31 juillet.

Tout ne se passe pas aussi bien pour les Français dévoués qui veulent sauver leurs libérateurs. Ainsi, à Bolleville, le 22 juin, le minotier Jean HEBERT et Georges BLIAUX aperçoivent quatre parachutistes américains, sans armes, qui se sont évadés d'un camp de prisonniers. Les deux hommes les cachent dans le moulin et leur procurent des vêtements civils. Georges BLIAUX se propose de leur faire rejoindre l'armée américaine dès la nuit venue, par un chemin encore libre. Malheureusement, ce chemin est, depuis peu de temps, gardé ! Les cinq hommes sont arrêtés au village de Launay et emmenés, les mains liées derrière le dos, vers l'arrière du front de bataille de Montgardon, après leur présentation le 23 juin au poste de commandement allemand. Le 25 juin, ils sont transférés à Vesly, puis, après avoir été délivrés de leurs liens, conduits à pied, dans la nuit, jusqu'à Montcuit, distant de 20 km, où ils sont enfermés, avec une trentaine de civils et de militaires, dans un bâtiment de ferme, éclairé par une lucarne ouverte pour assurer l'aération, et gardé par une sentinelle. Le 26 juin. vers midi, alors qu'un violent orage éclate, obligeant le factionnaire à s'abriter sous un hangar proche, Georges BLIAUX profite du relâchement momentané de la surveillance pour se hisser jusqu'à la lucarne et s'évader.

Il faut mettre à part l'extraordinaire aventure de plusieurs Américains aviateurs ou prisonniers qui réussiront, sauvés par toute une chaîne de résistants et de patriotes, à regagner leurs lignes, près de deux mois après le 6 juin.

C'est d'abord celle de Ch. VOIGT, tombé le matin du 7 juin de son avion en flammes, à Montsurvent. Légèrement blessé, il est sauvé par le marin-pêcheur Camille RIGOT qui le cache pendant quelques jours chez sa mère. Il est soigné par Mlle POIRIER, fille d'un résistant des Ardennes, venant chaque jour de Coutainville où elle demeure. Puis ce sont deux aviateurs, John KERTCH et Marcel BOLLOG qui, avec l'aide du maréchal-ferrant, Albert OURSELIN et de son fils, se sont évadés d'un camp de prisonniers à Muneville-le-Bingard. Deux autres, l'Américain Arthur MULLINS et le Canadien Joseph DEZIEL, aidés par Albert ESNEE, ont fait de même. Ils sont hébergés et cachés par leurs sauveteurs qui les habillent d'un costume de paysan normand. De fausses cartes d'identité leur sont procurées par le secrétaire de mairie Paul LEGARDINIER et Emile TIREL. Ils sont ravitaillés en partie par Mme JOUNINET et mangent à la table de leurs hôtes, malgré les soldats de la Croix-Rouge allemande qui occupent le village. Ils seront ainsi hébergés jusqu'en fin juin où ils seront pris en charge par M. SAILLARD, d'Ancteville, qui les loge chez Paul DAUVIN.

Vers la mi-juin, Camille RIGOT, ayant appris que son village allait être occupé par les troupes allemandes, demande à l'instituteur Robert LEBOYER qui le lui avait déjà proposé, d'héberger l'aviateur Ch. VOIGT. Cc qui fut fait dans la nuit du 14 au 15 juin. Quelques jours plus tard, vers le 20 ou 25 juin, Robert LEBOYER est averti par un de ses élèves Joseph HELYE de la présence de deux militaires américains dans la ferme que dirige sa mère en face de l'école. Il s'y rend aussitôt. Il s'agit de deux parachutistes Edward MORISSEY et Norman WELSH, qu'il cache dans une tranchée couverte de tôle, dans le jardin de l'école. L'institutrice Mme VIENNE accepte de les héberger et leur ravitaillement est assuré pendant tout un mois par les deux collègues.

L'aventure de ces sept Américains est encore loin d'être terminée. Nous les retrouverons dans un autre chapitre consacré aux missions opérées par la Résistance en juillet 1944.

LA " GUÉRILLA "

LE PLAN " TORTUE "

La " guérilla " est la reprise par les résistants de la tactique utilisée par les patriotes espagnols, en 1810-11, contre les armées napoléonniennes occupant leur pays, c'est-à-dire l'attaque inopinée par un petit groupe de résistants résolus, de détachements allemands, voire de soldats isolés. C'est une guerre cruelle, sans merci. Son but est double : miner le moral de l'ennemi qui ne se sent en sécurité nulle part, retarder le plus possible par des actions ponctuelles l'arrivée des renforts allemands, venant de l'intérieur du pays, vers le champ de bataille ouvert par le débarquement des Alliés le 6 juin. C'est l'application du plan " Tortue ", complément des plans " vert " et " violet ", commencée sur une grande échelle dans la nuit du 5 au 6 juin et qui se continueront pendant les semaines suivantes.

Sur la plupart des routes, des crève-pneus sont posés journellement provoquant l'arrêt momentané des véhicules allemands ; et les coupures de fils téléphoniques, les retournements de panneaux indicateurs de direction, ne se comptent plus. Des embouteillages de convois se produisent alors que l'aviation alliée bombarde, jetant la confusion parmi les troupes et atteignant leur moral.

Bien que l' " Action " directe soit devenue la tâche essentielle des groupes de Résistance, la recherche et la transmission aux Alliés de renseignements sur l'activité et la densité des troupes allemandes n'en reste pas moins importante. Ainsi le 7 juin, Lucien FINCK, du groupe de Granville se rend en mission, à bicyclette, jusqu'à la forêt de Saint-Sever pour observer les routes empruntées par les convois allemands envoyés en renfort vers le Cotentin. Il rend compte de ses observations à son chef Maurice MARLAND en contact, par poste émetteur, avec les Alliés.

Dès le 6 juin, on signale une attaque d'un camion allemand à Avranches par le groupe des F.F.I. Un Allemand est blessé et six autres se rendent et sont désarmés. Le camion est incendié après récupération du matériel transporté. Le même jour, à Montchaton, les F.F.I. attaquent un poste allemand isolé et capturent deux prisonniers

Dans la nuit du 7 au 8 juin. les F.F.I. d'Avranches : Jacques MANSUY, Georges LOURDAIS, Louis MORAZIN, font sauter à l'aide de plastic, l'aiguillage de la voie ferrée allant de Pontaubault vers Saint-Hilaire-du-Harcouët. Sur la route du retour vers leur poste de Commandement, installé à la suite du bombardement d'Avranches chez LEROUX, au lieu-dit " Le Quesnoy " à Saint-Martin-des-Champs, ils attaquent deux cyclistes allemands isolés. Ils peuvent disposer d'un autre poste de Commandement à Tirepied, au lieu-dit " Le Bas Crux " où la famille LOURDAIS s'est réfugiée chez LEBRETON ; celui-ci, mis au courant des activités du groupe, accepte très volontiers les responsabilités découlant de l'hébergement des clandestins.

Sur la route de Saint-Hilaire-du-Harcouët, à Parigny, au lieu-dit " La Datinière ", le groupe dirigé par Louis BLOUET pose des crève-pneus, dans la soirée du 6 juin. Une voiture légère de reconnaissance occupée par quatre officiers et deux sous-officiers est immobilisée par l'éclatement d'un pneu. Après changement de roue, la voiture repart. mais passant à nouveau sur les crève-pneus, elle est immobilisée jusqu'au lendemain matin.

Toutes les nuits entre le 7 et le 16 juin, le groupe de Saint-James établit en travers des routes des barrages de fils de fer tendus. Chaque jour des traces de chutes ou d'accidents sont relevés dès le petit matin. Les liaisons du groupe avec le Poste de Commandement d'André ROUAULT sont régulièrement assurées par Mariette RABECQ, agent de liaison.

Alors que le 8 juin à Airel, Jean LAMOTTE, chef du secteur Nord des F.T.P., aidé de son fils, met un Allemand hors d'état de nuire et s'empare de sa mitraillette, tandis qu'à Ducey. le même jour, le groupe MANAIN provoque une coupure de route en faisant exploser une mine, le groupe de Saint-Hilaire-du-Harcouët, sous la direction de Louis BLOUET, de Jacques NAVIER (Georges AUBERT) et de Louis PASQUIER (André NOBLET), procède, non sans mal, à l'abattage d'un gros sapin bordant la route menant de Saint-Hilaire à Juvigny, sur la commune de Chèvreville, afin d'obstruer toute communication sur cette voie. Ils sont aidés par un bûcheron qui leur fournit les outils nécessaires. Dans la soirée, deux convois allemands chargés de munitions venant de Bretagne sont arrêtés successivement sur une longueur d'environ 6 km. Ce n'est qu'au jour, le 9 juin, qu'ils réussiront à faire sauter l'obstacle. Mais avant d'achever l'opération, la colonne est repérée par l'aviation alliée prévenue par radio-émetteur ; elle est copieusement bombardée. Les camions sont incendiés, les munitions explosent pendant 12 heures. 27 camions, 2 remorques, 2 canons, un nombreux matériel ont été détruits. Les Allemands ont perdu une cinquantaine d'hommes.

Le même jour, à Brécey, le groupe comprenant Louis PINSON, Gustave LOUAISEI„ TAUZIN et André DEBON attaque un camion allemand cantonné près de la bourgade. Après avoir annihilé toute résistance des neuf hommes qui l'occupaient, le groupe s'empare de sept fusils, de trois pistolets et de munitions. Par des crève-pneus, posés par le groupe, une auto-mitrailleuse se trouve immobilisée.

Malheureusement, le lendemain 10 juin. Gustave LOUAISEL, de retour d'une reconnaissance sur l'effectif du poste de Reffuveille est poursuivi par des soldats allemands, à l'appel de l'un d'eux qu'il avait sans doute voulu désarmer. Battu, torturé et même pendu, il est fusillé sans avoir rien révélé de ses activités et de celles de son groupe.

Les quelques armes dont disposent les groupes sont entreposées à Marcilly chez un cultivateur FOUILLARD. Le 10 juin. Louis BLOUET et Louis PASQUIER (André NOBLET) du groupe de Saint-Hilaire obtiennent une mitraillette et 30 kg de cartouches qu'ils ramènent sur leurs bicyclettes malgré la présence de très nombreux ennemis dans la région.

Le 14 juin, entre Marcilly et La Blandinière, les groupes d'Avranches, de Ducey et de Saint-Hilaire renouvellent sur la route d'Avranches à Chalandrey, l'obstruction de la voie par abattage d'un gros arbre. Un convoi allemand de chenillettes et de camions est retardé de trois heures, l'étroitesse de la route ne pouvant permettre aisément la manœuvre des véhicules pour rebrousser chemin. Le convoi sera bombardé au jour par des avions canadiens.

Le lendemain, sur la route entre Saint-Quentin et Avranches, le groupe de cette ville sous la direction de Georges LOURDAIS procède à la pose d'une mine anti-tank. Un car allemand, bondé de soldats saute, se renverse sur la route, entravant la circulation. Des morts et des blessés gisent dans le car. Le convoi qui suit rebrousse chemin, mais un camion, plein de munitions, doit être déchargé dans le fossé. Deux jours plus tard, le 17 juin, MANSUY, MORAZIN et quelques hommes d'un groupe voisin, transportent les munitions et les mettent en tas. MANSUY ajuste la mine et le cordon Bickfort dans le dessein de faire sauter le dépôt, lorsque surgit un Allemand de garde. Le groupe se disperse et MORAZIN reste seul, cependant que MANSUY a le temps de se dissimuler sans être vu. Pendant que l'Allemand interroge MORAZIN sur sa présence. MANSUY l'abat d'une rafale de mitraillette. Les deux amis allument la mèche et partent sans oublier d'emporter le fusil de la victime. Ils retournent sur place le 21 juin, car le dépôt n'a été détruit qu'en partie : ils récupèrent 10.000 cartouches et des grenades.

Le 14 juin. dans la nuit, Saint-Hilaire subit un sévère bombardement. Les F.F.I. sous la direction de Jacques NAVIER, ancien pompier de Paris, luttent contre les incendies. Ils organisent la chasse aux pillards des maisons écroulées ou endommagées. Ils font connaître par affiches que " Tout pillage sera puni de mort. ".

Le 16 juin au soir, à Naftel, le groupe s'apprêtait à faire sauter le pont de Virey. La présence d'une cinquantaine d'Allemands, bivouaquant dans un chemin creux tout proche, empêche toute tentative. Cependant, profitant de la nuit noire, Louis BLOUET réussit à s'introduire dans le groupe allemand et à s'emparer d'un fusil mitrailleur et de 50 cartouches. Poursuivi, il tue un soldat et réussit à s'enfuir avec le groupe.

Depuis la destruction du pont la Sélune, sur la route de Saint-Hilaire à Avranches, les convois allemands empruntent la route d'Égypte, assez étroite reliant Saint-Hilaire à Martigny. Le groupe de Résistance projette d'obstruer cette voie, par abattage d'un arbre et d'un mur de quatre mètres. Le manque de plastic et l'emploi de poudre insuffisamment sèche font échouer le projet, mais le lendemain, 19 juin, sur cette même route, un side-car allemand saute sur des crève-pneus posés par le groupe, près du pont Saint-Yves. L'arrivée d'un convoi oblige les F.F.I. à se retirer. Le lendemain, ils pourront constater quatre éclatements de pneus de véhicules allemands.

Le même jour, Louis PINSON qui a placé des mines anti-tanks sur la route du Mesnil-Ozenne à La Boulouze, constate la destruction de deux camions allemands.

Le 21 juin, les résistants d'Avranches et de Brécey détruisent un groupe électrogène et des lignes téléphoniques au château de Baffai, près de Saint-Martin-des-Champs, où siègent un état-major allemand et la Kommandantur d'Avranches, repliée après le bombardement de cette ville. A leur retour, ils ont l'occasion d'aider quatre Russes, obligés de servir dans l'année allemande, qui cherchent à déserter. Ils leur procurent des vêtements civils et les incorporent dans leur groupe.

Le 21 juin, Albert MOTHAY, chef du groupe de Saint-James, accompagné de François LEROUX, se rend en Ille-et-Vilaine, à Saint-Christophe-de-Valins, pour s'approvisionner en armes que le réseau " Scientist " du " Spécial Opération Exécutive " (S.O.E.) a parachutées dans la région. Ils sont reçus par René BERJON (Émile) qui leur remet quatre mitraillettes avec cartouches. D'autre part, Guy LECANNELIE et un autre membre du groupe, conduisant un tombereau, se rendent à Saint-Marc-le-Blanc, dans le même département, où ils doivent prendre contact avec le curé de cette localité. Celui-ci leur indique le chemin de la lande où, la nuit précédente, le parachutage d'armes a eu lieu. Ils sont accueillis par Claude de BAISSAC et sa sœur Louise, dirigeants du réseau anglais, et ramènent sans encombre, camouflés dans des sacs, dix mitraillettes démontées, autant de fusils, des grenades, des crève-pneus. Le tout est camouflé dans un bois, derrière la ferme LAPORTE, à Montjoie-Saint-Martin, siège du poste de Commandement du groupe. Quelques jours plus tard, deux mitraillettes sont remises à MANAIN, chef du groupe de Ducey et un stock est déposé chez FOUILLARD, cultivateur à Marcilly. Le lendemain 22 juin. le groupe reçoit sa formation définitive. Les dix-huit hommes qui le composent sont répartis en quatre sous-groupes bien entraînés, sinon parfaitement équipés.

Une section de huit hommes du groupe de Saint-Hilaire-du-Harcouët, sous la direction de René BERJON, du chef Louis BLOUET, de Jacques NAVIER (Georges AUBERT), accompagnés de Louis PASQUIER (André NOBLET), Charles RUAULT DASPRI, et de deux autres hommes, opère le 24 juin à 15 heures, à Chèvreville, sur la route de Parigny au Mesnillard. Avec un armement réduit, une mitraillette " Sten ". les hommes attaquent un convoi de la Division allemande " Das Reich ". composé d'une dizaine de véhicules, camions citernes et chenillettes ! Rapidement, l'ennemi a mis un fusil mitrailleur en batterie, et reçoit des renforts. Louis BLOUET qui a donné l'ordre de repli et son lieutenant Jacques NAVIER protègent la retraite de leurs compagnons. Blessé d'une balle au ventre, Louis BLOUET s'affaisse. Malgré le tir de la mitrailleuse ennemie, NAVIER revient sur ses pas. charge, non sans difficulté, le blessé sur son dos, sans oublier d'emporter la mitraillette de son chef. Mettant à profit les haies touffues qui bordent le chemin, ils se dissimulent, tandis que les Allemands avancent dans le champ voisin ! Au bout de 250 mètres, il retrouve René BERJON qui l'aide à transporter BLOUET

ils le cachent dans un champ de blé à 2 kilomètres du lieu de combat. A l'aide d'une charrette, le blessé est transporté chez Gaston ESNAULT à l'école de Parigny, soigné par le docteur COSTILS, puis à la clinique de Saint-Hilaire, où le docteur CUCHE, membre du groupe. procède à l'opération chirurgicale nécessaire. Les Allemands gardent le chemin et n'abandonnent le secteur que 3 heures plus tard, protégés par une chenillette.

A partir de ce jour, le groupe, installé depuis le 6 juin au Mesnillard, va par prudence, camper dans un bâtiment isolé, au milieu d'une prairie de Saint-Symphorien-des-Monts.

Le 24 juin, le groupe d'Avranches sectionne le gros câble téléphonique souterrain resté en service, assurant les communications à longue distance, et désarme un Allemand qui tentait d'intervenir.

Le 26 juin, le groupe de Saint-Hilaire se manifeste à nouveau en barrant en deux points avec des câbles, la route à la sortie de Parigny ; un motocycliste allemand est blessé et un camion est incendié.

Dans la même journée, le groupe de Saint-Cyr-du-Bailleul fait son apprentissage en tentant de détruire un pont au lieu-dit " La Beltière " sur la route de Barenton. L'opération ne donne pas le résultat escompté seules, quelques avaries sont constatées.

Mais, dans quelques jours, à la guérilla s'ajoutera une autre forme de lutte, plus difficile et plus efficace : à Fougerolles-du-Plessis, localité de la Mayenne, située à 3 km de la limite départementale, ont eu lieu plusieurs parachutages d'armes et de munitions. accompagnés par celui du capitaine anglais J.B. HAYES (Éric) chargé d'une mission très importante en arrière des lignes de combat. Les groupes de résistants de la Manche seront appelés à assurer cette mission.

LES OBJECTIFS DE L'ARMÉE DE DÉBARQUEMENT DANS LE DÉPARTEMENT DE LA MANCHE


6 juin - 15 août 1944

La libération du département de la Manche par les troupes américaines débarquées le 6 juin à 6 heures 30 sur la côte Est du Cotentin entre les plages de Saint-Martin-de-Varreville et de la Madeleine, près de la baie des Veys, s'effectuera en trois phases.

1°. - Dans une première partie, il s'agit avant tout, de s'assurer une tête de pont assez large et assez profonde pour accueillir les troupes de la 4e Division Américaine débarquant sans cesse sur la côte sableuse dénommée par les militaires " Utah Beach ". Cela fut réalisé en coordination avec les troupes aéroportées des 82e et 101e Divisions, le 6 juin.

LES OBJECTIFS DE L'ARMÉE DE DÉBARQUEMENT

Puis, il faut, en essayant d'élargir la tête de pont, couper la presqu'île du Cotentin, en atteignant la côte Ouest. Cette opération, réalisée le 18 juin par la 9e Division d'Infanterie du 7e Corps d'armée américain, a eu pour conséquence d'isoler les deux divisions allemandes, la 709e et la 243e dans le nord de la presqu'île et de les chasser vers la forteresse de Cherbourg.

Ce fut alors le siège, puis l'occupation de cette ville, seul port en eau profonde permettant l'accostage des navires à toute heure de marée, occupation réalisée le 26 juin.

Tout ce mois aura été nécessaire pour débarrasser le Cotentin de la présence allemande.

Rappelons que, depuis le 6 juin, se sont déclenchées dans toute la partie sud du département, les opérations de guérilla destinées à empêcher au maximum l'arrivée des renforts allemands vers le front de bataille.

De même ont continué les transmissions de renseignements si nécessaires aux Libérateurs.

2°. - La seconde partie occupera tout le mois de juillet. Les Allemands ont consolidé leurs positions sur une ligne allant du havre de Lessay à l'Est de Saint-Lô. L'opération " Cobra " qui débute le 25 juillet suivie de la rupture du front défensif allemand, et de la percée des troupes américaines qui atteignent Avranches le 31 juillet, termine la seconde phase.

3°. - La troisième se déroulera dans le Sud-Est du département, dans la région de Mortain. Elle est marquée par une tentative allemande d'isoler, par une puissante contre-attaque, les troupes alliées et d'atteindre Avranches ; puis par la contre-offensive américaine qui libère, le 15 août, la totalité de notre département.

N La Résistance sera présente au cours de ces trois phases de notre Libération, agissant selon le concours souhaité par les Alliés. Nous avons déjà mentionné :

a) - le rôle des F.F.I. dans l'application des plans : " Vert " et " Violet ", le 6 juin.

b) - l'aide spontanée de la population et des résistants, aux parachutistes.

c) - le plan " Tortue " et la guérilla.

Nous tâcherons d'exposer ci-après la participation directe des résistants aux combats de la Libération (6 juin - 15 août 1944).

Du Débarquement à la coupure de la presqu'île

Dans cette première phase, la mission essentielle confiée aux résistants est, selon les instructions reçues, de rester sur place, de se laisser dépasser par l'armée américaine, de lui fournir tous renseignements et de guider les troupes. C'est ce qui s'est produit le 6 juin pour les groupes de Sainte-Mère-Église et de Chef-du-Pont, comme nous l'avons relaté plus haut.

Les 7 et 8 juin, le groupe " Liberté ", sous la direction d'Albert MICHEL et de Jean FOLLIOT, effectue des patrouilles, traverse les lignes et permet l'encerclement par les Américains de deux compagnies allemandes.

Le 8 juin, le chef du groupe. Léon ROBINE, remet un document considéré comme très important à un officier de marine du Poste de Commandement américain installé à Saint-Martin-de-Varreville : c'est un plan indiquant les ouvrages allemands édifiés dans d'anciennes fortifications et terrains militaires de la région de Cherbourg.

Le groupe de Sainte-Mère-Église, sous la direction d'Eugène BENOIT et de son fils Gaston, comprenant Alfred MARIE, MAUDUIT, LEBRUMAN, Edouard PERGEAUX, afin d'éviter le bombardement du village de Famille. guide le 8 juin les Américains vers un bosquet proche de ce village où dès le 6 juin, il avait signalé la présence des Allemands. Les Alliés, passant à l'attaque, purent capturer 42 prisonniers qui se rendirent après une courte résistance.

Du 6 au 14 juin, Louis HAMEL et Joseph PERGEAUX guident huit tanks américains à travers la campagne, leur faisant éviter les champs de mines qu'ils avaient repérés dans la région avant le débarquement.

Le 12 juin, Adolphe JEANNE sert de guide à un bataillon de la 82e Division aéroportée qui avait de la difficulté à prendre le pont de Beuzeville-la-Bastille. Il leur fit traverser en chaloupe la vallée inondée de la Douve, pour débarquer au sud, en face de l'église de Beuzeville. Il les conduisit ensuite par un petit chemin escarpé entre les maisons et les jardins, ce qui leur permit de tourner le pont et de le prendre à revers, avec très peu de pertes d'hommes. Quelques jours après, il renouvela cet exploit à Pont-l'Abbé.

A Carentan, le 11 juin, Paul PATRIX, employé de chemin de fer, se porte dans le marais au devant des troupes libératrices, et renseigne leurs officiers sur les emplacements de l'armée allemande. Il reste à leur contact et s'offre à visiter la ferme du Mont-Halley, qu'il trouve vide. Grâce à cette initiative, il permet à l'armée américaine se déployant dans les marais d'être mieux protégée. il indique aux Alliés un chemin favorable pour attaquer les Allemands de flanc, leur permettant de capturer plusieurs ennemis et d'éviter de lourdes pertes.

Dans la même ville, le jour suivant, le 12 juin à 3 heures 30, Abel GIDEL traverse la "faute à marée basse, sous le pont du chemin de fer à demi écroulé, pour aller au-devant des patrouilles américaines. Il les informe de, la position des tirailleurs ennemis, placés. aux abords de la ville qu'ils viennent d'évacuer dans la nuit. Ce même jour, le major BROUSSARD, attaché au B.C.R.A. de la 1re Armée Américaine, fait appeler Robert CHAUVEAU, que lui avait signalé l' " Intelligence Service ", comme membre du Réseau " Alliance ". Celui-ci l'accompagne jusqu'au lieu-dit " Les quatre chemins ", à 4 km au sud-ouest de la ville, d'où il peut apercevoir les positions allemandes. Il lui signale l'existence d'un dépôt de munitions dans la carrière de Rougeval.

A la même date, Paul REMICOURT, du groupe de Valognes, réussit à passer les lignes allemandes pour rejoindre à Foucarville les troupes américaines. Pendant toute une semaine, du 12 au 19 juin, il les repassera à plusieurs reprises pour renseigner les Alliés sur les défenses allemandes, et restera à l'avant-garde des troupes américaines pour les guider vers la forteresse de Cherbourg.

Le 15 juin, à 21 heures, au château de Garnetot, le chef départemental des F.F.I.. Yves GRESSELIN (Colibri) et son adjoint Lucien RENOUI T (Lallemand), chef des groupes du Nord-Cotentin, prennent contact avec un colonel de l'armée américaine que conduit Pierre LE H2OCH, résistant d'Equeurdreville, réfugié dans cette région.

Le même jour une rencontre semblable a lieu dans les environs de Montebourg entre le chef d'arrondissement des F.F.I., André FORTIN, (qui avec quelques habitants, avait réussi à traverser le front de bataille) et les Américains.

Tandis que, le 17 juin, GRESSELIN est appelé à l'état-major du Corps d'Armée Américain, la retraite des Allemands vers le nord se précise. Bricquebec vient d'être libéré et Henri LECRES, venu à bicyclette de Portbail, peut fournir à l'état-major qui vient de s'y installer toutes précisions utiles sur les défenses de Cherbourg.

Mais la retraite de l'ennemi est moins rapide vers Valognes : c'est ce que vient de constater l'agent de liaison Roger GRANDGUILLOTTE que Gaston PICOT a envoyé en reconnaissance dans les lignes allemandes. Des contingents d'arrière-garde, armés de batteries d'artillerie, sont encore à Golleville, à Morville, à Yvetot.

Dans la nuit du 17 au 18 juin, le gendarme maritime Louis RENARD, à qui son chef, le lieutenant Yvon GIUDICELLI a confié un pli à remettre aux chefs de l'armée américaine, passe les lignes. Il renseigne les Alliés sur les fortifications côtières vers Cherbourg. Puis, de retour, il peut participer le 18 juin au combat livré pour la libération de Barneville au cours duquel le chef du groupe d' " Action " de cette commune, Emmanuel FORESTIER (Lefrançois), trouva la mort. Les prisonniers allemands sont confiés au docteur AUVRET maire et membre du groupe de Résistance de Barneville. La prise de cette bourgade achève l'isolement du Nord-Cotentin. Les Allemands se replient rapidement vers la forteresse de Cherbourg.

Vers la forteresse de Cherbourg

Le 18 juin, le groupe des Pieux s'apprête à l'action. Jean GOHEL et Marcel GONNAUD, avec une charge de cheddite, tentent sans beaucoup de succès de détruire le petit pont du But, à deux kilomètres de la bourgade.

Mais les F.F.I. du Nord-Cotentin sont appelés par les Américains à remplir une mission importante : ils doivent servir de guides à la tête des colonnes américaines et combattre avec elles dans leur marche vers Cherbourg. A cet effet, les Alliés ont pris contact :

- aux Pieux, le 18 juin, avec les groupes du canton sous les ordres du lieutenant Yvon GIUDICELLI ;

- à Néhou, avec ceux dirigés par Georges PRÉVEL.

- dans la région de Valognes, avec ceux commandés par Marcel LEBLOND. Il est très important pour les Alliés d'être complètement renseignés sur la ceinture fortifiée de Cherbourg : Alphonse RICOULT et Roger VASLOT se rendent en mission jusqu'à l'entrée de la ville, puis donnent à leur retour les informations qu'ils ont pu recueillir. Venant de Cherbourg, Jean DELACOT"I'E, ancien membre du réseau " Delbo-Phénix ", arrive à passer les lignes à Breuville, muni d'un laissez-passer, délivré en 1943, par la Kommandantur de Cherhourg ! Il fournit aussi aux Américains qui ont atteint Grosville, des renseignements précis sur les dispositions prises par l'ennemi pour défendre la ville.

Vers l'est de la presqu'île, André JARRY (Fanfan), accompagné du gendarme AUDOIRE et du chef du groupe de Saint-Vaast-la-Hougue, HARAN, traverse les lignes allemandes à Quinéville. Amenés au C.I.C. de Sainte-Mère-Eglise, ils font connaître aux Alliés les préparatifs de repli des Allemands de Saint-Vaast et du nord-est Cotentin et JARRY désigne sur carte tous les emplacements défensifs allemands de cette région.

Tandis que les Divisions américaines du 7e Corps d'Armée foncent sur le camp retranché de Cherbourg, elles laissent le soin aux groupes de Barneville et des Pieux à l'ouest, de Quettehou, Saint-Vaast et Barfleur à l'est, de procéder au nettoyage des formations ennemies isolées : une centaine de prisonniers sont désarmés, aux Moitiers-d'Allonne et à Sortosville-en-Beaumont, cinquante dans le canton des Pieux par les F.F.I. de Saint-Germain-le-Gaillard et Tréauville. A Flamanville, une patrouille de cinq hommes de cette commune sous la direction d'Alphonse PONCET, comprenant Louis MOCQUET, Jean LECOUTOUR, Louis LORGANE, Auguste GAIN. livre combat le 19 juin, sur ordre du lieutenant GIUDICELLI à une compagnie allemande : deux Allemands sont tués et quarante faits prisonniers (604). Le lendemain, 20 juin. c'est le groupe de Quettehou-Saint-Vaast qui attaque à Videcosville un détachement allemand tuant deux ennemis ; puis, pourchassant les Allemands en fuite, il capture soixante-quinze prisonniers, dom trente et un par la compagnie F.F.I. dirigée par André JARRY et une douzaine près du château de la Préfontainerie.

C'est ce même jour. 20 juin, que les groupes de Valognes, Les Pieux et Cherbourg (celui-ci replié sur ordre depuis le 3 juin au nord de Saint-Sauveur-le-Vicomte), sont mis à la disposition des divisions américaines participant au siège de la ville. Les F.F.I. guideront les unités américaines auxquelles ils sont affectés jusqu'au cœur de la cité, facilitant leur avance par la connaissance parfaite du terrain et des endroits fortifiés, évitant ainsi la perte de nombreuses vies humaines.

Le groupe des Pieux est mis à la disposition des quartiers généraux du 39e Régiment au village d'Etoupeville et du 47e Régiment d'Infanterie à Héauville.

Dès le lendemain 21 juin, GIUDICELLI convoque ses jeunes volontaires. Il désigne pour guider le 47e Régiment de la 9e Division : Michel LINON et Marius KAUFMANN à la Compagnie K ; Etienne LECIIEVALIER à la Compagnie J, Maurice LIVORY à la Compagnie I. D'autres, tels Louis AMIOT, avec le 2e Bataillon de la 9e Division Américaine, opéreront vers Biville, Vasteville, Acqueville, Sainte-Croix-Hague : le groupe de Tréauville, sous la direction d'Albert LECANNELIE. repère la batterie du Grand Doué qui est vite réduite au silence par les Américains. Armés de mitraillettes, les F.F.I. gardent les carrefours pour protéger l'avance des Alliés. Une patrouille conduite par LIVORY permet au 47e Régiment d'Infanterie d'opérer une progression vers Sideville, au Sud du village de Baudienville.

A l'Est de la presqu'île, c'est le groupe de Montaigu, avec Louis HOUYVET, qui procède à la capture d'une patrouille allemande le 21 juin. et qui guide, sous la direction de LAOUENAN, les Alliés vers Tourlaville. Le 21 juin, le lieutenant GIUDICELLI est désigné par les Américains comme chef de l'arrondissement de Cherbourg. Et le 22 juin, la forteresse de Cherbourg est complètement encerclée par les troupes alliées.

A Equeurdreville, l'ancien professeur PARROD, révoqué par le gouvernement de Vichy. devenu ingénieur à l'Organisation TODT travaillant dans l'Arsenal, et membre de la Résistance, en relations avec le pharmacien LE FLOCH depuis longtemps, réussit à passer les lignes du front de bataille le 22 juin à 17 heures. Et il rejoint Maurice SCHUMANN sur la route menant au fort du Tôt. Conduit à l'état-major du général COLLINS, commandant le 7e Corps d'Armée, il peut donner des renseignements de premier ordre sur les ouvrages et des défenses de l'Arsenal, leur position, leur angle de tir.

Un autre F.F.I., Albert RAIMOND, guide le 23 juin les Alliés de Sotteville jusqu'à Sideville, signalant à l'état-major la présence de quatre canons anti-chars sur la voie ferrée.

Un autre encore, Paul LECARPENTIER (Ampère), réfugié au village du Coudray à Flottemanville-Hague, fournit des renseignements à une forte patrouille américaine, lui indiquant la présence d'un important groupe allemand et d'une batterie de fort calibre, à 800 mètres de là. Il se met à la disposition des Alliés pour les guider par les petits chemins, jusqu'à proximité du groupe ennemi.

Dans l'après-midi du 25 juin, une patrouille allemande de huit hommes, isolée par le repli précipité de son unité, est capturée sans coup férir, en ce même lieu, par Paul LECARPENTIER, Désiré LELAIDIER, Charles PASQUIER, et un ouvrier de l'Arsenal de Cherbourg.

Le 24 juin, à 11 h. 30, Lucien LAMOTTE guide les troupes américaines pour cerner une batterie allemande située près d'Acqueville, tandis que d'autres F.F.I. du groupe de Flamanville, accompagnant les Alliés, participent à la prise du village de Gourhesville et au nettoyage de la lande d'Etoublon. En fin de journée, les Américains, toujours guidés par le lieutenant de gendarmerie maritime Yvon GIUDICEILI, arrivent à Octeville, au village de Grimesnil, tandis que les éléments de pointe, conduits par Etienne LECHEVALIER et Maurice LIVORY, s'avancent jusqu'au fort des Fourches et s'emparent de 3 pièces de 37 à tir rapide et d'une mitrailleuse lourde.

Dans la partie Est du Cotentin, les troupes allemandes ont fait retraite également vers les défenses de Cherbourg et s'appuient sur la forteresse " Hambourg" à Fermanville et les batteries de Maupertus. Ils sont pourchassés par les FEI. de Barfleur (Paul GAUBERT, Pierre EUI)ES), et de la région. Les Américains sont renseignés par Francois LEBAS, Louis LEGENDRE, sur la meilleure tactique à employer pour s'emparer de ces forteresses.

Dès le 25 juin commence l'assaut final sur Cherbourg. Vers 11 heures un groupe du 47e Régiment d'Infanterie Américaine, conduit par Etienne LECHEVALLIER, arrive, en empruntant le sentier des Fourches, à la limite Sud-Ouest de la ville. A l'aide d'une échelle de fer scellée, descendant dans une carrière de schiste abandonnée, la patrouille, dès le premier coup de fusil. capture 30 prisonniers.

Mais un drame navrant va se dérouler à peu de distance en arrière où les éclaireurs F.F.I. Michel LINON et Marius KAUFMANN, conduits par le lieutenant GIUDICELLI, doivent nettoyer un îlot de résistance au village de Grimesnil. Apercevant le canon d'une mitrailleuse pointée vers lui, GIUDICELI, lance une grenade dans cette direction. Plus prompt, le servant a tiré ! Un des chefs de la Résistance, aimé et admiré pour son ardent patriotisme, tombe mortellement blessé. Le malheur est d'autant plus grand qu'il résulte d'une tragique méprise : le mitrailleur était un Américain. Trompé par l'uniforme et les hottes que le lieutenant GIUDICELLI avait tenu à garder, le tireur crut avoir devant lui un ennemi qui l'attaquait ! Pleuré par ceux qui servaient sous ses ordres. GIUDICELLI mourait aux portes de Cherbourg, alors que les Alliés devaient conquérir la ville le lendemain.

A l'Est de Cherbourg, le groupe F.F.I. de Tourlaville, sous les ordres de Marcel LEBLOND (L'étincelle) comprenant 70 combattants dont les chefs de groupe Raymond VEDY, Léon NAVET, Léon GOUHIER, Désiré DUCHEMIN et POULAIN, fait sa liaison avec les troupes américaines sur la place centrale de la localité. Il participe au nettoyage des noyaux ennemis isolés à l'Est de la ville. Léon NAVET guide les Alliés, les dissuadant de passer à travers les prés inondés et minés et les conduit jusqu'à la partie Ouest de la commune, d'où ils peuvent tirer sur les pièces allemandes installées près de la mer, sur le terre-plein des Mielles.

Depuis le 18 juin, Georges PREVEL et Paul REMICOURT guident la 4e Division américaine et lui donnent toutes précisions sur les positions ennemies. Avec leurs hommes, ils participent le 25 juin à Tourlaville à l'attaque du village des Flamands sous le tir des pièces d'artilleries allemandes du rivage. Cependant, au Sud-Est, Maurice RICOULT (Lempereur), son frère Alphonse et R. VASLOT dirigent en éclaireurs la 79e Division Américaine. A La Glacerie, un détachement allié, conduit par Alphonse RICOULT, contourne le plateau du Roule et arrive à l'entrée de la ville de Cherbourg, avenue de Paris.

Ainsi dans la soirée du 25 juin, tous les faubourgs de la ville sont aux mains des Américains. L'action des résistants a été réalisée sous les ordres de Lucien RLNOUI T, chef des groupes de la zone nord, en collaboration avec l'état-major de la 1re Armée Américaine et la mission française auprès de cette armée dirigée par le capitaine GUATTARY.

La journée du 26 juin sera celle de l'occupation de la ville par la 79e Division Américaine, toujours accompagnée par les F.F.I. Une colonne guidée par Roger VASLOT et Maurice RICOULT se dirige vers l'Est et se joint aux F.F.I. des groupes conduits par PREVEL et Paul REMICOURT qui participent avec des éléments de la 4e Division américaine et du groupe de Tourlaville au nettoyage de la côte. (Maurice RICOULT sera tué au combat près de Strasbourg, le 27 décembre 1944).

Dans l'après-midi, une compagnie du 39e Régiment américain, emmenée par Louis AMIOT, F.F.I., traverse la route nationale, près du fort d'Octeville et nettoie la partie supérieure de la ville, tandis que le F.F.I. KAUFFMANN, dans la soirée, entraînant les hommes du 47e Régiment d'Infanterie, à travers les jardins et pénétrant dans les maisons abandonnées, réussit à tourner le mur anti-char qui. depuis 10 heures, avait stoppé, rue de la Polie, l'avance des troupes alliées. En fin d'après-midi, vers 17 heures 30, l'infanterie américaine conduite par Alphonse RICOULT pénètre dans le cour de la ville. A la tête d'une patrouille, Daniel BAUDIN capture 35 prisonniers. Sous la direction d'Albert LEPESQUEUX, les gendarmes maritimes prennent part aux combats, tandis que les agents de la police française participent, quartier par quartier, au nettoyage des groupes ennemis : l'agent Louis LEFEVRE conduit les Américains au blockhaus de la poste où ils capturent 75 prisonniers, d'autres, LAUNAY et Auguste LECARPENTIER, opèrent de même dans les écoles de la partie Ouest capturant 130 prisonniers. Pas une patrouille américaine n'a circulé dans la ville sans être accompagnée de résistants pour la guider et l'aider efficacement.

Après la reddition de Cherbourg, le 26 juin, deux points de résistance sont encore à réduire :

A l'Est, la pointe de Fermanville, puissamment fortifiée, où se dressent deux batteries d'artillerie lourde, sous blockhaus ;

Au Nord, les forts de la digue de Cherbourg, à 3.500 km du rivage.

Les batteries de Fermanville seront conquises le 27 juin. par une colonne blindée américaine, guidée efficacement par les F.F.I. : Paul PIGNOI, (lepinson), Marcel GOUESLAIN, Adrien ROLAND, armés d'un fusil mitrailleur, qui lui font éviter les champs de mines.

La reddition des forts de la digue sera facilitée par la remise aux Alliés par Marcel BRISSET, du réseau F. 2, d'un plan indiquant l'emplacement des mines sous-marines mouillées quelques jours auparavant par l'ennemi. Amené en " jeep " jusqu'à l'extrémité de la digue, de Querqueville, BRISSET indiquera aux Américains la position des câbles faisant sauter les mines par impulsion électrique commandée des forts de Chavagnac et de l'Ouest.

Le 28 juin, après consultation du chef départemental des F.F.I. Yves GRESSELIN, le Commissaire Régional de la République, François COULET nomme Lucien LEVIANDIER sous-préfet de Cherbourg.

Toute la partie Nord du département sera libérée par la conquête de la presqu'île de La Hague, le 1er juillet à l'aube. Le port de Cherbourg, rapidement débarrassé de ses épaves, devient le " Port de la Libération " par où passeront des milliers d'hommes, des tonnes de matériel et de carburant. Celui-ci arrive très régulièrement par le pipe-line (P.L.U.T.O.) traversant la mer de la Manche et aboutissant à Querqueville. Il alimentera au fur et à mesure de leur avance, les armées alliées poursuivant leur offensive sur Paris et le Nord-Est de la France.

DANS LA RÉGION CENTRALE - ACTION DES F.F.I.

Revenons un peu en arrière, vers le milieu de juin. Les bombardements massifs des villes de Saint-Lô, Coutances, Périers, et de très nombreuses bourgades, nœuds de communication par où l'ennemi peut acheminer des renforts, ont désorganisé les groupes de Résistance. Cependant, LENOIR, chef d'arrondissement, réussit à rétablir au mieux les contacts avec les agents Marc LETOUZEY à Roncey et André LEGRAVERAND à Saussey, par l'intermédiaire de l'agent de liaison LHOTELLIER, d'Anneville-sur-Mer.

Le front de la bataille, dans la deuxième quinzaine de juin, sera presque stabilisé au Sud des marais. Le rôle des F.F.I. est à présent de renseigner les Américains sur l'emplacement et l'importance des renforts que l'ennemi a pu amener. C'est ce que font :

- A Villiers-Fossard, le 18 juin : Louis PIGNOT, réfugié de l'agglomération cherbourgeoise. en passant la ligne de front ; le maire de cette commune, PELET, et son secrétaire de Mairie, l'instituteur BENOIST, qui indiquent sur carte d'état-major l'emplacement des positions allemandes et la présence de nombreux réfugiés de Saint-Lô dans la région.

- Dans le secteur de La Haye-du-Puits. le gendarme JORET réussit plusieurs fois à passer les lignes en pleine bataille.

- Depuis le 4 juillet, Jules MARCEL. du groupe de Carentan, guide les troupes américaines bloquées dans la région de Sainteny. Le 12 juillet, il traverse les lignes allemandes pour reconnaître un passage sur la rivière " la Sèves ". De retour, il indique aux Alliés un chemin accessible pour leurs chars.

- Le 17 juillet, Prosper OSMONT, réfugié avec son chef Henri MOROGE à Remilly-sur-Lozon, est envoyé en reconnaissance à travers les lignes allemandes, vers Tribehou. Aux Champs-de-Losque, il rencontre les troupes américaines qui désirent entrer en relations avec son chef, dont ils possèdent le signalement. Pendant toute la bataille décisive de rupture du front allemand, MOROGE, installé près du château de Cavigny, reste en contact avec les Alliés.

S'infiltrer à travers les lignes allemandes est très dangereux. Davantage encore est de posséder un poste émetteur ! Ainsi, Marcel LAUDE. réfugié de Cherbourg à Saint-Pierre-de-Semilly, est fusillé dans cette commune le 12 juin, pour cette raison.

- Le capitaine Jacques BER'T'RAND, du réseau SUSSEX des Services Spéciaux, guidé par Henri FOREST et Claude LACOUR, tente de traverser les lignes le 22 juin pour renseigner les Américains sur le dispositif de l'ennemi, dans la région de Saint-Lô. Ils sont arrêtés à La Meauffe et transférés à la caserne de la Pépinière à Paris, d'où ils réussissent à s'évader le 27 juillet 1944.

Le jeune Jean DAVY, chargé de mission par les Américains derrière les lignes allemandes, en fin juin, est arrêté, torturé, et ne doit son salut qu'en fournissant un argument valable : retrouver son grand-père à Villebaudon.

- A Saint-Gilles, le 6 juillet, six résistants sont arrêtés pour espionnage par poste émetteur au profit des Alliés : René EUDE, sa fille Renée, son fils Maurice, 17 ans, Yvonne CORRŒNNE, réfugiée de Paris, Roger LEMOSQUET, Roger POSSEME, René CORRŒNNE. Celui-ci est fusillé, les autres sont déportés : René EUDE et son fils meurent au camp de concentration de Neuengamme.

L'ACTION DES GROUPES DANS LA GUÉRILLA
S'AMPLIFIE DANS LA MOITIÉ SUD DU DÉPARTEMENT

Le 1er juillet, le groupe de Saint-hilaire-du-Harcouët, sous les ordres de Jacques NAVIER, attaque à Martigny, au carrefour du " Petit Jésus ", un car chargé d'une trentaine de soldats allemands. Il y a plusieurs blessés et le car est inutilisable.

Le 2 juillet, deux lignes aériennes à haute tension sont coupées par le groupe de La Haye-Pesnel.

Le 3 juillet, à Parigny, à la suite de la pose de crève-pneus, deux camions sont endommagés. Un accrochage a lieu avec une patrouille allemande : un des membres du groupe de Saint-llilaire, porteur de plastic et de crève-pneus, tire, blessant plusieurs Allemands, et réussit à s'enfuir.

Quelques jours avant juillet, Jean-Baptiste ETIENVRE (Jérôme) et son camarade Roger LAMY, venant du groupe de Saint-James, rejoignent à Trelly un groupe formé par Jules MENAND, dont ETIENVRE va prendre la direction. Des relations sont nouées avec le groupe de Bréhal que dirige LEFRANÇOIS. Le 4 juillet, celui-ci donne mission à Louis LEHODEY d'approvisionner le groupe de Trelly en mines anti-chars, prélevées parmi celles placées par l'ennemi dans les dunes de la région maritime de Coudeville à Bricqueville-sur-Mer.

Chaque jour, le groupe de Trelly envoie une patrouille de deux hommes à l'arrière des lignes allemandes : ils notent les renforts de blindés, de camions chargés de troupes S.S. se dirigeant vers le front, mais aussi l'absence presque totale d'ennemis, d'ailleurs mal armés, dans la région de Folligny. Ces renseignements sont transmis à MARLAND et à Robert GODARD, chefs du groupe " Action " de Granville-Bréhal.

D'autres petits détachements opèrent la nuit : ainsi dans celle du 6 au 7 juillet, cinq hommes du groupe, sous la direction de Roger LEMESLE, tentent, sans succès, le sabotage par explosifs du petit pont de la Roque, sur la Soulles. Le soir du 11 juillet, deux membres du groupe S.N.C.F. de Coutances, KERBRACK et RUFFAULT, aidés par quelques hommes du groupe de Trelly. renouvellent la tentative. Ils placent à la base de la poutrelle centrale une charge de 19 cartouches. Bien que la violence du vent ait contrarié la mise à feu, l'explosion se produit, provoquant la rupture de la poutrelle centrale, mais le tablier du pont reste intact : cependant, l'avarie ne permet plus aux chars de combat de passer sans danger.

Le groupe de Trelly complète l'armement bien insuffisant dont il dispose par des coups de main, sur des dépôts d'armes : à Folligny, une patrouille s'empare de 6 cartouches de mélinite dans un dépôt de munitions allemand, dans la nuit du 6 au 7 juillet ; le lendemain une autre, composée de quatre hommes, dont Georges VAUTIER, récupère sans incident 20 grenades dont 15 à manches, entreposées à la mairie de Saussey.

A l'extrême Sud-Est du département, les groupes de Saint-Cyr-du-Bailleul et de Saint-Georges-de-Rouelley, constitués en mai et dirigés par Jean FOUQUÉ, sous les ordres d'André LEFEVRE (César), chef du secteur de Domfront, passent à l'Action. Entre Rouellé, dans l'Orne, et Barenton, le groupe de Saint-Cyr s'empare, le 8 juillet. pour les besoins du maquis, d'un camion allemand transportant du gas-oil. Dans la nuit suivante, il attaque à la mitraillette un camion chargé d' obus anti-chars se dirigeant sur Saint-Lô : deux S.S. sont mis hors de combat, le camion et ses munitions sont détruits. Le groupe de Saint-Hilaire, qui vient d'accueillir deux déserteurs russes, se divise, le 6 juillet, en trois sous-groupes. pour augmenter la mobilité et limiter les pertes. L'un s'installe au Mesnillard, l'autre à Saint-Symphorien-des-Monts, le troisième à Virey.

A l'extrême Sud-Ouest, un groupe important constitué à Antrain en Ille-et-Vilaine étend son influence sur notre département où existent à Montand et à Argouges des noyaux de résistants actifs sous les ordres de LANSONNEUR et de CAHU.

C'est l'époque où la bataille pour Saint-Lô va incessamment s'engager. Tous les moyens sont bons pour ralentir l'arrivée des renforts allemands vers cette ville ; détournement des plaques indicatrices de direction sur les routes, par exemple. Par ce moyen, André LEBOUVIER, du groupe de Percy, réussit à bloquer dans un carrefour, près de Sourdeval-les-Bois, une unité de chars d'assaut. Une patrouille de deux hommes : Julien GAILLARDON et Henri PETIT (André) du groupe JUMEL, envoyée en reconnaissance, le 11 juillet, par J.-B. ETIENVRE dans cette région, a pu constater que les ennemis, abandonnant la route départementale Villedieu - Saint-Lô, bombardée par les avions américains et défoncée par les gros chars d'assaut allemands, utilisent fréquemment les petites routes. A son retour, elle signale la présence d'un état-major allemand installé à Percy chez le maire LEBRUN.

Le même jour, le groupe JUMEL, est surpris, dans la ferme de la Gienterie, La Meurdraquière, par l'arrivée inopinée de deux militaires S.S. Il n'y a pas d'autre issue que d'abattre les deux hommes dont l'un s'apprêtait à lancer une grenade sur René JUMEL. Les deux cadavres, après avoir été dépouillés de leurs pièces d'identité, sont jetés dans un puits pour éviter toute trace.

Dans la nuit du 8 au 9 juillet, le petit groupe de Remilly-sur-Lozon, situé à quatre kilomètres de la ligne de feu, opère aussi pour retarder l'arrivée des renforts allemands. Ainsi Pierre MARIE et Paul LECLERC (Hubert POULAIN) barrent les routes d'accès vers le front avec les fils téléphoniques ou électriques arrachés par les bombardements. Marcel RAUI,INE et André LEDUC tentent de plastiquer le pont du Bateau, sur la route de Marchesieux à Rémilly-sur-Lozon, gardé par une sentinelle. Le pont est seulement ébranlé, nais il sera détruit par le passage d'un tank qui fit effondrer le tablier.

LA MISSION D' " ÉRIC "

Mais, dans cette même nuit du 8 au 9 juillet 1944 s'est produit dans le département de la Mayenne, à Fougerolles-du-Plessis, commune limitrophe de la Manche, un événement d'une très grande importance : le parachutage du capitaine anglais J.B. HAYES qui, sous le pseudonyme d' " Éric ", est chargé par le Quartier Général Américain, d'une mission de renseignements à l'arrière des lignes ennemies.

Depuis le début de juillet, l'armée américaine n'a pu progresser que très lentement, au Sud des marais, devant la résistance allemande à La Haye-du-Puits et sur le canal de Vire et Taute. L'avance vers Saint-Lô se trouve très ralentie. Le Q.G. américain attend ces renseignements pour passer à l'attaque et s'efforcer de percer le front allemand.

Pour accomplir sa mission, HAYES doit recruter des volontaires qui, par des itinéraires différents, devront s'efforcer de traverser le dispositif de l'ennemi jusqu'à la rencontre des lignes américaines.

L'arrivée de J.B. HAYES à Fougerolles avait été précédée par la constitution d'un Comité de réception dont fait pallie Jacques NAVIER (Saint-Hilaire-du-Harcouët) organisé par Claude de BAISSAC (Denis, David), agent anglais. parlant excellemment la langue française. Jacques NAVIER peut disposer de 45 hommes. Plusieurs parachutages d'armes et de matériel avaient eu lieu sur le même terrain dans les nuits précédentes.

Sur ordre de Jacques NAVIER. Eugène HAMEL, accompagné d'André DEBON, se rend à Fougerolles, le 7 juillet, pour approvisionner les groupes du Mortainais : dans sa camionnette il transporte des mitraillettes, des fusils, des munitions. des explosifs pour les groupes de la Manche. Tout ce matériel est déposé dans une cabane isolée, au lieu-dit " Sérouenne ", hameau situé à proximité du moulin de Martigny, à quelques centaines de mètres du refuge des maquisards. Le 11 juillet, d'autres armes et munitions sont transportées en auto et dans une remorque attelée à une bicyclette au maquis de Saint-Symphorien-des-Monts. D'autres sont destinées au maquis de Champ-du-Boult, commune du Calvados limitrophe de la Manche, où de jeunes volontaires, dont quelques-uns viennent de la Sarthe, s'exercent chez Joseph HILLIOU au maniement des armes. L'un d'eux Noël LUTZEN (Jacques) ramène chez Arsène PARIS, à Saint-Laurent-de-Cuves. deux soldats russes déserteurs de l'armée allemande. Celui-ci les habille en civil, camoufle leurs armes et leurs uniformes qu'il cache dans un grenier.

Le même jour, 11 juillet, BERJON (Emile), chef départemental des groupes de F.T.P. amalgamés aux P.I.I., comptant environ 110 hommes, est présenté à J.B. HAYES, par Claude de BAISSAC, en présence de Louis PETRI, un des chefs des maquis de l'Ille-et-Vilaine, assisté de son adjoint Julien LAMANILEVE, de Jacques NAVIER et d'Alice BOUGOURD, agent de liaison.

BERJON reçoit de J.B. HAYES mission de lui fournir : des pièces d'identité, une maison sûre, dont il pourrait faire son quartier général, des résistants dévoués acceptant. par groupes de deux, de traverser les lignes allemandes.

Désormais, presque tous les groupes du Mortainais et de l'Avranehin tout en continuant la guérilla, prennent une part très active à la mission du capitaine J.B. HAYES (Eric), appelée du nom de code " Mission Helmsman ".

Il ne peut être question dans cette étude, de suivre dans leur composition et leur périple toutes les missions de passage des lignes de combat. Trente ans après, il a été difficile de retrouver les participants. Il n'est fait mention ci-après que de celles pour lesquelles des renseignements sûrs ont pu être rassemblés.

LA MISSION HELMSMAN

Le 12 juillet 1944. deux dirigeants du groupe mayennais de Fougerolles-du-Plessis, Julien DERENNE et Jules LINAIS, conduisent ERIC jusqu'au maquis de Sérouenne, où Julien LAMANILEVE, adjoint du commandant PETRI, vient les rejoindre. Déjà, quatre volontaires : Michel TAUZIN et Jacques DASPRE, formant une équipe, André DEBON et Jacques NAVIER, une autre, se mettent à la disposition de J.B. HAYES qui leur définit leur mission.

Munis d'un mot de passe qu'il leur confie, ils doivent rendre compte au C.I.C. (Intelligence-Service Américain), après avoir franchi le front de bataille :

- des positions occupées par les troupes allemandes,

- de leur armement,

- des numéros des unités,

- de l'emplacement des dispositifs anti-chars, - des concentrations de blindés,

- des dépôts d'essence et de munitions.

TAUZIN et DASPRE ne réussissent pas à passer les lignes. DIBON et NAVIER seront les premiers à y parvenir après un parcours dangereux, passant par Saint-Laurent-de-Cuves, Villedieu, Camprond. Constatant le 15 juillet, l'impossibilité de franchir le front vers le Nord, tant la densité des troupes allemandes est forte, ils décident d'obliquer vers l'Ouest, espérant trouver un passage plus aisé. Ils arrivent ainsi le 16 juillet à Coutainville. Nous verrons plus loin comment ils purent accomplir leur difficile et dangereuse mission.

Le 13 juillet, le groupe de Saint-Hilaire s'approvisionne en armes et en munitions à Fougerolles. Il les transporte sans encombre, en voiture automobile jusqu'à Marcilly où elles sont entreposées chez le cultivateur POUILLARD.

Le même jour, accompagné par " LOUIS LE CHASSEUR ", J.B. IIAYES quitte Fougerolles pour La Mancellière où il peut disposer à la ferme d'Émile BAGOT d'une maison sûre. Il y prend contact avec René BERJON (Émile), chef des groupes F.T.P., et avec Julien LAMANILEVE qu'il désigne comme son suppléant. Tous deux établissent leur Quartier Général dans cette ferme, aidés de tout cœur par Émile BAGOT.

Déjà, deux recrues s'y présentent pour partir le lendemain et tenter de passer les lignes.

Les groupes du Sud de la Manche, de Trelly à Saint-James et Saint-Hilaire-du-Harcouet, sont alertés et invités à fournir des passeurs. Le groupe MARLAND a prévenu René JUMEL qu'il doit prendre contact le 13 juillet avec Jules MENAND et Roger LEMESLE, agent de liaison d'ETIENVRE. Trois hommes du groupe du Bois de Buron, Bernard YVON, Fernand PAINSEC et Michel HUAUX sont mis à la disposition de la Mission. Ils se rendent d'abord à Granville pour rencontrer MARLAND qui leur confie un message de renseignements à remettre à ÉRIC. Ils se mettent à la disposition de celui-ci pour tenter de passer la ligne de front à Angoville-sur-Ay.

Les trois jeunes gens, après avoir été hébergés à la ferme BAGOT, partent le 19 juillet au matin. Afin d'explorer au mieux tout le secteur, ils conviennent de partir par trois voies différentes et de se retrouver à l'embouchure de la Sienne, à l'Ouest de Coutances.

Arrêtée souvent par la densité des contrôles de la Feldgendarmerie, la mission ne peut parvenir le 21 juillet qu'à deux kilomètres au Nord de Coutances, et les trois jeunes gens se replient à Hauteville-sur-Mer, où ils sont accueillis chez PONTIS. Ils repartent vers le Nord quelques jours plus tard, et, se joignant à un groupe de paysans de Saint-Germain-sur-Ay, évacués de force, ils gagnent le 25 juillet la rive Sud du Havre. Profitant de la nuit et d'une accalmie des tirs d'artillerie, ils traversent la rivière à marée basse et re-joignent les troupes américaines.

Le 14 juillet, René BERJON a pris contact avec Jean MARIE, chef du groupe de La Haye-Pesnel, pour trouver des passeurs volontaires.

Trois agents répondent à son appel : le coiffeur Emile DEJONC, Jean VAUZELLE (Jean II), rescapé du bombardement de la prison de Saint-Lô, et son ami Willy ROCKER.

Le premier, porté disparu, a fort probablement été fusillé.

Les deux autres partent le 15 juillet de Saint-Martin-des-Champs, munis du mot de passe : " N'auriez-vous pas laissé tomber ce papier de votre poche ? ". Arrêtés près de Villedieu par une patrouille allemande, ils sont trouvés porteurs d'une carte de la région et d'une boussole. Menacés d'être fusillés, ils profitent de l'éloignement momentané de l'officier instructeur pour s'enfuir en escaladant les haies, poursuivis par les coups de feu de l'ennemi. Le lendemain, ne pouvant montrer aucune pièce d'identité, ils sont à nouveau arrêtés à Saint-Samson-de-Bonfossé. En ouvrant doucement une fenêtre de la pièce où ils ont été enfermés, ils s'évadent et prennent leur course pour Saint-Lô, où ils arrivent le 17 juillet, en pleine bataille.

Appréhendés à l'entrée de la ville par une patrouille de deux soldats allemands sous les ordres d'un sergent, ils déclarent être à la recherche d'un docteur pour soigner des blessés par un bombardement au village de Candol. Le sergent laisse alors les deux hommes sous la garde d'un seul soldat, qu'ils assomment avant de continuer leur route plus au Nord.

Au centre de la ville, arrestation ! Un bombardement opportun fait s'éloigner les Allemands vers leur abri, permettant aux deux résistants de s'enfuir. Pour éviter tout nouvel incident, ils se réfugient dans une vieille maison, s'installent, épuisés et en loques, dans le grenier où ils trouvent quelques maigres provisions. La bataille fait rage, ne leur permettant de sortir qu'à l'arrivée des avant-gardes américaines à Saint-Lô, le 21 juillet.

Amenés au C.I.C., ils fournissent des renseignements précieux sur l'importance des troupes ennemies au Sud de Saint-Lô et sur la garnison allemande au barrage de Vezins, qui a l'ordre de détruire cet ouvrage en cas de retraite. (Ce dernier renseignement avait été recueilli par le gendarme LANCELOT de la brigade d'Isigny-le-Buat qui, par l'intermédiaire de son collègue MOUCHEBŒUF, l'avait transmis à Marcel LUCAS, chef de la Résistance d'Avranches.

Grâce à la rapidité de l'avance des Américains à la tête desquels se trouve Jean VAUZELLE comme éclaireur, le barrage de Vezins qui assure la force électrique dans toute la région, sera préservé. Ainsi, la mission VAUZELLEROCKER avait atteint le but assigné : fournir les renseignements indispensables, s'ajoutant à ceux donnés dès le 18 juillet par la mission DEBON-NAVIER, permettant aux Alliés de décider l'offensive du 25 juillet dans la région de Marigny et de réussir la percée libératrice.

Le 15 juillet, André ROUAULT (Camus), chef des groupes " Action " de la zone Sud. son agent de liaison. Mariette RABECQ et Fernand BOURDET du groupe de Saint-James sont convoqués chez MANAIN à Ducey, où Éric " les charge de la même mission.

Le lendemain, les deux premiers se dirigent à bicyclette vers le Nord. passent à Trelly où ils mettent ETIENVRE et LAMY au courant. Ils repartent le soir pour Regnéville-sur-Mer, où ils sont accueillis chez les parents de Mariette. Ceux-ci leur conseillent de consulter à Agon leur ami FREMIOT qui leur indique comme sûr le maréchal-ferrant de Blainville : DAUVIN.

Le soir même, ils sont conduits sur la grève : deux doris devaient partir pour gagner par mer les lignes américaines au Nord du havre de Lessay. Si le premier peut partir, le second, trop lourd, ne peut être amené à travers les dunes jusqu'au rivage. Les Allemands ayant été alertés, il fut impossible de renouveler la tentative.

Le 20 juillet, ROUAULT et Mariette RABECQ vont alors à Geffosses où une amie de Mme RABECQ, Mme BEUSSE, les dirige sur la maison de LENOIR, chef du groupe " Action " de la région de Coutances. Or celui-ci avait été arrêté quelques jours auparavant ; aussi l'accueil de Mme LENOIR en présence d'Albert RIHOUET, de Périers, fut très réservé. Elle les hébergea. cependant, sans toutefois pouvoir leur procurer le moindre renseignement sur le moyen de passer la ligne de front.

Devant cet échec, André ROUAULT et Mariette RABECQ quittent la maison LENOIR, le 21 juillet dans l'après-midi. Ils essaient de progresser le plus possible vers le Nord, en direction de Lessay. Mais ils sont refoulés par les troupes allemandes. Ils regagnent alors Regnéville et ce ne sera que le 28 juillet, à Blainville-sur-Mer, en pleine bataille de rupture du front de combat, avançant à plat ventre pour éviter les halles, qu'ils peuvent rejoindre une colonne avancée de l'armée américaine. Le mot de passe J 2 (en anglais) 14 juillet donné, on les conduit au poste de commandement de la 8e Division américaine à Saint-Sauveur-le-Vicomte, puis à celui de la 1re Armée, installé chez Jean PICOT, à Neuilly-la-Forêt (Calvados). Ils confirment les renseignements de ceux qui, plus chanceux, ont pu passer les lignes dans les jours précédents.

A La Mancellière, J.B. HAYES ne manque pas de volontaires pour passer à travers le front de combat. Le 17 juillet, René BERJON (Émile) lui fait rencontrer une jeune paysanne Andrée BLANDIN. Absolument sans peur et volontaire pour entreprendre les plus dangereuses missions, à bicyclette, elle recrute rapidement 10 volontaires ; six d'entre eux sont choisis pour partir en groupes de deux ; le soir même, elle en amène deux autres : Robert DELANNEE (Le Rouquin) et John LETELLIER qui partiront le 19 juillet. En même temps, Louis PINSON, du groupe de Brécey, lui en fournit deux autres venant de Granville.

DELANNÉE et LETELLIER, pour se faire reconnaître des Alliés, doivent fournir, outre le mot J 2, un mot de passe " Biarritz " et une liste de denrées sur laquelle figure " 5 kg de pommes de terre " qui pourrait servir d'alibi en cas d'arrestation par l'ennemi. Ils arrivent le 20 juillet à Canisy. Constatant l'impossibilité de franchir les lignes dans les environs de Saint-Lô, où la bataille se poursuit. ils se dirigent vers l'Ouest en longeant les arrières du front. Arrêtés et mis en joue, ils sont sauvés par un officier allemand qui ordonne leur libération. Le 21 juillet, ils arrivent au havre de Lessay. Accompagnés d'un habitant de la région, ils traversent la rivière l'Ay à marée basse et prennent contact avec les Américains à Saint-Germain-sur-Ay. Comme l'ont été tous les autres passeurs, ils sont longuement interrogés par le Commandement allié sur les concentrations de troupes et d'engins blindés qu'ils ont pu observer.

Un autre volontaire, Pierre MIGNON, pressenti par MANAIN, chef du groupe de Ducey, se présente au capitaine HAYES (Éric). Dans la matinée du 20, Andrée BLANDIN amène six volontaires, dont les deux instituteurs Armand GUILLARMIC et Roger MONNERIE qui partent aussitôt vers Saint-Lô où se livre une bataille acharnée. Ils se trouvent bloqués à Saint-Ebremond-de-Bonfossé, par la Division blindée " Das Reich ", et sont hébergés par un cultivateur. Après une tentative infructueuse pour passer, les combats faisant rage au carrefour de La Croix à la Main, ils sont très bien accueillis par les propriétaires d'une ferme qui hébergent de nombreux réfugiés. Les deux volontaires installent un poste d'observation dans un grenier. Le 27 juillet, cachés dans un talus derrière la ferme, ils sont surpris par un Américain braquant sur eux sa mitraillette. Ils sont conduits à un officier à qui ils expliquent leur présence dans les lignes de combat. Amenés en jeep au C.I.C. à Neuilly-la-Forêt, ils indiquent la situation et l'importance des unités allemandes à l'arrière-front.

Ayant ainsi recruté trente agents dont quatre seulement avaient rejoint la ferme BAGOT pour rendre compte de leur échec, J.B. HAYES décide de procéder au recrutement de volontaires comme observateurs fixes destinés à être débordés par l'offensive des troupes alliées. Le 24 juillet, l'infatigable René BERJON (Émile) en trouve quatre chargés d'observer la région de Coutances, deux autres, le 26, sont désignés pour celle de Saint-Malo-de-la-Lande. Deux, recrutés à Granville, opèrent dans la région de Lengronne. Dans la nuit du 29 au 30, deux autres chargés de mission sont hébergés dans la ferme CHAPE!, à Beauficel.

Désirant s'assurer de la position exacte de la ligne de front après l'offensive du 25 juillet, " Eric " quitte La Mancellière, le 31, pour Reffuveille d'où on perçoit la canonnade vers le Nord et désigne deux agents en mission dans la zone de Champrépus, un dans la région de Villedieu, deux dans la région de Torigni-sur-Vire. La mission HELMSMAN se termine avec le succès de l'offensive de l'armée américaine qui atteint Avranches-Pontorson-Saint-James le 31 juillet et le 1er août.

Les passages des lignes par mer

Dans l'étude sur l'aide apportée aux parachutistes par les patriotes, nous avons noté que sept d'entre eux étaient hébergés dans la région de Montsurvent. Un huitième le pilote REDDIG est recueilli, à Gratot, au début de juillet, par Mmes HEBOT et MOITEAUX et caché, malgré la présence des Allemands, par Emmanuel BILLARD.

La commune de Montsurvent devant être évacuée sur ordre de l'ennemi, le 10 juillet à 5 heures. Camille RIGOT et sa famille, accompagnée de quatre jeunes gens (les aviateurs) tirant deux poussettes, arrivent chez QUETiER (Pathelin), notaire à Blainville-sur-Mer, chef du groupe de Résistance. Les aviateurs KERTCH et BOLLOG sont conduits par la fille de QUETIER chez Mme POIRIER, femme d'un résistant des Ardennes, habitant Coutainville. Arthur MULLiNS et Joseph DÉZIEL restent chez QUETIER.

Quelques jours plus tard, dans la nuit du 15 au 16 juillet. Camille RIGOT, accompagné de deux matelots Maurice MESIIN et Robert LEROUX, va réussir la première liaison par mer avec les Américains. Dans un doris qu'il commande, " Le col vert ", il transporte le colonel LEPELEY du groupe de Blainville et l'aviateur américain Arthur MULLINS. Le départ nocturne de l'opération est couvert par Louis LAiSNEY et par Gilbert BOSQUET, qui surveillent la petite garnison de Géorgiens de l'armée allemande. Sans encombre, le doris atterrit à Denneville, dans les lignes américaines, et le colonel LEPELEY peut fournir aux Américains et au colonel de CHEVIGNE, des Forces françaises libres, tous renseignements sur l'absence à peu près complète d'ennemis et la présence de nombreux civils français entre Créances et Blainville. Ce sont des réfugiés de Coutances et de Saint-Lô, et de nombreux blessés par les bombardements de ces deux villes. Le colonel LEPELEY insiste pour que soient arrêtés les bombardements sur cette zone, ce qui fut accordé.

La réussite de l'opération est signalée au groupe de Résistance de Blainville, comme il était convenu, par le lancement par cinq avions américains de rouleaux de papier blanc.

De son côté, Robert LEBOYER prend contact à Blainville-sur-Mer avec le pêcheur Marcel MAUDUIT qui accepte de rapatrier par mer les aviateurs américains dans leurs lignes. Le 17 juillet, Robert LEBOYER, sa femme et les trois aviateurs dont ils ont la charge quittent Montsurvent mêlés au flot de réfugiés gagnant la région côtière.

A la nuit tombante. les trois Américains, guidés par leur sauveteur et son beau-père BONNE!,, se retrouvent avec MAUDUIT au havre de Blainville avec les membres de deux autres expéditions.

L'une d'elles doit mener dans les lignes américaines les deux membres de la mission " Eric ", André DEBON et Jacques NAViER, hébergés depuis la veille dans la famille PALLUAULT. Celle-ci a consulté le docteur VIAUD qui conseille de faire appel à Marcel MAUDUIT.

Les cieux autres expéditions comprennent des personnes de la région, dont le député LECACHEUX (qui avait voté contre le gouvernement constitué en juin 1940 par PETAiN) et M. LECIIANTEUR, professeur. A minuit, tout est en place pour conduire 18 personnes, dans 3 doris, dans la zone américaine.

Malheureusement, la mer était basse et les embarcations durent être portées à dos d'homme sur environ deux kilomètres pour atteindre le flot, sous la lueur parfois de fusées éclairantes qui pouvaient déceler les trois groupes. Ce n'est que le 18 juillet à 2 heures que le premier bateau fut mis à l'eau, il était dirigé à la rame par Marcel MAUDUIT, aidé par Robert LEBOYER, emmenant les trois aviateurs américains et les deux agents de renseignements André DEBON et Jacques NAVIER (Georges AUBERT). La pluie protège heureusement l'expédition, mais la mer est forte et ce n'est que vers 13 heures que le navire aborde sur la plage de Portbail, absolument déserte.

Les fugitifs se présentent au C.I.C. où ils sont longuement interrogés, puis transportés à l'état-major de l'Armée américaine, à Saint-Sauveur-le-Vicomte. ils précisent l'emplacement des batteries côtières, la densité des troupes allemandes, et réussissent difficilement à convaincre les Alliés que la région à l'Ouest de Coutances, bourrée de réfugiés civils, n'était pas occupée massivement par les Allemands.

Les deux autres embarcations, dirigées l'une par de SAINT-DENIS, l'autre par THOMASSE, Maurice LECROSNIER et le jeune DENIZOT, abordent sans encombre le même jour à Denneville, avec leurs passagers qui sont aussi longuement interrogés par les services de renseignements de l'armée américaine.

Sur la demande de QUGTiER, le pécheur de Tourville-sur-Sienne. LEGRAVEREND Léon qui, en juin 1940, avait fait évader vers Jersey plusieurs résistants, accepte de guider les deux aviateurs J. KERTCH et Marcel BOLLOG, jusqu'aux lignes américaines. Le 16 juillet à 15 heures, les trois hommes partent d'Agon, marchant à pied sur la grève, découverte à marée basse, jusqu'à l'estuaire de la rivière l'Ay. L'eau à la ceinture, ils traversent le havre, à minuit, et arrivent sur la rive nord occupée depuis peu par les Alliés.

Ce même jour, le pilote américain REDDIG, caché chez E. BILLARD à Gratot, est pris en charge par le facteur CHARLES du groupe de Blainville qui doit l'amener chez QUETIER. Malheureusement, l'aviateur, encore très affaibli par sa blessure, s'évanouit sur la route ; ils arrivent chez le chef de groupe avec 1 heure et demie de retard. LEGRAVEREND est déjà parti ! CHARLES emmène alors REDDIG jusqu'à Créances, dans l'intention de passer le havre de Lessay. Malheureusement, c'est la marée montante et il faut rebrousser chemin ! QUETIER fait alors conduire l'aviateur, par sa fille, chez Mme POIRIER qui l'héberge.

Quelques jours auparavant, le 13 juillet, le capitaine LENOIR, chef des groupes " Action " de la région coutançaise, avait été arrêté comme suspect. Il est emmené à La Chapelle-sur-Vire dans un camp de prisonniers américains, d'où il réussit à s'enfuir le 17 juillet.

Le lendemain, il arrive à Roncey, dans la soirée, il prend contact avec un de ses agents de renseignements Marc LETOUZEY qui l'héberge et le met au courant de l'arrivée de nombreux renforts allemands dans la région et de l'existence d'un important dépôt de munitions à Belval. Le 19 juillet, accompagné de LETOUZEY, il se dirige vers Coutainville et remarque la présence d'une nouvelle division allemande d'infanterie et d'éléments parachutistes. Tandis que son compagnon rejoint son domicile, LENOiR, guidé par le garde-champêtre de Monthuchon, arrive chez Mme Roger VIGOT qui l'héberge, et par BROCHARD fait prévenir QUÉTIER, chef de groupe, de son arrivée, porteur de renseignements très importants. Il est décidé de lui faire rejoindre les lignes américaines par mer, le soir même, par doris partant de Blainville. Des indiscrétions ayant eu lieu, le départ est remis au lendemain.

Cependant, un doris conduit par HEUGUET part, emportant deux maquisards venant de Savoie : ORSONI et BOURGEOIS. Ce sera le dernier départ par bateau, car les Allemands surveillent la côte : des jeunes gens, COULON, Aimable de SAINT-DENIS, Alphonse GOSSELIN et le fils POIRIER, sont arrêtés pour l'avoir tenté.

C'est à Léon LEGRAVEREND rentré chez lui, le 19 juillet. mission accomplie, après avoir traversé le havre de Lessay en sens inverse, que QUETIER fait appel pour une nouvelle mission le 21 juillet. A 10 heures, Evelyne QUÉTIER et Pierre BROCHARD conduisent l'aviateur américain REDDiG au domicile de LENOIR à Geffosses. En fin d'après-midi, Albert RIHOUEY, du groupe de Périers, qui y est réfugié depuis la destruction de cette ville, amène de Coutainville, en voiture : LENOIR, le parachutiste américain DÉZIEL et Léon LEGRAVEREND. Tous les fugitifs sont ainsi rassemblés à Geffosses.

Le départ se fait en deux groupes : d'abord le guide LEGRAVEREND et les deux aviateurs, suivis à 500 m par LENOIR. Ils se regroupent à Pirou, dans la ferme SOHIER et se reposent dans une grange. Ils y sont rejoints par le gendarme Yves LE COADOU, membre de la Résistance de Valognes, qui, incarcéré à la prison de Saint-Lô, a pu s'en échapper lors du bombardement. Passant par Périers, muni par le métreur LHOSTE d'une boussole et d'une carte d'état-major indiquant l'emplacement des batteries allemandes, il désire au plus tôt passer dans les lignes américaines.

Le 22 juillet, en pleine nuit, à 2 heures, réveillés par SOHIER, les hommes se dirigent vers la côte, qu'ils atteignent après 4 km de parcours. Dissimulés dans les dunes, ils attendent la basse-mer et à 5 heures, entrent dans l'eau au large de Créances, en évitant trois petits postes allemands sur les dunes. Malgré deux fusées qui éclairent soudain le paysage, ils arrivent sans incident sur l'autre rive, reçus avec enthousiasme, à Saint-Germain-sur-Ay, par l'armée américaine. Interrogés au C.I.C. à La Haye-du-Puits, puis au quartier général à Saint-Sauveur-le-Vicomte, ils sont questionnés à nouveau à l'abbaye de Blanchelande, à l'état-major du 8e Corps d'Armée.

Après avoir mis au courant Yves GRESSEl IN, chef départemental des F.F.I. à Rauville-la-Place, LENOIR est amené à l'état-major de la 1re Armée américaine installé dans la maison PICOT à Neuilly-la-Forêt. Là, il fait son rapport dans la nuit du 23 au 24 juillet au major KLOTZ, confirmant en tous points les dépositions des passeurs qui l'ont précédé, insistant notamment sur le manque de profondeur du dispositif de l'armée allemande entre Lessay et Coutances. La mission du capitaine LENOIR sera la dernière effectuée par mer.

L'ACTION DES GROUPES PENDANT LA BATAILLE DE RUPTURE


(Opération " COBRA ")

Région entre Agon, Coutances, Granville et Torigni

Ces groupes se préparent activement au combat, en complétant leur armement et en coordonnant leur action.

Le 16 juillet, une patrouille du groupe de Trelly, opérant le sabotage d'une ligne téléphonique entre Villebaudon et Tessy, attaque un soldat allemand isolé et s'empare de sa mitraillette.

Ce même jour. Roger LEMESLE, à Hauteville-sur-Mer, prend en charge et assure le camouflage de dix maquisards du groupe JUMEL devant être mis le lendemain à la disposition du groupe d'Action fondé par le commandant Robert GODARD clans la région entre Bréhal et Granville.

Mais, le 17 juillet. avant l'aube, celui-ci est surpris par des Allemands, à son domicile. Révolver au poing, il tente couragement de se défendre, mais il est abattu. Son agent ZACHARIE est arrêté.

Très vite, Roger LEMESLE est mis au courant de ce drame, sa fiancée étant envoyée à sa rencontre à Hauteville par Suzanne YBERT. Celle-ci s'empresse de faire prévenir aussi Maurice MARLAND et Lucien FINCK par COIPEL et BEAIJVAIS. C'est à Granville que le chef du groupe de Trelly, Jean-Baptiste ETIENVRE apprend de MARLAND la tragique nouvelle. Immédiatement, il prend contact avec son adjoint Roger LEMESLE, puis avec André POULAIN (Jules), chef du groupe de Saint-Denis-le-Gast. Tous deux changent l'emplacement de leur poste de commandement. La mort du commandant GODARD est très vivement ressentie ; semant la consternation dans tous les groupes de la région, elle prive la Résistance d'un de ses chefs les plus expérimentés et les plus déterminés.

Pendant que le groupe de Bréhal procède le 19 juillet à la récupération de mines anti-chars semées par les Allemands dans les dunes et les " Mielles de la côte près de Saint-Martin, l'adjoint de .J.-B. ETIENVRE, Roger LAMY se rend chez Jean MARIE, chef du groupe de La Haye-Pesnel. Celui-ci a pu obtenir quelques jours auparavant de René BERJON (Émile) trois mitraillettes et d'autres armes, provenant des parachutages de Fougerolles-du-Plessis, stockées chez Martial FOUILLARD, à Marcilly. Par André MAUVIEL, elles ont été transportées, à bicyclette à La Haye-Pesnel. Roger LAMY obtient la livraison d'une mitraillette " Sten " provisoirement sans chargeur ! Mais René LE GAC et Yves BOUGUEN apportent à Trelly plusieurs mines anti-chars remises par le groupe de Bréhat.

Dès le 21 juillet, sous la direction de Roger LEMESLE, des essais près de Courcy donnent de bons résultats : deux voitures sautent, un convoi est arrêté et mitraillé le lendemain par l'aviation alliée. Dans la nuit du 22 juillet, c'est J.-B. ETIENVRE et Fernand RAME qui opèrent de même sur la route de Montpinchon ; deux voitures allemandes sont mises hors d'usage.

Malheureusement le 24 juillet, Roger LEMESLE apprend par Suzanne YBERT l'assassinat de Maurice MARLAND. Arrêté le 22 juillet, le chef de la Résistance Granvillaise a été emmené par la police allemande dans la région de La Haye-Pesncl pour interrogatoire. Remis en liberté vers minuit, alors qu'il re-joignait Granville, il est lâchement matraqué et assassiné, atteint de six balles, par des inconnus, dans les bois de La Lucerne. Ainsi, dans la même semaine, disparaissaient tragiquement, sous les coups de l'ennemi, deux valeureux chefs de la Résistance granvillaise : Robert GODARD, commandant les groupes d'Action, patiemment et solidement constitués, et Maurice MARLAND, animateur incomparable et agent de renseignements hors de pair.

Mais le combat contre l'ennemi doit se poursuivre : Paul BERNARD, directeur de l'École primaire supérieure et confident de MARLAND, prend le relais.

Le lendemain, 25 juillet, toutes dispositions sont prises par le groupe de Trelly pour la pose massive de mines destinées à entraver la montée des renforts allemands vers la ligne de front où vient de débuter l'offensive puissante des Alliés. Un premier groupe de trois hommes, sous les ordres de J.-B. ETIENVRE, opère sur la route de Coutances à Villedieu entre Saussey et le carrefour de Lengronne : six mines sont posées, trois voitures sont mises hors d'usage.

Un autre groupe de deux hommes pose quatre mines au carrefour de " La Valtolaine ", sur la route de Saint-Lô à Gavray, malgré une forte concentration de troupes S.S. dans le voisinage une voiture est complètement détruite.

Un autre groupe de deux volontaires pose quatre mines, au carrefour de La Beltière, près de Nicorps : deux voitures sont hors service.

Un quatrième groupe opère à Hambye sur la route menant à l'Abbaye : la pose de quatre mines entraîne la destruction d'une voiture d'officier. Si les résultats matériels peuvent paraître minces, ils portent cependant atteinte au moral de l'ennemi qui ne se sent plus en sécurité.

De retour à son poste de Commandement installé dans la ferme " La France ", exploitée par M. et Mme MENAND, J.-B. ETIENVRE prend connaissance d'un message du capitaine J.B. HAYES l'appelant d'urgence à la ferme BAGOT, à La Mancellière. Il part aussitôt, en confiant la direction du groupe à son lieutenant Roger LAMY.

Peu de temps après, à 6 heures, le 27 juillet, quatre Allemands se présentent à la Ferme " La France " pour occuper une grange isolée, ayant servi de refuge aux maquisards. Perdant leur sang-froid, deux d'entre eux s'enfuient à travers champs, poursuivis par les Allemands qui tirent, heureusement sans les atteindre.

Prévenu par ses hommes, Fernand RAME se présente aux Allemands. En sa présence et celle de la famille MENAND, une perquisition permet de découvrir sous la paille, quatre mines et quatre détonateurs. Fernand RAME et Roger LAMY sont arrêtés. Celui-ci réussit à s'enfuir et à se cacher, mais son camarade est amené à Montpinchon où il est frappé, jugé sommairement et condamné à être exécuté dans les 24 heures.

Le lendemain, 28 juillet, il est emmené en voiture par les Allemands en retraite vers le sud. Dans la nuit. vers 22 heures, une attaque aérienne oblige les ennemis à se camoufler. Mettant à profit cette aubaine, Fernand RAME saute dans un ravin, profond de quatre mètres et recouvert de ronces, et y reste blotti jusqu'au lendemain. Il erre à travers champs et constate qu'il est à quelques kilomètres seulement de Bréhat. Dans une prairie, il s'empare d'un cheval, et comme un commis de culture, il entre dans la bourgade, se rend à Lingreville où il peut se remettre de ses émotions chez Paul LEBLANC et recevoir dans la matinée du 29 la visite de Paul TURGIS et de J.B. ETIENVRE, revenu la veille de sa visite à J.B. HAYES.

Celui-ci lui a donné mission de franchir les lignes de combat en direction de Coutances et de porter aux Américains les renseignements qu'il lui a confiés sur les forces allemandes dans le sud de la Manche. Infatigable, le soir même de son retour, J.B. ETIENVRE accompagné de Roger LEMESLE participe à un coup de main du groupe de Lingreville sur une caserne de Géorgiens : des balles, des grenades, des mortiers sont enlevés et 5 hommes sont faits prisonniers.

Vers midi le 29 juillet, J.B. ÉTIENVRE regagne Trelly pour accomplir sa mission. Il part à 14 heures accompagné de Jules BACHELOT et de Georges VAUTIER, afin de prendre contact avec l'armée américaine signalée à quelques kilomètres. Il donne l'ordre à ses compagnons d'attaquer tout Allemand pour venger la mort des chefs de la Résistance granvillaise assassinés par les nazis. Un quart d'heure plus tard, les trois F.F.I. rencontrent quatre ou cinq ennemis. Ils les attaquent aussitôt à la mitraillette et au révolver en lançant des grenades. Les Allemands ripostent à la mitrailleuse. ETIENVRE donne alors l'ordre de repli, mais s'écroule à l'instant criblé de balles. Attaqués de trois côtés par un feu nourri, les deux F.F.I. se replient vers le nord-ouest : ils sont blessés mais réussissent tant bien que mal à rejoindre l'armée américaine à Orval avec un soldat allemand qu'ils ont capturé.

Ignorant la mort de leur chef, le soir de ce jour tragique, Roger LEMESLE et Paul TURGIS prennent contact au village d'Urville avec les avant-gardes alliées ; Fernand RAMÉ fait de même à Annoville. Ils signalent les points de résistance allemands, participent à la capture des isolés et s'emparent de leur armement. Sur la route de Lengronne à Coutances, le groupe JUMEL agit de même. La joie de la Libération est hélas ! très assombrie par la mort héroïque d'ETIENVRE, ce défenseur de la dignité humaine et de la Liberté. et intrépide résistant.

Dans cette région. il haut faire mention de deux groupes d'Agon, complétant l'action menée par des patriotes de cette commune pour le sauvetage des parachutistes américains, étudiée précédemment. Le 12 juillet se forma autour de Robert CHATEL, un petit noyau avec un résistant de Jersey, Jean SOYER (Marion) qu'il avait connu à la prison de St-Lô où ils avaient été internés comme suspects, en novembre 1943. Celui-ci était venu se réfugier, après sa libération, en mai 1944, chez son camarade. Des membres du réseau " Centurie ", auquel appartient CHATEL, réfugiés de Coutances, Alexandre LELANDAIS, Madame HUBERT et LAMORLETTE y sont aussi hébergés. Ils ont, eux aussi, projeté de faire sauter le pont de la Roque. Le 29 juillet Jean SOYER se rend à Bréhat pour se procurer des explosifs. Pour son retour il emprunte une bicyclette appartenant à un Allemand. Pourchassé, il est abat-tu par l'ennemi, à la veille de la Libération.

L'autre groupe d'Agon, comprenant Maurice GUILLOT, ORANGE, GARCIA et ses deux fils, sabote un camion de munitions allemand garé dans un hangar à Heugueville. Tout est mis à l'eau dans la rivière " La Sienne ", y compris un canon de 37.

Il reste à mentionner dans l'Est de cette région, les groupes d'Action de St-Amand et de Guilberville que dirige le militant syndicaliste Maxime LELIÈVRE, réfugié de Cherbourg, en liaison avec Charles LESAUVAGE et Charles HAMEL. Ces groupes sont, dans leur plus grande partie, formés par des réfractaires de la région parisienne, très insuffisamment armés. A Guilberville, des parachutistes américains sont cachés depuis le 6 juin. En liaison avec celui de Trelly, par Roger LEMESLE, le groupe a reçu, le 23 juillet, l'ordre d'ETIENVRE de diriger les parachutistes sur la Mayenne et de fournir des observateurs pour la mission " Eric ". L'offensive américaine du 25 juillet contrarie en partie ces opérations.

Région au sud de la ligne Granville-Torigni

Les groupes, tout en participant à la guérilla, ont également pour mission d'assurer le sauvetage d'aviateurs alliés tombés en zone occupée. Au début de juillet, 3 d'entre eux sont hébergés par Henri LEBRETON à Champeaux. Trois autres sont accueillis et logés chez François HAMEL, cultivateur à Coulouvray. Arsène PARIS, chef du groupe de St-Laurent-de-Cuves, les prend en charge et les cache chez lui. Ils participent à la guérilla aux côtés des F.F.I.

Le 20 juillet à 12 heures 40, l'aviateur américain W.,O. CASTELLO tombe en parachute de son avion en flammes, au Mesnil-Ozenne. Recueilli par Roger VRAC, réfugié de Cherbourg, il est conduit vers Albert YVON, cultivateur, travaillant dans un champ voisin, qui envoie sa fille Denise chercher rapidement, à son domicile, des vêtements civils. L'aviateur est alors caché dans une carrière abandonnée où il est ravitaillé par MM. YVON et Louis SANSON. Sur le conseil de l'abbé LEBOUTEILLER, il est confié, avec l'accord de J.B. HAYES (Éric) et de Joseph GARNIER, chef du groupe de Marcilly à Martial FOUILLARD dont la ferme, pourtant, regorge déjà de déserteurs russes de l'armée allemande. Quelques jours plus tard, le 27 juillet, muni d'une bicyclette, il est conduit dans une bétaillère jusqu'à la route d'Avranches à Sourdeval où Louis PINSON, du groupe de Brécey, le prend en charge pour l'accompagner jusqu'à Vernix où il reste caché dans une ferme jusqu'à la Libération.

Vers la deuxième quinzaine de juillet, deux militaires américains et un déserteur allemand évadés du camp de Lingeard sont confiés par LEBOUI.ENGER, du groupe de Juvigny à son collègue instituteur Camille CROS qui les garde en sûreté jusqu'à la Libération le 2 août dans la soirée. A la même époque, André LEBOULANGER et René TANGUY du même groupe, se rendent le 18 juillet. en camionnette à Fougerolles-du-Plessis pour prendre livraison d'armes (fusils, grenades, plastic) qu'ils entreposent dans un bois à Juvigny-leTertre.

L'action des groupes de la région sud s'intensifie à l'arrière des troupes allemandes : des crève-pneus sont posés sur les routes, provoquant avaries et embouteillages. Ainsi à Tirepied, le 18 juillet : sept camions avariés, coupure d'une ligne électrique de haute tension par les F.F.I. d'Avranches et de Brécey.

Le groupe de St-Hilaire-du-Harcouët attaque et détruit le 26 juillet un camion allemand tandis que deux hommes blessent un indicateur notoire de la Gestapo. Près de Parigny le 27 juillet, LAFFAITEUR membre de ce groupe apercevant un avion américain tombant en flammes, s'élance au devant du pilote indemne. Sommé par les Allemands de s'arrêter, il continue sa course et est blessé à la main. Il se cache alors et quand l'officier allemand s'apprête à le tuer, il l'abat d'une balle de révolver et réussit à s'enfuir. Le 30 juillet, près de Ruais, le groupe attaque une colonne allemande en retraite, provoquant un embouteillage de la route nationale pendant plusieurs heures.

Le 22 juillet, sous les ordres du maréchal des logis de gendarmerie Constant DAUVERGNE, le groupe de Barenton participe, avec les hommes du maquis de la Fosse-Arthour, à l'attaque à la mitraillette d'un camion allemand. Deux S.S. sont tués, le camion est incendié, la circulation sur la route nationale de Mortain à Domfront est interrompue pendant six heures. La nuit suivante, les F.F.I. s'emparent de 2.600 litres de gas-oil stockés par les Allemands. Vers la fin de juillet, le groupe du maquis de Rouelle), attaque deux Allemands dont un est tué sur la route menant de Barenton à Ger. DAUVERGNE participe à l'enquête avec les Allemands ; il a pris au préalable toutes dispositions pour favoriser la dispersion des maquisards dans les bois de Lonlay-l'Abbaye, ainsi l'enquête ne donne aucun résultat.

La répression.

Mais la répression allemande s'abat sur les patriotes résistants. Le 30 juin, les frères André et René LEMAINS sont arrêtés à Hocquigny, inculpés d'avoir caché à leur domicile un poste émetteur anglais. Dès le lendemain, le gendarme Albert BOUQUILLION du groupe de La Haye-Pesnel se rend sur place et peut mettre en lieu sûr une quinzaine de caisses de cartouches qui ont échappé à la perquisition des Allemands.

Le 9 juillet, c'est une série d'arrestations opérées par la gendarmerie allemande sur dénonciation d'agents français au service des Allemands.

A Sourdeval, le chef du groupe de Résistance Marcel GOMBERI et ses hommes, Emmanuel FORTIN, Pierre CHERUAU, Pierre CHAMPAGNAC, le Docteur PUTOT.

A Mortain, le capitaine LE DIRAISON et son fils BLAIZE et PÉREZ.

A St-Hilaire-du-Harcouët, une dizaine de personnes suspectes de sympathie pour les F.F.I.

A Vergoncey, les deux frères François et Arnaud de ROQUEFEUIL pour leur attitude anti-allemande.

Tous sont incarcérés clans les caves du château de St-Jean-du-Corail ; la plupart sont relâchés après 48 heures de détention mais GOMBERT, Albert PEREZ.et les deux frères de ROQUEFEUIL sont dirigés vers les camps de concentration. Fort heureusement l'avance rapide des Alliés délivre le convoi le 10 septembre à Péronne.

Le 29 juillet, à St-Planchers, Louis LEBAILLEUX qui proteste contre l'occupation totale de sa maison, est l'objet d'une perquisition : un poste émetteur appartenant à un ami de Granville et un fusil de chasse sont découverts. Il est arrêté ainsi que son fils, puis dans la nuit, sa femme et sa fille. Ils sont tous exécutés le lendemain à St-Pierre-Langers. Le 30 juillet. les F.F.I. Adolphe COUPEAUX et Jean DELAHAYE sont fusillés à Bréhat et le même jour le F.F.I. Gaston DEPATIN est abattu à Lolif.

Le 29 juillet, Louis PINSON est reconnu par des Allemands pour sa participation à l'attaque de camions. Il est arrêté par les S.S. et emmené comme " terroriste " à Désertines (Mayenne). Enfermé dans une grange, il réussit fort heureusement à s'évader le 2 août (674).

Dès le début de juillet, des jeunes gens ont été pris en charge à Champ-du-Rouit (Calvados) par le détachement " Guillaume le Conquérant ", auquel appartient Joseph HILLIOU, qui leur apprend le maniement des armes. Ils sont parfois hébergés à St-Michel-de-Montjoie, chez son frère, Alexandre HILLIOU ou chez son beau-frère Arsène PARIS, à St-Laurent-de-Cuves. C'est ainsi que le 1er juillet deux jeunes gens originaires de la Sarthe, Robert STIEBERT (Paul LEFEVRE) et Noël LUTZEN (Jacques) arrivent chez A. PARIS. L'un d'eux, LUTZEN, amène avec lui, le 11 juillet, deux déserteurs russes servant dans l'armée allemande. Sans hésiter PARIS les habille en civil et cache leurs armes et leurs uniformes dans un grenier. Quatre jeunes gens du même groupe : Lucien OZANGE (Lulu), Maurice PARENT, Jacques CERCLEUX et Alain WEYDERS, arrivent entre le 18 et le 24 juillet où ils doivent attendre leur chef chez Arsène PARIS. Ce rendez-vous n'ayant pu avoir lieu, ils décident de rejoindre, à pied, Fougerolles-du-Plessis (Mayenne) où ils avaient reçu leurs armes.

Deux jours plus tard, le 26 juillet, ils sont interpellés au Teilleul, par la gendarmerie allemande. Hélas ! Chacun d'eux porte, dissimulée dans un sac tyrolien, leur mitraillette démontée ! En outre, une lettre de remerciements pour Arsène PARIS devant être postée au Teilleul, est découverte !

Les jeunes gens sont emprisonnés dans les caves du château de St-Jean-du-Corail. Frappés très brutalement, menacés d'être fusillés, interrogés sous les sévices les plus odieux, ils doivent avouer. Seul CERCLEUX qui avait été séparé de ses compagnons, resta muet sous les tortures les plus atroces.

Le lendemain 27 juillet, Arsène PARIS, sa tille Renée, son fils Marcel, son futur gendre Roger PALARIC, sa nièce Hélène OLLIVIER et les deux déserteurs russes sont arrêtés. A Champ-du-Boult, Joseph HILLIOU est aussi appréhendé. Tous sont incarcérés à St-Jean-du-Corail. Seuls. Arsène PARIS et sa nièce sont remis en liberté le 29 juillet.

Deux jours plus tard, dans la carrière de Bourberouge, six patriotes sont fusillés ; quatre résistants de Fougerolles : BOSTAN, J. DERENNL, FREARD, GENEVEE, et le chef du groupe de Champ-du-Boult : J. HILLIOU ; Jacques CERCLEUX qui tentait de s'enfuir, est abattu sur la route de Mortain à Barenton. Les autres prisonniers sont transférés dans divers camps de concentration en Allemagne. Cette atroce tragédie, se déroulant à quelques jours de la Libération constitue un des plus cruels épisodes de la lutte menée par les résistants.

Plus de 30 ans après, la mémoire de ces martyrs est honorée, avec beaucoup de ferveur, par les populations du Mortainais, de la Mayenne et de l'Orne.

La débâcle allemande.


Dès le contact pris avec les Alliés, les résistants ont reçu mission de les guider et de participer au ratissage de la région cri recherchant les Allemands épars afin de les désarmer, de les grouper et de les mener dans les camps de prisonniers.

Le 29 juillet, le groupe JUMEL, a pris contact avec les Américains à 5 km au nord de Lengronne. Michel IIUAUX leur fournit la topographie du Bois de Buron où une formation allemande s'est réfugiée. Sous la direction de Georges LANDRIN, la troupe y pénètre, tandis que les chars américains, guidés par le gendarme BODILIS de Bréhat, cernent les environs. Au retour, le chef du détachement apprend aux F.F.I. que 17 ennemis ont été tués, 12 ont été capturés.

Près de là, à St-Sauveur-la-Pommeraye, le 30 juillet. André BLANCHETON du réseau F. 2 persuade 9 Allemands de se rendre et cache leurs armes.

Quant au groupe de Trelly il peut dénombrer 100 fusils et 30 camions enlevés à l'ennemi.

A Juilley, alors que les Américains sont encore à 30 km au nord, Maurice FLEURY arrive par persuasion à faire déserter le 29 juillet, trois Allemands qui lui livrent leurs armes et leurs chevaux.

Alors que l'armée américaine du Général PATTON fonce droit au sud vers Avranches. après avoir délivré Granville, le 30 juillet. les groupes de la région côtière de St-Pair, de Carolles, de Marcey et d'Avranches ont reçu pour tâche de poursuivre les ennemis et d'en capturer le plus grand nombre avant leur repli vers la Bretagne.

A Ste-Pience, Émile CUNY, rescapé du bombardement de la prison de St-Lô, a reconstitué un groupe avec Pierre VAURAGNARD, LEROY, PICHON, et d'autres résistants. Le 1er août, il capture une trentaine d'ennemis, dont quelques-uns ripostent, des armes, des grenades et environ 10.000 cartouches. Il prend contact ensuite avec le service de renseignements de l'armée américaine, le C.I.C.

A Vains et à Marcey, André LEBARBENCHON réussit le 31 juillet à persuader successivement quatre groupes ennemis. totalisant 121 hommes, d'abandonner la lutte et à le suivre jusqu'au camp installé par les Américains près du château de Marcey.

Ce même jour. au sud d'Avranches, les groupes de Ducey et de St-James entrent en action. Dans la soirée du 31 juillet, à Ducey, avec l'aide du directeur de la distillerie JARDIN, le déminage des deux ponts sur la Sélune, que l'ennemi comptait détruire pour entraver une avance vers l'Est de l'armée américaine, est opéré par Albert BOUDET qui désarme un soldat allemand et s'empare de sa mitraillette. Près de là, à Marcilly, dans l'après-midi du même jour, 3 Allemands en retraite se présentent chez FOUILLARD et veulent, pour fuir. s'emparer de ses chevaux. Les trois déserteurs russes qu'il héberge ont vite fait d'abattre les ennemis, dont les cadavres sont rapidement cachés. Fort heureusement, car une demi-heure plus tard, la ferme est occupée jusqu'au soir par une formation allemande. Le lendemain, 1er août, FOUILLARD remet aux autorités américaines 20 soldats allemands qu'il a persuadés de se rendre.

Dans la nuit du 31 juillet au 1er août plusieurs membres du groupe de St-James : F. LEROUX, C. LEBLOND, G. JOURDAM, J. BOURDET, LAPORTE, G. LECANNELIÉ et RESTOUX ont préparé une embuscade, sur la route menant à St-Hilaire-du-Harcouët, au lieu-dit " La Rencontre ". Un convoi de plusieurs camions allemands est attaqué à la mitraillette par les F.F.I. Le convoi s'arrête brusquement, les camions culbutent. Deux ennemis sont tués, un autre est blessé. Rapidement. les résistants s'éloignent tandis que les Allemands ripostent sans résultat.

Le 1er août à 12 heures 30, les Américains passent à St-James, accueillis avec une joie délirante par les F.F.I. et la population. Mais ils poursuivent leur route vers Fougères, laissant la localité sous la seule protection des F.F.I.. avec mission de capturer les groupes allemands isolés. Sur la route de Pontorson, quatre F.F.I. dirigés par Albert MOTHAY et Jacques BOURDET attaquent à la mitraillette une auto-mitrailleuse blessant 3 hommes. Furieux, tout en s'enfuyant vers Fougères, les Allemands tirent sur les civils et blessent une personne. Avec l'aide de quelques Américains de passage, les F.F.I. attaquent un char, qui est capturé. Chaque arme prise à l'ennemi est donnée à un patriote. Pendant cinq heures, les Allemands sont poursuivis à travers bois : 6 sont tués. 27 sont capturés. A la nuit tombée, la venue inopinée d'un char de reconnaissance allemand qui stationne dans le bourg pendant une heure jette l'émoi dans la population et donne espoir aux captifs. L'attitude ferme des F.F.I. qui les gardent les contraint à rester silencieux. Pendant deux jours la chasse aux Allemands continue en liaison avec les groupes d'Ille-et-Vilaine, de Mellé et de St-Georges-de Reintembault.

Les 1er et 2 août, le groupe de Ducey, comprenant une douzaine d'hommes, sous la direction d'Aristide MANAIN, procède aussi au nettoyage de la région ; le garde-chasse Maurice CHEVREL qui connaît parfaitement les lieux, guide les F.F.I. qui désarment une trentaine d'Allemands. Sous la conduite du maire de Saint-Laurent-de-Terregatte, GAUTIER, le groupe se rend à la lisière des bois bordant le barrage de Vezins pour empêcher les Allemands de détruire l'ouvrage. Au retour, à 5 km de Ducey, un cultivateur, ayant signalé la présence dans son champ d'ennemis cherchant à se rendre, le groupe s'en approche. Il est accueilli par des coups de feu un violent combat s'engage au cours duquel un F.F.I. Pierre VERDIER est tué, un autre Albert BOUDET est légèrement blessé. Deux Allemands sont pris et exécutés après le décrochage du groupe 14 ennemis auraient été tués au cours du combat.

Le 2 août, les Américains sont à Juvigny-le-Tertre : le groupe que dirige le Docteur LEMONNIER se met à leur disposition et leur signale une formation ennemie retranchée dans un champ, qui a refusé de se rendre aux F.F.I. Le gendarme LE DOLLEC de la brigade d'Isigny-le-Buat se rend à la police militaire américaine de Ducey pour signaler la présence d'un groupe allemand à Chalandrey. Il guide les Alliés et participe avec eux à la prise de 59 ennemis dans ce village.

Au matin du 2 août, les Américains entrent à St-Hilaire-du-Harcouët avec à leur tête Jacques NAVIER qui avait passé les lignes de front, en mission Helmsman, le 17 juillet. D'autre part, Louis BLOUET, chef du groupe, bien que remis à peine de sa blessure du 24 juin, arrivé à bicyclette de Romagny, où il avait été transporté par J.M. LEVESQUE chez l'instituteur de ce village, MONNERIE. Sur une carte d'état-major, Louis BLOUET indique les lieux de forte concentration de blindés dans la région de Mortain et de Romagny, et demande aux Alliés de retarder le bombardement de ces chars d'assaut jusqu'à 16 heures afin de prévenir à temps la population civile.

Durs combats dans la partie Est du département.


Si la percée américaine à l'Ouest et au Centre de la Manche a bousculé les Allemands vers le Sud, ceux-ci opposent à l'Est et au Sud-Est une résistance encore solide. A St-Lô, en grande partie détruit par les bombardements et les combats acharnés qui s'y livrent du 18 au 22 juillet, les groupes de résistance ont été dispersés. Seuls quelques intrépides restent blottis dans de précaires abris aux abords de la ville. Marcel MENAND qui a été désigné pour prendre contact dès la libération de la cité avec M. HAAG, le nouveau Préfet désigné par le Comité National de la Résistance Lucien DUROSIER et Maurice TOURGIS qui guident, dès le 20 juillet, une patrouille américaine et. montant au seul clocher de l'église encore debout, peuvent repérer l'emplacement des troupes allemandes et renseigner les Libérateurs. Vers la même date, Julien LEPENNEC (Durandal) traverse la Vire pour indiquer aux Américains le plan des batteries allemandes en position, au château de La Tremhlaye. Elles seront détruites le lendemain par l'aviation.

Adolphe FRANCK, chef des groupes de Manche-Sud. interné à la prison de St-Lô, s'en est trouvé libéré par le bombardement dans la nuit du 6 au 7 juin. Il est abrité et caché chez LECHEVALI,IER à St-Denis-le-Gast. Le 23 juillet, André LEGRAVERAND et Raymond BENARD réfugiés à Montchaton, cherchant à entrer en liaison avec leur chef, s'adressent à Michel YVER, replié au château de Béranger. à Trelly. Par des résistants de la préfecture transférée à Lengronne, ils sont munis d'un laissez-passer de secouristes, leur permettant de rejoindre FRANCK. Celui-ci les charge de donner l'ordre à MARLAND de se cacher, de n'opérer que des sabotages sur route par abattage d'arbres et de cesser toute activité armée. Le lendemain 24 juillet les deux agents de liaison passant à Trelly apprennent l'assassinat de MARLAND ! Ils regagnent donc leur lieu de refuge de Montchaton.

Le 28 juillet, LEGRAVERAND passe les lignes de combat à Grimesnil et re-joint FRANCK (Lefrançois). Le lendemain celui-ci et VILLIERS-MORIAME, chef des groupes de Manche-Sud sont appelés à Neuilly, siège de l'état-major du Service de Renseignements de l'armée américaine pour être interrogés sur l'activité et l'importance des troupes allemandes en retraite.

Le 27 juillet à l'ouest et au nord de Perey, la bataille fait rage. Les Allemands ont installé leur quartier général au village du Laurier, dans la maison de Georges LECLERC, membre du groupe de Résistance local qui a refusé d'évacuer sa maison où sont abrités, dans le sous-sol bétonné, sa famille et plusieurs réfugiés. Il charge son cousin René GODARD d'essayer de rejoindre à travers champs les avant-gardes américaines à deux kilomètres à l'ouest pour leur donner toutes indications utiles sur l'emplacement de l'état-major allemand. Il fût convenu que la propriété serait bombardée à 19 heures 30. Faisant le chemin inverse, René GODARD arrive à la maison de G. LECLERC. vingt minutes avant ce bombardement sur le poste de commandement allemand, d'une durée d'un quart d'heure.

Le 30 juillet, vers 16 heures, un lieutenant aviateur américain Andrew SINTER saute en parachute de son avion abattu par la D.C.A. Recueilli par le cantonnier Fernand BASNIER, il est ensuite caché sous une meule de foin par un journalier agricole Jean ROUSSEL qui s'empresse d'avertir Georges LECLERC. Des vêtements civils lui sont remis et à 16 heures 40 l'aviateur est hébergé avec les réfugiés dans le sous-sol de la propriété. Mais devant l'intensité de la bataille, ceux-ci et l'aviateur devront évacuer le 1er août la maison du Laurier pour s'installer à 800 mètres au nord-ouest dans la ferme de Jules LHERMITTE, à la Nohlerie.

Plus au nord, le 29 juillet à Moyon, Désiré FRÉMY indique aux Alliés l'emplacement des batteries allemandes installées à Troisgots. Leur tir, bien réglé par un guetteur allemand caché dans le clocher de l'église de Moyon, où flotte le drapeau de la Croix-Rouge ! arrête l'avance des Américains.

Dans la même région, au village de La Cannière, à Percy, le 30 juillet, GUIHAIRE qui n'a cessé d'observer les défenses allemandes depuis 14 heures 30 remet à une patrouille de l'armée américaine un plan de l'emplacement des nids de résistance de l'ennemi, puis à partir de 18 heures 30, la guide et participe au combat. A 22 heures. il se rend à Percy afin d'observer 27 chars allemands " Tigre " ; il rapporte des renseignements tels qu'ils décident les Américains à opérer un repli de 5 km. Dès le matin du 31 juillet. il participe au nettoyage à la grenade des postes allemands.

Vers la même époque, Jean CADET. membre de " Résistance-Fer " et du réseau F. 2, réfugié à Percy, signale à Albert LEPRINCE du même réseau à Villedieu, l'existence d'un dépôt de munitions à Montabot. La liaison est assurée par l'abbé BEAU PETIT. réfugié de St-Lô, déguisé en charretier menant une carriole attelée à un âne. Tous les renseignements sont centralisés par Fernand LECHEVALLIER, un des chefs du réseau, réfugié dans la région de Villedieu qui les remet le 30 juillet aux Américains arrivés près de cette cité.

Le 31 juillet, dans cette ville, trois résistants du groupe : Noël VIRAVEAU, Joseph COLLET et VILLAIN traversent les lignes pour avertir les Américains de la présence d'un fort détachement de S.S., caché à Saultchevreuil, au carrefour Joyeux. En plein jour, ils conduisent les troupes à proximité et leur indiquent les meilleures positions à occuper pour empêcher la fuite des Allemands clans la nuit, avec leur matériel et leurs munitions. Toute la nuit, ils restent en contact avec les Alliés, leur fournissant toutes précisions sur l'emplacement des troupes ennemies permettant ainsi aux Américains de s'emparer d'un important matériel, dont deux tanks et de capturer 300 à 400 prisonniers.

Bien que grièvement blessé par le bombardement de la prison de St-Lô, Roger LELAISANT a réussi à s'évader au cours de son transfert vers l'Allemagne. Rentré en cachette dans ses foyers, il passera les lignes de bataille, le 1er août, à La Bloutière, et pourra donner à un officier américain l'emplacement exact des batteries allemandes installées à Beslon et à Chérencé-le-Héron.

Plus au Nord-Est, une garde-barrière sur la ligne de chemin de fer de Torigni à Guilberville, Madame DOUET, du groupe de St-Amand, donne des renseignements sur les troupes allemandes camouflées le 2 août dans les bois, et guide les troupes américaines pour leur permettre d'en capturer un grand nombre.

Dans toute cette région de St-Lô à Villedieu où les Allemands s'accrochent pour ralentir l'avance alliée, des résistants tombent, victimes de l'âpreté de la bataille. Le 1er Août, Maurice GROUET, un des rescapés du réseau " Vengeance " de Torigni est tué, au retour d'une mission dans les lignes allemandes demandée la veille par l'état-major américain installé dans cette ville.

Le môme jour, à Percy, les Allemands abattent le mécanicien DELAUNAY Jules soupçonné de posséder un poste de radio. Et, par une fatale méprise, au mi-lieu de la bataille qui fait rage dans cette localité, un des meilleurs agents du réseau F. 2, Léon LEDUC, est tué par les Américains alors qu'il leur apportait des indications précieuses sur l'emplacement des troupes ennemies.

Plus au sud, clans la nuit du 2 au 3 août, Marcel BLIN traverse les lignes pour faire connaître aux Américains, arrêtés depuis quatre jours au nord du village de Bas-Bois, près de Coulouvray-Boisbenâtre, le repli des Allemands. Avec Dominique BREHIER il repère le nouvel emplacement de leurs chars et de leurs nouvelles positions.


LE DERNIER SURSAUT ALLEMAND

A partir du 2 août. ce sont les groupes du Mortainais qui vont entrer en lice. Ce même jour. les Allemands évacuent Mortain. Aussitôt, ce renseignement est porté aux Américains arrivés au nord de Romagny, par les gendarmes de la brigade sous les ordres de leur chef KERVRAN. A leur retour ils s'emparent d'un lot de munitions laissé par l'ennemi. Mais les Américains continuant leur tir d'obus sur la partie ouest de la ville, KERVRAN se rend à nouveau, le 3 août au matin, pour faire cesser le tir et demander l'occupation de Mortain. II est appuyé par le lieutenant-colonel JOSSET et son fils, le commandant Jean JOSSET, réfugiés à Romagny. Les trois hommes renseignent nos Alliés sur l'importance de la position allemande de la colline St-Michel, observatoire dominant à 317 mètres toute la région s'étendant à 45 km vers l'ouest.

De retour à Mortain, le chef de brigade KERVRAN est interpellé vers 13 heures 30 par un officier allemand accompagné de trois soldats, arrivant en automobile de Sourdeval. Il lui donne des ordres qu'il affecte de ne pas comprendre. Un soldat de l'escorte ayant tiré son arme est abattu par le chef de brigade.

Après un bref combat, un autre soldat est mortellement blessé ; les autres occupants sont emmenés en prison, à la gendarmerie. Pendant ce temps, les gendarmes BOUSSIN, CHAPRON, SAUBERTY et DENIS ont tendu, sur les instructions de leur chef, une embuscade à l'entrée sud de Mortain pour s'opposer à toute reconnaissance en attendant l'arrivée des Alliés ; un Allemand qui a assisté de loin à la tragédie tire à la mitrailleuse sur les civils ; il est abattu par le gendarme SAUBERTY. A 14 heures, un side-car allemand effectue une reconnaissance ; des jeunes gens du groupe l'obligent à rebrousser chemin à toute allure. L'un d'eux, LEI3000HER, sans armes. maîtrise à la force du poignet, six conducteurs de véhicules allemands qui seront remis, après une garde de trois heures à une patrouille de reconnaissance américaine dont le commandant confie aux gendarmes le soin de capturer les Allemands en attendant l'arrivée du gros de l'armée. Quatre d'entre eux sont faits prisonniers, deux autres sont blessés ; leurs deux véhicules sont saisis ainsi que quelques fusils et pistolets. Alertés par la fusillade, les Allemands donnent l'ordre d'arrêter les civils. Fort heureusement, les fiévreux préparatifs de la bataille ne leur en laisseront pas le temps. et l'armée américaine occupe Mortain à 18 heures 30.

Le 4 août, Louis THOUROUDE, membre du groupe, signale aux Américains la présence d'un char en position de tir et d'une vingtaine d'ennemis au lieu-dit " Les Quatre Vents ", et le lendemain, deux autres membres du groupe vont reconnaître à 3 km de la ville l'emplacement d'une batterie allemande qui a causé au cours de la journée de graves dégâts. Roger GARNIER a franchi quatre fois les lignes allemandes pour apporter des renseignements aux Américains. Arrêté, enfermé dans un bâtiment agricole pour interrogatoire, il réussit à s'évader.

A la même date, le 4 août, le major J.B. HAYES du S.O.E. a, sur demande du Service de Renseignements américain, recruté dans le groupe de Résistance de Saint-Hilaire-du-Harcouët, des volontaires pour passer à travers les lignes. Ils devront recueillir des indications sur la redoutable contre-attaque que les Allemands préparent pour atteindre Avranches et couper ainsi de ses bases l'armée américaine engagée en Bretagne et dans les pays du versant nord de la Loire. Un de ces passeurs volontaires Georges COCONNIER accomplira ces dangereuses missions d'aller et retour cinq fois : les 3, 4. 6, 7 et 9 août.

Sous la pression de l'ennemi, les Américains se replient vers l'ouest sur les hauteurs de Romagny et les Allemands réoccupent Mortain.

Les groupes de Résistance des cantons à l'est de cette ville, celui de Barenton et celui du Teilleul sont sous la direction du capitaine LEFEVRE (Richard), chef du sous-secteur de Domfront (Orne) et du sous-lieutenant Jean FOUQUE, chef du groupe de Saint-Cyr-du-Bailleul.

Les F.F.I. de ce groupe posent, le 2 août, une mine au pont de la Beltière sur la route de Saint-Georges-de-Rouelley ; un char et sa remorque remplie de munitions sont anéantis. Le lendemain 3 août, à la gare de la petite-vitesse de Saint-Cyr-Saint-Georges, une patrouille du groupe, récupérant les mines antérieurement posées sur la voie ferrée de Domfront à Mortain, est surprise par les Allemands. Au cours d'une brève échauffourée, deux Allemands sont mis hors de combat et le groupe se replie en emportant son matériel.

Dans la nuit du 4 au 5 août, les F.F.I. posent une mine sur la route nationale entre Saint-Georges-de-Rouelley et Barenton : par son éclatement l'engin fait des blessés et provoque l'immobilisation de matériel allemand.

L'après-midi du 5 août. le sous-lieutenant Jean FOUQUÉ, à la tête de plus d'une douzaine d'hommes, attaque sur la route de Saint-Cyr-du-Bailleul à Barenton ; plusieurs ennemis sont tués, des armes et des munitions sont récupérées qui seront stockées en lieu sûr... dans l'une des chambres de sûreté de la gendarmerie de Barenton.

Sur la route de Saint-Georges-de-Rouelley à Saint-Cyr-du-Bailleul, un autre groupe attaque une voiture de liaison dont les occupants ripostent par un feu nourri, mais un feldwebel est tué. Un peu plus tard, les F.F.I. se trouvent en présence d'un S.S. en civil conduisant une voiture à cheval : le conducteur tire sur la patrouille, l'Allemand est mis rapidement hors de combat.

Le groupe de Barenton, sous les ordres du chef de brigade de gendarmerie Constant DAUVERGNE (Courlis), compte près de vingt hommes dont tous les gendarmes. Sa mission est de renseigner, sur les positions allemandes, les Américains qui ont atteint Husson puis Le Teilleul, guidés par l'instituteur Paul DAVY.

Le 4 août, le gendarme LECOMTE entre en contact avec une patrouille de reconnaissance américaine qu'il guide jusqu'aux abords de Barenton. M. VILLETTE, propriétaire d'une ferme à Beaulocher, village situé à 2 km du bourg, s'offre pour accomplir la mission dangereuse de se rendre, seul, en éclaireur, jusqu'au pont du moulin Richard, entre sa ferme et le bourg, pour déceler la présence possible des ennemis. Il est convenu, avec le gendarme et les Américains, qu'il partira avec une fourche sur l'épaule droite, et, en cas de présence de troupes allemandes, il reviendra avec son outil sur l'épaule gauche. A son retour, il peut indiquer que le pont est miné et gardé, que beaucoup d'ennemis sont en position de combat pour mitrailler le chemin, qu'un tank caché dans un champ braque son canon vers la côte menant à Barenton. Visiblement les Allemands sont résolus à bloquer l'avance de l'armée américaine. Et le même jour, l'ancien adjudant de gendarmerie de Mortain, HENRIET, signale le re-groupement des Allemands aux abords de Mortain et de Rancoudray.

- M. Ernest LAISNEY, du 24 juillet au 2 août 1944, à Sainte-Marie-du-Bois et au Teilleul.

- M. Jean LEBRETON, de la mi-juillet environ jusqu'au 31 juillet, à Bréhal (lieutenantTery BILLING).

- M. Constant BESNARD, en août 1944. A Buais, il n'a pas été possible non plus de citer, tant ils sont nombreux, tous les patriotes qui ont passé volontairement à travers les lignes allemandes en pleine bataille, pour rejoindre et renseigner les Américains sur le dispositif militaire allemand. Leur action fut si importante et si appréciée qu'une école spéciale, au titre de la mission " Ascain ", dirigée par le capitaine français Roger GUATTARY, débarqué le 6 juin. venant dAngleterre, fut installée en juillet au château des Palmiers, à Saint-Côme-du-Mont, pour former des jeunes volontaires. Roger GUATTARY assura lui-même plusieurs missions notamment au cours des combats de La Haye-du-Puits et en débarquant à Jullouville, en vedette, derrière la ligne du front allemand. Plusieurs jeunes gens venant de la région de Valognes et du Calvados, inscrits depuis longtemps à un réseau de Résistance, participèrent activement à cette entreprise dangereuse. La même tactique fut employée en août, sous le nom de " Mission KŒNIG ", pendant la bataille de Mortain.

De même, il n'a pu être fait état des noms des nombreux patriotes qui, à la tête des troupes alliées, les ont guidées pour pénétrer dans le dispositif allemand, par des chemins ou sentiers connus d'eux seuls.

Le 15 août 1944, tout le territoire du département de la Manche est libéré.



- ANNEXE -

L'étude précédente a relaté les faits qui se sont déroulés dans la Manche. Il est juste d'y ajouter l'action effectuée dans d'autres départements par des résistants de notre Région ayant payé de leur vie leur attachement à la Liberté, et à la Patrie.

De même, nous ne saurions oublier le tragique destin de patriotes des régions voisines, condamnés dans la Manche à des peines sévères par les tribunaux allemands. Il en est ainsi de la glorieuse et tragique aventure de quinze jeunes gens désireux de rejoindre les Français libres en Angleterre.

LE DRAME DU " BUHARA "

Partis clandestinement de la baie de la Fresnaye (Côtes-du-Nord) sur un mauvais bateau, " Le Buhara ", aux membrures disjointes et au moteur défaillant, acheté en commun à des gens sans scrupules, ils sont arraisonnés le 13 février 1941, au large de Guernesey, par un patrouilleur allemand. Tous sont emprisonnés à Cherbourg, puis transférés le 3 mars à la prison de Saint-Lô.

Le 20 mars, la Cour Martiale allemande condamne à mort tous les inculpés, à l'exception toutefois du jeune Maurice QUERET, 16 ans, qui devra subir sept ans d'emprisonnement. En appel, malgré une plaidoirie courageuse et pleine de foi de l'avocat allemand, exaltant le patriotisme de ces jeunes français, deux peines de mort furent maintenues pour Pierre DEVOUASSOUD et Magloire DORANGE. Les douze autres peines furent commuées en travaux forcés à perpétuité dans les prisons allemandes pour AUBRY, BLANGY, CANVEL, CHEVALIER, CORTOT, DELABRUYERE, LARUELLE, LEBRETON, MATHIOT, MÉNÈTRAY, QUÉRET Victor, ZALEWSKI. Deux d'entre eux y moururent, Raymond CANVEL et Auguste ZALEWSKI.

La mère de DEVOUASSOUD, qui avait financé une partie de l'achat du bateau, considérée comme complice, sera condamnée à trois ans de prison en Allemagne.

Le 12 avril, les deux héroïques jeunes gens tombaient sous les balles allemandes, à l'abbaye de Montebourg, au cri de " Vive la France ".

Le récit de cette tragédie, écrit pendant sa détention à la prison de Saint-Lô par Victor QUERET, fut remis à la fille du gardien-chef français, Odette PANNIER. En bonne française, elle en reproduisit le texte sur des feuillets qu'elle distribua dans la ville afin de montrer, en exaltant le courage de ces jeunes patriotes, l'implacable dureté des Allemands. Ainsi cette tragédie eut un grand retentissement et contribua à renforcer la haine contre l'occupant. Pour ce fait, Odette PANNIER fut arrêtée et condamnée à l'emprisonnement pendant plusieurs mois.


LES AVIATEURS

A la même époque. trois jeunes gens de Tourlaville. impatients de servir leur patrie, Pierre DESPREZ, René d'OLIVEIRA et René LECTEUR, décident de tenter de rejoindre l'Angleterre. Après quelques tentatives infructueuses, ils consultent le résistant cherbourgeois Paul GUILBERT qui leur indique l'adresse d'un horloger de Caen susceptible de les aider.

Munis d'un peu d'argent par leurs parents et des patriotes, Mlle LEVASLOT et Mme LEMAGNEN, ils quittent Cherbourg et obtiennent à Caen le nom d'un passeur qui. moyennant rétribution pourra les aider à franchir, à Bléré, la ligne de démarcation séparant la zone occupée par l'ennemi de la zone dite libre, sous administration française.

A Bléré, la nuit était glaciale. et la sentinelle allemande gardant le pont à la limite des deux zones, emmitouflée dans son manteau, ne se montra pas trop exigeante. Mais l'accueil en zone libre des autorités françaises n'étant pas très encourageant, les trois amis, presque dépourvus d'argent, réussissent cependant à gagner Marseille où, par chance, DESPREZ et d'OLIVEIRA sont admis comme maître-mécaniciens sur le paquebot " Winnipeg ", desservant les Antilles.

Arraisonné par une corvette hollandaise, le navire se trouve contraint de se rendre à l'île anglaise de la Trinité, d'où les deux intrépides jeunes gens peuvent rejoindre, en septembre, les Forces Françaises Libres en Angleterre.

Entrés dans l'aviation, les deux amis font partie du célèbre groupe de bombardement " Lorraine ". Malheureusement, au cours d'une opération sur une rampe de lancement près de Saint-Omer, Pierre DESPREZ trouve la mort, abattu par la Défense anti-aérienne allemande, dans les premiers jours de l'année 1944.

Quant à René LECŒUR qui n'avait pu rejoindre l'Angleterre, il pourra néanmoins servir son pays dans l'aéronavale française libre, à partir de 1943, en Afrique du Nord.

Un autre jeune homme de Tourlaville. Jean PICQUENOT. parti d'Agadir où il servait dans l'aviation, fut affecté en fin mai 1944 au régiment de chasse " Normandie ", désigné pour combattre sur le front russe. Arrivé à Moscou le 28 septembre, il rejoint, plein d'allant, le 17 octobre, l'escadrille du Capitaine CHALLE du groupe POUJADE. Mais après avoir participé à un rude combat aérien le 16 janvier, il est malheureusement abattu le lendemain près de Kœnigsberg.

LES MAQUISARDS

Un autre Tourlavillais, Adrien GIRETTES, 21 ans.

camouflé en Charente-Maritime pour éviter le S.T.O., s'engage dans la Résistance et prend le maquis à Châteauponsac (Haute-Vienne). Fait prisonnier au cours d'un combat d'embuscade tendu par les résistants pour retarder les colonnes allemandes se dirigeant vers la Normandie, il est amené par l'ennemi à Bussières-Poitevine. Martyrisé pendant plusieurs heures pour obtenir qu'il indique l'emplacement de son groupe, il meurt assassiné lâchement par les Allemands, le 12 juin, 1944, sans avoir rien révélé.

Le même sort, hélas ! sera réservé à un jeune Coutançais de 24 ans, Pierre VIBET qui. plutôt que de subir le Service du Travail Obligatoire en Allemagne, décide de se joindre à l'Organisation de Résistance de l'Armée (O.R.A.), dont lui a parlé Roger AGNES, membre de cet organisme. Accompagné de celui-ci, Pierre VIBET se rend à Toulouse et entre au Corps franc du Colonel POMMIES.

Sous le couvert de courtier d'assurances, il est agent de renseignements, puis de liaison entre les divers groupes de résistance de la 17e Région Militaire. II participe aux transports clandestins d'armes et de matériel, puis devient chef d'une section de combat, prête à agir au jour J.

Mais le 15 octobre 1943, la Gestapo arrête Pierre VIBET, puis Roger AGNÈS ! Emprisonnés, torturés, ils seront ensuite déportés en camp de concentration en Allemagne. Mais Pierre VIBET ne pourra résister au régime infernal des camps ; il succombe le 14 juillet 1944 au camp d'Oranienbourg, non sans avoir appris, avec une joie mêlée d'appréhension pour sa famille, le débarquement réussi des Alliés dans son département.

Jacques LESDOS, jeune élève officier de l'Ecole militaire de Saint-Cyr, repliée depuis 1940 à Aix-en-Provence, puis dissoute en novembre 1942, s'engage comme instructeur des maquisards du Jura, puis des Alpes, sous le pseudonyme de " Drakkar ". Accompagné d'un ami, comme lui originaire de la région cherbourgeoise, Raymond RAUX (" Flamand, Bouché "), il abat en mars deux agents des Waffen S.S., et crée le maquis " Fort-de-France ". A la suite d'une attaque sur le poste de commandement allemand de Cavaillon, Raymond RAUX et Jacques LESDOS sont arrêtés, le premier le 29 mars, le second le N avril 1943, à La Basse-Melle (Basses-Alpes). Tous deux sont cruellement torturés, puis ces deux inséparables héros sont déportés au camp de Neuengamme où ils succomberont victimes de la barbarie de leurs geôliers.

Et comment ne pas exalter le sacrifice sublime de ces jeunes gens du Cotentin : Pascal LEMELAND, d'Huberville, Louis BERTAUX, de Valognes, rejoints plus tard par Roger GLINEL, de Querqueville,

qui choisirent aussi la rude vie des maquis du Jura, plutôt que de participer à la servitude du travail obligatoire pour l'ennemi (1943).

Cernés avec sept de leurs camarades, dans une ferme d'Alièze, le 8 mars 1944, par les troupes allemandes, aidées ignominieusement par des miliciens français, ils soutinrent un siège en règle toute une longue nuit d'enfer.

Chassés de leur refuge par des bombes incendiaires, ils s'élancèrent sur l'ennemi. Abattus par petits groupes, les corps des dix maquisards seront brûlés par les Allemands sur des fagots arrosés d'essence.

De la même trempe était Louis RACHINEL, de Saint-Lô. Dès le début de 1941, il s'engage à Paris dans l'Organisation Spéciale (O.S.) créée par le parti communiste clandestin pour lutter contre l'ennemi. Il devient bientôt le chef du groupe " Victor Hugo " du Mouvement de Résistance, les Francs-Tireurs-Partisans (F.T.P.) dont la mission consiste non seulement à détruire par des sabotages répétés les moyens de communication, mais aussi à attaquer par surprise à main armée tout groupe de militaires allemands passant à sa portée.

Recherché activement par la police de Vichy et par la Gestapo, le groupe sera démantelé ; la plupart de ses membres seront arrêtés et déportés. Louis RACHINEL constamment traqué doit quitter Paris en septembre 1943, pour opérer dans le département du Var. Mais il est arrêté à Avignon le 2 février 1944. Transféré à la prison de Marseille pour être jugé, il est condamné à mort. Il sera fusillé le 31 mai 1944 avec cinq de ses camarades dans les environs de Montpellier.

A ces victimes, associons le souvenir :

- du jeune Guy MOQUET dont la famille est originaire de Bréhat fusillé à 17 ans, le 22 octobre 1941, à Châteaubriant avec 47 otages chantant la Marseillaise " sous les poteaux d'exécution ;

- des frères Lucien et Marcel COLIN, étudiants à Caen dont les parents avaient des attaches à Saint-Pierre-Église. Pris comme otages, en représailles d'attentats commis dans la région, sur la voie ferrée, ils seront déportés au camp d'extermination d'Auschwitz où ils mourront en 1943 ;

- et de M. et Mme COURAYE du PARC, d'Annoville, membres du mouvement " Libération-Nord ", arrêtés à Angers, le 21 février 1944, décédés l'un le 5 mars 1944 au camp de concentration de Buchenwald, l'autre à celui de Ravensbruck après la libération de ce camp. le 5 août 1944.

AUTRES VICTIMES DE LA RÉPRESSION NAZIE

Nous ne saurions oublier de citer les noms de ceux qui, luttant individuellement contre les prétentions allemandes, ont été, après un jugement sommaire, condamnés à être fusillés ou transférés dans les camps de concentration.

Nous y avons ajouté. tant le crime a été monstrueux, la funèbre liste des innocentes victimes, hommes. femmes, enfants, d'origine israélite, transférés au sinistre camp d'Auschwitz, où elles furent asphyxiées. puis brûlées dans les fours crématoires.

APRÈS LA TOURMENTE

Depuis plus de quatre ans, la Résistance, d'abord faible et tâtonnante dans les débuts de I' occupation, mais résolue et confiante, s'est beaucoup amplifiée notamment à partir de 1943 par l'engagement de nombreux jeunes réfractaires au S.T.O. Peu à peu, les divers groupes qui la composaient ont compris la nécessité d'agir en commun. Bien que trop souvent démunis des armes indispensables et souvent désorganisés et dispersés par l'écrasement sous les bombes de la plupart des villes ou bourgades, ils ont rempli avec détermination les tâches assignées par le Commandement allié.

Ils ont été aidés et parfois suppléés par de patriotes non engagés, et c'est pourquoi nous n'avons fait nulle différence entre eux. Beaucoup sont morts pour la libération de la France, fusillés, abattus sans jugement, disparus dans les camps de concentration ou écrasés sous les ruines de la prison de Saint-Lô.

La longue liste de leurs noms, inscrite en lettres d'or sous le porche de cette geôle, témoigne de la grandeur de leur sacrifice.

L'administration préfectorale dirigée par un universitaire, résistant du Calvados, Édouard LERAS, s'installe à l'École Normale d'institutrices de Coutances, épargnée par le bombardement sévère de cette cité.

Avec le concours du Comité départemental de Libération (C.D.L.), il lui faut assurer le ravitaillement et le relogement provisoire des Populations de nombreuses villes et communes sinistrées : près de 400 sur les 647 du département. Certaines comme Saint-Lô, Montebourg, Périers. Sourdeval sont presque entièrement détruites, d'autres comme Mortain, Avranches, Lessay, Valognes, La Haye-du-Puits, sont très sévèrement touchées. De petites communes situées sur le front de bataille, près de Saint-Lô ou de Mortain, sont complètement anéanties.

Dans la Liberté retrouvée, le département pansera ses plaies. Aidé par le dévouement des fonctionnaires de la Préfecture, en majorité des résistants, le Préfet des Ruines " fera face, avec succès, à cette énorme tâche.

Au plus vite, il faut rétablir les communications ferroviaires et routières afin d'assurer le ravitaillement des populations, trouver ou construire des baraquements pour mettre à l'abri et loger les 260.000 sinistrés et réfugiés, dont un grand nombre, ayant tout perdu. sont devenus des nécessiteux. Ainsi 20.000 réfugiés de Saint-Lô. Coutances, Périers et d'autres localités du centre de la Manche trouveront un asile provisoire dans la zone s'étendant d'Agon à Lessay.

Beaucoup sont préoccupés par le sort des Prisonniers, des requis du S.T.O. dont on ne recevra plus de nouvelles, des Déportés dont le sort cruel est alors inconnu.

Chacun reprend espoir en apprenant la rapide avance des troupes américaines vers Paris. Cependant l'ennemi ne lâche pas facilement sa proie : le 15 août, alors que notre département vient d'être libéré, les nazis font partir de Compiègne le dernier convoi emmenant des résistants, déportés dans les camps de concentration en Allemagne !


Le 2 août, la 2
e Division blindée du Général LECLERC débarque sur nos côtes du Cotentin, à Saint-Martin-de-Varreville. Traversant notre département jusqu'à Saint-James, elle s'empare d'Alençon le 10 août.

Tandis que la capitale s'insurge contre les Allemands, les premiers éléments de la 2e D.B. conduits par DRONNE arrivent le 24 août à l'Hôtel-de-Ville de Paris, tenu par les F.F.I. Le lendemain, ceux-ci accueillent le Général de GAULLE, chef de la France Libre.

Le 23 novembre, la prestigieuse formation libère l'Alsace et entre à Strasbourg. Le 7 mars 1945, elle franchira le Rhin et terminera sa fulgurante offensive à Berchtesgaden, résidence d'été de HITLER.

Les prisonniers, les requis, rentrent dans leurs foyers. Ce ne sera qu'en fin mai ou début de juin que les rares rescapés des camps de concentration pourront être soignés, puis rapatriés.

Le Département pourra alors panser ses plaies et redevenir un des plus prospères de France.

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