Charles de Gaulle et la 1ère Guerre Mondiale
Charles de Gaulle |
Lors de la fameuse et désastreuse offensive du Général Nivelle (le Chemin des Dames) dont la France a célébré le centenaire ces dernières semaines, le Capitaine Charles de Gaulle était en captivité en Allemagne.
Le journal du Chemin des Dames d'octobre 2015 avait consacré un article sur "les faits d'armes de Charles de Gaulle au Chemin des Dames" très intéressant dont voici les principaux éléments.
Tout le monde a retenu sa blessure le 15 août 1914 lorsqu'il prend part aux combats en tentant de défendre le passage de la Meuse dans la ville de Dinant à la tête de la 1ère section de la 11ème compagnie du 33ème R.I. ainsi que sa capture à Douaumont devant Verdun en mars 1916, entraînant une captivité de 32 mois en Allemagne, malgré 5 tentatives d'évasion, jusqu'en 1918.
C'est la pensée militaire et politique de l'homme de la France Libre qui s'est forgé en partie durant cette 1ère Guerre Mondiale.
De gauche à droite : Général De Gaulle et D. Eisenhower |
La 7ème Compagnie sera sans cesse sous le feu des Allemands, le Lieutenant de Gaulle notera dans son journal à la date du 23 octobre, avoir été "réveillé à 6h00 par un obus de 105 qui éclate dans un arbre, à 3 m de ma casbah.Quel chahut !"
Alors que le conflit s'enlise dans la guerre des tranchées, il écrit : "Il me faut regagner la compagnie à quatre pattes dans les boyaux, car des centaines de balles passent au ras des parapets. L'artillerie s'en mêle, c'est un barouf épouvantable !".
Une guerre qui le contrarie
Cette guerre d'un nouveau genre le contrarie : "nous faisons la guerre de sape et occupons de temps en temps une tranchée ennemie, mais à 50 mètres derrière, il y en a une autre. De temps en temps, la nuit surtout,ou au moment des relèves, il y a des fusillades épouvantables d'une tranchée à l'autre, sans aucun résultat bien entendu".
"En 1ère ligne, très peu d'obus. Mais en 2ème ligne, de nombreux coups de canon dont on se garde le mieux en s'enfonçant sous terre. Tout le monde est gaillard et disposé à l'offensive".
De Gaulle tente même en décembre 1914 de creuser une tranchée au bois du Bonnet Persan entre Craonne et Pontavert, et reçoit l'ordre d'arrêter de son commandant :
"laissez l'ennemi tranquille au Bonnet Persan, puisqu'ils nous laissent tranquille chez nous"
De Gaulle s'entête jusqu'à faire tirer sur les lignes ennemies avec des mortiers. On le relève de sa position dès le lendemain.
Le 15 décembre, le 33è R.I. reçoit l'ordre de rejoindre le Colonel Claudel puis le Colonel Boul'Hors dont il est l'adjoint à l'Etat-Major du Régiment.
Tous conviennent que le Lieutenant De Gaulle a apprécié, à la tête d'une compagnie, d'être au contact direct des hommes, faisant de l'autorité un "fait affectif".
Dans les tranchées, De Gaulle attachait un soin particulier à maintenir ses hommes occupés et en bonne santé.
Soucieux du respect de la discipline, il multipliait les inspections avec quelques remontrances à l'égard de ces hommes, quelques-unes suivies de punitions sans que cela n'atteigne l'estime que lui portent ses soldats.
Le 18 janvier 1915, il est cité à l'ordre de la 2è Division d'Infanterie et peut arborer à partir du 25 avril la Croix de Guerre avec étoile d'argent pour sa citation : "A exécuté une série de reconnaissance des positions dans des conditions périlleuses et a rapporté de précieux renseignements"
Il est nommé Capitaine à titre temporaire le 10 février 1915, avant d'être blessé à la main un mois plus tard alors que son Régiment subit de lourdes pertes en Champagne.
Une guerre de "terrassiers"
Après une convalescence de 3 mois, il retrouve l'Aisne le 19 mai 1915, dans le secteur de Pontavert, et aménage ses positions au Bois Matreau jusqu'à fin août où il rejoint l'Etat-Major du Régiment en étant promu Capitaine à titre définitif en septembre 1915.
Il rejoint le 33è R.I. à Berry-au-Bac le 21 octobre 1915 où il retrouve le commandement de la 10è Compagnie, constatant avec dépit que la guerre est devenue une affaire de terrassiers :
"Nous voici reparti pour la défensive et certains croient que c'est pour tout l'hiver. Nous allons maintenant recommencer à faire du terrassement" ...
Il en profite ainsi pour rédiger des pages entières de consignes où figurent les moyens de consolider les positions, d'établir des postes de garde, de surprendre l'adversaire.
Mais les crues de l'Aisne en décembre 1915 vont transformer les tranchées en océan de boue :
"Nous vivons dans l'eau comme des grenouilles, et pour en sortir, il faut nous coucher dans sos abris sur nos lits suspendus ... Mais pour rien au monde on ne nous fera quitter le terrain que nous tenons ici"
La nuit de Noël sera triste sous une pluie diluvienne.
Troubles et mutineries
Le Capitaine Charles de Gaulle restera devant Berry-sur-Bac jusqu'à la mi-février 1916 où il sera envoyé dans l'enfer de Verdun. Il sera fait prisonnier devant Douamont le 2 mars 1916 et connaîtra 32 mois de captivité qui sera pour lui une grande frustration.
Pendant ce temps-là, le 33è R.I. reviendra au Chemin des Dames en avril 1916 et participera à l'offensive dite "Nivelle" à Craonne le 16 avril 1917.
Il livrera son sentiment sur les troubles et les mutineries du printemps 1917 aux autres officiers prisonniers comme lui :
"la défaillance ultérieure de certaines unités n'a guère, à mon humble avis d'autres motifs que la démoralisation résultant de ces expériences lamentables où l'infanterie qui en fut l'instrument toucha le fond du désespoir.
Prise chaque fois entre la certitude de la mort sans aucun résultat, à deux mètres de la tranchée de départ et l'accusation de lâcheté qu'un commandement trop nerveux et du reste sans illusion lui-même, lui prodiguait aussitôt si ces pertes n'étaient pas jugées suffisantes pour que l'on put se couvrir avec ces morts vis-à-vis des échelons supérieurs".
Un découragement ressenti
Peu de temps auparavant, De Gaulle avait donné son avis sur "ces assauts sans illusions, exécutées contre des réseaux de fils de fer barbelés intacts et profonds où les meilleurs officiers et les meilleurs soldats allaient se perdre et se faire tuer comme des mouches dans des toiles d'araignées ..."
Lors du 50 ème anniversaire de la 2nde bataille de la Marne sur la butte Chalmont à Oulchy-le-Château le 18 juillet 1968, il évoquera "le découragement ressenti en 1917".
Comme il l'avait confié à sa nièce en 1945 : "La 1ère Guerre Mondiale m'a laminé"
Source : Paul Philippart
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