Vivre et survivre en janvier 1942 à Cherbourg
Pièce retrouvée grâce au détecteur de métaux |
A l'appel du chef de la France Libre, les Cherbourgeois inaugurent l'année 1942 en désertant les rues de leur cité pendant une heure, "l'heure d'espérance".
L'espérance apparaît comme un sentiment réservé à quelques privilégiés en ce premier semestre qui, de l'avis de nombreux contemporains, est assurément le plus noir de cette sombre période.
Jamais, en effet, les restrictions ne seront aussi sévères dans l'agglomération cherbourgeoise. Les petites gens, les ouvriers au chômage, souffrent de la faim. La disette engendre de nombreux délits.
Le Secours National envisage de créer une "ceinture potagère" autour de la ville afin de pallier les défaillances scandaleuses du ravitaillement.
Ce sera un échec et personne ne sera surpris de voir sur les murs des affiches manuscrites réclamant de la viande et du pain.
Les "sabotages" se multiplient durant ces semaines sinistres. Il s'agit exclusivement de coupures de câbles téléphoniques qui irritent vivement l'occupant Allemand et qui entraînent plusieurs arrestations.
Dans la plupart des cas, ces "sabotages" sont purement accidentels et provoqués par le passage des camions ou par la chute des éclats d'obus de D.C.A.
Mais les Allemands feignent de l'ignorer et sévissent.
En janvier et en février 1942, les Saint-Lois et les Cherbourgeois voient s'éloigner les derniers prisonniers de juin 1940. Au départ des convois, les hommes chantent "La Madelon" et les femmes n'hésitent pas à faire le coup du parapluie contre les feldgendarmes. L'émeute gronde ...
Samedi 11 janvier 1942
Pour la ménagère, l'année commence sous de mauvais auspices, même si les difficultés de la table l'auréolent d'un prestige domestique tout neuf. Ces difficultés font l'objet de tous les propos, elles bouleversent les habitudes et abolissent les plus solides traditions commerciales.
Depuis une semaine, la carte de lait est obligatoire dans la Manche et le lait écrémé devient aussi rare que les légumes, la viande ou le poisson.
La sécheresse de l'automne puis les rigueurs de l'hiver ont considérablement retardé les plantations du Val de Saire.
Les producteurs de Tourlaville et de Bretteville ont toutefois pris l'engagement de réserver à Cherbourg la plus grande partie de leur récolte.
Avant-hier, au cours d'une réunion à la sous-préfecture, le directeur du ravitaillement a promis que "dès demain, les bouchers disposeraient de quantités de viande suffisantes".
Hélas, il faudra se contenter des sempiternelles saucisses et des tranches de pâté transparentes !
Où sont passées les 50 vaches achetées le 1er janvier à Saint-Pierre-Eglise par la commission municipale ?
L'inscription obligatoire des consommateurs dans les boucheries de leur choix améliorera-t-elle les choses ?
Tout ce qui parvient jusqu'à la halle fait figure de denrée de luxe. Le vulgaire sac de coques a augmenté de 500% en 5 mois.
La création d'un bureau spécial de contrôle de la pêche n'est qu'une amère plaisanterie du Hafenkommandant.
Dans ces conditions, le marché noir se développe partout au préjudice des plus pauvres. Ces jours derniers, des rabatteurs parisiens se sont fait rafler à Avranches et à Coutances.
Enfin, le mécontentement commence à s'exprimer jusque sur les murs : des affiches manuscrites y ont fait leur apparition pour réclamer tout simplement "de la viande et du pain".
Exemple de tarifs sur diverses denrées alimentaires :
Prix en francs en 1942
1 kg boeuf : 72 francs (au marché noir : entre 150 et 250 francs)
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