Exercice Manticore : le prélude d'Orion
En 2023 les armées se déploieront pour le plus gros exercice de ces 50 dernières années : Orion. Pour s’y préparer l’armée de Terre à pour la première fois, mixé les trois exercices annuels majeurs de la 11e BP, de la 4e BAC et du COMFST. Pendant quatre semaines, près de 3 000 militaires ont conduit des opérations entre l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine.
Durant les premiers mois de 2023 devrait se dérouler en France l’exercice ORION, grand exercice de niveau division, qui doit faire la démonstration des capacités françaises dans le domaine, et donnera l’occasion d’un nouvel état des lieux et d’un point d’avancement sur certains chantiers de régénération et de modernisation, notamment, des forces terrestres. ORION étant l'acronyme pour "Opération d’envergure pour des armées résilientes, interopérables, orientées vers la haute intensité, et novatrices". #passionacronyme Dans la continuité de précédents jalons récents, comme l'exercice Warfighter 21-4 mené l'année dernière aux États-Unis.
Cet exercice, complexe, s’inscrit dans une actuelle hausse de l'effort de préparation opérationnelle, afin que les forces terrestres soient mieux préparer. Et qu'elles se préparent à des opérations relativement différentes dans la forme de celles connues au cours des dernières années. Avec des engagements plus durs, des changements d’échelles, et dans différents champs. D’où le renforcement nécessaire des moyens consacrés à la préparation opérationnelle, avec un changement d’échelle des exercices, en rehaussant les difficultés (une durée des exercices s’allongeant, une coordination nécessaire de diverses capacités, des forces adverses renforcées, etc.) et l’ampleur : "La haute intensité, ce n'est pas que le nombre de chars. C'est la saturation dans tous les domaines : flux logistiques, nombre de blessés, flux électromagnétiques… C'est le retour de la masse : il faut pouvoir s'entraîner avec de plus gros volumes de forces"
Comme le précise un rapport parlementaire, reprenant l'idée de manoeuvre générale de l'armée de Terre à propos de la prépération opérationelle : "Certains domaines comme la cyberdéfense, la lutte anti-drones, la navigation terrestre ou la prise en compte des effets dans les champs immatériels sont désormais associés à tous les niveaux de la programmation opérationnelle et intégrés systématiquement dans l’élaboration des exercices interarmées ou interalliés. En outre dans le cadre de la Haute Intensité, l’armée de Terre opère un durcissement de l’entraînement des forces terrestres. Elle augmente la complexité de ses entraînements par la constitution d’une force d’opposition à niveau égal, apte à la défier dans tous les domaines du combat mais aussi par la réalisation de grands exercices du niveau divisionnaire, dont la première occurrence, ORION, se tiendra en 2023. Par ailleurs, elle adapte les conditions intellectuelles et matérielles de sa préparation opérationnelle, en mettant en œuvre de nouvelles méthodes de formation et d’entraînement fondées sur la maîtrise de la technologie, la résilience face à sa disparition, l’initiative et l’endurance".
D'un déroulé longue durée
L’exercice HEMEX-ORION (HEMEX pour Hypothèse d'engagement majeur - Exercice) est prévu en plusieurs temps, entre février et mai 2023, avec quatre séquences principales :
- La phase O1 consistant en une période de planification opérationnelle ;
- L’activité O2 comprenant la projection et l’intervention d’une force équivalente à l’Échelon national d’urgence (ENU), récemment modernisé, qui garantit une capacité de réaction autonome aux crises ;
- La phase O3 prenant la forme d’un séminaire interarmées et interministériel, permettant d’étudier l’adaptation de la posture opérationnelle de défense en cas d’affrontement majeur (s'appuyant potentiellement sur des moyens de Wargaming) ;
- La phase O4, à partir d'avril, qui verra l’engagement en coercition, à terre, d’une division multinationale après une campagne aérienne censé permettre la conquête de la supériorité aérienne et son maintien.
Il s’agira, sous la houlette de la 3è division, de remettre à la fois la brigade au cœur du déploiement (niveau rarement vu ces dernières années en entier), la division comme intégrateur des effets interarmes-interarmées sur les lignes de fronts comme sur les arrières, et, globalement, de faire effort important sur les soutiens. Plus que de se concentrer sur une période plus ou moins longue, il est prévu de l’inscrire dans un temps long, représentatif d’une montée des tensions, et d’un passage de la phase de contestation à celle de l’affrontement, selon le triptyque cher à l’actuel chef d’état-major des armées.
Comme le résume en interview le commandant des forces terrestres, le général Guionie :
"L’exercice Orion sera un rendez-vous majeur qui, durant quatre mois, va nous permettre de retranscrire tout l’enchaînement d’une crise. La séquence majeure pour l’armée de Terre étant la dernière, à savoir celle qui se déroulera au mois d’avril. Cette phase verra le déploiement d’une division dont l’objectif sera de figer une situation et d’empêcher un adversaire de mettre en œuvre une politique du fait accompli".
Le cœur de la manœuvre doit avoir lieu sur le pôle des camps d’entraînement de Champagne, soit les camps de Mailly-Le-Camp, Mourmelon-Le-Grand, Suippes et dans une moindre mesure Sissonne et Moronvilliers. Avec une concentration géographique rare à l’échelle de la France, ces camps permettent, via leurs étendues, leurs champs de tir, leurs infrastructures de soutien, et aussi leur proximité, de faire manœuvrer en simultané un large ensemble de troupes, tout en menant, dans de bonnes conditions, des tirs en réel de différents moyens (artillerie, cavalerie, air-sol…). Avec des séquences en terrain libre facilitées par l’habitude notamment des collectivités territoriales et des habitants à voir passer et repasser les militaires.
Des séquences, notamment plus interarmées, devraient avoir lieu également sur d’autres camps, notamment au camp de Canjuers (dans le Sud de la France) et sur le littoral méditerranéen, avec une présence plus marquée de l’armée de l’Air et de l’Espace et de la Marine nationale. Ainsi selon un des futurs concernés, "Orion va commencer en février ou mars, dans le sud, sur Sète et dans le Larzac". Pour un exercice appelé à être rejoué tous les 3 ans, en s’intégrant dans le cycle de préparation opérationnelle au niveau interarmées, et avec des scénarios et des déroulés qui ne manqueront pas d’évoluer édition après édition.
De la masse
Le volume exact de forces déployées, la maquette, est loin d’être arrêté, et devrait encore évoluer dans les prochains mois, du fait d’un ensemble de paramètres (niveau d’ambition recherché, niveau de mobilisation du fait des opérations, niveau de disponibilité des équipements…). L’ambition est néanmoins de faire participer l’intégralité des capacités détenues par l’armée de Terre française, même si, pour certaines, rares, cela sera à des niveaux très réduits. A l'inverse, certains moyens (notamment lourds : chars, artillerie, etc.) devraient voir des niveaux de déploiement rarement vus depuis bien des années...
L’ambition du chef d’état-major de l’armée de Terre est de tenir effectivement à cette occasion l’ensemble du contrat opérationnel : soit 10.000 hommes déployés sur le territoire national en quelques jours (notamment via l'appui des unités de réserves), un engagement de 15.000 hommes dans une coalition (soit l’Hypothèse d’engagement majeur - HEM), l’échelon national d’urgence (ENU), et cela, en plus de la Situation opérationnelle de référence (SOR) qui devra être maintenue. En parallèle, en effet, les opérations réelles en cours seront maintenues : la suite de l’opération Barkhane ne sera pas terminée, les déploiements à l’Est ne devraient pas l’être également, l’opération Harpie en Guyane pas plus, les pôles opérationnels de coopération régionale ne seront pas pour autant vidés, les forces prépositionnées seront toujours armées, etc. Soit arriver à une forte mise sous tension, temporaire et voulue, du système armée de Terre, entre unités s'entraînant, unités se préparant à partir, unités déployées (en France et à l’étranger) et unités en revenant.
En somme, un scénario qui, de manière simulée ou réelle, impliquera "17.000 à 20.000 hommes et 500 véhicules de l'armée de Terre, 2 porte-hélicoptères amphibies (PHA), le porte-avions Charles de Gaulle pour la Marine Nationale et 40 avions de l'armée de l’Air et de l’Espace", précisait le précédent chef d’état-major des armées, sans donner tous les éléments (comme l’escorte du porte-avions, et autres). la mobilisation réelle pourrait être plutôt autour d'un peu plus de 7000 militaires en simultané, avec des pics à 10.000 lors de certaines séquences. Et grâce à la simulation, et aux alliés, la masse pouvant aller jusqu’à 60.000 hommes environ.
Faire et faire savoir
L’ensemble de la séquence sera aussi l’occasion d’expérimenter, en réel comme en simulé, de très nombreux points, en profitant d’une opportunité rare à ce jour de s’intégrer dans un tel exercice. Les expérimentations auront autant lieu du côté des matériels, des capacités en tant que telles, de leur emploi et de la doctrine, etc. Et cela pour les différentes chaines fonctionnelles. Le Commandement des forces terrestres (CFT) coordonnant, en liaison avec l’état-major de l’armée de Terre, la convergence des évolutions pour pouvoir les voir à l’œuvre lors de l’exercice.
A titre d’exemple, un volet de Lutte informatique défensive (LID), plutôt costaud sera inclus (liant l'exercice à la 10è édition de l'exercice annuel Defnet)), avec des séquences qui ne manqueront pas d’être jouées en mode dégradé (avec l’absence de liaison par satellite, dans des phases dites "Back to the 80s", soit parce que la liaison a été brouillée totalement ou partiellement par l’adversaire, soit par choix du commandement comme une contre-mesure aux moyens adverses de détection). Des évolutions dans le domaine des leurres à grande échelle, ou des effets dans les champs immatériels, notamment lors de la 4ème partie (période où l'intégralité de l'environnement sera simulé), dont la guerre électronique, parfois difficile à simuler du fait des contraintes de diffusion des ondes, seront également mises en œuvre.
C’est également le cas dans le domaine de la robotique et des drones. La section expérimentale dédiée, dite Vulcain, a été mise en place en 2021. En lien avec le Battle Lab Terre (BLT), qui l’accompagne dans sa montée en puissance actuelle, elle explorera les différents emplois potentiels de robots, de drones et d’unités robotisées (notamment dans le domaine logistique), et évaluera les gains opérationnels et tactiques de la robotique, ainsi que ses limites. 2023 étant un jalon majeur avant la mise en place en 2025 d’unités dites pilotes au sein des fonctions opérationnelles pour poursuivre l’appropriation de ces systèmes robotisés. Ou pour des nouveaux véhicules, des très connus (du programme Scorpion notamment), aux moins connus. Comme le "fardier", véhicule particulièrement attendu par les troupes aéroportées, qui espèrent pouvoir le déployer en 2023.
2023 est aussi l’année du jalon politico-militaire de projection possible d’une brigade interarmes scorpionnisée (BIA-S), suite du GTIA équipé de blindés Griffon et du système SICS déployé en 2021 sur l’opération Barkhane au Sahel. Projection d’une BIA-S, autour de la 6è brigade légère blindée (pouvant inclure un sous-GTIA belge d’ailleurs) attendue pour le second semestre 2023, et qui verra donc sa dernière grande répétition générale lors de l’exercice. Quelques mois auparavant sera publiée la version définitive de la doctrine de la BIA-S, et 2023 sera aussi l’année d’un nouvel incrément Scorpion, permettant, au-delà de l’étape "continuité des échanges" aujourd’hui atteinte (géolocalisation ami et ennemi, partage de la situation tactique, phonie…), de parvenir à l’étape "autoprotection" (avec capteurs + radios Contact VHF + SICS). Et cela, avant l’étape ultime de cette approche incrémentale : "protection collaborative en temps immédiat" (avec les radios Contact VHF et UHF).
De la préparation
Mener un tel exercice demande plusieurs mois de préparation. Une première réunion de travail s'est tenue en ce sens mi-septembre 2021 au Commandement pour les Opérations interarmées, avec sa division préparation-expertise en tête. Réunion visant à débuter la préparation de l’exercice, avec pas moins de 40 présents, issus des armées, directions et services, pour élaborer le calendrier de montage et d’exécution, et en établir les spécifications : "Cette phase de spécification vise à préciser le cadre de travail des organismes entraînés ou chargés d’animer, d’évaluer et de soutenir l’exercice et ainsi permettre aux joueurs d’orienter leur préparation et aux organisateurs de mobiliser des ressources". Un grand nombre de bureaux de différents états-majors, notamment ceux des fonctions n°7, qui selon la nomenclature OTAN est en charge des exercices et du retour d'expérience, est concerné par cette préparation. Afin d’orienter les travaux, solliciter les contributeurs pour le montage et la réalisation de l’exercice, etc.
Fin 2021, une société canadienne, a été retenue pour élaborer le scénario et le script d’exercice des 4 phases (toutes liées à un même scénario). Une première pour cette société que de travailler avec les armées françaises, qui a été choisie en fonction de sa solide expérience dans la gestion d’exigences de formation complexes tout en garantissant un délai réduit pour l’acquisition de ces compétences. La société est experte "en matière d’amélioration du réalisme d’exercices", proposant scénarios, mentors, figurants, interprètes… à déjà plusieurs armées. Les délais contraints, le manque d’expérience pour un exercice d’un tel niveau, les ressources humaines réduites en états-majors (qui ont connu eux aussi leur lot de réductions d'effectifs au cours des dernières années…) ont conduit à se tourner vers cette société pour l’élaboration d’un scénario complexe et réaliste (situations fictives, cartes, données, dossiers de présentation, événements à imaginer et injecter, etc.). L’exercice étant chapeauté par le Corps de réaction rapide-France (QG CRR-FR), c’est à eux que reviendra la mise en œuvre de l’exercice comme DIREX (directeur d'exercice). Le QG CRR-FRFR emploie 450 personnes, dont 70 officiers et sous-officiers non français provenant de 12 pays différents de l’Union européenne et de l’OTAN. Il est engagé dans un cycle de dans un cycle de montée en puissance qui l’amènera à être en mesure de commander de 60 à 70 000 hommes à l’horizon 2025, contre 40 000 actuellement. Orion 2023 constituant à ce titre un échelon majeur après l'exercice à venir Loyal Leda en 2022, et d’autres échéances, comme en Pologne, pour passer à une structure de niveau "corps" baptisée "Warfighting Corps", après avoir été certifié LCC - Land Component Command de la NRF22) il y a quelques mois.
Un tel exercice s’anticipe également, car il doit servir à orienter la préparation individuelle et collective de tous les niveaux, ainsi que la disponibilité des matériels à l’instant t, qui sont intégrés dans des cycles de maintenance (notamment préventive) complexes, à base de petites et grandes visites, et avec la mise à disposition à anticiper de potentiels d’heures de vol, de nombres de tirs réalisables, de kilomètres à parcourir, etc. Comme l’indique, le général Guionie, le commandant des forces terrestres : "En 2022, l’une des priorités majeures de la préparation opérationnelle, hormis les cycles relatifs aux OPEX et missions en cours, sera d’organiser toutes les activités préliminaires à la tenue d’Orion. Cela impliquera de faire des choix, dont certains sont en train d’être fixés en ce moment-même, essentiellement sur le second semestre 2022".
Les exercices actuellement menés et ceux menés d’ici le lancement effectif d’Orion participent à cette montée en puissance. C’est le cas actuellement des exercices Brilliant Jump et Cold Response en Norvège, ou, au second semestre 2022, d’un exercice de préparation du poste de commandement de la 3è division, "qui comprendra un volet logistique, car il s’agira de tester l’organisation de la zone de déploiement opérationnel, pour éprouver notre capacité à accueillir et à soutenir les différentes unités françaises et alliées concernées". L’exercice Orion est la juxtaposition et la mise en cohérence réfléchie de plusieurs exercices qui étaient faits de manière décentralisée, au niveau opératif (Defnet pour la Cyberdéfense avec des partenariats plus nombreux avec les industriels pour travailler sur les procédures cyber sur des équipements réels, Baccarat pour l’ALAT, mais aussi pour certaines autres fonctions : logistique, renseignement…). Ce qui oriente les planifications et cycles opérationnels de nombreuses unités, tendues vers ce projet stratégique comme défini dans la vision stratégique du précédent CEMAT, et repris par l’actuel.
C’est également le cas pour des exercices de moindre ampleur, comme l’exercice Dompaire de la 2è brigade blindée mené fin 2021. Ou Argentan début 2022. Des exercices qui ont permis de s’entraîner à faire manœuvrer des forces importantes, en faisant face à une forte létalité, une forte consommation logistique, notamment en munitions, en mettant les postes de commandement dans des situations de vulnérabilité, dans un tempo élevé, etc. C’est aussi le cas sur les aspects de soutien logistique, avec la montée en gamme du 9è RSAM (notamment de son escadrille d'approvisionnements pour garantir flux et stocks de pièces au plus prêt des opérations), par exemple, pour soutenir les moyens de maintenance régimentaires de l'ALAT. Pour les Transmissions avec le 53è RT régiment leader sur son domaine pour le futur exercice, menant plusieurs exercices de préparation. Pour le matériel et le train, qui seront très lourdement sollicités, avec le 8è RMAT par exemple. Ou encore le 31è régiment de Génie (RG) comme régiment d’appui divisionnaire. Ou, pour la Gendarmerie Nationale, les différentes actions de partenariat menées avec l’armée de Terre, permettant de hausser le niveau d’entraînement, jusqu’à la participation à l’exercice, notamment pour les aspects de sécurisation des arrières.
Selon le commandant des forces terrestres, le général Guionie, "Nous créerons une animation de réseau permanente qui, chaque jour, engendrera des évènements sur l’ensemble de ce théâtre imaginaire et dans tous les champs de la conflictualité, qu’ils soient physiques ou immatériels". Il s’agira de s’entraîner à la fois en simulation, sur les camps militaires et en terrain libre, intégrant dans la manœuvre les deux champs de confrontation informationnel et électromagnétique et leurs effets.
Le site de Mailly-le-Camp accueillera bientôt un bâtiment d’entrainement aux postes de commandements pour l’exercice Orion. Une extension du centre d’entraînement et de contrôle des centres de commandement (CECPC) est donc prévue. Soit des crédits en infrastructures et en entraînement en hausse sur les espaces d’entraînement de différents niveaux (1 à 3), pour les camps de manœuvre, les champs de tir, la simulation, etc. Les marches d’escaliers des augmentations de crédits des années 2023 et 2025 permettront très directement une remontée en puissance des entraînements de l'armée de Terre, dès 2023.
Un récent rapport parlementaire notait aussi que : "La recréation d’une force adverse (Forad) crédible, avec un général à sa tête est aussi un prérequis pour améliorer la qualité de l’entraînement dans les camps de Champagne". Si la nécessité de mettre ou non un général à la tête d'une FORAD permanente se discute, l'intérêt de posséder une FORAD de bon niveau, et assez importante, est par contre indéniable.
Aujourd’hui les moyens de FORAD reposent principalement sur le 5è régiment de Dragons, recréé en juillet 2016, et qui a pour mission de renforcer la force opérationnelle terrestre (FOT), apporter son savoir-faire aux expérimentations menées par la force d’expertise du combat Scorpion (FCES), mais aussi fournir une force d’opposition interarmes adaptée à la préparation opérationnelle menée notamment au CENTAC. Il le fait via sa structure relativement unique, en étant composée de 3 escadrons de chars, 2 compagnies d’infanterie, 1 escadron de reconnaissance et d’intervention, 1 compagnie d’appui mixte (artillerie et génie) et 1 escadron de commandement et de logistique (en plus d’une compagnie de réserve). Soit plus de 1.300 militaires qui peuvent remplir cette mission. Mais aussi des éléments de la 1ère compagnie FORAD du CENZUB, avec une compagnie renforcée, et augmentée depuis quelques années (avec une section d’infanterie, un peloton de chars et un groupe de génie additionnels).
Des soutiens en haute intensité
Les soutiens devraient être évidemment intégrés à cet exercice interarmées de grande ampleur. Début 2022, le directeur central du Service du commissariat des armées (SCA) lançait plus officiellement la feuille de route du SCA pour les 10 prochaines années, déclinaison directe de la vision du CEMA et du modèle d’armées Ambition 2030 : "Il faut passer d’une armée équipée à une armée entraînée à des affrontements dans le cadre de l’hypothèse d’engagement majeur (HEM)".
Un des premiers jalons, très opérationnel, qui orientera la transformation du SCA est justement l’exercice Orion de 2023, où le SCA sera "à la fois joueur et acteur du soutien", avec des chantiers à mener d’ici là pour atteindre l’objectif stratégique de "consolider la vocation opérationnelle et la résilience". Cela doit conduire le SCA à garantir la permanence du soutien des forces, consolider la préparation individuelle du combattant et métier au sein du SCA ou encore être en mesure de répondre à l’HEM.
Avec des chantiers à mener sur la posture permanente du SCA, la résilience de chaque fonction, la disponibilité des matériels et des systèmes d’information, la maitrise des dépendances entre régie et externalisation, le juste niveau et la préparation des stocks, parcs et flux, la mise en place de plots de soutien sur les camps d’entraînement, la préparation opérationnelle individuelle et collective, garantir un socle de ressources humaines sur certains viviers critiques, etc. Pour le SCA, l’effort se poursuit de mise sous tension opérationnelle, en consolidant l’intégration du SCA dans le processus de planification de l’EMA sur l'exercice.
Pour le Service de Santé des Armées (SSA), l’exercice arrivera 2 ans après le lancement de son plan stratégique "Ambition SSA 2030", et doit permettre de valider les efforts faits depuis, afin de, notamment, faire face à des pics d’activité médico-chirurgicale par des effectifs sur-sollicités. Il s’agira d’évaluer les mesures prises pour "Se préparer à un soutien médical opérationnel d’un engagement majeur ou de haute intensité, dans un contexte tactique complexe". Le retour d’expérience de l’exerice Warfighter 21-4 ayant été particulièrement riche dans le domaine.
Une ligne d’opérations qui conduira à des travaux sur les plafonds d’effectifs, revus à la hausse, l’apport optimal des réservistes, les efforts sur la prise en charge des blessés via des véhicules Scorpion pour le soutien sanitaire, dynamique et protégé, afin de pouvoir suivre la manœuvre santé au niveau tactique, le calibrage des ressources entre maîtrise nationale et capacité de production en interne d’une part, et appui auprès de fournisseurs issus notamment du service santé civil d’autre part, le renforcement du savoir-faire militaire du personnel du SSA, etc.
Et aussi, comme le dit un récent rapport parlementaire, "En haute intensité, le SSA devra aussi pouvoir compter sur ses alliés, car certains segments tels que le renforcement des capacités de chirurgie de stabilisation, d’hospitalisation de théâtre et d’évacuations médicales stratégiques semblent particulièrement propices au développement de coopérations internationales (avec la Belgique, le Royaume-Uni, le Luxembourg, l’Allemagne ou les États-Unis par exemple) ainsi qu’au pourtour des zones de conflit". Avec ce genre d’exercices pour s’y préparer.
La liste des présents pourrait encore largement évoluer, et certaines invitations sont encore à ce jour en attente de réponses fermes. Il est néanmoins évoqué la présence d’un bataillon belge et de moyens santé, un état-major britannique (avec également l’équivalent d’un bataillon interarmes), des appuis et des soutiens américains (en particulier dans le domaine de l’artillerie longue portée, et éventuellement des moyens de franchissement), et des moyens espagnols (possiblement des hélicoptères de transport). Des éléments, plus réduits, en provenance d’Allemagne ou d’Italie pourraient également participer, sans que leur présence ne soit encore assurée.
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