Les engagés volontaires en 1914
Après la guerre de 1870, la France comme l'Allemagne ont besoin de fonder leur légitimité.
En France, la République succède à l'Empire.
En Allemagne, la Monarchie Impériale vient piloter un Etat Fédéral.
Les Etats poussent leurs peuples à défendre la patrie. On cultive l'esprit de revanche grâce aux contentieux territoriaux et coloniaux.
On attise la xénophobie pour resserrer l'idée d'une identité et d'une supériorité nationale. Les valeurs portées par l'éducation - sens du sacrifice, du devoir, de l'effort, de l'héroïsme et de la loyauté - rendent la jeunesse ouverte à l'engagement .
Chacun voit la morale, religieuse ou laïque, de son côté et le principe d'une guerre paraît juste. Portés par cet élan, des adolescents, dont le plus jeune a 15 ans, des réformés, des vétérans de la précédente guerre que leur âge écarte de la mobilisation générale, provenant de toutes les classes de la société, s'engagent volontairement, en trichant parfois sur leur âge.
Au total, en France, ce sont 45 000 volontaires qui rejoignent les rangs des mobilisés au cours du conflit.
Extrait d'une lettre d'un Poilu pour sa femme avant son acte d'engagement volontaire pour la guerre :
Paris, le 7 août 1914
Ma chère Sally,
Avant de partir faire mon devoir envers notre pays d'adoption, la France que nous n'avions jamais eue à nous plaindre, il est de mon devoir de te faire quelques recommandations car je ne sais pas si je reviendrai. (...)
Je te laisse un gros fardeau que d'élever quatre petits orphelins que pourtant j'aurais voulu voir heureux car tu le sais que je n'ai jamais rien fait pour moi.
J'ai toujours pensé te rendre heureuse ainsi que nos chers petits. J'ai tout fait pour cela et pour finir, je n'ai pas réussi ce que j'ai voulu.
Je te remercie pour les quelques années de bonheur que tu m'as données depuis notre mariage hélas trop court, et je te prie d'avoir du courage, beaucoup de courage pour élever nos petits chérubins en leur inspirant l'honnêteté et la loyauté, en leur donnant l'exemple par toi-même, et je suis sûr qu'il ne te manquera pas de courage.
Parle-leur toujours des sacrifices au-dessus de ma situation que j'ai fait pour eux et qu'ils suivent mon exemple.
Quant à toi, je crois qu'il te restera des bons souvenirs de moi. Nous nous sommes aimés jusqu'à la fin et c'est ce souvenir et celui de ma conduite envers toi et envers tout le monde qui te donnera du courage de supporter le gros fardeau que je te laisse.
Une dernière fois, je t'engage à bien sauvegarder l'honneur de nos chers enfants en leur donnant de bons exemples et je suis sûr que cela répondra comme un écho quand le moment arrivera.
Je t'embrasse une dernière fois.
Ton compagnon de bonheur et de malheur.
Lazare
Extrait d'une lettre d'un Poilu à son Général :
Le 6 septembre 1917
Mon Général,
Je me suis permis de demander à passer dans l'infanterie pour des motifs d'ordre personnel. Mon cas est en effet assez différent de celui de la plupart des combattants.
Je fais partie d'une famille israélite, naturalisée française, il y a un siècle à peine. Mes aïeux, en acceptant l'hospitalité de la France, ont contracté envers elle une dette sévère ; j'ai donc un double devoir à accomplir : celui de Français d'abord; celui de nouveau Français ensuite.
C'est pourquoi je considère que ma place est là où les "risques" sont les plus nombreux.
Lorsque je me suis engagé, à 17 ans, j'ai demandé à être artilleur sur la prière de mes parents et les conseils de mes amis qui servaient dans l'artillerie.
Les "appelés" de la classe 1918 seront sans doute envoyés prochainement aux tranchées. Je désire les y devancer.
Je veux après la guerre, si mon étoile me préserve, avoir la satisfaction d'avoir fait mon devoir, et le maximum de mon devoir. Je veux que personne ne puisse me contester le titre de Français, de vrai et de bon Français.
Je veux, si je meurs, que ma famille puisse se réclamer de moi et que jamais qui que ce soit ne puissent lui reprocher ses origines ou ses parentés étrangères.
J'espère être physiquement capable d'endurer les souffrances du métier de fantassin et vous prie de croire, Mon Général, que de toute mon âme et de tout mon cœur je suis décidé à servir la France le plus vaillamment possible.
Veuillez agréer, mon Général, l'assurance de mon profond respect et de mon entier dévouement.
Henri Lange
(Source : Les Poilus de J.P Guéno)
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